On connaît le dilemme thérapeutique du paludisme : l’artémisine (lactone sesquiterpènique extraite d’une plante chinoise de la famille des Asteraceae) est aujourd’hui l’un des outils médicamenteux parmi les plus efficaces contre ce fléau parasitaire de dimension planétaire. L’artémisine a été (re)découverte au début des années 1990 après l’aggravation des phénomènes de résistance envers les antipaludéens classiques. En 2001, l’OMS considérait que l’artémisine (et ses dérivés semi-synthétiques) représentait «le plus grand espoir mondial contre le paludisme» avant, quelques années plus tard, de recommander impérativement de ne pas l’utiliser en monothérapie pour prévenir, là encore, les phénomènes de résistance parasitaire. Ceci n’empêcha pas en 2009 l’apparition des premières résistances de Plasmodium falciparum à l’artémisine et ce au Cambodge.
Médecins sans frontières expliquait alors son inquiétude (Revue médicale suisse du 1er juillet 2009). Car, outre la situation cambodgienne, les facteurs qui avaient conduit à l’émergence de la résistance sont communs dans les pays où la malaria est endémique : recours fréquent à la monothérapie et administration d’artémisine chez des personnes présentant un tableau fiévreux sans pour autant souffrir du paludisme.
C’est dans ce contexte que la démonstration vient d’être apportée de l’efficacité d’une nouvelle combinaison antipaludéenne associant pyronaridine (antipaludéen de synthèse) et artésunate (dérivé de l’artémisine). L’efficacité de cette combinaison est équivalente à celle considérée comme étant de référence (artéméther-luméfantrine) tout en étant plus simple d’utilisation. Le travail aboutissant à cet heureux résultat vient d’être publié sur le site du Lancet.1 Il a pu être mené grâce à un partenariat privé-public réunissant le laboratoire pharmaceutique Shin Poong (Corée du Sud) et la fondation «Medicines for Malaria Venture» (Suisse).2
Cet essai clinique de phase 3 randomisé et en double aveugle a été conduit sur dix sites : sept en Afrique et trois en Asie du Sud-est. Il a au total concerné 1272 personnes, enfants et adultes, âgés de 3 à 60 ans, toutes souffrant de formes non compliquées de paludisme à Plasmodium falciparum. Parmi elles, 849 ont reçu la combinaison «artésunate-pyronaridine» (à partir de présentations contenant respectivement 60 mg et 180 mg) et ce à raison d’une prise par jour pendant trois jours, et les 423 autres la combinaison «artéméther-luméfantrine» (respectivement 20 mg et 120 mg) et ce à raison de deux prises quotidienne. Les doses ont été données en tenant compte du poids. On sait que l’association «artéméther-luméfantrine» offre une bonne innocuité et une efficacité généralement supérieure à 90%. Outre la double prise quotidienne, elle requiert un régime riche en graisse pour être absorbée de façon optimale.
Au terme de cet essai comparatif, les deux combinaisons ont montré la même efficacité, (respectivement 99,5 et 99,2%) établie à partir de la recherche par PCR des parasites dans le sang des malades à 28 jours. L’événement indésirable le plus fréquemment observé a été une éosinophilie (respectivement 6,2 et 5,7%). Certains patients du groupe «pyronaridine-artésunate» ont aussi montré une légère et transitoire élévation des taux d’alanine aminotransférase et d’aspartate aminotransférase. «L’efficacité de l’association artésunate-pyronaridine doit encore être prouvée sur une population plus importante, incluant des malades dénutris ou anémiés, estiment aujourd’hui les auteurs de l’étude, coordonnée par Antoinette K. Tshefu (Ecole de santé publique, Faculté de médecine, Université de Kinshasa) et Lawrence Fleckenstein (Université de l’Iowa) Néanmoins, au vu des résultats, et compte tenu d’un coût du traitement inférieur à un dollar par adulte et à un demi-dollar par enfant, son inclusion dans les programmes de lutte contre le paludisme devrait être examinée.»