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ISO 690 Rossetti, A., O., Seeck, M., Traitement médicamenteux actuel de l’épilepsie, Rev Med Suisse, 2010/247 (Vol.6), p. 901–906. DOI: 10.53738/REVMED.2010.6.247.0901 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2010/revue-medicale-suisse-247/traitement-medicamenteux-actuel-de-l-epilepsie
MLA Rossetti, A., O., et al. Traitement médicamenteux actuel de l’épilepsie, Rev Med Suisse, Vol. 6, no. 247, 2010, pp. 901–906.
APA Rossetti, A., O., Seeck, M. (2010), Traitement médicamenteux actuel de l’épilepsie, Rev Med Suisse, 6, no. 247, 901–906. https://doi.org/10.53738/REVMED.2010.6.247.0901
NLM Rossetti, A., O., et al.Traitement médicamenteux actuel de l’épilepsie. Rev Med Suisse. 2010; 6 (247): 901–906.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2010.6.247.0901
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Articles thématiques : neurologie
5 mai 2010

Traitement médicamenteux actuel de l’épilepsie

DOI: 10.53738/REVMED.2010.6.247.0901

Current drug treatment for epilepsy

If one patient is diagnosed with epilepsy, the first treatment line is represented by medications, which allow a seizure control in at least 2/3 of patients. Following the steady development of new compounds, there are currently more than 20 antiepileptic agents on the market, and several more will appear in the near future. This review, focusing on the indications and pitfalls of the most used drugs, with a particular attention to the new ones, aims at improving the orientation among this multitude of options. Since there is almost no difference regarding the efficacy on seizures, it is rather the profile of comorbidities and possible (positive and negative) side effects that will allow to select the best antiepileptic drug for each specific clinical situation, permitting a patient-tailored approach.

Résumé

La première ligne du traitement de l’épilepsie est représentée par les médicaments, qui peuvent garantir un contrôle des crises chez au moins deux tiers des malades. Suite au développement constant de nouvelles substances, on dispose à ce jour de plus de vingt médicaments antiépileptiques, avec une tendance à la hausse. L’amélioration de l’orientation dans cette multitude fait l’objet de cette contribution, qui illustre les indications et contre-indications des médicaments les plus utilisés, avec une attention particulière aux nouveautés. Du moment qu’il n’existe pas de différence majeure entre les substances au niveau de l’efficacité sur les crises d’épilepsie, mais que le profil des co-indications et des effets indésirables peut varier considérablement, chaque situation clinique et chaque profil de patient pourront guider le soignant vers un choix spécifique adapté.

Introduction

Les épilepsies touchent près de 1% de la population générale. Le diagnostic syndromique de l’épilepsie, nécessaire (au moins de manière putative) pour poser l’indication à un traitement spécifique avec des médicaments antiépileptiques (MAE), implique la survenue d’au moins une crise épileptique prouvée, associée à une prédisposition constante à en générer d’autres.1 D’autre part, des crises épileptiques en dehors de cette constellation particulière (par exemple : lors de sevrage d’alcool ou de troubles métaboliques réversibles) ne justifient pas la mise en route d’une thérapie spécifique : une fois la cause sous-jacente résolue, il n’y aura plus de condition durable induisant des crises comitiales.

Dans ce contexte, il est important de rappeler que des crises épileptiques non prolongées (en pratique durant moins de cinq minutes) ne doivent pas être prises en charge systématiquement par l’administration de benzodiazépines : cette approche, en effet, perturbe l’évaluation clinique du malade, prolongeant la phase postcritique avec de possibles complications sur le versant cardiorespiratoire, et doit donc être réservée aux menaces d’état de mal, situation où les benzodiazépines représentent la première ligne de traitement.2

Une fois le diagnostic d’épilepsie posé, il est utile de se rappeler qu’une première médication aura une chance d’environ 50% de contrôler les crises, qu’une deuxième pourra améliorer la situation de 15% de malades en plus, et que les essais ultérieurs vont obtenir un taux de réussites encore plus faible.3-5 Le choix de la médication reposera sur trois axes principaux : le contexte spécifique du patient (syndrome épileptique, âge, comorbidités), les propriétés pharmacologiques des médicaments, et l’expérience du soignant. Le traitement de l’épilepsie, en effet, doit toujours être entrepris comme une prise en charge la plus globale possible.

Nous disposons actuellement d’un grand nombre de MAE ; si d’une part cette situation génère un «problème» toujours croissant de pharmacologie appliquée, elle permet de disposer d’une palette d’options pouvant être adaptées aux spécificités de chaque cas. Il est courant de catégoriser les MAE, d’après la période de leur introduction respective sur le marché, en «anciens» et «nouveaux» (tableaux 1 et 2). Du moment que dans ce journal, il y a cinq ans, nous avions revu systématiquement les nouveaux MAE connus à l’époque,6 nous allons nous concentrer sur les données les plus récentes, en jetant d’abord un regard sur les MAE «anciens», et en revoyant ensuite les «nouveaux» les plus utilisés.

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Tableau 1

Anciens médicaments antiépileptiques

* : large spectre d’action ; Ca : canaux calciques ; GABA : acide gamma-amino-butyrique ; GLU : glutamate ; Na : canaux sodiques.

Tableau 2

Nouveaux médicaments antiépileptiques

* : large spectre d’action ; Ca : canaux calciques ; AC : anihydrase carbonique ; GABA : acide gamma-amino-butyrique ; GLU : glutamate ; Na : canaux sodiques ; SV2 : vésicule synaptique 2.

Anciens médicaments antiépileptiques

Leurs avantages principaux résident dans la grande expérience clinique dérivant des nombreuses années d’utilisation, et dans les coûts modestes (la plupart sont également disponibles sous forme de génériques). De plus, ils sont fréquemment utilisés dans le traitement de l’état de mal épileptique.2 Les désavantages sont néanmoins assez nombreux, et spécifiques à chaque substance. De façon générale, phénytoïne, carbamazépine et phénobarbital sont des puissants inducteurs enzymatiques, pouvant diminuer la biodisponibilité des médications concomitantes (par exemple : pilule anticonceptionnelle, statines), alors que l’acide valproïque est un inhibiteur du système des cytochromes.

Phénobarbital (PB)

En dépit d’une efficacité assez large (crises convulsives généralisées, focales et myocloniques), il est de moins en moins utilisé dans le monde «développé» à cause de ses effets cognitifs et de sa composante sédative. La longue demi-vie, couplée aux propriétés pharmacodynamiques, rend les sevrages très problématiques. Par contre, le coût très faible en fait le MAE de référence dans les pays en voie de développement. La charge rapide (IV) est parfois utilisée dans le traitement de l’état de mal.

Phénytoïne (PHT)

Son efficacité est limitée aux crises convulsives généralisées et focales, la tolérance est parfois limitée par l’imprégnation du système nerveux central (SNC ; ataxie, diplopie), les risques d’hyperplasie gingivale, l’interaction avec le métabolisme de l’acide folique (anémie macrocytaire) et la vitamine D (ostéoporose), ainsi que des (rares) polyneuropathies et atrophies cérébelleuses. La PHT peut être chargée assez rapidement par voie IV (attention aux débits maximaux afin de ne pas induire des arythmies cardiaques), par exemple lors d’un état de mal.

Carbamazépine (CBZ)

Son efficacité est également limitée aux crises focales et généralisées convulsives, et la tolérance est améliorée par l’utilisation des formes «retard».7 Il faut néanmoins prévoir une titration assez lente afin d’éviter les imprégnations du SNC. Un problème, surtout pour les sujets âgés, est représenté par le risque d’hyponatrémie,8 alors qu’une leucopénie est nettement plus rare (il ne faut pas coadministrer la CBZ avec la clozapine !). La CBZ représente le premier choix pour les crises à départ focal, et est également un stabilisateur de l’humeur.

Acide valproïque (VPA)

Son efficacité est probablement la plus large des substances actuellement sur le marché,9 couvrant de façon excellente les crises d’absences, myocloniques, focales et convulsives généralisées. Les problèmes sont représentés par la prise de poids, le risque (minime chez les adultes mais plus important chez les nourrissons) d’hépatite/pancréatite, la possibilité d’une encéphalopathie hyperammonémique (à hautes doses et chez des patients prédisposés). Récemment, plusieurs études convergentes ont montré que le VPA constitue le MAE le plus dangereux non seulement sur le versant tératogène, mais aussi pour les troubles du développement chez l’enfant exposé lors de la grossesse.10 Le VPA est un stabilisateur de l’humeur ; il est aussi efficace dans la prophylaxie de la migraine, et peut être utilisé rapidement (IV) pour l’état de mal.

Nouveaux médicaments antiépileptiques

Au niveau de ce groupe, il n’y a aucune évidence de supériorité au niveau de l’efficacité sur les crises ; les différences se concentrent surtout sur les profils des effets secondaires, donc de la tolérance.5

Lamotrigine (LTG)

Son spectre d’efficacité est large, mais présente parfois des problèmes pour les myoclonies.11 Une vitesse de titration adéquatement lente prévient le risque d’éruption cutanée. Ces dernières années, la diminution de sa biodisponibilité lors de la grossesse a été reconnue,12 ce qui implique des suivis rapprochés des taux sériques. La LTG représente un excellent choix pour les sujets âgés,13 et a probablement un meilleur profil de rétention que la CBZ, le topiramate, et la gabapentine.14 La LTG a un effet antidépresseur et stabilisateur de l’humeur.

Topiramate (TPM)

Il a une efficacité assez large (sauf probablement pour les absences), mais à haute dose on craint des troubles cognitifs (y compris des troubles phasiques),15 et l’association avec le VPA paraît augmenter drastiquement les risques tératogènes.16 De plus, il existe un risque de néphrolithiase et (plus rarement) de décompensation d’un glaucome. Des paresthésies acrales peuvent être contrôlées avec la prise d’aliments riches en potassium (par exemple : fruits secs). L’efficacité sur la prophylaxie des migraines et les effets anorexigènes (à mettre en relation avec l’inhibition de l’anhydrase carbonique) représentent par contre des options intéressantes. Au-delà d’une dose quotidienne de 200 mg, une perte d’efficacité de la pilule anticonceptionnelle est à craindre.

Lévétiracétam (LEV)

Cette substance présente également un large spectre d’efficacité (avec des réserves concernant les absences). Au fur à mesure des années, on reconnaît qu’une partie des patients peuvent présenter des troubles comportementaux, surtout au sens d’une irritabilité,17 et que sa biodisponibilité lors de la grossesse peut être drastiquement diminuée.18,19 La possibilité d’une titration rapide (IV) en fait une option de plus en plus utilisée dans le traitement de l’état de mal,20 alors que l’absence d’interaction majeure représente un atout important en cas de comédication.

Prégabaline (PGB)

Avec une efficacité limitée aux crises généralisées convulsives et focales, cette substance présente des risques (moindres par rapport au VPA) de prise pondérale (œdèmes). Il s’agit d’une molécule qui agit de la même façon que la gabapentine, mais qui à des doses cliniques ne présente pas de limitation de la résorption intestinale (rapport dose/taux linéaire), avec un bon effet sur les douleurs névralgiques, et l’absence d’interaction hépatique (élimination complètement rénale). Ceci explique son utilisation prometteuse chez les sujets avec une épilepsie due à des tumeurs cérébrales.21 Récemment, la PGB a été admise pour le traitement des troubles anxieux, et (aux Etats-Unis) de la fibromyalgie.

Zonisamide (ZNS)

Il présente une efficacité large, en particulier sur le versant des myoclonies. Son profil de tolérance, limité parfois par des céphalées et nausées, est amélioré par une très lente titration. La composante inhibitrice de l’anhydrase carbonique explique une action induisant une perte pondérale (similaire au TPM), et la longue demi-vie (d’une soixantaine d’heures) permet à terme (après la titration) une administration en dose unique quotidienne intéressante en cas de problème de compliance. La coadministration d’une pilule anticonceptionnelle paraît sûre.

Lacosamide (LCS)

C’est le «dernier né» des MAE, avec un profil d’efficacité limité aux convulsions généralisées et aux crises focales. Pour le moment, comme la PGB et le ZNS, il est admis uniquement comme traitement additionnel. On a encore relativement peu de recul clinique pour juger de sa position dans la palette du traitement médicamenteux de l’épilepsie, mais l’introduction, dès le début, de la forme IV lui donne l’avantage de pouvoir être administré par cette voie aux malades avec des troubles du transit intestinal, et laisse envisager une place prometteuse dans le traitement de l’état de mal.22

Considérations finales

En dépit du fait de disposer de plus d’une vingtaine de substances, le choix thérapeutique se fait souvent entre les MAE présentés ci-dessus (sauf le PB). En effet, les benzodiazépines sont surtout utilisées comme traitement d’appoint en cas d’aggravation aiguë et, à long terme, présentent le risque d’une accoutumance. La primidone peut avoir une place dans le traitement du tremblement essentiel, mais exerce en grande partie son action antiépileptique après une transformation en phénobarbital (avec les limitations susmentionnées). L’éthosuximide est encore utilisé en pédiatrie pour les crises d’absences uniquement. Le felbamate et la vigabatrine ont une petite niche chez des patients souffrant de syndromes spécifiques (West, respectivement Lennox-Gastaut), au vu de leur profil d’effets secondaires. La gabapentine paraît de plus en plus supplantée par sa «sœur» la prégabaline, qui est plus facile d’utilisation. La tiagabine est très rarement utilisée au vu de son efficacité limitée. L’oxcarbazépine est un peu mieux tolérée que la carbamazépine mais présente un risque encore majeur d’hyponatrémie. Finalement, le rufinamide présente à ce stade uniquement une indication de traitement adjuvant pour le syndrome de Lennox-Gastaut (encéphalopathie épileptique rare caractérisée par un retard de développement, des crises très variées et difficiles à traiter, et un EEG caractéristique) ; mais il pourrait être utilisé bientôt dans d’autres syndromes.

Un mot sur les coûts. S’il est évident que les nouveaux MAE sont plus chers (tableau 3), il faut garder à l’esprit les dépenses cachées, pouvant par exemple être engendrées par les interactions médicamenteuses. De même, certains groupes de patients, comme les sujets âgés, ceux souffrant de polypathologies, ou les femmes en âge de procréer, doivent être traités avec des substances pouvant minimiser les risques d’effets indésirables, même si ces médicaments sont parfois un peu plus chers.

Tableau 3

Coûts pour une dose initiale journalière de maintien (2009)

Ce qui précède, avec ses multiples facettes, implique que la mise en route d’un traitement médicamenteux chez le patient avec épilepsie soit le fruit d’un travail très étroit entre le patient et son entourage, le spécialiste, et son médecin généraliste. De même, le suivi sur le long terme doit constamment tenir compte des effets désirés (efficacité) et non désirés (tolérance), afin de trouver la meilleure option adaptée au patient. Le tableau 4 donne une orientation en ce sens.

Tableau 4

Exemples de traitements antiépileptiques adaptés à la comorbidité/spécificité clinique

Implications pratiques

> Un traitement médicamenteux doit être envisagé seulement en cas d’épilepsie fortement suspectée ou avérée, mais pas pour des crises occasionnelles dues à des facteurs réversibles

> Plus de vingt médicaments antiépileptiques sont disponibles, ceci permet de sélectionner le meilleur choix adapté à la spécificité du patient, en tenant compte de son profil biologique et des éventuelles comorbidités

> Les caractéristiques pharmacologiques extrêmement variées et l’apparition sur le marché de plusieurs nouvelles substances impliquent une collaboration étroite entre le médecin de premier recours et le spécialiste

Auteurs

Margitta Seeck

Unité d’EEG et épileptologie, Département des neurosciences cliniques, HUG
1211 Genève 14
pia.destefano@hcuge.ch

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