A propos de l’article : Hemett OM, et al. Microangiopathie thrombotique : quand le temps presse. Rev Med Suisse 2014;10:794-803.
Nous souhaitons commenter l’article de Hemett et coll. publié dans la Revue Médicale Suisse du 9 avril 2014. L’article présente le diagnostic et le traitement des microangiopathies thrombotiques (MAT) actuels et propose des algorithmes de prise en charge. Nous souhaitons ajouter cinq points importants à la discussion, tous liés à des publications très récentes concernant le syndrome hémolytique urémique atypique (SHUa).
Dans le texte, il est indiqué que le SHU est presque exclusivement une maladie pédiatrique. Il est clair que le SHU-STEC (SHU typique), la forme la plus courante, affecte fréquemment les enfants.1 Toutefois, la flambée épidémique de SHU en Allemagne, en 2011, a touché une forte proportion d’adultes.2 En revanche, le SHU atypique affecte autant les adultes que les enfants.1 Une analyse récente des dossiers de 214 patients atteints de SHUa a permis de révéler que 58% étaient des adultes.3 Par conséquent, le diagnostic de SHUa doit aussi être envisagé chez l’adulte présentant une MAT.
Dans la figure 4, les auteurs recommandent de rechercher la voie alterne d’activation du complément en mesurant les facteurs H et I, ainsi que les taux C3 et C4. Toutefois, ces mesures ne permettent pas d’évaluer le taux d’activation du système du complément, qui est essentiellement présent à la surface des cellules endothéliales dans le SHUa et non en solution. Ainsi, par exemple, il a été récemment démontré que seuls 34% des patients atteints de SHUa avaient de faibles taux de C3 lors de la présentation initiale.3
L’éculizumab a été autorisé par la Food and Drug Administration (FDA, Etats-Unis) et l’Agence européenne des médicaments (EMA) pour le traitement du SHUa en 2011, et par Swissmedic en 2012. Les résultats des essais pivots à un an ont été publiés en 2013,4 et des données supplémentaires portant sur 100 patients au total ont été présentées lors du congrès de l’ASN (American Society of Nephrology) en 2013, puis examinées par Keating.5–7 Ces données suggèrent que le traitement par éculizumab à long terme est efficace chez les patients atteints du SHUa, et qu’une instauration précoce est associée à un bénéfice clinique supérieur. En comparaison, les résultats sous échanges plasmatiques/plasmaphérèse (EP/PP), examinés rétrospectivement dans une cohorte à grande échelle,3 sont médiocres dans l’ensemble (insuffisance rénale terminale (IRT) ou décès chez 56% des adultes et 29% des enfants à un an de suivi). De plus, les cas de patients présentés par les auteurs eux-mêmes corroborent ces résultats sous EP/PP (100% d’IRT).
Dans l’article, la double transplantation foie-rein est la prise en charge recommandée pour un déficit des facteurs H et I. Nous souhaitons toutefois préciser que toutes les cinq interventions initiales réalisées et qui ont fait l’objet d’une publication ont abouti au décès.1,8 Plus récemment, une procédure modifiée utilisant soit les EP, soit l’éculizumab pour protéger l’activation du complément a donné de meilleurs résultats, à savoir une survie du greffon de 80% et un taux de mortalité de 15%.8 Des données prospectives supplémentaires sont nécessaires pour mieux évaluer l’efficacité et la tolérance d’une double greffe foie-rein.
Dans la figure 5, les auteurs suggèrent d’instaurer les EP comme traitement de première intention chez tous les patients atteints d’un SHUa. D’après des rapports récents,7,9 nous recommandons l’éculizumab comme traitement de première intention chez l’enfant et l’adulte, et les EP lorsque l’éculizumab n’est pas disponible. Dans ce dernier cas, les EP peuvent être administrés à raison d’une séance par jour pendant cinq jours consécutifs, ce qui donne suffisamment de temps pour réaliser toutes les analyses, obtenir les résultats et mettre l’éculizumab à disposition.
Une nouvelle ère vient de commencer avec l’introduction de l’éculizumab pour le traitement des MAT associées au complément. Les cliniciens doivent être sensibilisés et formés à l’utilisation de ce nouvel agent thérapeutique qui modifie la prise en charge. En effet, la supériorité de l’éculizumab sur le court et le long termes, en comparaison aux EP utilisés auparavant, est irréfutable.