L’actuelle pandémie a provoqué une forte pression sur les hôpitaux et les cabinets médicaux, qui ont dû se réorganiser et, souvent, annuler des traitements et interventions non urgents. Cette crise sanitaire sans précédent a rapidement modifié la manière dont les médecins fournissent des soins aux patients.
Alors que la télémédecine en est à ses balbutiements en Suisse comparé à d’autres pays comme les États-Unis, le Canada ou la France, les médecins, mais également les patients, ont réagi à cette crise par l’adoption rapide d’outils et de technologies numériques, accélérant de manière inespérée l’usage de la télémédecine et des soins virtuels. La télémédecine permet en effet de fournir une prise en charge rapide tout en minimisant l’exposition, afin de protéger les soignants en première ligne et les patients vulnérables chez qui le confinement est recommandé.1
Il est grand temps que les autorités suisses soutiennent clairement le déploiement de la télémédecine
Rapidement, de nombreux pays, dont la Suisse, adoptent une stratégie de tri à distance, de dépistage et de suivi par téléconsultation des patients positifs ou suspects pour le SARS-CoV-2 et leurs contacts. Des outils permettant une autoévaluation ou encore un traçage des sujets contacts avec envoi d’une notification de faire le test de dépistage voient le jour. Les soignants adoptent également les téléconsultations afin de garantir une continuité des soins pour les patients vulnérables en les maintenant à domicile, les salles d’attente étant devenues un lieu de potentielle contamination.
Les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), qui expérimentent depuis un an HUG@home, une application web permettant de réaliser des téléconsultations assistées d’une infirmière présente au domicile de patients de retour d’une hospitalisation, déploient rapidement à large échelle HUG@home dans tous les services ambulatoires, notamment en oncologie, pédiatrie, psychiatrie et médecine de premier recours. Au pic de la crise, le nombre de téléconsultations par vidéo (hors consultations téléphoniques) dépasse les 600 par semaine aux HUG avant de retomber à moins de 100 vidéoconsultations par semaine, essentiellement en psychologie et psychiatrie, après la reprise des consultations en face-à-face.
On voit ainsi que pour que la télémédecine soit efficace dans la gestion des situations d’urgence et de crises sanitaires nous devons veiller à ce qu’elle soit intégrée de manière appropriée dans nos services de santé et qu’elle devienne une pratique de routine pour les soignants et les patients.2
En effet, les innovations technologiques viennent bouleverser les fondements mêmes de notre pratique médicale traditionnelle et notre relation avec nos patients, conduisant à de nouvelles réflexions. S’il est prouvé que la télémédecine et les outils numériques contribuent à l’amélioration de l’accès aux soins et à la réduction de certains coûts, nous assistons aujourd’hui à de nouveaux développements pour le tri des urgences et le suivi de patients chroniques à domicile.3 Comme pour toutes les innovations technologiques, cette nouvelle pratique fait face à des freins d’ordre culturel, organisationnel, juridique mais aussi économique qui limitent son déploiement.
Cette crise a montré qu’il est grand temps que les autorités suisses soutiennent clairement le déploiement de la télémédecine. Il faut intégrer l’enseignement de cette nouvelle pratique dans la formation des médecins et des soignants plus largement. Les hôpitaux et les cabinets doivent être incités à s’équiper d’outils numériques fiables et sécurisés.
Enfin, le développement de la télémédecine ne peut être envisagé sans une revalorisation de la facturation des actes de télémédecine. Un vrai débat doit être ouvert avec les assureurs. Il faudra aussi mettre en place les garde-fous nécessaires afin d’assurer des soins de qualité et éviter une ubérisation de la médecine.