La pandémie de Covid-19 a ébranlé à l’échelle planétaire les systèmes de santé et des moyens jusque-là inimaginables ont été déployés pour la contenir. Les répercussions majeures sur nos habitudes de vie et les conséquences économiques et sociales sont encore difficiles à concevoir tant elles sont importantes.
Depuis plusieurs décennies, la prévalence de l’obésité augmente sous le regard souvent impuissant des autorités et des professionnels de santé, atteignant des proportions de pandémie. En 2016, selon l’OMS, 650 millions d’adultes étaient obèses et, chaque année, 2,8 millions de personnes décèdent des conséquences du surpoids ou de l’obésité. Ces données vertigineuses ne laissent personne indifférent, mais il faut admettre un certain attentisme, voire un fatalisme face à ce constat.
En suisse, cette précaution n’a pas été appliquée à l’obésité
Le choc de ces deux pandémies est dévastateur et doit nous inviter à une réflexion profonde sur les moyens à déployer pour combattre la pandémie de l’obésité sur le plan médical, social et économique.
Avant l’émergence du SARS-CoV-2, nous savions que les patients souffrant d’obésité étaient à risque de développer des complications respiratoires sévères après une infection par les virus de la grippe.1 La pandémie de grippe H1N1 en 2009 avait également révélé que l’obésité représentait un facteur de risque indépendant de présenter une maladie sévère, une hospitalisation ou un décès.2
Les premières publications scientifiques après l’émergence du SARS-CoV-2, issues des données des hôpitaux de Wuhan et de Lombardie,3,4 n’ont pas mis en évidence l’obésité comme un facteur de risque. L’IMC ne faisait tout simplement pas partie des facteurs de risque analysés.
Ainsi, en Suisse, l’obésité n’était pas présente dans la longue liste des facteurs de vulnérabilité établie par l’OFSP début mars 2020. De nombreuses maladies figurant sur cette liste n’étaient cependant pas relevées dans les premières publications, mais le principe de précaution prévalait. En Suisse, cette précaution n’a pas été appliquée à l’obésité. D’autres pays, notamment la France et l’Allemagne, avaient retenu un IMC ≥ 40 kg/m2 comme un facteur de vulnérabilité dès le début de la pandémie.
Avec la propagation rapide de la maladie, les cliniciens ont constaté une apparente surreprésentation des patients souffrant d’obésité dans les unités de soins intensifs et, début avril 2020, plusieurs publications ont confirmé cette relation : l’obésité représente un risque indépendant de présenter une forme sévère de Covid-19.5,6
En réponse à ces données scientifiques, les autorités françaises ont révisé leur position initiale de mars et abaissé le seuil d’IMC définissant le risque de développer un Covid-19 sévère de 40 à 30 kg/m2 dès le 20 avril 2020. Cependant, en Suisse, ce n’est que début mai 2020, soit à la fin de la première vague, que l’OFSP a adapté les facteurs de vulnérabilité et intégré l’obésité, mais uniquement à partir d’un IMC de 40 kg/m2.
Que nous enseigne cette temporalité helvétique et comment cette expérience pourrait-elle être un levier pour faire avancer la prise en charge de l’obésité ?
Le manque de considération de l’obésité au début de la crise sanitaire est révélateur de la difficulté de nos institutions à reconnaître l’obésité comme une maladie qu’il faut considérer et traiter au même titre que toute maladie chronique. L’obésité est une maladie complexe et sa prise en charge l’est tout autant. Il est urgent que les professionnels de la santé soient soutenus pour en améliorer la prise en charge.
En ce qui concerne le traitement ambulatoire, il faut souligner l’importance de la prise en charge multidisciplinaire et la nécessité de supporter les frais médicaux et paramédicaux associés. Les équipes doivent pouvoir travailler en réseau avec les médecins internistes généralistes. Il faut permettre le développement de programmes d’éducation thérapeutique et de programmes d’activité physique.
Les patients souffrant d’obésité sont souvent stigmatisés dans les soins, mais les difficultés rapportées par les soignants doivent aussi être entendues et prises en considération. Il est essentiel d’équiper nos hôpitaux, de mettre à disposition des moyens adaptés pour soigner ces patients sans risque de blessure et d’informer les soignants sur la complexité de cette maladie. Cela permettra de limiter la stigmatisation dans les soins et d’assurer des soins de qualité à cette population.
Il est impératif d’investir dans la recherche scientifique pour mieux comprendre les origines de cette maladie, pour agir efficacement dans la prévention et développer de nouveaux traitements.
Finalement, des modifications et une prise de position claire au niveau politique sont attendues. Des changements nécessaires doivent être proposés en termes de prévention pour infléchir cette pandémie trop longtemps négligée.
Mettre à disposition des moyens adaptés pour soigner ces patients sans risque de blessure
Nous voulons croire que cette expérience difficile pourra servir de levier pour une prise de conscience collective qui permettra d’améliorer durablement la prise en charge de l’obésité. La priorisation des patients avec un IMC ≥ 35 kg/m2 pour bénéficier de la vaccination contre le Covid-19 a été décidée par nos autorités et nous nous réjouissons d’un premier pas dans la bonne direction, celle de la considération de l’obésité comme une maladie chronique.
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