Mme CP, 71 ans, vit à domicile avec son époux. Elle est connue pour un diabète de type non insulino-requérant, une BPCO modérée, un état dépressif et un adénocarcinome invasif pulmonaire du lobe inférieur gauche T2N3M1 depuis juin 2015, traité par chimiothérapie et radiothérapie. Elle présente des douleurs costales antérieures droites (niveau TH10-12) et au niveau du bassin, sur des métastases connues, insuffisamment soulagées sous tramadol 3 x 50 mg/jour et 25 mg en réserve 3 x et paracétamol 3 x 1 g/jour. Elle se rend à votre cabinet, accompagnée de son mari en urgence. Elle évalue l’intensité de sa douleur à 9/10 à la mobilisation et à 5/10 au repos (3/10 est jugé supportable). Les douleurs sont aggravées par la moindre mobilisation, la respiration profonde ou la toux. Les symptômes associés sont une dyspnée (7/10), une anxiété (8/10) et une dépression (9/10). Comme conséquence, elle ne sort presque plus de chez elle, hormis pour se rendre aux différentes consultations médicales.
La prévalence de la douleur chez les malades atteints de cancer reste élevée et ceci malgré les apports de campagnes de sensibilisation et un recours aux opioïdes puissants fortement augmenté : on l’estime entre 25 et 50 % des patients en général, mais à 70 % chez ceux en phase avancée de la maladie. La définition de la douleur, donnée par l’Association internationale d’étude de la douleur (IASP), insiste sur son caractère subjectif, son interférence avec les émotions et le sens qu’elle a dans un contexte donné. C’est ainsi que la notion de « douleur totale » a pu être évoquée.
« La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite dans ces termes ».
International Association Study of Pain 1994
La douleur du cancer est un syndrome complexe où s’associent des mécanismes inflammatoires, neuropathiques et ischémiques – et souvent au niveau de plusieurs sites, dans un contexte donné. Par ailleurs, la douleur peut être directement en lien avec la maladie principale, mais aussi due aux comorbidités (arthrose, ostéoporose, plaies, etc.), aux investigations (examens radiologiques, biopsies, etc.) et/ou aux traitements (radiothérapie). La situation de cette patiente permet de revoir les grands principes et les spécificités de l’antalgie.
Au vu du diagnostic de Mme CP, une approche palliative, axée sur la qualité de vie, doit être intégrée à sa prise en charge, comprenant une évaluation globale de ses symptômes et de ses besoins physiques, psychiques, sociaux et spirituels ; l’anticipation d’éventuelles complications, mais aussi du lieu de soins et de décès et le soutien des proches.