Depuis son apparition en Décembre 2019, les connaissances scientifiques concernant le virus SARS-CoV-2 ont rapidement évolués mais, en raison de la complexité et nouveauté de cette infection et de ses enjeux politiques et économiques, encore beaucoup reste à clarifier. Des milliers d’études ont déjà été publiés et la recherche scientifique est en constante évolution. Dans cette multitude d’informations, nous proposons une mise à jour des connaissances actuellement disponibles. Une limitation de la propagation, la compréhension du fonctionnement du virus et de ses manifestations cliniques, l’administration de traitements spécifiques et des outils diagnostiques rapides et fiables, sont à la base de la lutte contre ce germe à présent encore méconnu.
Existe-t-il réellement une nécessité pour un article supplémentaire sur l’infection à SARS-CoV-2 ? La question se pose réellement, au 8 Avril 2020, 3107 publications sont recensées sur PUBMED en utilisant uniquement le mot-clé « covid-19 », 1338 supplémentaires parmi les preprints collectées sur medRxiv pour une épidémie ayant débutée en Décembre 2019. Toujours au 8 avril, 1 446 557 cas sont recensés et nous ne disposons que d’un seul essai randomisé ouvert ayant inclus 199 patients.1 Même si tout le monde publie sa vision de cette pandémie (312 articles éditoriaux), il est à ce jour extrêmement difficile de se faire une idée du meilleur traitement à proposer et les niveaux de preuve extrêmement bas récoltés dans la littérature ajoutent un élément supplémentaire aux discordances observées partout dans le monde laissant une place majeure aux partis pris et à l’affectif au moins sur la valence des thérapeutiques spécifiques. Le but de cette revue est de donner un aperçu qui se sait par définition éphémère sur une situation où nous sommes passés du statut de spectateur inquiet les premiers mois à acteur tiraillé par un scénario dont on ne connaît actuellement pas le dénouement. Nous proposons donc le premier article biodégradable de la littérature déjà pléthorique en lien avec l’infection à SARS-CoV-2.
En Décembre 2019, un nouveau virus provoquant des infections respiratoires sévères a émergé en Chine, à Wuhan, dans la province d’Hubei.2 Son incidence a très vite explosé, d’abord dans la région du Wuhan, puis dans les autres régions de Chine et d’autres pays de l’Asie du Sud-Est. Le 31 janvier 2020, de nombreux pays ayant notifié des cas, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré ce nouveau coronavirus comme une « urgence de santé publique de portée internationale ». La maladie causée par le « coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère » (SARS-CoV-2) a été dénommée le 11 février 2020 « COronaVIrus Disease 2019 » (COVID-19). Le 20 février 2020, un premier patient a été diagnostiqué en Italie dans la région de Lombardie. Depuis, l’épidémie s’est propagée en Italie avant de s’étendre aux autres pays d’Europe, puis sur tous les continents. Enfin, le 11 mars 2020, l’OMS a déclaré COVID-19 pandémique.
Le virus SARS-CoV-2 est le septième coronavirus qui provoque des infections chez l’homme.3 Le séquençage de l’ARN viral montre que ce virus est très proche de deux coronavirus de chauve-souris.4 À ce jour, il n’a pas clairement été déterminé si le virus a été directement transmis aux humains par la chauve-souris ou s’il est passé par un hôte intermédiaire. Il appartient au groupe des beta-coronavirus, comme le SARS-CoV (Severe Acute Respiratory Syndrome coronavirus) responsable d’une épidémie en 2002-2003 (environ 8000 cas et 800 décès, principalement en Asie, taux de mortalité proche de 10 %),5 et le MERS-CoV (Middle East Respiratory Syndrome coronavirus), responsable d’une épidémie en 2012-2015 (environ 2500 cas et 860 décès, principalement dans la péninsule arabique, taux de mortalité 34 %).6 Le taux de reproduction (R0) du SARS-CoV-2 est estimé entre 2 et 2,5 alors que celui du SARS-CoV était de 1,7-1,9 et celui du MERS-CoV < 1.3,7,8 La mortalité de COVID-19 est par contre inférieure à celle des deux autres coronavirus, possiblement inférieure à 2 %.
En Suisse, le premier cas de COVID-19 a été annoncé le 25 février 2020 dans le canton du Tessin, en lien avec l’épidémie du nord de l’Italie. La diffusion a ensuite été rapide dans plusieurs autres cantons avec le seuil de 1000 cas recensésen Suisse atteint le 13 mars 2020.
Au 8 avril 2020, on estime le nombre de malades dans le monde entier à plus d’un million (1 446 557) et celui des décès à 83 149. Même si ces données sont imprécises, huit pays annoncent plus de 50 000 cas : les États Unis (399 929), l’Espagne (146 690), l’Italie (135 586), la France (110 070), l’Allemagne, (107 663), la Chine (82 809), l’Iran (67 286) et le Royaume Uni (55 957). (Johns Hopkins University of Medicine – Coronavirus Resource Center. https://coronavirus.jhu.edu/map.html. Consulté le 8 avril 2020). La Suisse est en 10e position concernant le nombre de cas rapportés (22 488) avec plus de 800 décès déclarés. Même si tous les cantons ont rapporté de cas, les cantons les plus touchés en nombre de cas cumulés sont Vaud, Genève, le Tessin, Zürich, le Valais et Berne. Le bilan épidémiologique est actualisé régulièrement sur le site de l’Office Fédéral de la Santé Publique.9
L’objectif des différentes mesures de précautions édictées à ce jour par l’OFSP et les organismes de prévention visent non seulement à ralentir la propagation de l’épidémie, mais également à permettre au système de santé de préserver l’accès aux soins pour les cas sévères, à protéger les personnes vulnérables (à risque de présenter une complication sévère de l’infection) et le personnel soignant. Le SARS-CoV-2 se transmet essentiellement de personnes à personnes, par l’intermédiaire de gouttelettes émises par une personne infectée lorsqu’elle tousse ou éternue, ou dans une moindre mesure par les postillons lorsqu’elle parle, ainsi que par les mains ou les surfaces contaminées par des gouttelettes.10 Plusieurs études ont mis en évidence la persistance du virus dans l’environnement durant plusieurs jours. Une revue de littérature regroupant 22 études consacrées à la survie de coronavirus humains et non humains sur des surfaces incluant le métal, le verre ou le plastique, rappelait que le virus est capable de survivre jusqu’à 9 jours, selon la combinaison de plusieurs paramètres tels que la température ou le taux d’humidité.11 Des données récentes fondées sur des expériences in vitro démontrent une détectabilité du SARS-CoV-2 sur des surfaces jusqu’à 5 à 6 jours, bien que la densité de germes diminue de manière significative après quelques heures.12 Il faut néanmoins souligner à ce stade que nous n’avons que peu de données quant à la durée pendant laquelle les particules virales restent infectantes.
L’application de mesures additionnelles gouttelettes, impliquant le port d’un masque de soins (type IIR), d’une surblouse et de lunettes en cas de risque de projection de liquides biologiques doit être strictement respectée lors de la prise en charge d’un patient positif ou suspect. Le respect strict des précautions standard, incluant l’hygiène des mains, constitue un point stratégique essentiel dans la prévention de la propagation du virus. Cette dernière doit impérativement être pratiquée selon les 5 indications à l’hygiène des mains, notamment après le retrait des gants de soins. Par ailleurs, pour une protection optimale, les masques de soins ne doivent pas être manipulés ou s’il est nécessaire de les réajuster, une désinfection des mains doit être effectuée directement après. Il n’y a pas d’indication à l’utilisation de sur-chaussures, d’une coiffe ou encore d’une combinaison intégrale.
Les gouttelettes ne restent pas en suspension dans l’air mais sédimentent rapidement dans un périmètre limité à 2 mètres de la source. Néanmoins, lors de certaines procédures sur les voies respiratoires, un risque d’aérosolisation existe : intubation orotrachéale, bronchoscopie, aspiration en système ouvert, réanimation cardiopulmonaire, administration de traitements en nébulisations, expectorations induites, gestes endoscopiques du tractus gastro-intestinal supérieur. Lors de ces situations spécifiques, il convient de porter un masque ultrafiltrat de type FFP2 et une protection oculaire. Une étude expérimentale a démontré que le SARS-CoV-2 peut survivre en aérosols pendant plusieurs heures. Il convient toutefois de nuancer ce constat par d’autres paramètres in vivo, tels que l’inoculum viral dans les voies respiratoires supérieures.12 Bien que l’on puisse retrouver des particules virales dans les selles, il n’y a pour l’heure pas d’évidence que le virus puisse se transmettre par la nourriture. De surcroît, aucun cas de transmission sanguine n’a été rapportée.13
Les mesures de prévention de l’infection dans la communauté reposent avant tout sur le principe de la distanciation sociale et d’une hygiène des mains optimale, par lavage des mains ou désinfection avec une solution hydroalcoolique. Ces recommandations prennent en compte le risque lié à une possible contagiosité 24 heures avant l’apparition des symptômes et à une proportion inconnue de porteurs asymptomatiques ou paucisymptomatiques, dont le rôle reste incertain dans la transmission du virus au sein de la population.14 A ces précautions s’ajoutent les mesures d’auto-isolement des personnes présentant des symptômes compatibles et d’auto-quarantaine pour leurs contacts proches et les différentes recommandations édictées et résumées sur le site de l’Office fédéral de la santé publique.9 Une attention particulière doit être portée au groupe des personnes dites vulnérables, à risque de complications en lien avec une infection COVID-19 ; il leur est demandé de rester à domicile, éviter les transports publics ou tout contact et de contacter leur médecin traitant ou un centre d’urgence en cas d’apparition de symptômes compatibles.
Swissnoso, le centre national de prévention des infections, a publié des recommandations pour la prise en charge hospitalière.15 Elles incluent l’application stricte des précautions standards et des mesures additionnelles gouttelettes ou aérosols selon les indications décrites précédemment. Il est par ailleurs recommandé de regrouper les patients présentant une infection COVID-19 dans des zones dédiées, en chambre individuelle ou de cohortage.
Concernant la prise en charge de patients ambulatoires, les mêmes mesures de protection générales s’appliquent. Il est par ailleurs conseillé d’envisager un centre de tri avancé afin d’assurer une gestion optimale du flux des patients et la rationalisation des soins avec du personnel dédié. Les consultations non urgentes doivent être repoussées ou remplacées dans la mesure du possible par une consultation téléphonique.
Une fois l’infection avérée, la réplication virale débute au niveau de la muqueuse nasopharyngienne avec, par la suite, une extension aux voies respiratoires inférieures.16,17 Le virus SARS-CoV-2 exprime une protéine membranaire, la « protéine S », capable de se lier à l’Angiotensin-Converting Enzyme-2 (ACE-2).16,18 Cette interaction permettrait la fusion de la membrane virale avec celle de la cellule cible.16,18 Des nombreuses cellules expriment l’enzyme ACE-2, notamment les pneumocytes de type 2, les cellules cardiaques, intestinales, hépatiques et, en moindre mesure, celles du système nerveux central.19
Au niveau pulmonaire, en plus des lésions locales dues à la réplication virale, des études évoquent une possible aggravation de l’inflammation locale et une augmentation de la perméabilité alvéolaire par la perte de fonction de l’ACE-2, entraînant une dysfonction du système rénine-angiotensine (SRA).16,20 Ceci pourrait expliquer les cas d’atteinte pulmonaire sévère pouvant évoluer vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) et une libération importante de cytokines.16,20
Par diffusion hématogène, le virus cible les organes dont les cellules expriment l’enzyme ACE-2 sur leur surface.16 Une autre voie de dissémination récemment évoquée est la propagation neuronale rétrograde, qui pourrait expliquer certaines manifestations neurologiques périphériques associées au COVID-19 (ex. anosmie, dysgueusie, etc.).21,22
La réplication virale soutenue et diffuse induirait de multiples lésions épithéliales et endothéliales responsables de la production massive de cytokines proinflammatoires, entraînant la « tempête de cytokines » objectivée chez les patients COVID-19.16 Les patients peuvent présenter une activation de la crase pouvant évoluer vers un état procoagulant et, dans les cas plus graves, vers une coagulation intravasculaire disséminée.17,23
Du point de vue immunologique, on constate une leucocytose accompagnée d’une réduction significative des lymphocytes CD4+ et CD8+.16,24,25 Une suppression de production de l’interféron-γ(INF-γ) par le CD4+ a aussi été évoquée.24 Selon certains auteurs, la lymphopénie pourrait être due à l’infiltration lymphocytaire pulmonaire massive et/ou à un mécanisme d’apoptose ou pyroptose.2026 Une relation entre la sévérité de la maladie et « l’épuisement » des cellules T a récemment été suggérée.27
À l’heure actuelle, les mécanismes physiopathologiques associés à l’infection doivent encore être élucidés. De façon globale, l’évolution de l’infection permet d’identifier trois phases différentes : une phase initiale (paucisymptomatique), une phase intermédiaire (pneumonie) et une dernière phase hyperinflammatoire (insuffisance respiratoire, vasoplégie, choc septique).28 Si la phase initiale est due à la réplication virale, l’évolution vers les étapes suivantes est associée à une réponse immunologique et inflammatoire incontrôlée (figure 1).
Selon une large série chinoise, les manifestations cliniques de l’infection sont légères à modérées dans le 81 % des cas, avec une mortalité toutes causes confondues de 2,3 %.28
D’après une méta-analyse prenant en considération 10 études, et limitée à des données chinoises, les patients hospitalisés avec une infection à SARS-CoV-2 présentent un état fébrile (89,1 %), de la toux sans expectorations (72,2 %), une asthénie ou des myalgies (42,5 %).19 D’autres manifestations cliniques moins fréquentes sont : la dyspnée (31,2 %), les expectorations (26,8 %), les maux de gorge (17,4 %), les diarrhées (10,1 %), les nausées (10,1 %) et les céphalées (6,5 %).29 Dans les formes légères et modérées, une anosmie et une dysgueusie ont récemment été décrits.30
Si l’on prend en considération les patients plus sévèrement malades et nécessitant une hospitalisation aux soins intensifs (SI), les symptômes les plus fréquents restent la fièvre (98 %), la toux (77 %), mais la dyspnée est cette fois-ci une manifestation clinique plus fréquemment objectivée (63,5 %).31
Parmi les altérations des paramètres biologiques, celles plus fréquemment retrouvées sont la présence d’une leucocytose associée à une neutrophilie et une lymphopénie.24 Une majoration des D-dimères, un prolongement du temps de prothrombine, ainsi qu’une augmentation des tests de cytolyse hépatique et une aggravation de la fonction rénale sont également fréquemment retrouvés surtout chez les patients hospitalisés avec des critères de sévérité.23,32 Un taux de D-dimères > 1 µg/ml et un score SOFA augmenté ont été associés avec un risque de mortalité augmenté.32 De même, les patients plus sévèrement malades présentent des taux augmentés d’IL-6 et de LDH ainsi qu’une lymphopénie.32
Parmi les patients hospitalisés aux SI, les complications plus fréquemment retrouvées sont : la survenue d’un SDRA (67 %), une atteinte ischémique cardiaque (23 %) et l’insuffisance rénale aiguë (29 %),31 les infections secondaires (15 % des cas) et les altérations de la crase (19 %).32 Les altérations de la crase et le caractère procoagulant qui en résulte sont associés avec une augmentation importante des complications emboliques actuellement encore peu documentées dans la littérature.33,34
Selon une étude chinoise, 5 % des patients finit par présenter une insuffisance respiratoire aiguë, un choc septique et une défaillance multi-organe avec la survenue d’un décès dans la moitié des cas.28 Les images radiologiques thoraciques obtenues par la radiologie standard comme par le scanner sont assez typiques et font rapidement évoquer le diagnostic avec une atteinte bilatérale fréquente et un aspect d’infiltrats multiples en verre dépolis.35,36 L’utilisation de l’échographie a été proposée dans l’aide au diagnostic.37
Le diagnostic de COVID-19 repose actuellement sur la détection de matériel génétique du virus SARS-CoV-2 par PCR en temps réel après transcription inverse (ou rétrotranscription) de l’ARN viral (RT-PCR) ; la majorité des RT-PCR disponibles ciblent différentes régions de l’ARN viral, telles que les gènes E (enveloppe), RdRp/Hel (RNA-dependent RNA polymerase)/helicase (Hel), N (nucléocapside) ou S (« spike »). Les sensibilités de ces RT-PCR varient selon le gène cible, les protocoles et les instruments utilisés ; il semblerait que les meilleures sensibilités analytiques soient obtenues avec les gènes E et RdRp/Hel.38,39 Les dépistages sont habituellement effectués sur les frottis nasopharyngés ou oropharyngés ; la sensibilité sur les frottis oropharyngés semble inférieure40 à celle du frottis nasopharyngé, recommandé actuellement. Il est à ce stade difficile de déterminer la sensibilité globale de la PCR sur ces prélèvements ; des études rétrospectives intégrants des informations cliniques, épidémiologiques et sérologiques permettront d’apporter une réponse précise. La sensibilité des tests PCR ne pose néanmoins pas de problème du point de vue analytique. En effet ces tests sont sensibles et ont une limite de détection de 100 à 1000 copies, ce qui est largement suffisant au vu des charges généralement élevées chez les patients atteints de COVID-19. Cependant, comme pour tout test diagnostique, cette sensibilité est fonction de plusieurs facteurs : 1) des erreurs pré-analytiques qui sont fréquentes (frottis mal effectué, transport inadéquat),41 2) de la charge virale qui peut varier en fonction du stade de la maladie42 et probablement aussi 3) en fonction de la présentation clinique qui peut être très diverse (paucisymptomatique, état grippal avec ou sans symptômes des voies respiratoires supérieures). Dans ces cas, un autre frottis ou des prélèvements profonds (expectoration, lavage broncho-alvéolaire) peuvent être effectués. La sensibilité sur des échantillons autres que respiratoires (sang, urine, selles) est faible, à l’exception peut-être de cas avec présentation atypique (frottis rectal en cas de symptômes gastro-intestinaux prédominants).43,44 Les RT-PCR jouent un rôle central dans le cadre de stratégies de dépistage visant à l’isolement précoce et la mise en quarantaine pour limiter la propagation de l’épidémie ; il est donc important que ces éléments pouvant impacter leur sensibilité soient pris en compte. Dans ce contexte, on pourrait considérer des cas « prouvés » (confirmés par PCR) et des cas « probables » (clinique et radiologie compatibles en absence de documentation microbiologique).45 La radiologie est, en effet, une aide précieuse au diagnostic avec des images très caractéristiques de la maladie, notamment sur le CT-scan thoracique.46,47 Cependant, cet examen n’est pas souvent effectué chez les patients atteints de COVID-19, à moins d’une indication particulière.
Après cette première phase aiguë, la sérologie constituera une seconde approche pour le diagnostic de COVID-19 grâce à la détection d’immunoglobulines G (IgG), M (IgM) ou A (IgA) dans le sérum, le plasma ou le sang complet. Plusieurs types de tests sont proposés aux laboratoires pour évaluation incluant 1) des sérologies quantitatives ou semi-quantitatives de type ELISA, ou de type CLIA (Chemiluminescent immunoassay) pour des systèmes automatisés pouvant traiter de grands volumes analytiques et 2) des sérologies qualitatives comprenant des tests immunochromatographiques type « point of care testing » pouvant être effectués sur une prise de sang capillaire, du sérum ou du plasma avec obtention d’un résultat rapide (environ 15 min).40,48 La sensibilité et spécificité de ces différents tests sont en cours d’évaluation dans plusieurs laboratoires de référence. Les tests sérologiques utilisent différentes protéines antigéniques virales très immunogéniques et abondantes du SARS-CoV-2 pour la détection des anticorps produits en réponse à l’infection. Selon les tests, les antigènes viraux ciblés comprennent des lysats du virus et des protéines recombinantes incluant la protéine N (nucléocapside), la protéine S (« spike ») ou certains domaines de la protéine S (S1, « receptor binding domain » (RBD)). Les premiers résultats publiés indiquent pour certains tests des sensibilité et spécificité supérieures à 90 % sur des sera prélevés 15 à 20 jours après l’apparition des symptômes.42,49 Par conséquent, la sérologie est essentiellement indiquée pour des études épidémiologiques de séroprévalence et de futures évaluations de réponses vaccinales, mais pas pour le diagnostic d’infection durant les premiers jours suivant l’apparition des symptômes dû au délais de la production d’anticorps détectable post-symptôme de 15-20 jours. Cependant, ces tests sérologiques pourraient être utiles pour le diagnostic de l’infection à SARS-CoV-2 selon le stade suspecté de la maladie, en cas de suspicion clinique et de PCR négative ou dans un contexte de manque de disponibilité de la PCR. L’utilisation de tests sérologiques pour le diagnostic d’infection à SARS-CoV-2 permettrait de confirmer l’infection en cas de résultat positif, mais pas d’exclure l’infection en cas de résultat négatif dû à une sensibilité du diagnostic sérologique insuffisante durant les premiers jours après l’apparition des symptômes.41
Hormis les limitations des tests diagnostiques, la réponse à la demande est le plus important défi auquel les laboratoires sont confrontés. Au vu de la rapide propagation de la pandémie et de l’appel de l’Organisation Mondiale de la Santé(OMS) pour un dépistage à large échelle au sein de la population, les laboratoires se sont trouvés face à la nécessité d’adapter leurs moyens et leurs forces de travail en un temps record. Les stratégies de réponse comprennent notamment : 1) l’anticipation avec des plans dégradés de réduction progressive de l’activité dans d’autres secteurs diagnostiques afin de cibler l’effort sur le diagnostic moléculaire du COVID-19, 2) la réorientation, voire la reformation du personnel (mobilisation des techniciens de laboratoire de recherche pour le diagnostic), 3) la validation et l’implémentation rapide de nouveaux tests diagnostiques sur des plateformes flexibles et adaptables bien avant l’arrivée des tests commerciaux50 tout en respectant les standards de qualité, 4) la coopération et la formation de laboratoires d’hôpitaux périphériques afin de les rendre autonomes dans la pratiques des tests, 5) l’acquisition de nouvelles plateformes automatisées COBAS 6800 (Roche), plateforme BD MAX (Becton Dickinson), pour augmenter le volume de tests quotidiens et 6) anticiper et pallier les pénuries en termes de matériel (écouvillons, réactifs). Ce dernier point est particulièrement important dans un contexte de pandémie où l’approvisionnement dépend souvent de fournisseurs étrangers et peut être perturbé par les fermetures de frontières et/ou des enjeux politiques.
La prise en charge thérapeutique de l’infection à SARS-CoV-2 nécessite dans la plupart des situations le recours à des thérapeutiques non spécifiques de type antalgique. Si l’utilisation du paracétamol ne pose pas de problèmes particuliers plusieurs autres groupes de molécules sont beaucoup plus discutés comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou les corticoïdes.
L’agence Européenne de médecine (EMA) a statué sur l’absence de données permettant de lier les AINS avec une aggravation de la symptomatologie du SARS-CoV-251 mais le débat reste pour certains toujours ouvert dans la mesure où le niveau de preuve est insuffisant. Dans un éditorial, Paul Little souligne l’existence d’une relation entre aggravation respiratoire et atteinte cardiovasculaire dans plusieurs pathologies en dehors du SARS-CoV-2 incitant ainsi à la prudence.52
Les corticoïdes sont proposés essentiellement dans les phases les plus sévères de l’infection à SARS-CoV-2, la « surviving sepsis campaign » s’est positionnée contre l’utilisation des corticostéroïdes à but anti-inflammatoire chez les patients ventilés.53 Dans le cadre du SDRA, les corticoïdes sont recommandés (recommandation faible avec un faible niveau de preuve). Pour mémoire, les corticoïdes avaient été évalués dans le cadre de l’infection à SARS-CoV en 2003 et les données suggéraient plutôt un effet néfaste.54
Actuellement, quatre traitements spécifiques sont envisagés pour les patients atteint de COVID-19. Aucun traitement n’a à ce jour montré son efficacité dans une étude prospective contrôlée.
Ce sont des molécules utilisées pour le traitement de l’infection VIH. Les inhibiteurs de protéase ont une activité in vitro contre les coronavirus.55 Il s’agit de l’unique classe de molécule ayant fait l’objet d’une évaluation rigoureuse dans un essai randomisé contrôlé. Cet essai a comparé 99 patients recevant la combinaison lopinavir/ritonavir à la dose de 400 mg/100 mg 2 fois par jour pendant 14 jours à 100 patients recevant un traitement symptomatique.1 Les résultats ont montré que le traitement par lopinavir/ritonavir n’apportait pas de bénéfice par rapport au traitement standard chez des patients hospitalisés pour une forme grave de COVID-19. Cependant, en raison de l’hétérogénéité des patients évalués (tant en termes de gravité qu’en termes de durée d’évolution de la maladie au moment de l’inclusion dans l’étude), du critère de jugement choisi et de la puissance de l’étude, il n’est pas exclu que le lopinavir/ritonavir puisse avoir une efficacité si le traitement est entrepris tôt dans l’évolution de la maladie. En effet, dans une analyse post-hoc, la guérison clinique est obtenue plus rapidement (16 vs 17 jours) et la mortalité est plus faible (19 vs 27,1 %) dans le sous-groupe des sujets ayant débuté le traitement moins de 12 jours après le début des symptômes. Au vu de l’absence de meilleure évidence et d’un potentiel bénéfice en termes de santé publique leur utilisation pourrait encore avoir un rôle dans la prise en charge des patients.
La chloroquine ou l’hydroxychloroquine inhibent de nombreux virus in vitro.56-58 De nombreux essais thérapeutiques utilisant la chloroquine ont été initiés en Chine et en Europe. Une étude observationnelle dans laquelle 26 patients hospitalisés pour COVID-19 ont reçu un traitement par hydroxychloroquine a été récemment publiée.59 Les auteurs concluent que le traitement par hydroxychloroquine est associé à une réduction/disparition de la charge virale chez des patients ayant un COVID-19 et que cet effet est renforcé par l’azithromycine. De nombreuses problématiques concernant la méthodologie de cette étude ne permet pas de conclure à l’efficacité clinique de l’hydroxychloroquine. Une seconde étude de la même équipe posant des soucis méthodologiques comparables et portant sur 80 patients ne permet pas non plus de conclure quant à l’efficacité de cette molécule (étude non encore publiée peer-reviewed).
Il n’existe à ce jour aucune donnée scientifique avec un niveau de preuve suffisant justifiant de l’administration de la chloroquine à un stade quelconque de l’infection à SARS-CoV-2. Il existe un besoin majeur en étude correctement menée sur le plan scientifique et éthique.
Il s’agit d’une molécule analogue de l’adénosine avec un effet antiviral de large spectre. Elle s’est montrée efficace dans des modèles animaux d’infection à coronavirus.60,61 Il a été jugé par un groupe d’experts de l’OMS comme le traitement le plus prometteur contre le nouveau coronavirus SARS-CoV-2. Il est actuellement seulement disponible via des études cliniques ou des programmes d’accès précoce ou d’usage compassionnel. Nous ne disposons d’aucune étude clinique.
À la différence des autres traitement discutés ci-dessus, l’utilisation du tocilizumab vise à diminuer la réponse inflammatoire de l’hôte.62 En effet lors d’infection sévère par ce nouveau coronavirus, une réponse inflammatoire importante17 (avec notamment l’augmentation d’une cytokine proinflammatoire, l’interleukine-6) et incontrôlée est corrélée à la sévérité des symptômes. Le tocilizumab est un anticorps monoclonal qui bloque le récepteur de l’interleukine-6, ce dernier est utilisé de routine en Suisse et approuvé par Swissmedic chez des patients avec une maladie inflammatoire chronique (polyarthrite rhumatoïde, maladie de Still, etc.).
Vingt patients atteints d’une infection pulmonaire sévère à SARS-CoV-2 et hospitalisés en Chine en février ont bénéficié d’un traitement par tocilizumab (chinaXiv:202003.00026v1). Les auteurs ne rapportent pas d’effets indésirables liés à ce traitement et tous les patients ont eu une évolution clinique rapidement favorable. Néanmoins, en l’absence de contrôle, il est impossible de se prononcer sur son efficacité. De nombreux essais cliniques sont en cours pour tester son efficacité chez ces patients.
De nombreuses autres thérapeutiques sont actuellement discutées comme le plasma de convalescents,63,64 le niclosamide,65 l’umifénovir ou encore d’autres molécules.66,67
D’un point de vue thérapeutique, les options sont à ce jour relativement limitées avec, soit une approche antivirale avec des molécules dont l’efficacité clinique reste à déterminer, soit une modulation de la réponse de l’hôte où là encore notre histoire récente sur les cibles utilisées dans le sepsis doit nous inciter à la prudence.68 Plusieurs essais sont actuellement en cours dont l’essai Solidarity qui va évaluer sur un design adaptatif la chloroquine, l’association lopinavir/ritonavir, l’interféron, et le remdésivir versus placebo. Seule cette approche systématique et scientifiquement solide nous permettra de proposer le meilleur traitement à nos patients. Le dernier écueil est sans doute le stade auquel ce traitement est proposé et au vu des éléments physiopathologiques évoqués l’approche antivirale devrait être la plus précoce possible pour éventuellement bloquer une réponse inflammatoire excessive observée dans la seconde partie de la maladie.69 Si, lors de cette seconde phase, il est raisonnable ou non de proposer une immunomodulation comme par exemple avec le tocilizumab reste une question majeure ou là encore seule une étude versus placebo peut répondre.
Au cours des 20 dernières années, nous avons plusieurs fois vu se profiler le risque d’une pandémie, dont les agents responsables ont été tour à tour le SARS-CoV, H1N1, ou MERS-CoV, mais aucun d’entre eux n’avait réussi à gagner ce pari de l’émergence telle que le SARS-CoV-2 est en train de le réaliser. Coordonner une réponse politique, sanitaire et scientifique est sans doute le plus grand challenge auquel nous sommes confrontés ; l’adaptabilité de notre système, l’acceptabilité des choix qui nous sont imposés, la résilience des populations vont permettre de surmonter cet obstacle. Sur le plan thérapeutique le plus important reste à faire et il convient sans doute de différencier une réponse motivée par la crainte d’une preuve scientifique issue d’un travail prospectif correctement mené, « primum non nocere ».
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
Depuis son apparition en Décembre 2019, les connaissances scientifiques concernant le virus SARS-CoV-2 ont rapidement évolués mais, en raison de la complexité et nouveauté de cette infection et de ses enjeux politiques et économiques, encore beaucoup reste à clarifier. Des milliers d’études ont déjà été publiés et la recherche scientifique est en constante évolution. Dans cette multitude d’informations, nous proposons une mise à jour des connaissances actuellement disponibles. Une limitation de la propagation, la compréhension du fonctionnement du virus et de ses manifestations cliniques, l’administration de traitements spécifiques et des outils diagnostiques rapides et fiables, sont à la base de la lutte contre ce germe à présent encore méconnu.
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