Monsieur Olivier, homme d’affaire et père de trois enfants, a 40 ans lorsqu’est diagnostiqué un cancer pulmonaire. Une première ligne de chimiothérapie lui offre quelques mois de répit puis la maladie se propage aux niveaux hépatique et osseux malgré deux autres lignes de chimiothérapie. Son état général se dégrade rapidement. Il est hospitalisé pour une infection pulmonaire et des douleurs sévères sur métastases osseuses. Lorsque lui est proposé l’intervention de l’équipe de soins palliatifs afin d’améliorer l’antalgie, il est bouleversé et n’accepte qu’à contrecœur. L’évaluation est succincte vu son épuisement et son inconfort. L’impact de l’intervention palliative est faible. Après une phase de confusion, le patient sombre dans le coma et décède peu après.
Madame Rosette, âgée de 45 ans et mère d’une adolescente, souffre d’un cancer du sein métastatique au niveau vertébral à l’origine de douleurs l’empêchant de travailler. Elle accepte d’emblée une consultation de soins palliatifs réalisée en présence de l’oncologue. Un lien de confiance s’établit avec le consultant qu’elle rencontre régulièrement au cours des trois années suivantes. Avec la progression de la maladie, ses projets de vie se modifient : tenir jusqu’à la majorité de sa fille, s’assurer que tout sera mis en œuvre pour son confort en fin de vie en rédigeant ses directives anticipées. Deux mois après les 18 ans de sa fille, elle est hospitalisée dans le cadre d’un choc septique. Son inconfort physique est extrême. Elle accepte une sédation, dont les objectifs et les modalités ont été discutés à l’occasion de la rédaction de ses directives anticipées. Elle décède 48 heures plus tard paisiblement, entourée de sa fille et de ses amis.
Quelles sont les similitudes et les différences entre ces deux vignettes cliniques ? Quelles réflexions suscitent-elles ?
L’évocation des soins palliatifs suscite chez les patients des émotions diverses, parfois contradictoires, allant d’un sentiment d’effroi et d’abandon par la médecine à celui de lâcher prise, voire de soulagement après une longue lutte contre la maladie. Une part de ces réactions est conditionnée par l’histoire de vie et les valeurs du patient et le cours de la maladie. Plus ce dernier est rapide, moins le malade a de temps pour mobiliser ses facultés d’adaptation, reconsidérer ses priorités de vie et intégrer sa finitude.
La confusion entre soins palliatifs et soins terminaux est néanmoins un facteur contributif majeur à la souffrance vécue par le patient :
Des soins palliatifs précoces (figure 2) introduits en complément des traitements oncologiques spécifiques ont de nombreux effets bénéfiques :3,4
▪ Ne pas hésiter en tant que médecin traitant à discuter précocement avec le patient atteint d’une maladie évolutive du diagnostic, du pronostic et des options thérapeutiques « curatives » et « palliatives » de sa maladie, même en l’absence de symptômes. Les médecins peuvent craindre d’accabler leurs patients par de telles discussions alors que souvent ces derniers les souhaitent
▪ S’adapter au rythme singulier de chaque patient. L’intégration de l’annonce d’une maladie grave varie fortement d’un patient à l’autre et fluctue au cours du temps chez un même patient
▪ Explorer avec le patient ses craintes face à l’avenir, ses questions, ses valeurs et ses priorités dans l’objectif d’élaborer avec lui un projet de soins (Planification anticipée du projet thérapeutique – PAPT).5 Une telle démarche, qui s’inscrit dans le temps, améliore la communication entre médecin traitant, équipe soignante et patient et donne à ce dernier un sentiment d’un meilleur contrôle. Elle peut déboucher, s’il le désire, sur la rédaction de directives anticipées
▪ Si le terme « soins palliatifs » est source de gêne malgré les explications données, d’autres expressions comme « soins de support » peuvent être utilisées. Certains soignants se sentent eux-mêmes plus à l’aise avec cette terminologie 6
▪ L’approche palliative implique une prise en charge multidisciplinaire prenant en compte les divers besoins du patient et des proches et une étroite coordination entre les divers intervenants. Elle ne requiert pas obligatoirement l’intervention d’une équipe spécialisée. Celle-ci est néanmoins très utile lors de gestion difficile de symptômes, tels que la douleur ou la dyspnée, et de problématiques psychosociales complexes