La pandémie de Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) a imposé une réorganisation de notre système de soins conduisant à un essor inespéré de la télémédecine, en particulier à Genève. Le déploiement d’HUG@home aux HUG et de docteur@home dans les cabinets a permis la réunion des professionnels de la santé autour d’une solution unique assurant ainsi une continuité des soins de patients atteints de maladies chroniques, mais également le tri et le suivi de ceux atteints du COVID-19 dans le respect des règles de sécurité et de confidentialité. La simplicité d’utilisation des outils de consultation à distance est essentielle à un ancrage durable de la télémédecine dans la pratique. L’encadrement des pratiques, la formation ainsi que la valorisation des actes de télémédecine sont également nécessaires pour le développement de soins de qualité.
La pandémie de Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) est venue bouleverser le quotidien de la population suisse, tenue par le semi-confinement, ainsi que celui des soignants exposés à un risque élevé de transmission. Le monde médical a été confronté à un nouveau défi, les soins devenant eux-mêmes un facteur de risque de contamination. Dès lors, il a fallu réfléchir à d’autres modèles de soins, respectant les standards habituels de qualité et de sécurité afin d’assurer la prise en charge des patients atteints du COVID-19 tout en garantissant la continuité du suivi des patients atteints de maladies chroniques.
De nombreux hôpitaux et cabinets médicaux en Suisse comme dans le reste du monde ont dû déprogrammer les gestes opératoires et les consultations non urgentes pour les remplacer par des téléconsultations lorsque cela était possible. La crise sanitaire a ainsi été le point de départ d’un développement rapide de la télémédecine dans le canton de Genève.
La télémédecine fait partie de la stratégie de santé de nombreux pays. Cependant, jusqu’à la situation exceptionnelle actuelle, elle a été considérée principalement comme un moyen de lutter contre les inégalités d’accès aux soins. Aux États-Unis, le développement de la télémédecine remonte aux années 90 et s’est imposé comme un moyen de répondre à de nombreux défis de santé publique. En France, elle est au cœur du plan « Ma santé 2022 »,1 porté par le gouvernement dans le but de libérer du temps aux professionnels de santé et de faciliter l’accès aux soins. Dans d’autres régions du monde, à l’image de la Suède, l’e-santé et la télémédecine font partie intégrante du paysage médical.2 Avant la crise sanitaire actuelle en Suisse, et plus particulièrement dans le canton de Genève, la vidéoconsultation ne faisait pas partie du quotidien des soignants. La télémédecine s’exerçait principalement par téléphone ou par courriel.
Les HUG représentent le premier hôpital universitaire de Suisse.3 À l’image des autres établissements de soins, ils ont été confrontés à un triple défi : réorganiser les soins pour pouvoir accueillir les patients malades ou suspects d’une infection par le nouveau coronavirus, poursuivre la prise en charge des autres patients et enfin protéger patients et professionnels de contacts potentiellement contaminants.
Les HUG se sont organisés rapidement et efficacement face à la pandémie en réorganisant complètement l’hôpital, multipliant les possibilités d’accueil de patients infectés par le coronavirus, organisant une prise en charge rapide et effective adaptée au besoin des patients, mais aussi en protégeant les patients habituellement pris en charge. Afin de gérer au mieux la situation, de limiter la propagation de la maladie, en protégeant les personnes les plus vulnérables et préservant les ressources hospitalières, le canton de Genève a fédéré ses ressources. Les patients COVID-19 nécessitant une hospitalisation ont été orientés aux HUG où un secteur dédié au tri et au dépistage des patients susceptibles d’être infectés par le coronavirus a été mis en place.
Lorsque les patients testés ne nécessitaient pas d’hospitalisation, une procédure de suivi à distance a été mise en place. Le suivi à intervalles réguliers sur 10 jours a été effectué par téléconsultation afin de s’assurer de l’évolution favorable de l’état de santé des personnes infectées ou à risque sans les exposer davantage, sans faire courir un risque aux soignants. La quarantaine a ainsi pu être respectée, participant à la limitation de l’épidémie.
Aux HUG, l’existence d’une plateforme de télémédecine, auparavant en phase pilote, a permis une grande réactivité face aux défis imposés par la pandémie tout en respectant les prérequis indispensables en termes de secret médical et de protection des données.
HUG@home est une application développée à la suite de deux hackathons des HUG et financée par la Fondation privée des HUG ainsi que la Direction générale de la santé (DGS) du canton de Genève. Pensé et adapté durant des focus groupes de patients et de différents profils soignants, cet outil a été conçu dans le souci d’une prise en main ergonomique et intuitive pour le soignant comme par le patient. Celui-ci reçoit une invitation SMS contenant un lien vers la plateforme web de télémédecine. Le téléchargement d’une application est une étape possible mais non indispensable.4
Jusqu’au profond changement induit par la crise du nouveau coronavirus, il s’agissait d’une application de téléconsultation assistée, permettant à des infirmiers exerçant au sein de l’institution genevoise de maintien à domicile (IMAD) ou en établissements médico-sociaux (EMS) de contacter un médecin de garde des HUG pour obtenir un avis médical par tchat, consultation audio ou vidéo, afin d’éviter un transfert de patients aux urgences dans les suites d’une hospitalisation récente aux HUG. Cet outil permet l’envoi ou la réception d’une pièce jointe sécurisée.
Après une phase pilote, l’application HUG@home avait pour vocation d’évoluer vers de nouvelles utilisations permettant à moyen terme d’assurer par téléconsultation le suivi des patients chroniques. Le déploiement des téléconsultations aux HUG était planifié pour le début de l’année 2021.
La pandémie a précipité ces développements initialement prévus sur un an et, en l’espace de deux semaines, une nouvelle version de l’application HUG@home a été déployée aux HUG pour répondre à un besoin urgent de téléconsultations. En un temps record, grâce à l’agilité de l’équipe de développeurs et un assouplissement des contraintes administratives usuelles, les soignants qui le souhaitaient ont pu bénéficier d’un outil fiable et sécurisé leur permettant d’inviter facilement leurs patients à une vidéoconsultation.
Grâce au déploiement de plus de 400 écrans équipés de caméra et micro intégrés au sein des différents sites des HUG, et au travail d’une équipe dédiée à la formation des soignants, le nombre de professionnels de santé ayant pu utiliser cet outil a rapidement atteint 1000, tous profils confondus, permettant ainsi la réalisation de près de 4000 vidéoconsultations en l’espace de 2 mois, essentiellement pour le suivi des patients les plus fragiles en oncologie, psychiatrie et pédiatrie.
De nouveaux professionnels de la santé non médecins se mettent également aux consultations par vidéo. La figure 1 expose les différents profils de soignants ayant eu recours à HUG@home au pic de la crise.
Parallèlement, cette plateforme a été déployée pour le suivi des patients infectés ou susceptibles de l’être par le COVID-19 et non hospitalisés. Le protocole développé pour le suivi de ces patients prévoit de les contacter de façon régulière afin de s’assurer de l’évolution favorable de leur état de santé et de l’absence de critères d’hospitalisation. HUG@home permet, par la vidéo, une meilleure évaluation en comparaison d’un appel téléphonique simple,5 donnant par la vidéoconsultation la possibilité d’établir un contact visuel, par ailleurs rassurant dans ce contexte anxiogène.6
Cet outil a également permis aux soignants vulnérables ou en quarantaine de continuer à travailler depuis chez eux en toute sécurité. En effet, à l’aide d’un système de double authentification sécurisée, les soignants peuvent se connecter depuis leur propre outil (mobile, tablette, ordinateur personnel) à l’aide d’une connexion internet (wifi ou 4G) avec le même niveau de sécurité qu’aux HUG.
Il est apparu rapidement que les médecins de ville allaient jouer un rôle essentiel dans la gestion de la crise du COVID-19. À la demande de la DGS et de l’Association des médecins du canton de Genève (AMGe), la plateforme a été rapidement dupliquée, devenant docteur@home.
Les médecins de ville ont ainsi pu bénéficier d’une plateforme de télémédecine offrant gratuitement les mêmes fonctionnalités qu’HUG@home, leur permettant de bénéficier des mêmes garanties de sécurité. Une innovation simple est ainsi offerte au patient puisqu’un même outil lui permet désormais de bénéficier de téléconsultation avec son médecin traitant ou son médecin des HUG. Déployée initialement auprès des médecins généralistes, au regard de la grande satisfaction des utilisateurs (près de 90 % d’évaluations positives), l’application docteur@home a progressivement été rendue accessible gratuitement aux autres médecins spécialistes et aux psychiatres membres de l’AMGe. Ainsi près de 400 médecins genevois ont opté pour cette solution de télémédecine afin d’assurer un suivi sécurisé et aisé de leurs patients.
Alors que les études ont montré que la conduite du changement avec l’introduction de la téléconsultation dans la pratique des professionnels est complexe, rompant avec une longue tradition de consultations présentielles,5,7-9 la pandémie les a contraints à une nouvelle pratique qui rompt avec le mode de prise en charge traditionnel.6
Durant le déploiement d’HUG@home et de docteur@home, un accent particulier a été mis sur l’aide à la prise en main par les soignants et les patients de l’outil à travers des tutoriels papier et vidéo, une page intranet, une foire aux questions et un box dédié à l’information des patients au sein des HUG. Une équipe a été déployée afin d’accompagner les collaborateurs dans cette nouvelle pratique. Un outil simple conçu avec des soignants et des patients (figures 2 et 3), des fonctions pour tester la bonne connexion de sa caméra et du micro par le soignant et le patient ainsi qu’un support informatique ont permis d’accompagner ce changement. Enfin une évaluation de la satisfaction de l’outil par les soignants et les patients en temps réel via l’application nous a permis une amélioration constante.
Au-delà d’une réponse partielle à la problématique de la pénurie de certaines spécialités médicales dans certains cantons, il nous apparaît que la télémédecine doit également être considérée par les professionnels comme une pratique permettant un gain de temps, de transport, et diminuant les coûts du système de santé sans perte d’efficacité.10-12
Certaines interrogations perdurent pourtant et devront être résolues afin de permettre l’intégration pérenne de cette pratique. Parmi celles-ci, l’établissement d’une tarification spécifique et d’un cadre légal clair alors qu’il n’existe pas actuellement de loi nationale portant sur la télémédecine.
La crise du COVID-19 a accéléré le développement de la télémédecine en Suisse et dans le monde. Elle a contribué au développement rapide d’une solution innovante et sécurisée aux HUG, rendue accessible aux médecins de ville du canton de Genève grâce à une collaboration publique-privée nouvelle. Cette innovation réunit les différents acteurs de soins autour d’un seul outil, gage d’une meilleure acceptation par le patient.
Dès le 27 avril 2020, le Conseil fédéral a autorisé les cabinets médicaux et les hôpitaux à reprendre leurs activités liées à des consultations ambulatoires ou à des interventions non urgentes en observant un respect strict des mesures de protection afin de continuer à protéger la santé de la population. Certains professionnels et patients continuent néanmoins à plébisciter les téléconsultations. Il devient urgent d’accompagner le développement et le recours à la télémédecine. Celle-ci doit pouvoir s’intégrer à un exercice plus traditionnel même si elle ne peut en aucun cas s’y substituer.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
• La crise liée au Coronavirus Disease 2019 a accéléré l’utilisation de la vidéoconsultation par les professionnels de la santé
• La simplicité et l’ergonomie des plateformes HUG@home et docteur@home ont facilité l’intégration de cette nouvelle pratique aux HUG
• Il semble néanmoins nécessaire d’accompagner les professionnels de santé et les patients dans l’adoption de la vidéoconsultation dans leur pratique quotidienne
La pandémie de Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) a imposé une réorganisation de notre système de soins conduisant à un essor inespéré de la télémédecine, en particulier à Genève. Le déploiement d’HUG@home aux HUG et de docteur@home dans les cabinets a permis la réunion des professionnels de la santé autour d’une solution unique assurant ainsi une continuité des soins de patients atteints de maladies chroniques, mais également le tri et le suivi de ceux atteints du COVID-19 dans le respect des règles de sécurité et de confidentialité. La simplicité d’utilisation des outils de consultation à distance est essentielle à un ancrage durable de la télémédecine dans la pratique. L’encadrement des pratiques, la formation ainsi que la valorisation des actes de télémédecine sont également nécessaires pour le développement de soins de qualité.
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