L’obésité reste encore difficile à traiter. Sur le plan clinique, des efforts sont faits dans plusieurs domaines pour renforcer le traitement. La gestion de l’appétit est importante pour la prise en charge du poids. Les médicaments actuellement en développement peuvent apporter des solutions pour les troubles du comportement alimentaire et l’appétit.1
Les troubles du comportement alimentaire se caractérisent par l’ingestion rapide d’aliments et une attirance accrue pour les aliments riches en graisses. Malheureusement, cette ingestion rapide, malgré les grandes quantités ingérées, n’est pas suivie d’une satiation et finalement n’induit pas la satiété.2,3 Ceci confirme la dérégulation au niveau du système nerveux central des mécanismes de l’appétit.4,5
Les substances agissant sur les systèmes dopaminergique, adrénergique et sérotoninergique ont été longtemps utilisées pour traiter les troubles de comportement alimentaire en diminuant l’hyperphagie.
La fenfluramine des années 80, la d-fenfluramine des années 1990, puis récemment la sibutramine ont été stoppées en raison d’effets secondaires importants. D’autres produits, plus sélectifs sur les récepteurs et avec moins d’effets secondaires, sont actuellement en développement. Des résultats prometteurs ont également été obtenus avec l’utilisation des opioïdes contre l’attirance aux aliments riches en graisses.
L’appétit constitue un facteur limitant dans un programme de perte de poids. La perte de poids chez les patients obèses, avec ou sans restriction calorique sévère, engendre une grande sensation de faim.6 Cette sensation de faim exacerbée est due en grande partie à l’augmentation de la ghréline et s’accompagne de l’effondrement de la leptinémie.7
Actuellement, le rôle des incrétines (GLP-1) sur la motilité gastro-intestinale semble être aussi intéressant chez les patients non diabétiques. Les analogues de GLP-1 ont aussi montré leur efficacité pour le contrôle de l’appétit.8
Nous présentons dans cet article les bases des différents principes de thérapies médicamenteuses pouvant être utilisées contre l’appétit lors d’un programme de perte ou de maintien de la perte de poids.
Chez les patients obèses, les substances ayant des effets dopaminergiques, adrénergiques et sérotoninergiques ont montré des effets favorables sur les troubles du comportement alimentaire et sur les différents aspects de l’appétit (sensation de faim, satiation et satiété). La sensation de faim est le ressenti subjectif qui nous pousse à rechercher de la nourriture. Alors que la satiété est la sensation de réplétion qui s’installe après manger. Entre ces deux phénomènes de l’appétit se trouve la satiation qui détermine en fait la potentialité d’une satiété rapide ou non.
L’activation du système dopaminergique par les inhibiteurs de la recapture de la dopamine induit une augmentation des catécholamines auxquelles on attribue l’effet anorexigène.9 On remarque en fait une baisse d’envie de rechercher de la nourriture. Cependant, le mécanisme de cet effet coupe-faim reste controversé car d’un côté, les catécholamines inhibent la production de leptine et de l’autre, elles induisent des phénomènes comme la résistance à l’insuline.10
Les dérivés de l’amphétamine comme la phentermine sont des agonistes du système dopaminergique. Ils sont utilisés seuls ou en association. Ils présentent un risque de dépendance et des effets secondaires doses dépendants, mais toutefois de moindre importance que les anciennes amphétamines. Leur utilisation est déconseillée, voire interdite.
L’association de faibles doses de phentermine et du topiramate (connu sous le nom de Qnexa) comme principe thérapeutique anorexigène est en cours d’évaluation. Les résultats préliminaires des phases III montrent une perte de poids de plus de 14,7% sur un an.11 Cependant, les études sur le topiramate en monothérapie ont été abandonnées en raison d’effets secondaires trop graves.12
Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ainsi que les agonistes du système sérotoninergique ont longtemps été utilisés en obésité comme anorexigènes. Récemment, la sibutramine a été interdite d’utilisation. Ces produits peu sélectifs sur les récepteurs 5HT sont victimes de leurs effets étendus à plusieurs organes, en particulier sur le système cardiovasculaire. Deux nouvelles molécules avec peu d’effets secondaires et très sélectifs sur les sous-classes de récepteurs 5HT ont vu le jour. Il s’agit de la tésofensine et la lorcaserine.
La tésofensine est une monoamine multi-inhibitrice de la recapture de la dopamine, la norépinéphrine et la sérotonine. Cette action étendue permet d’induire d’abord une baisse de la propension à rechercher de la nourriture en modulant le système dopaminergique, ensuite une baisse de la sensation de faim et une rapide satiété en liaison avec la régulation du système sérotoninergique. Le développement en cours évaluera son efficacité et sa sécurité.13
La lorcaserine, un agoniste très sélectif du système sérotoninergique, a montré son effet sur la perte de poids grâce à son action sur la satiété.14 Mais elle n’est pas disponible sur le marché pour l’instant.
Les antagonistes des récepteurs opioïdes μ,δ,κ sont aussi actuellement utilisés dans les recherches avancées pour la gestion de l’appétit.
Le naltrexone associé au bupropion (un inhibiteur de la recapture de la dopamine et de la norépinéphrine) diminue la sensation de faim mais ne semble pas agir sur la satiété et favorise donc le contrôle des troubles du comportement alimentaire.15
L’amyline est produite par le pancréas. C’est une hormone antihyperglycémiante. Son homologue synthétique le pramlintide est déjà utilisé dans le diabète. Il diminue la sensation de faim, induit une satiété rapide, puis une perte de poids aussi bien chez les obèses diabétiques de type 2 que chez les sujets non diabétiques.16
La leptine est produite par le tissu adipeux. Elle inhibe au niveau de l’hypothalamus la propension de rechercher de la nourriture et diminue la sensation de faim. Elle favorise même la satiation et la satiété dans de rares cas chez des sujets qui sont déficients en leptine. Par contre, les obèses sont plutôt résistants à la leptine et montrent des taux sanguins élevés. La sensibilité à la leptine peut être rétablie en injectant de la leptine exogène dont l’analogue synthétique est le métréleptin.17
Le métréleptin associé à la pramlintide s’est avéré plus prometteur.
Un produit combinant les deux substances est déjà en expérimentation dans les phases avancées. L’amyline synthétique peut aussi augmenter de manière synergique les effets anorexigènes de la leptine chez les sujets obèses.18
Les incrétines sont des hormones sécrétées par les cellules L de l’intestin grêle distal et le gros intestin. Leur concentration augmente rapidement en réponse à l’ingestion des hydrates de carbone. Les analogues des GLP-1 sont indiqués actuellement pour le traitement du diabète de type 2.
Ces hormones stimulent principalement la sécrétion d’insuline et réduisent celle du glucagon. Par ailleurs, elles induisent aussi une baisse de la sensation de faim et une rapide satiété par stimulation de l’axe hypothalamo-hypophysaire et en ralentissant la motilité gastrique.19
Chez les patients obèses, le taux endogène des incrétines est abaissé.
A travers de nombreuses études, l’injection sous-cutanée des analogues de GLP-1 (exénatide et liraglutide) aussi bien chez les obèses diabétiques que chez les non-diabétiques est associée à une baisse de la sensation de faim et une satiété rapide. Cette régulation de l’appétit s’accompagne également d’une perte de poids significative se maintenant sur plusieurs années.20
La ghréline est produite et sécrétée dans l’estomac et le duodénum. Cette hormone est connue par son effet oréxigène. Sa concentration sanguine est maximale avant les repas et décroît après l’ingestion des aliments. La ghréline traverse la barrière hémato-encéphalique, puis par son action sur l’hypothalamus stimule les mécanismes de la faim.
La ghréline endogène et exogène par injection périphérique ou centrale produit une sensation de faim rapide et à terme une prise de poids. Les taux circulants de la ghréline sont inversement proportionnels à l’index de masse corporelle.
J. Ybarra et coll. ont montré que les taux sanguins de la ghréline diminuent à mesure qu’augmente l’index de masse corporelle.21 Dans le cadre de l’obésité, l’action de la ghréline varie considérablement car les taux circulants sont bas. Et lors du processus de la perte de poids les taux augmentent à nouveau avec des sensations de faim plus forte. Ceci est un facteur limitant pour le maintien d’une perte de poids. Trois concepts sont actuellement en développement afin de réguler l’action de la ghréline : sa neutralisation par un vaccin, les antagonistes et les agonistes inverses agissant sur le récepteur de la ghréline. Les molécules selon ces concepts ont montré un effet sur la baisse de la sensation de faim et du poids. Leur développement est en voie de recherche préclinique.22
Plusieurs médicaments anorexigènes ont déjà fait leur preuve dans le passé. Nombreux ont été stoppés à cause de la dépendance ou des effets secondaires. Récemment, le rimonabant, un bloqueur des récepteurs endocannabinoïdes a été stoppé à cause d’effets secondaires psychiatriques. Actuellement, la sibutramine n’est plus autorisée en Europe à cause des complications cardiovasculaires.
Les études actuelles sur le développement des anorexigènes se concentrent sur les stratégies pour minimiser les effets secondaires : soit en privilégiant les molécules les plus sélectives possibles comme la lorcaserine, soit en utilisant des combinaisons des molécules différentes à des faibles doses comme l’association naltroxone-bupropion, phentermine-topiramate et amyline-leptine.
L’appétit est très fluctuant et est géré par un système neuro-hormonal complexe. Chaque traitement n’agit que partiellement sur ce système, ce qui constitue une raison pour privilégier les associations de molécules d’actions complémentaires ou synergiques. Un traitement ciblé s’impose également. Par exemple, on sait que les inhibiteurs de la recapture de la dopamine et de la norépinéphrine, les opioïdes sont plus efficaces pour réduire les troubles du comportement alimentaire, que pour induire la satiété. Par contre, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine induisent la satiété et agissent moins sur le comportement.
L’association métréleptin/pramlintide, les antagonistes de la ghréline et les analogues des incrétines diminuent la sensation de faim avant le repas et induisent rapidement la satiété.12 Les taux de leptine chutent très rapidement lors de régime restrictif. Des injections de leptine pendant la phase de perte de poids permettent un meilleur maintien de la perte de poids, et accélèrent davantage la perte de poids. Avec l’augmentation de la ghréline après une perte de poids, les antagonistes de la ghréline présentent des perspectives encourageantes lors d’un programme de maintien de la perte de poids en diminuant la sensation de faim.
Il manque toutefois des données pour évaluer l’efficacité de ces traitements à long terme seuls ou en combinaison. Tous ces traitements sont résumés dans le tableau 1.
> L’efficacité du traitement de l’appétit nécessite un traitement agissant sur plusieurs mécanismes
> Nous devons toujours rechercher le mécanisme prédominant de l’appétit pour un traitement ciblé
> En raison des effets secondaires, l’association de faibles doses de différentes substances est à encourager
> Une association médicamenteuse à faibles doses donne un bon effet anorexigène avec moins d’effets secondaires
> L’association des analogues de la leptine et de l’amyline est plus prometteuse que chacun d’eux pris séparément
> Les analogues des incrétines induisent aussi une perte de poids chez les obèses non diabétiques
> Trois possibilités pour bloquer l’action de la ghréline : la neutralisation par un vaccin, les antagonistes et les agonistes inverses agissant sur le récepteur de la ghréline