C’est sans précédent : jamais dans l’histoire une telle somme d’énergie et de moyens n’avait, comme aujourd’hui, été aussi vite déployée pour mettre au point un vaccin antiviral. Huit mois après l’émergence du SARS-CoV-2, plusieurs essais cliniques de phase III sont d’ores et déjà en cours pour évaluer différentes approches vaccinales, et les premières autorisations de mise sur le marché pourraient être délivrées dès la fin de cette année 2020. L’heure est donc déjà venue, pour les autorités sanitaires, d’anticiper les choix qui devront être opérés et les mesures qui devront être prises.
En France, à la demande du ministère des Solidarités et de la Santé, la Haute autorité de santé (HAS) vient de formuler des recommandations préliminaires pour anticiper l’élaboration de la stratégie vaccinale contre le COVID-19 dans la perspective de l’arrivée future d’un ou plusieurs vaccins.1 Qui vacciner ? Selon quel schéma ? Par quels professionnels ? Pour éclairer la décision publique, la HAS a dessiné différentes stratégies de vaccination envisageables – et ce à travers quatre scénarios fondés sur le niveau de circulation du virus sur le territoire. S’il devra encore être actualisé en fonction de l’évolution des connaissances sur le virus et sur l’épidémie, de la disponibilité de traitements, de vaccins et du nombre de doses requises, ce travail constitue une première approche d’un sujet sanitaire, politique et économique majeur.
On sait que depuis les épidémies de SARS-CoV (2002-2003) et de MERS-CoV (2012 à nos jours), aucun vaccin contre un coronavirus n’a encore été mis au point, rappelle la HAS. On sait aussi que dans le cas du SRAS-CoV, plusieurs vaccins avaient été testés sur des animaux – toutefois, l’épidémie ayant pris fin avant la fin de leur développement, aucun d’entre eux n’a fait l’objet d’essais cliniques chez l’homme. « Aujourd’hui, précise la HAS, l’identification de plusieurs antigènes cibles d’une part (protéine de la nucléocapside, protéine S [spike] permettant la fixation au récepteur ACE-2, sous-unités S1 et S2 de la protéine S, et domaine RBD de la protéine S, Plpro, MTase) et la diversité des plateformes de production disponibles (vaccin vivant atténué, vaccin inactivé, vecteur viral, vaccin protéique recombinant sous-unitaire avec ou sans adjuvant, vaccin à ARNm ou à ADN) d’autre part, ont permis le développement accéléré de plus d’une centaine de candidats vaccins. »
Tout laisse penser que ces vaccins constitueront le meilleur outil de prévention et de lutte contre la pandémie
Parmi eux, plus d’une vingtaine font d’ores et déjà l’objet d’essais cliniques de phase I, II et III chez l’homme (liste OMS actualisée au 15 juillet 2020). Tout est clair : dans le contexte de la pandémie de COVID-19, l’enjeu est de concevoir un vaccin le plus efficace et le plus sûr possible en un temps record. Et tout laisse penser que ces vaccins (dès lors que leur sécurité et leur efficacité seront établies et vérifiées) constitueront le meilleur outil de prévention et de lutte contre la pandémie – en complément des mesures barrières indispensables, des mesures de détection et de gestion des chaînes de transmission et des cas groupés, et d’éventuels traitements.
En France, la HAS observe que des avis préliminaires ont déjà été publiés par certains pays ou organisations internationales pour définir les populations prioritaires pour la vaccination (ECDC pour la Commission Européenne, ACIP aux Etats-Unis, JCVI au Royaume-Uni, Conseil supérieur de la santé en Belgique) et estimer ainsi les quantités de vaccins nécessaires sur leur territoire. Et la HAS de préciser que si tous soulignent que les données sont encore très précoces (et les incertitudes nombreuses eu égard à l’évolution des connaissances sur la maladie COVID-19 et aux caractéristiques des différents vaccins candidats en cours de développement), ces avis préconisent, à ce stade de la réflexion, « de vacciner en priorité les professionnels du secteur de la santé, les professionnels ayant une activité considérée essentielle ainsi que les personnes à risque de développer une forme grave de la maladie en raison de leur âge ou de leurs comorbidités ».
Les quatre scénarios envisageables en France varient selon le niveau de circulation du virus à l’arrivée des vaccins : forte circulation virale au niveau national, forte circulation virale localisée sur certains territoires, circulation virale à bas bruit (foyers d’infection limités), absence d’indicateur de circulation virale. « Chacune de ces situations implique des choix différents sur les populations à cibler en priorité (âge, état de santé, profession, doses nécessaires…) et des modalités de mise en œuvre adaptées (professionnels mobilisés pour vacciner, suivi des personnes vaccinées, conditions d’administration et stockage), détaille la HAS. Les caractéristiques des vaccins disponibles influenceront également ces choix ».
Mais quelle que soit la situation épidémique à l’arrivée d’un vaccin, les professionnels de santé et du médico-social de première ligne apparaissent bel et bien, pour la HAS, « comme les populations cibles prioritaires et incontournables ». Leur vaccination répond aux trois objectifs de prévention individuelle, collective et de maintien des activités essentielles du pays en période épidémique. La HAS considère par ailleurs que les personnes à risque de formes graves de Covid-19 (personnes âgées de plus de 65 ans, personnes présentant une comorbidité) seront également des cibles prioritaires – du moins dès lors que les essais cliniques permettront de garantir un bénéfice/risque favorable.
En France, à la demande du Premier Ministre,2 un autre avis relatif à la stratégie de vaccination contre le Sars-CoV-2 a été formulé par les experts appartenant au CARE, au Comité scientifique COVID-19 et au Comité scientifique Vaccins COVID-19. « Le gouvernement français négocie actuellement (en partenariat avec ses homologues européens) des contrats de réservation de vaccins dont on ne connaît pas encore les caractéristiques (efficacité contre l’infection, la pathologie sévère et la transmission, chez quelles personnes/classes d’âge, sécurité, nombre de doses pour induire une immunité protectrice (2 doses avec un rappel au jour 28 pour la plupart), durée de protection), écrivent les auteurs. Le nombre de vaccins qui sera finalement commandé est encore inconnu, mais on s’attend à avoir plusieurs dizaines de millions de doses de vaccins (potentiellement correspondant à 2-5 produits différents) disponibles entre le dernier trimestre de l’année 2020 et le premier trimestre de 2021, qui pourraient être déployées s’il survient une seconde vague de COVID-19 ».
Selon ces auteurs, il est impératif de se donner le temps nécessaire à une évaluation rigoureuse tant de l’efficacité que de la sécurité des vaccins candidats avant leur utilisation à grande échelle. En outre, pour la HAS, les recommandations préliminaires sur les populations cibles prioritaires devront être actualisées, notamment au regard des évaluations de chacun des vaccins qui obtiendront une autorisation de mise sur le marché et selon les indications retenues par les autorités d’enregistrement.
Enfin, pour éclairer les enjeux éthiques et d’acceptabilité posés par la vaccination contre le Covid-19, la HAS a saisi son « Conseil pour l’engagement des usagers » afin qu’il formule des recommandations dès la rentrée. Elle envisage, selon les vaccins et la quantité de doses disponibles, de saisir le Conseil consultatif national français d’éthique plus particulièrement sur les questions éthiques liées à la « priorisation des populations à vacciner ».
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