Les tristement célèbres lésions bêta-amyloïdes sont-elles pathognomoniques de la maladie d’Alzheimer ? Oui, dit-on généralement outre-Atlantique. En France, les derniers résultats de l’étude INSIGHT permettent d’en douter. Ces résultats viennent d’être publiés dans The Lancet Neurology.1 Dirigés par le Pr Bruno Dubois (chef du Centre des maladies cognitives et comportementales, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP), les auteurs ont mené leurs travaux auprès d’une cohorte de 318 participants, dont 88 ont développé des lésions bêta-amyloïdes.
Ces données montrent qu’après 30 mois de suivi, seules quatre personnes sur les 88 ont développé la maladie – « et ce alors même que l’on peut considérer que l’étendue de leurs lésions avait déjà atteint le sommet du plateau », a affirmé le Pr Dubois au Quotidien du Médecin. Outre ces quatre patients, et bien que trois ans se soient écoulés, les auteurs ne constatent aucune différence quant aux résultats des tests psychocomportementaux et cognitifs entre les patients porteurs de « plaques » et ceux qui n’en ont pas. Aucune différence, non plus, en ce qui concerne les données de l’actigraphie (mesure de l’activité à l’aide de bracelets portés par les volontaires) ou de la neuro-imagerie fonctionnelle.
Cette performance est comparable a la precision des calculateurs de risque cardiovasculaire
« Il est probable que certains de ces volontaires n’évoluent jamais vers la maladie, avance le Pr Dubois, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je souhaiterais poursuivre le suivi de cette cohorte. Nous sommes en mesure de suivre l’évolution des plaques bêta-amyloïdes depuis 15 ans, et dans certains centres, nous avons des patients qui présentent des lésions depuis une dizaine d’années sans développer de symptômes. Si seul un petit nombre de ces patients évolue effectivement vers la pathologie, c’est donc que les lésions ne définissent pas la maladie. Il est ainsi possible que nombre d’études en cours soient des fiascos ».
Nouvelle étape de l’intelligence artificielle au service de la médecine. Les chercheurs de la société Verily, filiale de Google, viennent de démontrer que l’on peut prédire, avec la même précision que les meilleurs scores actuels (70 % de concordance), le risque d’événements cardiovasculaires majeurs sur cinq ans sur la seule base d’un examen simple et peu coûteux : le fond d’œil. L’étude est publiée dans Nature Biomedical Engineering2 et développée sur le site Medscape.3 « Cette découverte est particulièrement enthousiasmante car elle suggère que l’on pourrait découvrir encore d’autres moyens de diagnostiquer des problèmes de santé à partir d’images rétiniennes » commente la Dre Lily Peng, chercheuse au sein de la « Google Brain Team » et signataire de l’étude.
On sait qu’évaluer le risque cardiovasculaire d’une personne requiert aujourd’hui de réunir un ensemble de données issues de l’examen clinique (âge, genre, statut tabagique, pression artérielle, IMC, antécédents) et de prélèvements urinaires et sanguins (cholestérol, glucose). C’est là une somme non négligeable de travail à laquelle il faut parfois ajouter différents examens invasifs. « Nous ne savons pas précisément comment ces facteurs s’additionnent chez un patient donné, ce qui nous conduit à réaliser parfois des investigations sophistiquées, comme demander un scanner pour voir les calcifications coronaires, afin de mieux stratifier le risque individuel de faire un événement cardiovasculaire comme un infarctus ou un accident vasculaire cérébral » explique le Dr Michael V. McConnell, chef du Département des innovations en santé cardiovasculaire chez Verily.
Medscape précise que, comme dans d’autres exemples récents (notamment la rétinopathie diabétique),4 la même équipe, faisant appel à l’intelligence artificielle, avait été capable d’augmenter la précision du diagnostic à partir d’images médicales. Conséquence : les chercheurs de Verily se sont demandés s’il existait des éléments présents dans un fond d’œil – facile et peu cher à obtenir – permettant de définir le niveau de risque cardiovasculaire. Pour cela, ils ont fait appel au machine learning – c’est-à-dire en utilisant des « réseaux de neurones artificiels » où l’algorithme apprend par luimême à établir le meilleur diagnostic possible à partir d’images médicales, avec une précision identique à celle d’un expert.
« Pourquoi l’œil ? Parce que des marqueurs de maladies cardiovasculaires comme la rétinopathie hypertensive et des emboles de cristaux de cholestérol y sont présents, répondent les chercheurs américains à Medscape. De plus, les vaisseaux sanguins et leurs particularités (calibre, tortuosité, bifurcation, modifications microvasculaires), susceptibles de refléter l’état du système vasculaire dans son ensemble, sont visibles dans la rétine de façon non invasive ».
Dans le cas du risque cardiovasculaire, les chercheurs de Verily ont « entraîné » les algorithmes sur les photographies rétiniennes de 284 335 patients issus de deux banques de données. Dans l’une de ces banques, les patients diabétiques prédominaient, l’autre était plus représentative de la population générale, mais la moyenne d’âge était de 55 ans dans les deux. « Notre algorithme a été capable de distinguer avec une précision de 71 % entre les photographies de rétine d’un fumeur ou d’un non-fumeur. En outre, alors que les médecins peuvent discriminer les patients avec une pression artérielle élevée de ceux ayant une pression artérielle normale, notre algorithme a été encore plus loin en prédisant la PAS des patients + 11 mmHg, qu’ils soient ou non hypertendus » rapporte la Dre Peng.
« Comme les photographies rétiniennes seules étaient suffisantes pour prédire différents facteurs de risque cardiovasculaire, nous avons pensé que ces images pourraient aussi être directement corrélées aux événements cardiovasculaires, expliquent les auteurs. En comparant la photographie rétinienne d’un patient qui a subi un événement CV majeur dans les cinq années suivantes et celle d’un patient sans accident cardiovasculaire, notre algorithme a été capable de reconnaître celui qui avait expérimenté un événement majeur avec une précision de 70 %. Cette performance est comparable à la précision des calculateurs de risque cardiovasculaire qui, eux, requièrent une prise de sang pour doser le cholestérol » remarque la chercheuse.
Enfin il a été possible d’identifier les régions anatomiques les plus pertinentes sur chacune des photographies, établissant ainsi des « cartes de saillance » (saliency maps ou attention maps) pour chacune des prédictions. « Nous avons ouvert la “boîte noire”, assure Lily Peng, savoir quels pixels sont les plus pertinents pour prédire un facteur de risque cardiovasculaire donné. Par exemple, l’algorithme accorde plus d’attention aux vaisseaux sanguins pour prédire les facteurs de risque tels que l’âge, le tabagisme et la pression artérielle systolique, alors que les zones périvasculaires étaient plus prédictives de l’HbA1c. »