Le développement de la chirurgie continue sa progression dans un contexte global et multidisciplinaire où non seulement les nouvelles technologies mais également les prises en charge périopératoires centrées sur le patient sont essentielles à l’amélioration de la qualité des soins et des résultats pour les patients.
La réhabilitation améliorée après chirurgie, ou Enhanced recovery after surgery (ERAS), est une prise en charge périopératoire standardisée et multidisciplinaire, basée sur la médecine factuelle et permet d’améliorer et aussi d’accélérer la réhabilitation postopératoire (tableau 1).1–3 Une récente étude multicentrique, regroupant treize centres de six pays différents, dont le CHUV, avec un collectif de 2352 patients opérés d’une chirurgie colorectale, a étudié l’impact de l’adhérence (ou compliance) à chacun des éléments composant un programme de réhabilitation améliorée.4 La laparoscopie et le régime liquidien restrictif sont indépendamment associés à une diminution des complications postopératoires. Mais c’est surtout la compliance globale, qui représente la proportion des éléments recommandés ayant pu être réellement appliqués au patient, qui est directement corrélée à une diminution des complications et de la durée de séjour. Comme l’adhérence aux éléments d’un programme de réhabilitation précoce est étroitement liée aux améliorations de l’évolution postopératoire, l’audit interactif électronique lié à la base de données constitue un outil essentiel à la réussite de l’implémentation puis du maintien d’un programme de réhabilitation améliorée.5
Les considérations financières sont importantes dans la gestion clinique quotidienne. Ainsi, il est intéressant de constater que la mise en place d’un programme de réhabilitation précoce est non seulement efficace en termes de réduction des complications mais également en termes financiers. En effet, la diminution du séjour et des complications observée permet une réduction du coût hospitalier moyen de 1651 € par patient pour la chirurgie colorectale,6 de 7738 € par patient pour la chirurgie pancréatique7 et de 3500 € pour la chirurgie hépatique (données en cours de publication).
A l’hôpital, une crainte du personnel infirmier à appliquer un programme ERAS est la surcharge potentielle de travail. Nos travaux8 ont montré que la charge de travail en soins infirmiers est diminuée par l’implémentation systématique de la réhabilitation améliorée, et plus la compliance au programme est élevée plus la charge de travail est diminuée.8
La réhabilitation améliorée en chirurgie a connu depuis son implémentation au CHUV, en 2011, un véritable essor tant sur le plan des types d’opérations incluses que des centres participants. Dans le monde entier, plus de 22 000 patients dans une centaine d’institutions ont été pris en charge selon ERAS. Au CHUV, à ce jour, plus de 1500 patients ont bénéficié d’ERAS, principalement pour la chirurgie colorectale y compris en urgence, mais aussi pour la chirurgie hépato-biliaire et pancréatique, la chirurgie gastrique, urologique et gynécologique. En Suisse, le CHUV est le centre expert et pionnier dans l’implémentation d’ERAS et a contribué à implémenter ce programme dans plus de quinze centres dans les différentes régions linguistiques de la Suisse, ainsi qu’à Hambourg en Allemagne, à Strasbourg et Lyon en France, à Charlottes aux Etats-Unis et en Argentine, au Mexique et en Colombie.
La chimiothérapie intrapéritonéale vaporisée (PIPAC) est une approche novatrice dans le traitement de la carcinose péritonéale.9 La carcinose péritonéale grève le pronostic des patients atteints et les options thérapeutiques sont limitées. La chimiothérapie palliative présente des taux de réponse modestes, associés à des effets secondaires importants.10 L’administration intrapéritonéale d’agents cytotoxiques sous forme de chimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale (CHIP), associée à une cytoréduction tumorale complète par chirurgie ouverte, permet une réponse oncologique favorable, mais au prix d’une mortalité et d’une morbidité élevées chez des patients sélectionnés. C’est dans ce contexte que la PIPAC a été développée car elle permet une application intrapéritonéale de la chimiothérapie par voie minimalement invasive. La chimiothérapie est non seulement vaporisée sous forme d’aérosol, avec une distribution homogène dans l’ensemble de la cavité abdominale, mais également pressurisée avec l’obtention d’une pénétration tissulaire plus importante. De plus, l’approche minimalement invasive permet de répéter la procédure (qui dure environ 90 minutes) ; actuellement, trois applications sont proposées sur une période de trois mois (figure 1). Les indications et contre-indications actuelles à la PIPAC sont résumées dans le tableau 2. Dans le cadre d’une collaboration multidisciplinaire des services de chirurgie, de gynécologie et d’oncologie, la PIPAC a été introduite au CHUV en janvier 2015. A ce jour, au CHUV, plus de 67 interventions chirurgicales de PIPAC portant sur 32 patients ont été réalisées avec une durée médiane de séjour de trois jours.
La chirurgie robotique a pour principal avantage d’offrir une meilleure liberté de mouvements, une meilleure préhension des tissus et une vision en trois dimensions parfaitement stable dans les espaces restreints tels que le petit bassin (figure 2). Une récente étude cas-contrôle sur la résection antérieure basse avec excision totale du mésorectum (TME), comparant les vingt premiers patients opérés par chirurgie robotique dans notre institution à 40 patients opérés par chirurgie laparoscopique, a montré une meilleure qualité de la TME lorsqu’elle est effectuée par chirurgie robotique.11 Ces résultats sont corroborés par de nombreuses équipes à travers le monde.12 Les résultats sur le pronostic oncologique à long terme restent cependant à établir.
La chirurgie minimalement invasive s’applique également à la chirurgie de l’hyperparathyroïdie primaire. L’abord minimalement invasif par mini-cervicotomie de 2 cm ou par cervicoscopie est réalisé depuis 2005, au CHUV, avec à ce jour plus de 200 patients opérés par cette technique. Le taux de succès de cette intervention avec localisation et exérèse de l’adénome parathyroïdien atteint les 95 % grâce à la localisation préopératoire par la combinaison de la scintigraphie au Tc-99m-MIBI (méthoxy-isobutyl-isonitrile) et SPECT (single-photon emission computed tomography) avec le CT (computed tomography).13
La résection chirurgicale reste la principale option curative dans le traitement du carcinome œsophagien. Cependant, la chirurgie œsophagienne ouverte est grevée d’un haut taux de morbidité et mortalité. Le recours à une œsophagectomie entièrement minimalement invasive, combinant un abord par thoracoscopie et laparoscopie, a permis, dans une étude multicentrique de phase 2, d’obtenir une durée médiane de séjour de neuf jours avec une mortalité à 30 jours de 2,1 %.14 La qualité de vie,15 une année après l’intervention, est également meilleure avec l’abord entièrement minimalement invasif. Une récente méta-analyse a montré une diminution significative de la mortalité intrahospitalière ainsi que des complications pulmonaires.16 Alors que la gastrolyse laparoscopique est proposée depuis plusieurs années, l’abord minimalement invasif de l’œsophage par thoracoscopie est proposé de routine depuis septembre 2015 au CHUV, avec un succès prometteur.
La chirurgie poursuit son développement tant sur le plan technologique avec un recours croissant à la chirurgie minimalement invasive qu’avec de nouvelles procédures comme la chimiothérapie intrapéritonéale vaporisée. La prise en charge multidisciplinaire du patient avec réhabilitation améliorée après chirurgie est devenue incontournable, en 2015, avec d’excellents résultats.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.