La pandémie de Covid-19 est le sujet d’actualité mondial tant par son ampleur que par ses immenses conséquences. Du point de vue médical, plusieurs facteurs de risque de développer une maladie sévère ont été établis dans la littérature, et l’immunosuppression en fait partie. Concernant les personnes vivant avec le VIH, plusieurs questions se sont posées : sont-elles plus vulnérables à l’acquisition de SARS-CoV-2, ou à une maladie Covid-19 sévère ? Ou au contraire sont-elles protégées par les antirétroviraux ? Cet article aborde ces deux pandémies et recherche des similitudes et des différences en termes de traitement, de guérison, de prévention et de recherche clinique. Nous décrivons brièvement quelques-uns des traitements antirétroviraux les plus innovants.
La publication, en 1981, de la série de cinq cas de pneumocystose touchant des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) marqua le début de ce qui deviendra la pandémie du 20e siècle,1 avec près de 75 millions de personnes infectées par le VIH et 32 millions de décès de maladies liées au sida. Depuis l’identification du SARS-CoV-2 comme virus responsable de la maladie qui sera par la suite dénommée Covid-19 et sa déclaration comme pandémie le 11 mars 2020, on recense au 19 novembre 2020 environ 56 millions de cas à travers la planète et 1,35 million de décès.2 En Suisse, à la même date, on compte un total de 279 572 cas et 3377 décès selon le rapport de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) du 19 novembre 2020, avec une hausse récente et rapide des décès au cours de la deuxième vague.
Comme dans l’épidémie du VIH, une course contre la montre est lancée dès le début de la pandémie pour trouver des traitements efficaces. Ceux existants ont été détournés de leur usage afin de trouver des thérapeutiques performantes dans un délai très court pour le Covid-19. Dans cet article, nous reviendrons sur le développement des traitements antirétroviraux et les perspectives en cours et verrons leur influence sur les recherches actuelles pour le Covid-19. Dans la très grande majorité des cas, les personnes atteintes par le Covid-19 guérissent complètement de leur maladie, ce qui n’est pas le cas des individus touchés par le VIH, mais les recherches fondamentales dans le but d’éradiquer le VIH sont intéressantes et s’intègrent dans une perspective multidisciplinaire, à l’intersection de l’oncologie, de la biologie moléculaire et de l’infectiologie.
La première molécule efficace utilisée dans le traitement du VIH est la zidovudine (AZT), un analogue de la thymidine et inhibiteur nucléosidique de la transcriptase inverse (INTI). L’AZT était initialement un agent anticancéreux et a été repositionné dans le traitement du VIH compte tenu de son effet in vitro sur les rétrovirus et de son efficacité clinique.3-5 C’est en 1987 que Fischl et coll. ont publié un essai clinique qui démontrait une baisse de la mortalité et de la fréquence d’infections opportunistes sous AZT comparé au placebo.6
Cet agent puis ceux développés par la suite, tels que les inhibiteurs de protéases (IP), dont la première molécule a été approuvée aux États-Unis en 1995, et les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI), approuvés en 1996,7 ont permis des traitements combinant différentes molécules (trithérapies) qui ont changé radicalement le pronostic de l’infection VIH.8 Ces traitements ont permis d’épargner des millions de vies à travers le monde et d’assurer un contrôle de cette pandémie. Dès lors, le dogme d’une combinaison de molécules antirétrovirales ne s’est jamais démenti, et ces approches combinées de médicaments ciblant différents mécanismes pourraient également servir de modèles dans le traitement d’autres maladies virales.
Comme il est désormais largement acquis depuis le Swiss Statement,9 les traitements antirétroviraux empêchent la transmission du virus par les personnes traitées et sont un moyen puissant de prévention (également appelé TasP : Treatment As Prevention) ; par ailleurs, ces agents antirétroviraux sont également utilisés comme prophylaxie préexposition (PrEP).
Seule une connaissance fine du cycle viral permet le développement de nouvelles molécules de différentes classes ciblant des étapes précises de la réplication du virus. Cette recherche se poursuit et de nombreuses molécules de nouvelles classes sont actuellement testées pour améliorer l’arsenal thérapeutique de la prise en charge du VIH.
Nous présentons dans ce chapitre quelques-unes des molécules les plus prometteuses, classées en fonction de leur mécanisme d’action (figure 1).
Cette classe de médicaments apparentés aux INTI agit comme un terminateur de chaîne, ce qui a pour effet d’inhiber la transcriptase inverse en empêchant sa translocation.10
L’islatravir est la molécule de cette classe dont le stade de développement est le plus avancé ; par sa longue demi-vie plasmatique (± 120 heures), ses modes d’administration orale quotidienne, hebdomadaire, ou encore sous forme d’implant par exemple étudiée dans la PrEP,11 cette molécule fera peut-être partie des « game-changer » des antirétroviraux (figure 2).
La classe des INNTI avait été un peu délaissée, notamment en raison de leurs effets indésirables et de leur faible barrière génétique. Assistons-nous à la fin de cette mise à l’écart ?
La doravirine en combinaison avec le ténofovir disoproxil fumarate et la lamivudine a été validée très récemment par la FDA (septembre 2019) pour une utilisation non seulement chez les patients n’ayant jamais reçu de traitement, mais également en relais chez des personnes dont la charge virale est supprimée. C’est donc une large voie d’utilisation qui s’ouvre pour ce nouvel INNTI, dont la particularité est d’être coformulé avec deux molécules génériques, et qui semble avoir un très bon profil de sécurité, notamment sur le plan métabolique.12
De même, la rilpivirine, un INNTI récent dont la combinaison orale avec le dolutégravir est une option intéressante en traitement d’entretien, est actuellement en cours de validation dans une coformulation de longue durée, combinaison dont nous parlerons plus loin.
Et dans cette même classe, le MK-8507, qui apparaît comme une nouvelle molécule très prometteuse à la demi-vie comprise entre 59 et 65 heures et dont l’intérêt principal est celui d’une possible administration orale hebdomadaire, a montré des résultats prometteurs tant en termes de sécurité que d’efficacité ;13 cette molécule, en association avec l’islatravir, sera comparée dans un essai clinique (NCT04564547) à l’association orale ténofovir alafénamide/emtricitabine/bictégravir.
Les inhibiteurs de la capside agissent en s’attachant sur un site qui bloque à la fois le désassemblage (empêchant le relargage de l’ARN viral dans le cluster de différenciation 4 (CD4) avant la transcription inverse) et l’assemblage (au sein des nouveaux virions, les rendant non infectieux) dont les premiers résultats semblent prometteurs en termes d’efficacité chez des patients jamais traités,11,14,15 mais présentent également une efficacité in vitro sur des virus résistant aux autres classes.16 La molécule de cette classe actuellement disponible est le lénacapavir (GS-6207) qui pourrait s’administrer par voie sous-cutanée tous les 6 mois.17
Les inhibiteurs de la maturation sont développés sous forme orale (GSK’254) et injectable à longue durée d’action (GSK’937) (actuellement ces dernières formulations sont uniquement en phase préclinique). Ces molécules agissent sur le dernier stade de développement du virus produisant des particules virales non infectieuses car non développées.11,18 Elles seront une alternative attrayante, notamment dans le traitement des personnes abritant un virus multirésistant.
Cette classe de molécules, très populaire et actuellement dans les recommandations officielles de toutes les directives internationales,19,20 reste indétrônable et continue de nous montrer son intérêt, avec la commercialisation imminente de molécules à très longue durée d’action en injection intramusculaire.
Parmi cette classe, la molécule à longue durée d’action attendue est le cabotégravir. Les études FLAIR21 et ATLAS22 ont montré respectivement une bonne efficacité et une sécurité chez des patients jamais traités ou expérimentés avec des injections intramusculaires mensuelles de celui-ci associé à la rilpivirine à longue durée d’action. Hormis des réactions fréquentes qui n’ont conduit qu’à très peu d’interruptions de traitement, l’acceptabilité par les patients est plutôt bonne. Certaines questions sont cependant soulevées, comme l’administration qui doit s’effectuer par des professionnels de santé, avec l’augmentation potentielle de la charge pour les cliniques qui devront convoquer les patients plus fréquemment qu’actuellement. Se pose aussi la question de la gestion des patients qui manqueraient leur injection mensuelle.
L’étude de phase IIIb ViiV 20835 SOLAR, menée en Suisse, examinera chez des patients sous ténofovir alafénamide/emtricitabine/bictégravir le relais à des injections intramusculaires de cabotégravir et de rilpivirine à longue durée d’action tous les 2 mois (NCT04399551).
Nous noterons avec intérêt également la mise sur le marché du dolutégravir, molécule phare des recommandations internationales pour les enfants et les nourrissons de plus de 3 kg, malgré une attente de plus de 10 ans pour que des traitements efficaces chez l’adulte soient enfin disponibles chez les enfants.
La pandémie de Covid-19 a eu et aura également un impact sur les essais cliniques de traitement pour le VIH, avec plusieurs études temporairement suspendues ou retardées à cause des mesures sanitaires prises pour un meilleur contrôle de la pandémie à travers le monde.
Plusieurs questions se sont posées pour les patients vivant avec le VIH après l’identification du SARS-CoV-2 comme agent causal du Covid-19 et des facteurs de risque de maladie sévère,23,24 parmi lesquels sont mentionnés les états d’immunodépression. Rapidement, les différentes sociétés internationales ont présumé, sur les bases de données existantes, que les personnes vivant avec le VIH sous traitement antirétroviral efficace n’avaient probablement pas plus de risque de développer une maladie sévère à cause du VIH per se.25
Dans notre expérience hospitalière aux HUG durant la première vague, nous avons recensé 9 patients porteurs du VIH, hospitalisés avec un Covid-19 sévère, tous sous traitement antirétroviral efficace et qui avaient tous au moins un autre facteur de risque identifié pour une infection sévère (Nawej et coll. accepté dans AIDS). À l’heure actuelle, aucune mesure spécifique, autre que celles préconisées dans la population générale, n’est prise pour protéger les patients porteurs du VIH du Covid-19. L’efficacité des tests sérologiques n’ayant pas été évaluée spécifiquement dans certaines catégories de la population, notamment les personnes immunodéprimées, on peut ainsi se poser la question de leur efficacité chez des individus porteurs du VIH en fonction de leurs valeurs de CD4.26
Ces deux pandémies présentent aussi des parallèles si l’on se focalise sur la recherche de traitements ; d’ailleurs, certains traitements antirétroviraux ont été repositionnés au début de la pandémie pour combattre les formes graves de Covid-19 et ont été évoqués comme potentiellement protecteurs pour éviter l’acquisition de SARS-CoV-2.
Les traitements antirétroviraux ont aussi été évalués dans le traitement du Covid-19. Parmi les molécules qui ont montré une activité in vitro, chez l’animal et chez des patients infectés par le SARS-CoV et le MERS-CoV, nous trouvons la combinaison lopinavir/ritonavir (LPV/r) ;27 une revue systématique des différents traitements antirétroviraux utilisés dans le traitement du SARS-CoV, du MERS-CoV ou du Covid-19 avait été publiée très tôt lors de la première vague, mais la qualité des études incluses interdisait toute conclusion sur leur efficacité, tant en prévention qu’en traitement.28 De façon intéressante toutefois, une étude récente29 a démontré l’efficacité d’une association de LPV/r et d’interféron pour le traitement de MERS-CoV. Les essais randomisés utilisant le LPV/r en tant que molécule unique dans le traitement du Covid-19 n’ont pas permis de conclure à leur efficacité.30-32
La cohorte espagnole publiée par del Amo et coll. évoquait une éventuelle protection des patients sous ténofovir disoproxil fumarate/emtricitabine, qui avaient un risque moins important pour un Covid-19 et d’hospitalisation par rapport aux patients sous d’autres régimes antirétroviraux. Comme dans toutes les cohortes, les biais sont nombreux et il est difficile sur cette base uniquement de conclure à l’efficacité du ténofovir.33 Une étude parue récemment n’a en revanche pas pu mettre en évidence un taux diminué d’infection au Covid-19 chez les patients sous PrEP par ténofovir disoproxil fumarate ou ténofovir alafénamide/emtricitabine.34
Un autre aspect commun à ces deux pandémies est l’impact sur la santé mentale. La peur d’être contaminé ou considéré comme potentiellement contaminant mène, dans certains pays, à une forme de stigmatisation.35 Comme pour le VIH, le Covid-19 renforce l’isolement social et génère ou aggrave des pathologies psychiatriques.36 Les survivants du Covid-19 semblent également à risque accru de séquelles, et un diagnostic d’affection psychiatrique pourrait être associé à un risque accru d’infection au Covid-19.37
Dans la majorité des cas, les personnes atteintes par le Covid-19 guérissent, en ce qui concerne le VIH, les recherches sont actuellement toujours en cours.
En 2009, Timothy Brown, connu comme le patient de Berlin, est devenu la première personne guérie du VIH après une transplantation de cellules souches hématopoïétiques (TCSH) d’un donneur CCR5D32 homozygote.38 Il est malheureusement décédé le 29 septembre 2020 des suites de sa maladie oncologique. La nouvelle d’un patient guéri du VIH a donné beaucoup d’espoir pour la recherche d’un traitement curatif contre le VIH. Ces onze dernières années ont vu une importante amélioration de nos connaissances sur le VIH,39 ou sur la compréhension de la biologie du réservoir du VIH.40 Plusieurs approches thérapeutiques ont été élaborées afin d’éliminer (guérison) la présence de virus ou d’empêcher (rémission) la production de virus par le réservoir (figure 3).
En plus du patient de Berlin, très peu de patients infectés par le VIH ont bénéficié d’une TCSH d’un donneur CCR5D32 homozygote pour une hémopathie maligne.41–43 Deux patients sont actuellement en rémission (patient de Londres et patient de Düsseldorf). Les autres patients ont eu moins de chance : un a eu un rebond viral avec un tropisme CXCR4 et plusieurs autres sont décédés des complications de la greffe ou de la maladie oncologique. Les donneurs CCR5 D 32 sont rares et la TCSH est grevée d’une importante morbi-mortalité. Elle ne peut être appliquée à large échelle chez des patients VIH sans hémopathie maligne associée.
Une alternative à la TCSH est la modification de l’expression de CCR5 pour éviter l’infection des cellules T CD4+ par le virus du VIH. Cette approche consiste à prélever les cellules du patient et à les modifier pour changer l’expression de CCR5.44-48 Toutefois, cette stratégie nécessite également une chimiothérapie pour induire une myélo-ablation, dont les complications infectieuses sont bien connues. De plus, plusieurs inconnues persistent, telles que le risque de mutation off-target ou la possibilité d’émergence de virus avec un tropisme CXCR4.
D’autres stratégies ont été élaborées, avec pour but d’éliminer le réservoir et empêcher le rebond viral à l’arrêt des antirétroviraux (ARV). Le shock and kill consiste à utiliser un agent d’inversion de latence pour réactiver le réservoir et permettre son éradication via la réponse immune.49 Malheureusement, chez les patients traités depuis de nombreuses années avec des ARV, la réponse immune a tendance à être insuffisante en raison du faible niveau d’expression d’antigène sous ARV et/ou à un faible nombre de lymphocytes T CD8+ spécifiques au VIH.50 À cela s’ajoute l’effet immunomodulateur de certains agents d’inversion de latence qui peuvent interférer avec la réponse immune51,52.
L’association du shock and kill avec une méthode permettant l’induction d’une réponse immunitaire efficace faciliterait l’éradication des cellules infectées. Initialement, la recherche d’un vaccin contre le VIH avait pour but de prévenir la transmission du virus. Toutefois, un vaccin permettrait également de stimuler la réponse immune spécifique contre le virus du VIH chez les personnes séropositives. Le principal obstacle au développement d’un vaccin efficace contre le VIH est l’importante diversité de séquences du virus qui lui permet d’échapper au système immunitaire.53 Plusieurs vaccins différents ont été développés et ont démontré une amélioration de la réponse immunitaire anti-VIH.54 Cependant, cet effet est limité avec un rebond de la charge virale à l’arrêt des ARV.54
La perfusion d’anticorps neutralisants à large spectre (bNAb : Broadly Neutralizing Antibodies) permet également l’induction d’une réponse immune spécifique.55 Ces anticorps monoclonaux se lient à différents épitopes conservés de l’enveloppe du virus, les rendant reconnaissables par les cellules du système immunitaire.
Le mécanisme d’action est similaire avec les Dual Affinity Re-Targeting Proteins (DART), qui se différencient des bNAb par le fait qu’il s’agit d’anticorps bispécifiques pour éliminer les lymphocytes T CD4+ infectés par le VIH.56 Les DART ont montré leur efficacité in vitro mais il n’y a à l’heure actuelle pas d’essai clinique testant ce traitement.57
Une autre approche pour permettre une guérison est la génération de cellules T reconnaissant de façon spécifique les cellules infectées par le VIH. Les cellules Chimeric Antigen Receptor T (CAR T) sont des cellules T conçues pour exprimer un récepteur reconnaissant spécifiquement un épitope extracellulaire du virus et vont induire une réponse cytotoxique. Cette technologie est actuellement utilisée pour traiter certains cancers et plusieurs études testent les cellules CAR T dans le traitement du VIH.58 Parmi les effets indésirables décrits chez les patients oncologiques traités par les cellules CAR T, on retrouve le syndrome de libération des cytokines, des infections ou des toxicités neurologiques.59
Il est établi que le VIH induit un épuisement du système immunitaire en raison de la suractivation des cellules contre les antigènes viraux, présents en grande quantité au moment de l’infection. Cette dysfonction persiste partiellement malgré l’introduction des ARV.60,61 Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (IPCI) permettent de réguler l’activation et prévenir l’épuisement du système immunitaire optimisant ainsi la réponse contre le virus. Malgré une augmentation de la réponse des cellules T anti-VIH, les essais cliniques utilisant les IPCI chez les patients VIH, sans maladies malignes, ont dû être arrêtés prématurément en raison des toxicités (myocardites, pneumopathies),62 et les études sur ce traitement sont à l’heure actuelle réservées aux patients VIH souffrant également d’une maladie oncologique.
Les stratégies décrites ci-dessus consistent à optimiser la réponse immunitaire pour éliminer le virus. Une autre approche a fait son apparition et consiste à maintenir le virus sous forme latente plutôt qu’à l’éliminer afin de maintenir une rémission. Cette méthode dite de block and lock maintient le virus en phase latente chronique en bloquant sa transcription via des modifications épigénétiques.63
Malgré une importante amélioration de nos connaissances sur la pathophysiologie du VIH, il nous reste beaucoup de chemin à parcourir avant de pouvoir atteindre une guérison. Les stratégies mentionnées ci-dessus auront probablement besoin d’être utilisées en combinaison afin d’optimiser la réponse contre le virus. De même qu’un meilleur monitorage des cellules latentes infectées et la découverte d’un biomarqueur pour prédire le résultat après l’arrêt des ARV sont nécessaires et doivent être identifiés afin de confirmer l’éradication de l’infection. Les effets indésirables engendrés par les différents traitements curatifs sont non négligeables, voire importants, de même que les coûts de ces traitements. L’acceptabilité pour les patients n’est pas évidente à anticiper, et des études qualitatives sont en cours.
Il est possible qu’avec l’arrivée de molécules à (très) longue durée d’action, la facilité de prise et la diminution de la stigmatisation liée à la prise quotidienne de traitements permettront une amélioration de la qualité de vie des patients infectés par le VIH. L’accessibilité, le coût et la tolérabilité des traitements visant à la guérison seront donc essentiels pour trouver un intérêt ; l’arrêt des molécules antirétrovirales est souvent difficile à accepter pour les individus qui les prennent depuis de longues années, et, paradoxalement, les essais cliniques risquent d’être en difficulté pour proposer cette interruption, seul moyen toutefois d’obtenir la certitude de la guérison. En revanche, l’idée de pouvoir éliminer le virus et ne plus avoir à prendre un comprimé par jour, et surtout de ne plus avoir peur de transmettre le virus, représente un réel espoir pour certains patients infectés par le VIH.
Les pandémies du VIH et du Covid-19 partagent un certain nombre de caractéristiques. L’émulation scientifique suscitée dans la recherche rapide de traitements permettant de contrôler l’infection est commune, mais la rapidité de la recherche Covid-19 reste sans précédent dans l’histoire de la médecine. Nous avons observé l’effet limité de médicaments repositionnés et il est donc crucial, comme dans la recherche sur le VIH, de disposer d’une connaissance approfondie du cycle de réplication virale et de la physiopathologie pour développer des traitements efficaces. Remarquons que, malgré des années de recherche dans le domaine du VIH, il n’y a actuellement pas de guérison possible même si des pistes prometteuses sont explorées. La quête scientifique de solutions efficaces durables peut prendre du temps, le Covid-19 sera-t-il l’exception ? Enfin n’oublions pas l’impact psychosocial de ces deux pandémies, et le risque que les populations plus vulnérables socialement, médicalement ou financièrement soient délaissées des standards d’une prise en charge.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ Le risque de développer une infection à SARS-CoV-2 sévère chez les patients infectés par le VIH et traités n’est pas plus élevé que pour la population générale
▪ Le VIH et le SARS-CoV-2 ont en commun d’avoir engendré une accentuation des disparités sociales et une discrimination des personnes infectées
▪ Les antirétroviraux à longue durée d’action auront bientôt leur place dans le traitement et la prévention des infections par le virus du VIH
▪ Malgré une amélioration des connaissances sur la pathophysiologie du VIH, la route est longue avant de pouvoir avoir un traitement curatif contre celui-ci
La pandémie de Covid-19 est le sujet d’actualité mondial tant par son ampleur que par ses immenses conséquences. Du point de vue médical, plusieurs facteurs de risque de développer une maladie sévère ont été établis dans la littérature, et l’immunosuppression en fait partie. Concernant les personnes vivant avec le VIH, plusieurs questions se sont posées : sont-elles plus vulnérables à l’acquisition de SARS-CoV-2, ou à une maladie Covid-19 sévère ? Ou au contraire sont-elles protégées par les antirétroviraux ? Cet article aborde ces deux pandémies et recherche des similitudes et des différences en termes de traitement, de guérison, de prévention et de recherche clinique. Nous décrivons brièvement quelques-uns des traitements antirétroviraux les plus innovants.