La chirurgie dermatologique a énormément progressé durant ces dernières années notamment dans le traitement des varices et des télangiectasies. De nouvelles techniques mini-invasives ont été développées : lasers, échosclérose, chirurgie avec anesthésie par tumescence et traitement endovasculaire des veines saphènes. La plupart de ces interventions peuvent être effectuées en anesthésie locale et en ambulatoire. Ces nouveaux traitements visent à diminuer les risques opératoires, réduire les coûts médicaux et les hospitalisations, et améliorer les résultats fonctionnels et esthétiques.
Les varices et les télangiectasies sont extrêmement fréquentes dans la population. Ces affections dermatologiques sont de plus en plus souvent traitées en ambulatoire par des techniques mini-invasives. Les dermatologues ont été très innovants dans le développement de ces techniques.1,2
C'est R. Muller, un dermatologue suisse, qui a développé en 1950 la phlébectomie ambulatoire des varices pratiquée aujourd'hui dans le monde entier. La mise au point, par le dermatologue J. A. Klein, de l'anesthésie par tumescence, il y a une vingtaine d'années pour la liposuccion, a aussi nettement simplifié la chirurgie des veines saphènes. Plus récemment, l'ultrasonographie duplex et les lasers ont permis le développement de techniques moins invasives et plus performantes. Nous faisons le point sur ces traitements.
L'examen des veines par ultrasonographie duplex est indispensable avant toute chirurgie des veines. Le réseau veineux superficiel et profond doit être examiné minutieusement. Un marquage préopératoire précis est essentiel pour la réussite du traitement. Idéalement, c'est le chirurgien qui devrait effectuer ce marquage. Il existe en effet une grande variabilité anatomique des veines superficielles. Le chirurgien doit tenir compte lors du marquage non seulement du trajet des veines mais aussi de leur rapport avec les autres structures anatomiques comme les aponévroses afin de réduire au minimum la taille et le nombre d'incisions. L'examen échographique n'est pas indispensable lors de télangiectasies isolées.
Le tableau 1 résume les différentes modalités thérapeutiques en fonction du type de veines à traiter. Les télangiectasies ne sont pas des varices et n'ont en principe aucune répercussion sur la santé. On peut en effet avoir d'importantes télangiectasies et ne jamais développer de varices. Les varices sont par contre des signes d'insuffisance veineuse chronique. Le traitement des varices améliore la qualité de vie du patient et réduit les risques d'ulcère.3 Seul le traitement des varices est en principe remboursé par les assurances. Les bas de compression et les phlébotropes améliorent la symptomatologie liée aux varices mais n'ont pas d'effet thérapeutique sur les varices ou les télangiectasies. La surcharge pondérale, la sédentarité et la constipation chronique sont des facteurs de risque qui doivent être traités.
La sclérothérapie est le traitement de choix des télangiectasies rouges ou bleues (figures 1 et 2). L'agent sclérosant provoque une fibrose de la veine qui disparaît ensuite progressivement. Les deux agents les plus utilisés en Suisse sont le polidocanol (Aethoxysklerol) et la glycérine chromée (Scleremo). Le tétradécyl sulfate de sodium est très populaire aux Etats-Unis. Le polidocanol et le tétradécyl sulfate de sodium sont des agents tensioactifs qui forment une mousse lorsqu'ils sont mélangés à l'air, ce qui semble augmenter leur efficacité. Le choix du produit et les résultats obtenus dépendent beaucoup de la technique et de l'expérience du médecin qui pratique ces interventions.4,5 Les hyperpigmentations et les phlébites après sclérothérapie sont rares et transitoires (figure 3). Le port d'une compression après le traitement réduit le risque de ces complications. Il faut généralement plusieurs séances espacées de 3-4 semaines pour traiter des télangiectasies étendues. Le résultat n'est pas définitif. Il s'agit d'un traitement esthétique qui n'est pas remboursé par les assurances.
La sclérothérapie peut aussi être utilisée pour traiter les saphènes et leurs collatérales. Pour les saphènes, l'injection du sclérosant se fait sous contrôle échographique (échosclérose). Le risque de thrombose n'est pas négligeable. La chirurgie est probablement plus efficace et plus sûre mais de nouvelles techniques de cathétérisme sous contrôle échographique ont donné des résultats très encourageants.6 L'avantage de la sclérothérapie par rapport aux autres techniques endovasculaires est d'être simple et peu coûteuse. Il existe donc aujourd'hui un net regain d'intérêt pour ce type de traitement. L'échosclérose des varices a aussi été utilisée avec succès pour traiter les ulcères variqueux.7
Les lasers cutanés sont très efficaces pour traiter les télangiectasies du visage mais leur efficacité diminue au niveau des jambes. On utilise des lasers avec des longueurs d'ondes courtes (KTP 532 nm, colorant pulsé 585-600 nm) pour traiter les télangiectasies rouges et des lasers avec des longueurs d'ondes plus longues (alexandrite 755 nm, diode 800 nm, Nd : YAG 1064 nm) pour traiter les télangiectasies bleues qui sont généralement plus profondes dans le derme. Les lampes flash ne sont pas des lasers mais des lampes à hautes puissances (intense pulse light) dont on peut faire varier la longueur d'onde (500-1200 nm). Certaines lampes flash de nouvelle génération auraient une efficacité comparable à celle des lasers. Les résultats obtenus avec les lasers pour traiter les télangiectasies sont prometteurs mais la sclérothérapie reste néanmoins supérieure surtout si elle est pratiquée par des mains expertes.8,9
La chirurgie est le traitement de choix pour les varices. L'ultrasonographie duplex préopératoire est indispensable pour planifier l'intervention (figure 4). Lorsqu'il n'y a pas d'incontinence sur la crosse des saphènes, on effectue généralement de simples phlébectomies selon Muller en anesthésie locale. Cette technique consiste à extirper la veine par des mini-incisions à l'aide d'un petit crochet.
Lorsque les varices sont très étendues, on pratique une anesthésie par tumescence qui consiste à injecter dans le tissu sous-cutané de grands volumes (100-500 ml) d'un anesthésique local (lidocaïne) très dilué additionné d'adrénaline et de bicarbonate de sodium (tableau 2). De grandes surfaces cutanées peuvent ainsi être anesthésiées. Ce type d'anesthésie est aujourd'hui très utilisé en chirurgie dermatologique pour la liposuccion, les liftings du visage ou la chirurgie oncologique. Elle réduit le risque de saignement et facilite la dissection des tissus (hydrodissection). Grâce à cette technique, toute la saphène et ses collatérales peuvent être extirpées facilement en anesthésie locale. La dose maximale de lidocaïne pour ce type d'anesthésie est de 35 mg/kg alors qu'elle n'est que de 4,5 mg/kg pour les solutions non diluées sans adrénaline (lidocaïne 1%) et de 7 mg/kg pour les solutions non diluées avec adrénaline (lidocaïne 1% avec adrénaline). La solution anesthésique est injectée dans le tissu sous-cutané et n'est que très lentement résorbée par voie sanguine. C'est une forme d'anesthésie extrêmement sûre.
Lorsque la crosse d'une saphène est incontinente à l'ultrasonographie duplex, la phlébectomie des veines variqueuses doit être complétée par une crossectomie afin d'éviter les récidives. La plupart des chirurgiens préfèrent généralement effectuer dans ces cas une crossectomie et un stripping de la saphène en anesthésie générale ou en rachianesthésie. Le repérage précis de la crosse et de ses collatérales par ultrasonographie duplex permet au chirurgien d'effectuer cette intervention en anesthésie locale (figure 5). La saphène et ses branches sont ensuite extirpées par des phlébectomies étagées. Les résultats obtenus sont excellents tant sur le plan fonctionnel qu'esthétique (figure 6).10 Les cicatrices sont de très petites dimensions. Les risques opératoires sont nettement diminués par rapport aux interventions traditionnelles. L'autre avantage est économique puisque l'intervention s'effectue en ambulatoire et sans infrastructure coûteuse.
Depuis quelques années, de nouvelles techniques mini-invasives sont apparues pour traiter les veines saphènes. Le principe consiste à détruire la veine incontinente par voie endovasculaire en la chauffant ce qui va provoquer sa rétraction et aboutir à la formation d'un fin cordon fibreux. Deux techniques de destruction thermique de la veine sont actuellement utilisées : la radiofréquence (Closure) et le laser.
On introduit dans la veine saphène jusqu'à la crosse soit des électrodes (radiofréquence), soit une fibre optique (laser) (figure 7). L'intervention se fait sous contrôle échographique. La fibre optique du laser à l'avantage d'être beaucoup plus fine que les électrodes de la radiofréquence. L'incision nécessaire à son introduction dans la veine est donc nettement plus discrète, ce qui donne de meilleurs résultats cosmétiques. La veine est traitée sur tout son trajet depuis la crosse en retirant progressivement les électrodes ou le rayon laser. Aucune incision au niveau de la crosse n'est nécessaire.
Dans la technique par radiofréquence, ce sont les électrodes qui vont chauffer (85°C) la veine par contact direct avec sa paroi (figure 8A). Dans la technique laser, c'est l'intense rayonnement lumineux émis à l'extrémité de la fibre optique qui va chauffer le sang jusqu'à ébullition et provoquer la destruction de la veine (figure 8B). Plusieurs types de lasers peuvent être utilisés. Les premiers ont été les lasers diode qui ont une longueur d'onde à 810 nm. Le pic d'absorption de ces lasers est l'hémoglobine. Récemment, des lasers Nd : YAG avec une longueur d'onde plus longue à 1064 et 1320 nm ont été utilisés. Le pic d'absorption de ces lasers est l'eau. Ils chauffent donc non seulement le sang mais aussi la paroi veineuse. Ils seraient plus efficaces et causeraient moins de complications que les lasers diode.
Ces interventions s'effectuent généralement en anesthésie locale par tumescence et en ambulatoire. La solution anesthésique est infiltrée tout autour de la veine et sur tout son trajet à l'aide d'une seringue munie d'une longue aiguille. Le pourtour de la veine est ainsi «tuméfié» sur toute sa longueur par la solution anesthésique. En plus de l'effet anesthésiant, la tumescence exerce une certaine protection thermique des tissus adjacents contre les éventuelles brûlures induites par la radiofréquence ou le laser. Les veines collatérales des saphènes sont généralement extirpées par phlébectomies étagées lors de la même intervention. Le patient peut se mobiliser et reprendre ses activités dès l'intervention terminée. Une prévention des thromboses par des héparines de bas poids moléculaires et une contention sont prescrites.
Avec la technique laser, le taux d'occlusions de la saphène à une année est supérieur à 95% et le taux de complications (brûlures, thromboses, paresthésies, hématomes) inférieure à 1%.11 Les résultats à cinq ans sont considérés comme excellents avec très peu de récidives. Le taux d'occlusions à une année avec la technique par radiofréquences est de 85 à 90% et le taux de complications d'environ 5-10%.12,13 Les récidives à cinq ans sont peu fréquentes. Les résultats thérapeutiques obtenus avec les techniques endovasculaires (radiofréquence ou laser) sont comparables, voire supérieurs à ceux obtenus par la chirurgie classique (crossectomie et stripping).14,15
Il existe de nombreuses pratiques dans le traitement des varices et des télangiectasies. Il s'agit d'ailleurs parfois plus d'un art que d'une science. Le choix des techniques dépend beaucoup de la formation de médecin. Les guidelines du chirurgien vasculaire ou du chirurgien généraliste ne seront pas forcément celles du chirurgien dermatologue. Les dermatologues préfèrent les techniques peu invasives qui se pratiquent en ambulatoire. En cas de récidive ou de progression de la maladie, il peut réintervenir toujours de manière peu invasive. Il s'agit là d'une approche qui vise à n'enlever que les veines malades et à préserver au maximum le capital veineux. Les risques opératoires et les coûts sont diminués alors que les résultats esthétiques sont nettement supérieurs comparés aux techniques traditionnelles.