En 2003, la première appendicectomie « NOTES » (acronyme anglais pour « chirurgie endoscopique transluminale par orifice naturel ») a été réalisée chez l’homme. Afin d’éviter l’adoption prématurée du NOTES dans la pratique clinique, un cadre rationnel pour son développement a été fixé en 2005. Après expérimentation animale, d’autres interventions abdominales (par exemple : cholécystectomie) ont été réalisées chez l’homme, par voie orale, vaginale ou combinée. Le principal avantage du NOTES par rapport à la laparoscopie consiste, du point de vue patient, en l’absence de cicatrice pariétale, mais d’autres avantages (par exemple : douleur et coût moindres) pourraient se révéler importants. On ne peut prédire si le NOTES entrera ou non dans la routine clinique, mais la recherche qu’il suscite générera des améliorations importantes pour l’endoscopie digestive.
Le traitement des pathologies intra-abdominales n’était possible jusqu’à il y a 1-2 générations que par abord chirurgical ouvert (laparotomie). Les progrès de l’endoscopie souple ont permis une approche moins invasive et plus ciblée telle que le drainage endoscopique des sténoses biliaires et des collections abdominales ou la résection de tumeurs gastro-intestinales bénignes ou malignes (polypectomie, résection endoscopique de cancers intramuqueux). Plus récemment, la chirurgie abdominale a également évolué, en particulier avec le développement de l’abord laparoscopique qui, outre le bénéfice esthétique, a permis de diminuer la douleur postopératoire et la durée du séjour hospitalier.
Au cours de ces dernières années, les endoscopistes digestifs ont rapporté que des perforations iatrogènes (lors de résections de néoplasies du tractus gastrointestinal) pouvaient être traitées endoscopiquement en cours de procédure sans engendrer de complications. Par ailleurs, plusieurs interventions endoscopiques bien établies nécessitent une perforation iatrogène de l’intestin (gastrostomie endoscopique percutanée « PEG », kysto-entérostomie, ponction sous endosonographie, nécrosectomie rétropéritonéale transgastrique).1 D’où la réalisation de procédures de type laparoscopique à l’aide d’endoscopes souples introduits au travers de la paroi digestive par des tandems « chirurgien – endoscopiste », pour la première fois en 2003 chez l’homme.2,3 Un cadre formel a ensuite été proposé de manière conjointe par les Sociétés américaines d’endoscopie et de chirurgie digestives. L’accès à la cavité péritonéale par voie endoscopique via les orifices naturels (bouche, anus, vagin, voies urinaires) était né et un programme de développement du NOTES (de l’anglais, Natural orifice transluminal endoscopic surgery) lancé.4 Dans cette revue, nous allons discuter les caractéristiques techniques du NOTES, les études expérimentales réalisées chez l’animal et leur application chez l’homme.
Le NOTES est effectué à l’aide d’endoscopes souples traditionnels introduits par un ou plusieurs orifices naturels.5,6 L’accès à la cavité péritonéale est obtenu à l’aide d’une incision transviscérale effectuée à l’aide de l’endoscope. Les deux accès les plus étudiés jusqu’à présent sont les voies transgastrique et transvaginale, mais les voies transvésicale et transcolorectale ont également été investiguées. Ensuite, un pneumopéritoine est créé par insufflation d’air ou de CO2 (par l’endoscope ou par une aiguille introduite au travers de l’ombilic, permettant le contrôle simultané de la pression intra-abdominale). Après repérage des organes adjacents, les instruments nécessaires à l’intervention sont introduits au travers des canaux de travail de l’endoscope. Il s’agissait pour les premiers cas d’instruments identiques à ceux utilisés en endoscopie classique (par exemple : clips, loops et anses à polypectomie), ensuite des instruments plus spécifiques ont été développés. Si un organe doit être extrait en partie ou en totalité, ceci est généralement réalisé au travers de l’incision transviscérale et ensuite de l’orifice naturel. En fin d’examen, l’incision transviscérale est fermée. Au vu des risques de complications liés à cette dernière étape, beaucoup d’efforts sont actuellement consacrés par les investigateurs et l’industrie pour obtenir de manière standard une fermeture aussi étanche qu’une suture chirurgicale.7 Une antibiothérapie i.v. peropératoire (comme pour la chirurgie classique) est administrée, ainsi qu’une désinfection de l’organe perforé et de la cavité péritonéale.
Le nombre de publications consacrées au NOTES croît chaque année de manière exponentielle. Trente études chez l’animal, principalement le cochon, ont été identifiées dans une revue récente.8 Dans cette phase exploratoire du développement du NOTES, l’aspect technique des procédures a été le centre d’intérêt majeur des chercheurs. Pour chacune des étapes de l’intervention, différentes solutions ont été testées, en utilisant des instruments endoscopiques standards ou spécialement développés (y compris, par exemple : un robot de 12 x 75 mm pouvant être dirigé dans la cavité abdominale à l’aide d’une télécommande). Le choix du site de perforation viscérale a été soigneusement étudié : il a été transgastrique (23 études), transcolique (cinq études), transvésical (une étude) ou transgastrique plus transvésical (une étude). En cas d’accès gastrique ou colique, l’abord de la paroi antérieure (repérée par palpation abdominale, endosonographie ou transillumination endoscopique) a été privilégié afin d’éviter les gros vaisseaux et les organes adjacents. Les différentes interventions planifiées dans ces travaux (anastomose gastro-jéjunale ou cholécysto-gastrique, cholécystectomie, appendicectomie, splénectomie, lymphadé-nectomie, intervention sur les organes reproductifs femelles et biopsies) ont pu être effectuées, le plus souvent par voie transgastrique. Vingt études ont rapporté la mortalité postopératoire (jusqu’à 28 jours) ; dans seize études, aucune mortalité n’a été rapportée, et dans les quatre autres, onze décès ont été observés (mortalité globale ; 11/109, 10%). Les complications infectieuses éventuelles ont été recherchées dans quinze études en utilisant des techniques variables (examen macroscopique, histologique, etc.). Des signes d’infection péritonéale ont été rapportés dans cinq d’entre elles (16/78 cas, 21%). Concernant les saignements periopératoires, la plupart ont pu être arrêtés par voie endoscopique ; seuls Swanstrom et coll. ont rapporté une hémorragie non contrôlée par voie endoscopique qui a nécessité une prise en charge chirurgicale (un cas sur dix).9
Lorsque les deux abords digestifs (transoral vs transanal) sont comparés, il semble que la première solution soit souvent préférable : accès transviscéral plus facile, absence de préparation spéciale (une nuit de jeûne) et risque infectieux moindre.
Des interventions rapportées plus récemment incluent la pancréatectomie caudale et la néphrectomie.10,11 La taille importante du rein pose des problèmes supplémentaires, tels que la voie d’extraction à utiliser (sauf en cas de rein atrophique), et la fragmentation de l’organe.
L’expérience du NOTES chez l’homme est acquise principalement dans quelques pays en voie de développement d’Asie et d’Amérique du Sud, mais les publications scientifiques proviennent surtout de pays occidentaux et concernent de très petits nombres de patients. Plusieurs interventions chez l’homme ont déjà été publiées; les principales sont résumées ci-dessous :
• Rao et coll. ont rapporté les premières appendicectomies transgastriques par NOTES réalisées en 2003 et, par la suite, la réalisation de biopsies hépatiques et de ligatures de trompes, toujours par la même voie d’abord.2,3
• Marescaux et coll. et Zorron et coll. ont rapporté les deux premiers cas de cholécystectomie réalisée par voie transvaginale (2007) à l’aide d’un endoscope flexible, sans complication péri- ni postopératoire, ni douleurs.12,13
• Gettman et coll. ont rapporté un cas de péritonéoscopie transvésicale sous assistance laparoscopique (au cours d’une prostatectomie radicale), sans complication.14
• Palanivelu et coll. ont décrit six appendicectomies pour appendicite aiguë par voie transvaginale.15 Pour des rai sons techniques, trois patientes ont nécessité une conversion en laparoscopie conventionnelle ; chez deux autres, une assistance laparoscopique transombilicale a été nécessaire et enfin, chez une patiente, une appendicectomie endoscopique complète a pu être effectuée. La durée moyenne d’intervention a été de 103 min et une hémorragie mineure a été contrôlée endoscopiquement. Il n’y a pas eu de complication infectieuse, ni de mortalité.
• Zorron et coll. ont rapporté quatre cas de cholécystectomie transvaginale (avec assistance d’une pince introduite au niveau du quadrant supérieur droit et extraction de la vésicule biliaire par le vagin).16 La durée de l’intervention était comprise entre 50 et 118 min, aucune complication n’a été rapportée et trois des quatre femmes n’ont reçu aucune antalgie en postopératoire.
• Steele et coll. ont récemment décrit la réalisation d’une péritonéoscopie avec biopsies hépatiques à l’aide d’un endoscope flexible chez trois patientes obèses (au cours d’un bypass gastrique).17 La navigation dans la cavité péritonéale a été décrite comme aisée, ainsi que son observation (y compris celle de plusieurs segments hépatiques). Les biopsies hépatiques prélevées ont permis une analyse histologique adéquate, sans complication périopératoire.
Une seule étude a comparé le NOTES à la chirurgie laparoscopique (pour le diagnostic et le staging d’une masse pancréatique, et le choix subséquent d’un traitement à visée curative ou palliative).18 La voie d’accès choisie était transgastrique, sous contrôle laparoscopique. Le temps nécessaire à l’examen était plus long par NOTES (24,8 vs 13,3 min), avec une décision thérapeutique correcte dans neuf cas sur dix. Le secteur intra-abdominal jugé difficile à explorer par NOTES était le quadrant supérieur droit (foie droit et vésicule biliaire) ; par contre la paroi abdominale était mieux analysée par voie endoscopique (hernie ombilicale incarcérée non identifiée par laparoscopie). Le site de gastrostomie a été réséqué lors de la laparotomie effectuée immédiatement après le staging endoscopique et laparoscopique, sans pouvoir donc conclure quant à la fermeture endoscopique de l’abord transgastrique. Aucune complication liée à l’endoscopie transgastrique n’a été rapportée.
Le NOTES est encore à une phase précoce de son développement ; la technique semble être faisable et prometteuse pour la réalisation de certaines interventions abdominales. Les avantages potentiels du NOTES par rapport à la chirurgie conventionnelle pourraient concerner non seulement le résultat esthétique (absence de cicatrice, un point très important pour les patients), mais également les douleurs postopératoires, la durée d’hospitalisation, et les coûts. Cependant, ce qui ressort clairement des études récentes est le besoin d’améliorations techniques, en particulier pour la fermeture fiable de la voie d’accès transviscérale, la stabilisation de l’endoscope, le positionnement en triangulation des ports de travail et les instruments de préhension/dissection/coagulation. Pour ce faire, l’effort conjoint des différentes disciplines impliquées (endoscopie et chirurgie digestives, médecine vétérinaire, ingéniorat) sera nécessaire. C’est après résolution de ces points que la sécurité et l’efficacité des procédures NOTES pourront être évaluées et comparées à celles de la chirurgie standard.
> Le NOTES est encore à une étape très préliminaire de son développement ; la collaboration de différentes spécialités et de l’industrie sera nécessaire pour optimiser et standardiser cette approche
> Plus de 150 procédures NOTES ont été réalisées chez l’homme, principalement dans quelques pays en voie de développement, mais les rapports scientifiques sont peu nombreux et proviennent principalement de pays occidentaux
> Si le développement du NOTES arrive à son terme, il devrait permettre une chirurgie encore moins invasive (principal bénéfice du point de vue des patients) et peut-être des traitements ambulatoires à coûts réduits
In 2003, the first peroral appendectomy was carried out in a human subject. In order to prevent the premature adoption in clinical practice of the so-called « Natural orifice transluminal endoscopic surgery » (NOTES), a rational framework for its development was proposed in 2005. After animal experimentation, further abdominal interventions were carried out in humans (example : cholecystectomy) through the mouth, vagina, or in a combined approach. The main advantage of NOTES compared to laparoscopic surgery is, from the patient viewpoint, the absence of body scar, but other benefits (example : less pain and costs) could prove to be significant. It is impossible to predict whether or not NOTES will enter in routine clinical practice, but it will generate significant improvements for digestive endoscopy.