Parmi les acquisitions thérapeutiques de l’année 2015 en pneumologie, nous avons choisi quatre thèmes : la place des corticostéroïdes systémiques (CS) lors de pneumonie acquise en communauté (PAC), la réduction de volume par voie endoscopique dans l’emphysème, l’apport de l’oxygène humidifié à haut débit par rapport à l’oxygénothérapie conventionnelle, ou à la VNI (ventilation non invasive), et les nouveautés dans le traitement de l’hypertension pulmonaire.
L’apport des CS est resté jusqu’ici controversé dans la PAC.1 L’hypothèse qui soutient le recours aux CS lors de PAC suggère qu’une réponse immune inadéquate de l’hôte pourrait compromettre l’efficacité du traitement. Les CS ont un effet immunosuppresseur et anti-inflammatoire. Dans l’arbre bronchique, ils inhibent l’hyperplasie des cellules caliciformes et limitent l’hypersécrétion de mucus. Ils modulent également l’expression de molécules d’adhésion et de chimiokines, ce qui induit une redistribution des cellules inflammatoires, notamment une apoptose des lymphocytes et neutrophiles.2 Enfin, ils participent au processus de réparation tissulaire et de résolution de l’inflammation.3 Il y a donc un rationnel pouvant justifier l’ajout des CS au traitement habituel de la PAC.
Un groupe espagnol a randomisé 112 patients hospitalisés avec une PAC sévère et une protéine C-réactive (CRP) > 150 mg/l à l’admission en deux groupes : 0,5 mg/kg de méthylprednisolone IV/12 heures initié dans les 36 heures suivant l’admission pendant cinq jours vs placebo.4 Tous les patients recevaient aussi une antibiothérapie selon les recommandations internationales. Le groupe méthylprednisolone avait moins d’échecs thérapeutiques précoces (aggravation clinique dans les 72 heures après J0 avec état de choc, et/ou nécessité d’une VNI ou décès) (13 % vs 31 %), et moins de progressions radiologiques sous traitement que le groupe placebo. A J3, les taux d’IL-10 et la CRP étaient significativement plus bas dans le groupe méthylprednisolone. Toutefois, l’étude n’a pas montré de différence entre les deux groupes quant à la mortalité ou aux effets secondaires.
Une étude suisse a étudié l’effet des CS sur la vitesse de résolution de la PAC ; 785 patients avec PAC ont été randomisés en deux groupes : prednisone (50 mg/jour 7 jours) vs placebo.5 L’antibiothérapie était basée sur les recommandations de l’ERS /ESCMID (European Respiratory Society/European Society of Microbiology and infectious Diseases). La stabilité clinique – définie par : T° < 37,8°, fréquence cardiaque ≤ 100/min, fréquence respiratoire ≤ 24/min, pression artérielle systolique ≥ 90 mmHg sans soutien aminergique, SpO2 ≥ 90 %, résolution d’un éventuel état confusionnel et reprise d’une alimentation spontanée – était atteinte plus rapidement dans le groupe prednisone que dans le groupe placebo. Ces résultats n’étaient pas affectés par la présence d’une BPCO, l’âge, le taux de CRP ou la sévérité de la PAC. La durée d’hospitalisation était aussi raccourcie de 24 heures dans le groupe prednisone et l’incidence de complications secondaires à la PAC inférieure (OR : 0,49 ; IC 95 % : 0,23-1,02). Les patients sous CS ont toutefois présenté davantage de décompensations hyperglycémiques, ceci sans impact sur la durée totale d’hospitalisation.
Bien que ces deux études soient encourageantes, leurs conclusions ne peuvent pour l’instant s’appliquer au traitement ambulatoire d’une PAC : dans les deux cas, il s’agissait de patients admis en milieu hospitalier. De plus, les critères d’exclusion étant nombreux dans les deux études (immunosuppression, insuffisance surrénalienne, hémorragie digestive au cours des trois derniers mois, brûlures aiguës, drogues IV, prednisone ≥ 0,5 mg/kg par jour, traitements antérieurs par CS, diabète mal contrôlé, etc.), les conclusions ne peuvent donc s’appliquer à ces groupes de patients.
Tout récemment, une méta-analyse a recensé treize études parues sur ce sujet (dont les deux décrites ci-dessus).6 Les auteurs concluent à un probable effet bénéfique des CS sur la mortalité globale lors de PAC sévère. Cinq études ont montré un effet bénéfique des CS quant à la nécessité d’une VNI ; quatre ont documenté un risque plus faible de syndrome de détresse respiratoire chez l’adulte (SDRA) chez les patients traités par CS ; trois ont montré une réduction significative de la durée d’hospitalisation et cinq une durée plus courte pour atteindre la stabilité clinique chez les patients sous CS. Les hyperglycémies étaient plus fréquentes sous CS.
Les arguments en faveur d’une corticothérapie lors de PAC nécessitant une admission en milieu hospitalier semblent actuellement plus solides. Néanmoins, de nombreuses zones d’ombre persistent : que faire des nombreux groupes exclus de ces travaux ? Par ailleurs, l’étude de Blum et coll. ne s’est pas intéressée à la mortalité et celle de Torres et coll. n’a pas mis en évidence de bénéfice du traitement stéroïdien sur la mortalité.4,5
Le bénéfice des CS systémiques semble donc concerner essentiellement la vitesse de résolution de la PAC et la durée du séjour hospitalier, ce qui peut avoir des implications non négligeables tant pour le patient que pour les coûts de la santé. Il faudra attendre d’autres études prospectives pour pouvoir confirmer le bénéfice des CS lors de PAC dans la population « tout-venant » et lors de PAC ne nécessitant pas d’admission en milieu hospitalier.
L’OHD (Optiflow et Airvo 2) est utilisée depuis quelques années en pédiatrie (soins aigus) et, chez l’adulte, dans l’insuffisance respiratoire aiguë hypoxémique (IRA), en postextubation et plus rarement, dans des situations palliatives. Elle a fait récemment l’objet de travaux cliniques validant son apport lors d’IRA de type I (normocapnique).
L’OHD fournit de l’O2 préchauffé (T° : 31 à 37°C) et humidifié à 100 %, ce qui diminue la résistance des voies aériennes supérieures (RVA), améliore la clairance mucociliaire et augmente le confort. Elle est délivrée au travers de canules nasales spéciales à un débit pouvant atteindre 60 l/min. Ce débit élevé assure un « wash-out » de l’espace mort nasopharyngé, diminue le travail inspiratoire, et produit une pression positive expiratoire (de 2-6 cm H2O selon le débit), améliorant les rapports ventilation-perfusion. Enfin, on peut administrer une FiO2 jusqu’à 100 % (figures 1 et 2). Cette dernière n’est pas affectée par le débit ventilatoire du patient, étant donné les débits élevés que l’OHD peut générer. A contrario, le débit d’O2 lors d’oxygénation via un masque à réservoir plafonne à 15 l/min, ce qui peut être inférieur au débit d’un sujet en détresse respiratoire, diminuant alors la FiO2 délivrée.7 L’OHD est décrite comme mieux tolérée que l’OMR (oxygénation avec masque à réservoir) qui n’est ni réchauffée ni humidifiée, avec comme conséquences une sécheresse des voies aériennes, une augmentation de la RVA et donc du travail inspiratoire.8 Dans une étude randomisée-contrôlée (RCT), le traitement par OHD conférait une meilleure oxygénation et diminuait la fréquence de réintubation vs l’oxygénothérapie par masque Venturi dans les 48 heures suivant l’extubation après un épisode d’IRA.9
Deux travaux récents ont contribué à valider l’OHD en pratique clinique. Frat et coll.10 ont conduit une RCT, ouverte, portant sur 310 patients admis pour IRA, et divisés en trois groupes. Le premier était traité par OHD, le deuxième par oxygénothérapie conventionnelle via un masque et le troisième par VNI. L’issue primaire était le taux de réintubations au vingt-huitième jour d’hospitalisation ; les issues secondaires étaient : la mortalité aux soins intensifs et au 90e jour et le nombre de jours sans ventilation mécanique. Pour être inclus dans l’étude, il fallait un rapport PaO2/FiO2 < 300 mmHg sous une oxygénothérapie à 10 l/min et une PaCO2 < 45 mmHg (6 kPa). L’âge moyen des patients était de 60 ans ; la grande majorité de ces patients souffraient d’une pneumonie. Au vingt-huitième jour d’hospitalisation, le taux d’intubations était inférieur dans le groupe traité par OHD (38 % contre 47 % et 50 %), mais ceci de façon non significative. Dans une analyse post-hoc portant sur les patients avec rapport PaO2/FiO2 < 200 mmHg, les intubations étaient significativement moins fréquentes dans le groupe traité par OHD. Enfin, la mortalité en réanimation et à 90 jours était plus basse chez les patients sous OHD que chez les patients sous oxygénothérapie conventionnelle ou sous VNI.
Une étude de non-infériorité multicentrique, randomisée, ouverte s’est focalisée sur des patients ayant eu une chirurgie cardiaque ou thoracique ; 830 patients ont été randomisés en deux groupes : OHD (FiO2 50 %, débit 50 l/min) vs VNI administrée par masque facial au moins quatre heures par jour.11 Entre les séances de VNI, l’oxygénation était assurée par des lunettes à oxygène ou un masque avec une SpO2 cible de 92 %. L’issue primaire était l’échec du traitement, défini par la nécessité d’une réintubation, d’un changement de traitement ou l’arrêt prématuré de ce dernier. Les traitements étaient stoppés en cas de rapport PaO2/FiO2 > 300 mmHg (groupe OHD) ou en cas de ventilation d’une durée de moins de quatre heures par jour. L’étude conclut à une non-infériorité du traitement par OHD par rapport à la VNI avec un taux d’échecs de traitement de 21 % vs 21,9 % respectivement.
Ces deux études, portant sur des populations différentes, montrent des résultats prometteurs de l’OHD dans l’insuffisance respiratoire aiguë de type 1. L’OHD a l’avantage de pouvoir être administrée de façon continue et sans inconfort, avec une FiO2 élevée si nécessaire, contrairement à la VNI qui nécessite la plupart du temps un traitement fragmenté. D’autres travaux sont nécessaires afin d’explorer les indications de l’OHD (exacerbations de BPCO, pneumopathies interstitielles, soins palliatifs), et son utilisation ambulatoire (Airvo 2).
L’emphysème est caractérisé par une destruction progressive des septa alvéolaires, une augmentation de la compliance pulmonaire et une hyperinflation dont l’impact est défavorable sur la mécanique respiratoire et sur la dyspnée. Ce constat est à l’origine de la chirurgie de réduction de volume pulmonaire (CRVP), dont le bénéfice sur la capacité d’effort est démontré.12 Cependant, en raison d’une morbidité et d’une mortalité non négligeables, la CRVP reste peu pratiquée et des techniques moins invasives, par voie endoscopique, sont devenues disponibles.
La sécurité et la faisabilité de la réduction de volume pulmonaire endoscopique (RVPE) par implantation de spirales ont été établies en 2010.13 Par la suite, plusieurs travaux ont montré un effet positif de la RVPE tant sur la qualité de vie liée à la santé (QVLS) que sur la capacité d’effort (test de marche de six minutes : TDM6) avec un taux de réponses d’environ 70 %.14–17 Le faible nombre de patients inclus dans chaque essai ne permettait pas d’établir des conclusions définitives ou de déterminer le profil des meilleurs répondeurs.
Une méta-analyse a regroupé quatre études avec des critères d’inclusion très similaires.18 Celle-ci a inclus 140 patients (âgés > 35 ans ; âge moyen environ 60 ans). Parmi les critères d’exclusion : PaCO2 > 8 kPa ou PaO2 < 6 kPa ; DLCO < 20 % du prédit ; VEMS > 20 % après bronchodilatateurs ; TDM6 < 140 m ; PAPs > 50 mmHg ou FEVG < 45 % à l’échocardiographie; présence de bulles géantes (> un tiers d’un hémithorax); antécédents de réduction pulmonaire, lobectomie ou pneumonectomie ; anticoagulation ou antiaggrégation ; toute comorbidité pouvant interférer avec le suivi ou les issues mesurées. 125 sujets ont pu être évalués à six mois et 96 à douze mois.18 Tous avaient une obstruction sévère (VEMS : 28,5 % du prédit), une importante distension pulmonaire (volume résiduel : 233 % du prédit), et une tolérance à l’effort diminuée (316 m en moyenne au TDM6). Les spirales étaient implantées lors d’une bronchoscopie souple sous sédation modérée ou anesthésie générale. Le lobe le plus atteint de chaque poumon était traité lors de deux procédures séparées d’au moins un mois (moyenne : 10 spirales/lobe).
L’effet du traitement est significatif à six et douze mois sur les fonctions pulmonaires (sauf la DLCO – (diffusion du monoxyde de carbone)), le TDM6 (+ 44,1 m et + 38,1 m respectivement) et la QVLS (tableau 1). Globalement, l’effet du traitement et le taux de réponses étaient similaires dans les quatre études.
Il n’y a pas eu d’effet secondaire majeur attribué à la RVPE. Cinq patients sont décédés durant l’année qui a suivi leur traitement, dont trois lors d’une exacerbation infectieuse. Les événements indésirables les plus fréquemment rapportés sont : douleurs thoraciques, hémoptysies mineures, pneumothorax, exacerbations de BPCO et pneumonies, ces dernières étant les plus fréquentes. Le taux global des événements indésirables sévères est rapporté dans le tableau 1.
Le traitement semble plus efficace lorsqu’il est bilatéral et lorsqu’il est effectué au niveau des lobes supérieurs. Par contre, la nature homogène ou hétérogène de l’emphysème et le nombre de spirales implantées ne semblent pas déterminants.
En conclusion, cette méta-analyse confirme que le traitement de RVPE par implantation de spirales est efficace pour améliorer les symptômes et la capacité d’effort de patients souffrant d’un emphysème sévère, dont le traitement médical est maximal, avec un taux d’efficacité de l’ordre de 60 %. Le profil de sécurité est bon, bien que le taux d’événements indésirables sévères, notamment infectieux, soit important. Le profil du patient répondeur n’est pas définitivement établi mais tant le traitement bilatéral que celui des lobes supérieurs sont associés à un meilleur taux de réponses. Les résultats de deux grandes études randomisées, contrôlées à double insu (RCT), attendus prochainement, devraient contribuer à approfondir nos connaissances sur ce traitement : REVOLENS (NCT01822795) et RENIEW (NCT01608490).
Les recommandations européennes sur l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) ont été publiées en automne 2015.19 La disponibilité de nouveaux traitements visant les trois voies physiopathologiques classiquement décrites de cette artériopathie potentiellement mortelle offre de nouveaux espoirs aux patients :
le riociguat est un stimulateur du récepteur soluble de la guanylate cyclase (sGC) et emprunte la voie du monoxyde d’azote (NO) ouverte par les inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 (PDE5i). Il a démontré son efficacité dans l’essai PATENT, une RCT, et son extension ouverte PATENT-2, sur un critère principal de jugement classique : l’augmentation de la distance parcourue au TDM6.20
Le macitentan, antagoniste non sélectif des récepteurs de l’endothéline (ERA), a démontré, dans la RCT SERAPHIN, une diminution de 45 % de la morbi-mortalité.21
D’un dessin comparable, l’essai clinique de phase III GRIPHON a révélé que le selexipag, un agoniste sélectif oral du récepteur de la prostacycline, permet une réduction de 39 % de la morbi-mortalité sur un collectif testé de plus de 1100 patients (NCT01106014).
Parmi les autres nouveautés majeures, on notera l’élargissement de l’indication à une thérapie combinée d’emblée chez les patients nouvellement diagnostiqués paucisymptomatiques (tableau 2). Cette recommandation fait suite à la publication de plusieurs essais cliniques dont une RCT (AMBITION) comparant, chez 500 patients, une bithérapie orale combinée d’emblée par un ERA (ambrisentan) et un PDE5i (tadalafil) à une monothérapie par l’une ou l’autre de ces molécules. Les résultats ont montré notamment une diminution de 50 % du risque de détérioration clinique chez les patients sous bithérapie par rapport aux monothérapies.22
Dans tous les cas, il convient de fixer des objectifs ambitieux et, si l’évolution clinique n’est pas satisfaisante, de réaliser un bilan fonctionnel, biologique et hémodynamique complet avant de passer d’une monothérapie à une bithérapie, d’une bithérapie à une trithérapie, d’une trithérapie à un projet de transplantation pulmonaire.
L’HTAP est une maladie rare dont le diagnostic est rendu difficile par l’absence de spécificité des symptômes initiaux et, surtout, la présence de comorbidités confondantes. Les nouvelles recommandations rappellent le rôle déterminant des centres experts pour son diagnostic et sa prise en charge.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ Les corticostéroïdes s’avèrent bénéfiques lors d’hospitalisation pour pneumonie communautaire
▪ De nouveaux outils font leurs preuves pour le traitement de l’insuffisance respiratoire normocapnique et de l’emphysème
▪ Traitements combinés d’emblée, nouvelles molécules, et importance des centres experts soulignés dans l’hypertension pulmonaire