Le flutter auriculaire typique ou commun est une arythmie fréquente correspondant à une macro-réentrée auriculaire droite. Les risques liés à cette arythmie sont multiples : conduction 1 : 1 aux ventricules, tachycardimyopathie, accidents thromboemboliques. Le traitement de choix du flutter auriculaire typique repose sur l'ablation par radiofréquence de l'isthme cavo-tricuspidien, traitement qui devrait être envisagé soit d'emblée, soit à la première récidive. Le flutter auriculaire impose par ailleurs une anticoagulation au même titre que la fibrillation auriculaire parce que son potentiel thrombogène est élevé et parce qu'il existe une association fréquente avec la fibrillation auriculaire.
Le flutter auriculaire est l'une des arythmies soutenues les plus fréquentes. Ce trouble du rythme auriculaire a été enregistré pour la première fois par Einthoven en 19061 mais c'est à Sir Thomas Lewis que l'on doit le terme de flutter auriculaire, puisqu'en 1912 il a comparé le mouvement régulier des ondes auriculaires aux battements réguliers des ailes d'un papillon (flutter).2
Le flutter auriculaire typique ou commun est dû à une macroréentrée purement auriculaire droite, l'influx électrique se propageant le long du septum interauriculaire de manière ascendante, le long de la paroi antérolatérale de manière descendante, la boucle inférieure du circuit passant par l'isthme cavo-tricuspidien. Cet isthme, délimité en avant par la valve tricuspide, en arrière par la veine cave inférieure, représente un passage obligé pour le flutter typique.3 Dans le flutter typique ou commun, l'intégralité du circuit de réentrée se trouve donc dans l'oreillette droite et l'oreillette gauche n'est activée que secondairement de manière passive.
Sur le plan électrocardiographique, le flutter typique a un aspect caractéristique : présence d'une activité auriculaire organisée, d'une fréquence de 250 à 350/min, avec un aspect en dents de scie, une absence de ligne isoélectrique, des ondes auriculaires négatives dans les dérivations DII, DIII et aVF, et positives dans la dérivation V1 (figure 1A). Il existe cependant plusieurs variétés de flutters auriculaires, appelés atypiques, qui tous présentent une activité électrique auriculaire organisée d'une fréquence de 250 à 350/min, mais qui ne démontrent pas les caractéristiques morphologiques du flutter commun (figure 1B). Les progrès de l'électrophysiologie clinique et les techniques de cartographie endocavitaires ont permis d'établir une nouvelle nomenclature dont l'intérêt est primordial pour diriger le traitement par ablation car elle sépare les flutters qui dépendent de l'isthme cavo-tricuspidien des flutters sur cicatrice ou des flutters gauches qu'ils soient périmitraux, cicatriciels ou septaux.4,5
Le flutter auriculaire représente 10% de toutes les tachycardies supraventriculaires rencontrées en clinique ; il apparaît plus fréquemment chez les hommes et souvent dans un contexte d'hypertension, de maladie coronarienne, de valvulopathie mitrale, de maladie sino-auriculaire, d'affection pulmonaire chronique ou d'antécédent de chirurgie cardiaque. Les symptômes liés au flutter sont essentiellement en rapport avec la réponse ventriculaire : palpitations, dyspnée, fatigue, intolérance à l'effort lorsque la réponse est de type 2 : 1, ce qui est habituellement le cas dans le flutter auriculaire commun. Parfois, le flutter ne s'accompagne d'aucun symptôme, en particulier lorsque la réponse ventriculaire est lente, de type 3, 4 ou 5 : 1. Dans certains cas, le flutter à réponse 2 : 1 constante peut entraîner une cardiomyopathie rythmique (tachycardimyopathie). En pratique, toute tachycardie à complexes QRS fins d'une fréquence comprise en 140 et 160/min doit être considérée comme un flutter 2 : 1 jusqu'à preuve du contraire, et le diagnostic peut être rapidement confirmé (ou infirmé) par des manœuvres vagales ou par une injection d'adénosine. Le flutter est fréquemment associé à la fibrillation auriculaire, en particulier chez les sujets âgés ou en présence d'une cardiopathie. Le bilan initial face à un flutter auriculaire doit inclure une anamnèse dirigée, un examen clinique, un électrocardiogramme 12-dérivations, un bilan biologique comprenant en particulier un dosage des hormones thyroïdiennes, une échographie cardiaque et un enregistrement ECG de 24 heures. Des tests plus spécifiques, pour exclure une maladie coronarienne par exemple, doivent être discutés de cas en cas.
Le traitement du flutter auriculaire dépend en premier lieu de la tolérance clinique : si l'état hémodynamique l'exige, une cardioversion électrique urgente peut s'avérer nécessaire. Pour freiner la réponse ventriculaire, les bêtabloquants, les anticalciques et la digitale sont les médicaments les plus efficaces. Pour convertir le flutter auriculaire en rythme sinusal, on peut avoir recours aux antiarythmiques de classe III comme l'ibutilide, le dofetilide ou l'amiodarone, mais force est de reconnaître que le flutter auriculaire typique répond mal aux antiarythmiques et que ce sont essentiellement des manipulations électriques qui permettent un retour en rythme sinusal :
1. Choc électrique externe : très efficace même à faible énergie (30-50 Joules), avec plus de 95% de conversions en rythme sinusal ; sûr, rapide, mais imposant une brève anesthésie générale.
2. Stimulation électrique endocavitaire ou overdrive : efficace à 70-80%, rapide, simple, ne nécessitant pas d'anesthésie générale et permettant une stimulation rapide en cas de bradyarythmie sévère après conversion. La technique d'overdrive au moyen de fils auriculaires épimyocardiques est la technique de choix pour convertir les flutters auriculaires postopératoires.
3. Ablation par radiofréquence de l'isthme cavo-tricuspidien.
L'ablation par radiofréquence de l'isthme cavo-tricuspidien 6-9 est devenue le traitement de choix du flutter auriculaire typique car, en modifiant le circuit dans sa partie vulnérable à savoir l'isthme, il est aujourd'hui le seul traitement véritablement curatif du flutter auriculaire. L'ablation s'effectue au moyen d'un cathéter introduit par voie fémorale droite et dirigé sous scopie dans l'oreillette droite. La procédure, d'une durée de une à deux heures, s'effectue en anesthésie locale parfois avec une légère sédation. Les risques sont faibles (l 1%) mais non nuls, et incluent les hématomes au point de ponction, un risque de bloc auriculo-ventriculaire si l'ablation est effectuée trop en direction du septum, voire une tamponnade en cas de perforation. Une fois l'ablation réalisée (figure 2), il est impératif d'effectuer des manœuvres de stimulation spécifiques pour confirmer la présence d'un bloc de conduction isthmique bidirectionnel ; c'est en effet lorsque ce bloc isthmique est établi que les résultats à moyen et à long terme sont les meilleurs, avec un taux de récidives inférieur à 5%.9
Comme dit précédemment, le flutter auriculaire coexiste hélas souvent avec la fibrillation auriculaire et nombre de patients présentent les deux types d'arythmies au cours de leur évolution bien qu'elles aient des mécanismes différents.10 Le traitement chez de tels patients s'avère quelque peu différent et repose en premier lieu sur une approche pharmacologique visant à prévenir les accès de fibrillation auriculaire. Une approche mixte ou hybride, incluant d'une part les antiarythmiques pour la fibrillation auriculaire et, d'autre part l'ablation isthmique pour le flutter auriculaire, peut et doit être envisagée lorsque les épisodes de flutter sont fréquents ou prédominants, ou lorsque les accès de fibrillation auriculaire sont «organisés» en flutter par le traitement antiarythmique.
L'ablation par radiofréquence étant le seul traitement véritablement curatif pour le flutter auriculaire typique, il apparaît légitime de se demander si un tel traitement ne devrait pas être proposé en première intention chez tous patients présentant un flutter auriculaire. Une telle attitude paraît aux yeux de certains d'autant plus justifiée que le flutter est par excellence récidivant et ce, quel que soit le traitement pharmacologique instauré (92% de récidives à deux ans selon Babaev, et coll.).11 L'ablation par radiofréquence en première intention est non seulement plus efficace sur le risque de récidive, mais elle l'est également sur le risque de réhospitalisation, sur l'incidence de fibrillation auriculaire au cours du suivi tout en améliorant considérablement la qualité de vie et la satisfaction globale à moyen terme des patients.12 Ablation lors du premier épisode ou ablation lors de la première récidive, la question reste ouverte mais il est évident aujourd'hui que l'ablation est le traitement le plus adéquat du flutter auriculaire commun.
Pendant longtemps, le risque thromboembolique du flutter auriculaire commun a été sous-estimé et peut-être négligé. Il n'y a pas d'étude prospective randomisée évaluant le bénéfice d'une anticoagulation orale en cas de flutter typique, mais plusieurs études ont clairement démontré un risque accru d'événements thromboemboliques en cas de flutter, soit en raison d'une altération de la mécanique auriculaire, soit en raison de l'association fréquente entre flutter et fibrillation auriculaire. Les recommandations actuelles des sociétés savantes sont donc claires : les patients en flutter auriculaire doivent être anticoagulés de la même manière que les patients avec fibrillation auriculaire.
Le flutter auriculaire est une arythmie fréquente et les risques qui lui sont associés sont souvent méconnus ou négligés (conduction 1 : 1 à l'effort, cardiomyopathie rythmique, risque thromboembolique, etc.). Le traitement de choix du flutter auriculaire typique est l'ablation de l'isthme cavo-tricuspidien, et un tel traitement doit être proposé soit en première intention, soit à la première récidive.