On estime qu’environ 1% de la population suisse est infectée par le virus de l’hépatite C (VHC). Dans la vaste majorité des cas, il s’agit d’une infection chronique, associée à une inflammation du foie (hépatite). L’hépatite C chronique peut, au cours des décennies, évoluer vers une cirrhose et ses complications, telles que l’insuffisance hépatique et le cancer hépatocellulaire. Le taux standardisé de mortalité, liée aux conséquences à long terme d’une infection par le VHC, est environ du double de la mortalité dans la population générale. A l’heure actuelle, les complications de l’hépatite C représentent un tiers des indications à la greffe hépatique. Cependant, en raison d’un nombre insuffisant de donneurs, environ 10% des patients décèdent avant même d’avoir pu subir une greffe. Du fait que la population infectée vieillit, et que, par conséquent, le nombre des malades atteints par une maladie de foie avancée liée au VHC augmente au cours des années, on estime qu’en 2020 le manque de donneurs de foie pourra augmenter significativement. Il est donc évident que l’hépatite C constitue un défi majeur pour les hépatologues et les internistes.
Le problème lié à l’hépatite C doit être abordé de deux manières : 1) la prise en charge des cofacteurs de maladie hépatique capables d’accélérer la progression de l’hépatite C vers la cirrhose et 2) le traitement antiviral.
Parmi les cofacteurs de maladie susceptibles d’être modifiés, on peut citer l’abus d’alcool, la fumée (tabac et cannabis), le syndrome métabolique et la surcharge en fer.1 Dans certains cas, la prise en charge de ces cofacteurs demande l’intervention intégrée de plusieurs spécialistes, incluant par exemple des spécialistes dans le domaine des dépendances.
Le traitement de l’hépatite C chronique a comme objectif la suppression durable de la réplication du VHC. Ce résultat, confirmé par l’absence de virémie décelable dans le sang du patient six mois après l’arrêt du traitement, est associé à une claire réduction du risque de progression de l’hépatite C, notamment vers le développement d’un cancer hépatocellulaire.2
Deux médicaments sont actuellement remboursés en Suisse pour le traitement de l’hépatite C chronique : l’interféron alpha péguilé et la ribavirine, toujours prescrits en combinaison (sauf en cas de contre-indication majeure à la ribavirine). Le taux de guérison se situe autour de 45-50% pour le génotype 1, 70% environ pour le génotype 4, et est supérieur à 80% pour les génotypes 2 et 3. Cependant, l’accès au traitement est limité en raison de nombreux effets secondaires et contre-indications.3
L’arrivée de nouvelles molécules à action antivirale directe est attendue depuis longtemps. Au moins deux inhibiteurs de la protéase virale NS3/4A seront disponibles en Suisse vers la fin de 2011, voire au début de l’année 2012. Les études de phase 3 ont été complétées et les résultats présentés récemment aux conférences internationales scientifiques sont très prometteurs. Néanmoins, leur activité est limitée au génotype viral 1, et leur utilisation se fera uniquement en combinaison avec l’association déjà existante d’interféron alpha péguilé et de ribavirine, et ce, en raison de la très rapide sélection de variants viraux résistant à la monothérapie.
De nombreuses autres approches, notamment basées sur l’utilisation d’inhibiteurs de la polymérase virale NS5B (soit nucléosidiques soit non nucléosidiques) et de la protéine virale NS5A, sont en cours d’évaluation. Certains de ces médicaments seront actifs aussi contre les autres génotypes viraux, mais leur arrivée sur le marché n’est pas attendue avant 2014.
Les résultats finaux des études de phase 3 utilisant les inhibiteurs de la protéase NS3/4A télaprevir et bocéprevir ont été présentés aux congrès 2010 de la Société américaine des études des maladies du foie. Pour ces deux médicaments, on connaissait déjà les résultats encourageants des études de phase 2, largement confirmés par les études de phase 3. Chez les patients n’ayant jamais été traités auparavant, les deux études utilisant le télaprevir (ILLUMINATE 4 et ADVANCE 5) ont montré un taux de guérison de 69 à 75% selon les bras de traitement. L’étude SPRINT-2,6 qui associait le bocéprevir au traitement conventionnel, a montré des taux de réponse de 63-66%. Cette même triple combinaison a également été utilisée pour traiter les patients porteurs du génotype 1 et n’ayant pas répondu au traitement standard (répondeurs-rechuteurs et non-répondeurs).
Dans le cas du télaprevir, les résultats de l’étude REALIZE 7 n’ont été divulgués, pour l’instant, que via un communiqué de presse de l’industrie : néanmoins, ils font état d’un taux d’éradication moyen du VHC de 65% par rapport au taux de 17% observé dans le groupe de contrôle traité une nouvelle fois par la double combinaison standard. Plus précisément, le taux de réponse soutenue était de 86% chez les rechuteurs préalables, de 57% chez les répondeurs partiels et de 31% chez les null responders.
Pour ce qui concerne le bocéprevir, l’étude RESPOND-2 8 a montré que le taux de guérison pouvait atteindre, dans le groupe avec triple traitement (bocéprevir ajouté à la combinaison actuelle pendant 48 semaines), 75% environ chez les rechuteurs et 52% chez les non-répondeurs.
L’enregistrement de ces deux inhibiteurs de la protéase virale NS3/4A devrait se faire vers la fin de l’année 2011, voire début 2012. Il faut être cependant conscient du fait que ces nouvelles molécules, bien que plus efficaces que le traitement actuel, posent de nouveaux problèmes en ce qui concerne les effets secondaires et l’adhérence thérapeutique. De ce fait, la complexité de la prise en charge future des patients atteints d’une hépatite C imposera aux centres de référence de former leur personnel (notamment paramédical) et de rédiger des recommandations en conséquence.