En France, la pandémie a soudain réveillé cette vieille institution, longtemps endormie, qu’est l’Académie nationale de médecine. En charge de conseiller l’exécutif, elle ne cesse, depuis plusieurs semaines, de multiplier les avis, les prises de position, les recommandations; et ce sur la base d’une bibliographie actualisée et des convictions affichées de ses membres. Ainsi ce dernier avis consacré aux « séquelles du Covid-19 ».1
Contexte: à l’heure où ces lignes sont écrites, l’épidémie de Covid-19 diminue nettement en France – sans pour autant que l’on puisse minorer le risque d’augmentation des émergences localisées du virus. Dans le même temps, on dispose d’acquis de plus en plus nombreux quant aux séquelles dont peuvent être affectées, après être considérées comme guéries, les personnes infectées. « Chez les malades les plus sévèrement atteints, les séquelles sont une menace réelle dont l’importance reste mal évaluée, souligne l’Académie. Des soignants et des malades feront également face à des séquelles psychiques qu’il ne faut pas mésestimer. »
Les séquelles du Covid-19 peuvent être schématiquement séparées en plusieurs chapitres.
Le poumon est l’organe le plus fréquemment atteint à la phase aiguë de la maladie; d’ailleurs, les épidémies précédentes dues à d’autres coronavirus comme le Sars-CoV et le Mers-CoV avaient montré qu’une fibrose pulmonaire pouvait persister après l’infection initiale. C’est la fibrose pulmonaire interstitielle qui est la conséquence fréquente de la détresse respiratoire observée à la phase aiguë de la maladie. On l’attribue généralement à la production accrue de cytokines pro-inflammatoires, conséquence indirecte de l’infection virale. L’Académie ajoute que d’autres facteurs peuvent intervenir, comme l’hyperpression dans les voies respiratoires faisant suite à la ventilation artificielle – ainsi que l’anoxie liée à un déséquilibre entre les besoins en oxygène et le volume qui en est fourni. Cette fibrose est caractérisée par un déclin progressif de la fonction respiratoire, une extension des lésions visibles sur la tomographie thoracique, une sensibilité accrue aux infections respiratoires.
Au chapitre des atteintes cardiaques, une myocardite inflammatoire peut être retrouvée chez les malades traités en soins intensifs; elle peut conduire à une insuffisance ventriculaire gauche. « Un infarctus du myocarde peut survenir en rapport avec une rupture de plaque favorisée par l’infection ou une anoxie prolongée, ajoute l’Académie. Une insuffisance ventriculaire droite secondaire à une hypertension artérielle pulmonaire conséquence de la fibrose respiratoire et/ou d’embolies pulmonaires à la phase aiguë est également possible, ainsi que des troubles du rythme. » Autant d’éléments qui réclament une surveillance prolongée et un traitement approprié.
Chez les malades les plus sévèrement atteints, les séquelles sont une menace réelle dont l’importance reste mal évaluée
On sait par ailleurs que des insuffisances rénales aiguës réversibles en rapport avec des troubles hydroélectrolytiques ont aussi été observées. Les atteintes directes liées au virus se traduisent par une nécrose des cellules épithéliales tubulaires inconstamment réversible pouvant conduire à une insuffisance rénale chronique nécessitant une surveillance sur une longue période.
Il faut encore compter avec les atteintes directes ou indirectes du système nerveux central. 2 « L’atteinte cérébrale peut être directement liée au virus ou plus souvent la conséquence d’une anoxie prolongée chez les malades sous ventilation artificielle, d’accidents vasculaires cérébraux, ou d’un syndrome auto-immun comme l’encéphalomyélite aiguë disséminée qui, s’il s’accompagne de troubles périphériques et touche le diaphragme, peut aggraver les troubles respiratoires, souligne l’Académie. On a décrit aussi des atteintes du tronc cérébral qui contribuent aux difficultés respiratoires. »
Des malades apparemment sortis de l’épisode aigu peuvent nécessiter une convalescence prolongée ou se plaindre de nouveaux symptômes après une période de rémission. Dans ce cas, l’infection initiale a été souvent courte et a guéri spontanément, et la négativité des tests de recherche du virus permet d’éliminer une réinfection tandis que la présence d’IgG spécifiques pour le SarsCoV-2 confirme l’infection antérieure.
« Les troubles dont se plaignent ces sujets sont un malaise général, des douleurs musculaires, des arthralgies, de la fatigue au moindre effort physique ou intellectuel, une perte de la mémoire et, parfois, des accès de tachycardie, explique l’Académie. L’examen clinique reste négatif à part souvent une perte de poids traduisant une dénutrition. Ces troubles sont le plus souvent épisodiques, mais ont parfois un caractère prolongé. » Dans ce cas de figure, le traitement est difficile – à part la prescription de paracétamol, le soutien psychologique et la correction d’une éventuelle dénutrition par un diététicien. « Il est difficile de faire la part de ce qui revient aux suites du Covid-19 ou à d’autres causes, comme c’est le cas dans le syndrome post-borréliose de la maladie de Lyme », note encore l’Académie.
Enfin, on ne saurait minorer ou passer sous silence les séquelles psychiques. Elles sont à craindre chez les patients comme chez les soignants et les victimes du confinement. Chez les patients sortant de réanimation avec ventilation assistée et sédation profonde, puis d’une longue convalescence, elles sont intensément marquées. En plus de la récupération fonctionnelle des organes atteints, ces patients ont impérativement besoin d’un soutien psychologique leur permettant de retrouver un travail et une vie sociale normale. Mais ceux qui ont guéri spontanément en ont aussi parfois besoin, lorsqu’ils souffrent de « troubles divers et mal étiquetés ».
« Les personnels soignants, qu’ils travaillent dans des hôpitaux ou des maisons de retraite, qu’ils occupent des fonctions de médecin, infirmier, aide-soignant, brancardier, manipulateur…, ont été soumis à des horaires de travail prolongés associés à des responsabilités accrues, vu l’état préoccupant des patients traités, entraînant fatigue, anxiété et manque de sommeil, résume l’Académie. Même si chez la plupart d’entre eux ces troubles disparaissent avec le retour à l’activité habituelle et la possibilité de congés, certains gardent fatigue, anxiété et insomnie, qui nécessitent un suivi et un soutien psychologique. »
Quant au confinement, si l’ensemble de la population française a été soumis aux mêmes règles limitant les sorties du domicile et les contacts sociaux, quelques groupes ont été particulièrement touchés: les enfants et jeunes adultes handicapés qui ont quitté leur institution d’accueil; les enfants privés d’école et de tout contact avec leurs camarades; les étudiants retournés chez leurs parents et dont les études ont été interrompues. Souvent, ces troubles sont spontanément résolutifs, mais ils peuvent aussi nécessiter une aide psychologique chez certains.
Dans la limite des connaissances actuelles, l’Académie nationale française de médecine recommande notamment: la reprise d’une activité physique (dont la marche est la plus simple) dès que possible; la vigilance quant à la qualité fonctionnelle des organes le plus souvent atteints (cœur, cerveau, muscles et poumon); une surveillance de l’évolution à long terme de ces séquelles « en assemblant une cohorte de patients pour une étude longitudinale de plusieurs années ». Sans oublier des mesures concernant l’organisation du travail des soignants pour diminuer le risque de « burn-out » et les tensions psychologiques liées à un « travail excessif ».
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