Président de l’Association des médecins du canton de Genève (AMGe) et politiquement engagé en faveur d’une médecine de qualité, le conseiller national vert’libéral Michel Matter vise le Conseil d’État genevois à l’élection complémentaire du 7 mars. Considéré comme un « candidat inclassable » du fait de ses prises de position qui ne le situent à aucune extrémité de l’échiquier politique, il répond à nos questions.
Michel Matter. La seconde vague de la pandémie a conforté notre proximité avec la population. Cette crise a clairement révélé que notre place se situe aux côtés de notre patientèle. On entend souvent parler de « sens du métier » et c’est quelque chose qui me paraît vraiment très important. D’ailleurs, j’avais tenu à inscrire ce sujet dans les thèmes abordés en 2019 lors des États généraux de la santé qui sont organisés chaque année à Genève. Cette perte de sens affectait clairement l’ensemble de la communauté médicale. Elle ne touchait donc pas seulement les médecins, mais aussi le personnel infirmier, les physiothérapeutes, etc. Or, ce que la pandémie de coronavirus a permis de constater en 2020, c’est l’immense professionnalisme de notre corps de métier, sa capacité à s’organiser et à fonctionner de manière interdisciplinaire, l’engagement personnel exemplaire de l’ensemble des soignants en faveur des patientes et des patients. Cela nous a permis de montrer que nous sommes convaincus de notre mission. Voilà, pour moi, ce qui ressort de la période où la pandémie était au plus fort. Rétrospectivement, il semble évident que c’était une erreur de limiter drastiquement l’activité des cabinets médicaux au printemps 2020. Le médecin représente une courroie de transmission dans notre système de santé et je crois que maintenant tout le monde a compris qu’il doit pouvoir fonctionner comme un relais de soin en toutes circonstances, surtout en période de pandémie et plus nettement encore dans la situation actuelle, où l’impact psychologique de la crise sanitaire va en augmentant.
MM. Là encore, les médecins ont eu l’occasion de prouver le rôle crucial qu’ils étaient capables de jouer. Les médecins valaisans de premiers recours se sont rapidement mobilisés pour vacciner la population et ils ont été suivis par leurs homologues dans d’autres cantons. Nous avons eu beaucoup de discussions intéressantes et constructives entre les associations cantonales et au sein de la Société de médecine de Suisse romande, et tout cela a encore montré que nous savons avancer main dans la main. Dans le contexte de la vaccination de masse, et c’est là un aspect que j’ai très tôt mis en avant, le lien de confiance entre le patient et le médecin prend une importance capitale. Je suis ophtalmologue depuis plus de vingt ans et s’il ne vient pas à l’esprit de mes patients de me demander de les vacciner, cela ne les empêche pas d’aborder presque automatiquement le sujet en consultation, en me posant des questions sur le ou plutôt les vaccins, et il est clair que s’ils le font, c’est parce qu’ils se sentent entre de bonnes mains.
MM. C’est un sujet d’actualité important. La facturation des prestations dans l’assurance privée et semi-privée fait l’objet d’intenses discussions, en particulier pour ce qui concerne les interventions chirurgicales effectuées dans des cliniques. On voit poindre, surtout chez les assureurs mais aussi dans une moindre mesure du côté des cliniques, des volontés d’introduire la possibilité de conclure des accords de partenariats dont certaines cliniques pourraient être exclues, ce qui signifie que les patients seraient limités dans le choix de leur médecin et du lieu de leur prise en charge. Ainsi, on risquerait de se retrouver dans un futur où les personnes assurées en privé ou en semi-privé auront moins de choix que celles qui sont actuellement remboursées par l’assurance de base ! Il me semble tout de même que les patients qui ont souscrit une assurance privée ou semi-privée doivent avoir le droit de choisir librement leur médecin. De plus, je considère que les associations cantonales de médecine devraient pouvoir négocier directement avec les assureurs un catalogue de prestations et de tarifs pour ce qui les concerne, indépendamment des cliniques. En tant que médecins, nous n’avons pas à nous mêler du prix de l’hôtellerie hospitalière. Il me semble donc justifié que ce soit réciproque. Enfin, j’estime que les cantons devraient déterminer eux-mêmes le nombre de médecins autorisés à pratiquer sur leur territoire. Il est important que les médecins et leurs associations cantonales participent pleinement aux discussions avec les autorités politiques et les hôpitaux universitaires. Là encore, le médecin est une figure incontournable.
MM. On dit souvent que les élus sont jugés sur leurs 100 premiers jours. Je ne sais pas si c’est aussi précis dans la réalité, mais je suis convaincu que le facteur déterminant, c’est l’action politique. C’est-à-dire la capacité à s’intégrer dans un système collégial et à traiter les thématiques de manière transversale. Si vous prenez la santé, je ne vois pas comment on pourrait la dissocier de l’économie et du social, par exemple. Donc, je pars du principe qu’en politique, je serai toujours jugé sur mes actions.