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ISO 690 Gengler, C., Guillou, L., Tumeurs des tissus mous : rôle du pathologiste dans l’approche diagnostique, Rev Med Suisse, 2007/119 (Vol.3), p. 1726–1732. DOI: 10.53738/REVMED.2007.3.119.1726 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2007/revue-medicale-suisse-119/tumeurs-des-tissus-mous-role-du-pathologiste-dans-l-approche-diagnostique
MLA Gengler, C., et al. Tumeurs des tissus mous : rôle du pathologiste dans l’approche diagnostique, Rev Med Suisse, Vol. 3, no. 119, 2007, pp. 1726–1732.
APA Gengler, C., Guillou, L. (2007), Tumeurs des tissus mous : rôle du pathologiste dans l’approche diagnostique, Rev Med Suisse, 3, no. 119, 1726–1732. https://doi.org/10.53738/REVMED.2007.3.119.1726
NLM Gengler, C., et al.Tumeurs des tissus mous : rôle du pathologiste dans l’approche diagnostique. Rev Med Suisse. 2007; 3 (119): 1726–1732.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2007.3.119.1726
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articles thématiques: le pathologiste, pilote du praticien
18 juillet 2007

Tumeurs des tissus mous : rôle du pathologiste dans l’approche diagnostique

DOI: 10.53738/REVMED.2007.3.119.1726

Soft tissue tumors represent a heterogeneous group of lesions which include benign and malignant (sarcomas) mesenchymal proliferations. Sarcomas are rare and represent a real challenge in terms of diagnosis and therapy for the multidisciplinary medical team. The pathologist has to establish the correct diagnosis by answering several questions: is the lesion benign or malignant? if malignant, is it a sarcoma? and what type of sarcoma is it? He has to inform the clinician regarding the potential presence of prognostic factors. Careful evaluations of surgical margins of the resection specimen or of tumor response to neo-adjuvant chemotherapy are additional aspects of the pathologic report. Optimal management of the patient depends on a close collaboration between pathologists, surgeons, radiologists, oncologist and radiotherapists.

Résumé

Les tumeurs des tissus mous comportent des lésions bénignes et des proliférations mésenchymateuses malignes appelées sarcomes. Les sarcomes représentent 0,5 à 1% des tumeurs malignes de l’adulte et constituent un véritable défi diagnostique et thérapeutique pour les équipes médicales pluridisciplinaires. Le pathologiste intervient d’abord à l’étape du diagnostic: s’agit-il d’une tumeur maligne ou d’un processus bénin? si la lésion est maligne, s’agit-il d’un sarcome? et de quel type de sarcome? Il doit ensuite établir le degré d’agressivité de la tumeur, signaler d’éventuels facteurs pronostiques, et évaluer sur la pièce opératoire la qualité du traitement. Une prise en charge optimale du patient passe par une bonne collaboration entre pathologistes, chirurgiens, radiologues, oncologues et radiothérapeutes.

INTRODUCTION

Les tumeurs des tissus mous regroupent des proliférations cellulaires de nature réactionnelle comme les fasciites nodulaires et des proliférations de nature néoplasique. Parmi les tumeurs, on distingue les tumeurs bénignes et les tumeurs malignes (sarcomes). Les sarcomes peuvent être de faible grade (G1), de grade intermédiaire (G2), ou de haut grade de malignité. La prise en charge des tumeurs conjonctives diffère radicalement en fonction du diagnostic histologique, d’où l’importance d’un diagnostic juste.

Les sarcomes sont des tumeurs rares (0,5-1% des tumeurs de l’adulte) qui se développent à tout âge, y compris chez l’enfant. Ils sont de localisation ubiquitaire. Leur rareté, mais également leur variabilité morphologique font que ces tumeurs représentent un véritable défi diagnostique pour le pathologiste.

Le pathologiste ne se limite pas à établir le type et le sous-type histologique de la tumeur, il apporte également des éléments déterminants concernant le degré d’agressivité et le pronostic de la lésion. La mise en place de protocoles de chimiothérapie de plus en plus adaptés à un type tumoral précis (par exemple protocole Euro-Ewing pour les sarcomes d’Ewing) et l’utilisation de plus en plus fréquente de thérapeutiques oncologiques ciblées, par exemple l’imatinib mésylate dans le traitement des tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST), placent la pathologie au centre de la prise en charge des tumeurs mésenchymateuses.

ÉTAPE DU DIAGNOSTIC

Outils à disposition en 2007

Bien que l’analyse morphologique détienne toujours une place fondamentale dans le raisonnement diagnostique, le pathologiste doit bien souvent recourir à des techniques complémentaires pour établir ou conforter son diagnostic. Ceci est d’autant plus vrai qu’il travaille de plus en plus souvent sur un matériel exigu provenant de biopsies chirurgicales ou de biopsies à l’aiguille. L’arsenal d’outils diagnostiques à sa disposition s’est élargi depuis l’ère de l’immunohistochimie. En effet, certains types de sarcomes comportent des anomalies génomiques (translocations, mutations, amplifications) qui leur sont spécifiques et peuvent donc être utilisées pour le diagnostic. La translocation t(X; 18) (p11; q11) du sarcome synovial, l’amplification des gènes MDM2 et/ou CDK4 observée dans les liposarcomes bien différenciés/dédifférenciés, ou encore les mutations des gènes KIT ou PDGFRA dans les GIST en sont autant d’exemples. La plupart de ces anomalies génomiques sont détectables par hybridation in situ en fluorescence (FISH), par PCR (réaction polymérasique en chaîne), ou par RT-PCR, sur tissu frais, congelé ou sur tissu fixé et inclus en paraffine. Les techniques de FISH et de RT-PCR peuvent également être réalisées sur des préparations cytologiques comme par exemple un matériel d’aspiration à l’aiguille fine.

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Le choix des techniques complémentaires est orienté par la morphologie de la lésion, la quantité et la qualité du matériel à disposition.

Immunohistochimie

Il s’agit d’une technique facilement accessible, peu onéreuse, qui reste une étape essentielle dans la démarche diagnostique. Elle repose sur le principe de la réaction antigène-anticorps. Elle permet de mettre en évidence plusieurs types d’antigènes potentiellement présents au niveau des cellules: des marqueurs de différenciation cellulaire (par exemple, marqueurs de différenciation épithéliale comme les cytokératines, de différenciation musculaire comme l’actine musculaire lisse, la desmine, la caldesmone, la myogénine, des marqueurs de différenciation vasculaire comme le CD31 et le CD34), des produits d’oncogènes (par exemple, mdm2 et p53) et d’anti-oncogènes (protéine INI-1 dans les tumeurs rhabdoïdes), et marqueurs de prolifération cellulaire (Ki-67).

Corrélés à la morphologie de la tumeur, les marqueurs immunohistochimiques de différenciation permettent dans de nombreux cas de déterminer la lignée de différenciation des cellules, et d’aboutir à un diagnostic (figure 1).

Enfin, dans certains types de sarcomes, l’immunohistochimie peut être utilisée comme témoin indirect d’une anomalie chromosomique. L’immunomarquage par les anticorps anti-WT1 (clone C19) (figures 2A et 2B), anti-Fli-1 (figures 3A et 3B), ou anti-mdm2 est utile au diagnostic, respectivement, de la tumeur desmoplasique à petites cellules rondes, du sarcome d’Ewing et des liposarcomes bien différenciés et dédifférenciés.

Hybridation in situ en fluorescence (FISH)

Elle permet de détecter des amplifications ou des délétions de segments de chromosomes, ou des translocations. Les sondes utilisées sont trop grandes pour détecter des mutations ponctuelles. Il existe deux méthodes de détection des translocations réciproques. La plus utilisée est la technique break-apart applicable aux noyaux en interphase (figure 4). Des régions précises de l’ADN situées de part et d’autre du point de cassure impliqué dans la translocation étudiée, sont marquées par des fluorochromes différents (par exemple, sonde verte et sonde rouge). S’il y a translocation les signaux vert et rouge sont séparés; s’il n’y a pas de cassure du segment chromosomique étudié les deux sondes restent collées l’une à l’autre.

Figure 1.

Démarche diagnostique devant une tumeur fibromyxoïde peu cellulaire à cellules fusiformes des tissus mous

Figure 2.

Tumeur desmoplasique à petites cellules rondes

PCR

La PCR permet d’explorer directement l’ADN à la recherche de mutations oncogéniques associées à certaines tumeurs, comme par exemple les mutations des gènes KIT et PDGFRA dans les GIST.

Figure 3.

Sarcome d’Ewing/tumeur neuroectoder-mique périphérique primitive (PNET)

Figure 4.

Hybridation in situ en fluorescence sur coupe en paraffine, technique breakapart

La technique de PCR quantitative permet d’étudier des amplifications d’un gène (par exemple amplification du gène mdm2 dans les liposarcomes bien différenciés et dédifférenciés).

RT-PCR

La RT-PCR (PCR effectuée après une étape de transcription reverse de l’ARN en ADN complémentaire) est la technique de choix pour détecter les transcrits de fusion résultant d’une translocation réciproque. C’est une technique sensible, spécifique et rapide. L’extrême sensibilité de la technique impose toutefois une extrême rigueur de travail de laboratoire afin d’éviter les faux positifs par contamination du matériel.

Du prélèvement au diagnostic de la lésion

En raison d’une très grande variabilité morphologique, les tumeurs des tissus mous posent de sérieux problèmes diagnostiques au pathologiste. Avant de poser un diagnostic, ce dernier doit répondre successivement à plusieurs questions: est-ce que la lésion est bénigne ou maligne? Si elle est maligne, s’agit-il d’un sarcome ou d’une tumeur maligne non mésenchymateuse? S’il s’agit d’un sarcome, quel est son type, son sous-type histologique et son degré d’agressivité?

Lésion bénigne versus maligne?

Sur le plan morphologique seul, il n’est pas toujours facile de différencier un processus réactionnel pseudosarcomateux tel qu’une fasciite nodulaire, d’un véritable sarcome à cellules fusiformes. Les fasciites nodulaires se composent de fibroblastes et/ou myofibroblastes fusiformes. Elles peuvent être très cellulaires et mitotiques, et en imposer ainsi pour un sarcome. La confrontation entre la morphologie cellulaire et les données cliniques (petite taille de la lésion? apparition rapide en quelques semaines? localisation superficielle, sous-cutanée de la lésion? antécédents significatifs comme une irradiation antérieure ou un cancer antérieur? maladie sous-jacente comme une neurofibromatose de type 1 ou un lymphœdème chronique?) est primordiale dans cette situation, afin de ne pas poser un diagnostic inapproprié.

Les sarcomes de bas grade de malignité sont parfois difficiles à différencier d’une tumeur bénigne. La fibromatose profonde, de type desmoïde par exemple, est l’un des principaux diagnostics différentiels du sarcome fibromyxoïde de bas grade (LGFMS). Les deux tumeurs présentent des caractéristiques cliniques (sujet jeune, tumeur de siège profond, intramusculaire) et morphologiques (prolifération à cellules fusiformes d’architecture fasciculée, pas ou peu d’atypies nucléaires, activité mitotique très faible) similaires. Elles se différencient par leur évolution: la tumeur desmoïde ne donne pas de métastases, alors que le LGFMS métastase (25% de métastases à cinq ans, 60-70% après dix ans d’évolution).1 En plus de la morphologie, le pathologiste pourra s’aider d’immunomarquages et d’une recherche par RT-PCR des transcrits de fusion spécifiques. La présence de transcrits de fusion FUS/CREB3L2 ou FUS/CREB3L1 permet d’écarter une tumeur desmoïde et de faire le diagnostic de LGFMS.

Tumeur maligne non sarcomateuse versus sarcome?

Les sarcomes, en particulier les sarcomes de haut grade, ne présentent pas toujours des caractéristiques morphologiques spécifiques permettant de les reconnaître et de les différencier des tumeurs non sarcomateuses. Avant de poser un diagnostic de sarcome, le pathologiste devra impérativement écarter d’autres tumeurs malignes telles qu’un carcinome sarcomatoïde, un mélanome, ou un lymphome, tumeurs qui sont bien plus fréquentes que les sarcomes, et dont la prise en charge thérapeutique est différente. L’immunohistochimie est une étape incontournable dans la démarche diagnostique, et dans certains cas une analyse moléculaire à la recherche d’anomalies génétiques spécifiques de certains sarcomes est nécessaire, voire indispensable.

S’il s’agit d’un sarcome, comment le classer?

Une fois que le pathologiste a éliminé la possibilité d’une tumeur maligne non sarcomateuse, il lui faut déterminer le type histologique exact du sarcome. En effet, bien que de morphologie et de dénomination parfois proche, les sarcomes n’ont pas tous la même évolution et le même pronostic. Le sarcome fibromyxoïde de bas grade par exemple survient de manière préférentielle chez l’adulte jeune, et touche avec prédilection les tissus mous profonds de la cuisse ou des ceintures. A l’inverse, le myxofibrosarcome est un sarcome qui se développe surtout chez le sujet âgé, et de manière préférentielle dans le tissu sous-cutané. Son taux de récidive locale est d’environ 50% en raison souvent d’une exérèse initiale insuffisante. Lorsqu’il est entièrement de bas grade, le myxofibrosarcome ne métastase presque jamais; lorsqu’il est de grade intermédiaire et de haut grade son taux de métastase est d’environ 30%.2

Devant une tumeur des tissus mous à petites cellules rondes chez l’enfant, il faudra d’abord penser au rhabdomyosarcome, au sarcome d’Ewing et au lymphome lymphoblastique, avant d’évoquer d’autres diagnostics.

Il existe actuellement plus de 50 types et sous-types histologiques de sarcomes. La classification proposée par l’OMS fait référence.3 Elle repose sur la mise en évidence d’une ligne de différenciation dans les cellules qui prolifèrent. L’aspect morphologique prédominant des cellules tumorales constitue le fil rouge de la démarche diagnostique. Ainsi, on peut classer les tumeurs en tumeurs à cellules fusiformes, à cellules rondes, à cellules pléomorphes, à cellules épithélioïdes… Les diagnostics histologiques possibles sont alors passés en revue en fonction du cadre morphologique et du contexte clinique. Par exemple, devant une tumeur d’aspect épithélioïde chez un adulte, on devra d’abord éliminer un carcinome, un mélanome et un lymphome, puis se tourner vers la catégorie des sarcomes en envisageant successivement les diagnostics de sarcome épithélioïde, d’angiosarcome épithélioïde, de schwannome malin épithélioïde, de rhabdomyosarcome, etc. Dans de nombreux cas, un recours à l’immunohistochimie, voire à des techniques moléculaires, est nécessaire pour classer le sarcome. Malgré les techniques complémentaires actuellement à disposition, 10-15% des sarcomes restent inclassés.4

Tumeur stromale gastro-intestinale ou autres tumeurs dans le tube digestif et la cavité abdominale

Face à une tumeur mésenchymateuse à cellules fusiformes ou épithélioïdes du tube digestif ou intra-abdominales, le pathologiste doit répondre à une question fondamentale: s’agit-il d’une GIST ou non? La distinction entre GIST et «non GIST» est capitale et repose principalement sur l’utilisation potentielle d’inhibiteurs de récepteurs tyrosine kinase pour le traitement des GIST. L’imatinib mésylate est remarquablement efficace dans les GIST et permet de contrôler 75-90% des GIST en phase avancée (réponses partielles et stabilisation de la maladie comprises).5 En revanche, les sarcomes non GIST ne répondent généralement pas à cette thérapeutique, à l’exception de certaines tumeurs desmoïdes6 et du dermatofibrosarcome protubérant.7

Bien que rares, les GIST sont les tumeurs mésenchymateuses les plus fréquentes de la paroi du tube digestif. La majorité d’entre elles se développent au niveau de l’estomac (60%) et de l’intestin grêle (30%), plus rarement elles sont de siège colo-rectal ou œsophagien (5%). Des cas de GIST primaires extradigestives sans connexion avec le tube digestif sont décrits (<5%), au niveau du mésentère, de l’épiploon ou encore du rétropéritoine.

Les GIST dériveraient des cellules de Cajal, correspondant aux cellules pacemaker du tube digestif. Elles expriment habituellement la protéine KIT en immunohistochimie (95% des cas). Sur le plan moléculaire, elles se caractérisent dans la majorité des cas (environ 95%) par des mutations activatrices (oncogéniques) des gènes KIT ou PDGFRA. Les protéines KIT et PDGFRA sont des récepteurs transmembranaires à activité tyrosine kinase, dont les ligands spécifiques respectifs sont des facteurs de croissance. Les mutations des gènes KIT et PDGFRA entraînent une activation constitutionnelle de ces récepteurs et la cellule dans une prolifération incontrôlée.

Le diagnostic des GIST n’est pas toujours facile et repose essentiellement sur la morphologie et l’examen immunohistochimique. La liste des diagnostics différentiels est longue, car ces tumeurs peuvent prendre des aspects morphologiques très variés, avec une prédominance de cellules fusiformes (70%), de cellules épithélioïdes ou rondes (15%), ou un aspect mixte (15%), fusiforme et épithélioïde. En cas de doute diagnostique, l’examen moléculaire à la recherche des mutations des gènes KIT et PDGFRA est indiqué. A noter que les GIST extradigestives ont souvent un aspect très épithélioïde trompeur, en imposant pour un carcinome ou un mélanome, sont souvent KIT négatives sur le plan immunohistochimique et porteuses de mutations du gène PDGFRA.

LE PATHOLOGISTE ET L’ÉVALUATION DU PRONOSTIC

Le pronostic des sarcomes des tissus mous est dominé par l’apparition de métastases à distance (30-50% des cas) d’une part, et par le risque de récidive locale (20-30% des cas) d’autre part.8 Le grade histologique, la taille de la tumeur et sa localisation (superficielle ou profonde) sont les facteurs pronostiques les plus importants de risque métastatique et de mortalité.

Grade histologique

Le grade histologique reste le facteur pronostique le plus important, en particulier vis-à-vis du risque métastatique.9 Plusieurs systèmes de grade histologique (grading) existent. En Europe, le système de grading le plus utilisé est celui de la FNCLCC (Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer) (tableau 1) qui prend en compte la différenciation cellulaire, la proportion de nécrose tumorale et l’index mitotique. Ce système apparaît actuellement comme le plus performant, bien que toujours imparfait.10 En effet, pour certains sarcomes de l’adulte (sarcome d’Ewing, liposarcome bien différencié, sarcome épithélioïde, sarcome à cellules claires), et pour les sarcomes de l’enfant, le type histologique a une valeur pronostique supérieure à celle du grade. La valeur pronostique du système de la FNCLCC n’a été démontrée que pour les sarcomes des tissus mous; il ne s’applique pas aux sarcomes osseux ni aux sarcomes viscéraux (utérins ou du tractus digestif).

Tableau 1.

Système de grade histologique de la FNCLCC

Dans plus de 90% des sarcomes des tissus mous de l’adulte, le grade histologique représente le meilleur facteur prédictif d’une évolution métastatique et de la survie globale. Il permet de séparer les tumeurs de bon pronostic (grade 1) de celles de mauvais pronostic (grade 3). La survie sans métastases à cinq ans est de 90%, de 71% et de 43% pour les grades 1, 2 et 3, respectivement, tous types histologiques confondus.11 La valeur pronostique du grade est inversement proportionnelle à la quantité de matériel à disposition (le grade peut être sous-évalué sur un matériel exigu provenant d’une biopsie à l’aiguille).

Le grade histologique intervient dans les indications à la chimiothérapie adjuvante. Les sarcomes de grade 1 ne métastasant presque jamais, leur traitement est local (chirurgie suivie souvent d’une radiothérapie en cas de marges d’exérèse insuffisantes). La chimiothérapie adjuvante est en général réservée aux sarcomes de grade 3, à haut risque métastatique.

L’évolution des GIST est très variable. En 2002, un consensus international a proposé un système de grading12 qui se base sur la taille tumorale et le nombre de mitoses. Dans ce système de grading, les GIST se subdivisent en tumeurs de très faible risque, de faible risque, de risque intermédiaire et de haut risque d’évolution agressive.

Qualité de l’exérèse chirurgicale

Dans la plupart des études, la qualité de l’exérèse chirurgicale initiale ressort comme le plus important facteur prédictif de récidive locale.13 Sur une pièce d’exérèse, l’évaluation des marges d’exérèse de sécurité est un temps crucial de l’examen anatomopathologique. Le pathologiste doit donc indiquer la distance (en cm ou en mm) qui sépare la tumeur et la pseudocapsule qui l’entoure des différentes marges d’exérèse. Une marge en tissu sain (faite de tissu adipeux ou de tissu musculaire strié sans aponévrose intercalée) mais à moins de 2 cm de la tumeur est une indication à une radiothérapie externe complémentaire pour diminuer le risque de récidive locale.8

Facteurs pronostiques moléculaires

Dans certains types de sarcome, des facteurs pronostiques moléculaires ont pu être identifiés. C’est le cas par exemple du rhabdomyosarcome alvéolaire. Ce sarcome se caractérise par des translocations réciproques mutuellement exclusives, impliquant le gène FOXO1A (FKHR) (situé dans la région q14 du chromosome 13) et les gènes PAX3 (région q35 du chromosome 2) ou PAX7 (région p36 du chromosome 1). Les rhabdomyosarcomes alvéolaires porteurs d’une translocation t(1; 13) (PAX7; FOXO1A) (10-15% des cas) seraient moins prolifératifs et auraient tendance à donner moins de métastases que ceux porteurs de la translocation t(2; 13) (PAX3; FOXO1A).14

En revanche, dans les sarcomes synoviaux et les sarcomes d’Ewing, la valeur pronostique des types de fusion en cause est discutable. Dans les sarcomes d’Ewing, d’autres anomalies comme l’inactivation (par mutation ou délétion) des gènes p53 et/ou p16 sont associées à un risque métastatique et un taux de mortalité très élevé.15

Evaluation de la réponse au traitement comme marqueur pronostique

Evaluer sur une pièce d’exérèse, la réponse à la chimiothérapie, à la radiothérapie, ou à des thérapeutiques ciblées comme l’imatinib mésylate dans les GIST est un autre point important de l’examen anatomopathologique. L’évaluation de la quantité de nécrose ou de la proportion de cellules tumorales vivaces résiduelles dans une pièce opératoire après administration de TNF (tumor necrosis factor) et melphalan lors d’une perfusion de membre isolé conditionne la suite du traitement et de la surveillance du patient.

Détection d’une maladie résiduelle après traitement ou d’une rechute infraclinique

Les méthodes de biologie moléculaire (RT-PCR surtout) interviennent dans la surveillance de certains patients porteurs d’un sarcome d’Ewing ou d’un rhabdomyosarcome alvéolaire, notamment dans la détection d’une maladie résiduelle qui persiste après un traitement et/ou la détection précoce d’une rechute avant que les signes cliniques ne réapparaissent (rechute infraclinique).16

LE PATHOLOGISTE À L’ÈRE DES THÉRAPEUTIQUES CIBLÉES

Dans les GIST non résécables ou métastatiques, le traitement par l’imatinib est indiqué. Le pathologiste joue un rôle dans une sélection plus ciblée des patients, en déterminant quel gène (KIT ou PDGFRA) est impliqué et quel est le type de mutation en cause. En effet, il existe une corrélation entre la présence de mutations, le type de mutation en cause et la réponse au traitement par l’imatinib. Les mutations de l’exon 11 du gène KIT sont associées à une bonne réponse au traitement par imatinib, à l’inverse une mutation impliquant les exons 13 ou 17 de ce même gène, ainsi que l’absence de mutations de KIT sont associées à une mauvaise réponse, voire à une absence de réponse au traitement. Les mutations de l’exon 9 de KIT entraînent une réponse à l’imatinib qui est dose-dépendante, et des doses plus élevées (800 mg/jour au lieu de 400 mg/jour) sont conseillées pour les GIST porteurs de mutation dans l’exon 9 du gène KIT.17

CONCLUSION

Bien que les sarcomes soient des tumeurs rares, il est primordial d’abord de savoir les différencier des tumeurs non mésenchymateuses, des tumeurs mésenchymateuses bénignes et des lésions réactionnelles d’aspect pseudosarcomateux, puis ensuite d’en établir le type histologique précis. Le pathologiste détient un rôle fondamental dans la prise en charge des sarcomes et intervient à différents niveaux: 1) établissement du diagnostic; 2) évaluation du pronostic et 3) évaluation de la réponse au traitement dans certains types d’approche thérapeutique. La collaboration entre pathologiste, clinicien et radiologue est indispensable pour aboutir à un diagnostic exact, et donc à un traitement approprié.

L’avènement des thérapeutiques ciblées renforce encore le caractère nécessaire de cette collaboration étroite entre cliniciens et pathologistes.

Implications pratiques

> En pathologie, le diagnostic d’une tumeur des tissus mous se base d’abord et surtout sur sa morphologie et la corrélation avec la clinique. Les examens immunohistochimique et/ou moléculaire constituent des aides importantes au diagnostic, mais ne doivent pas remplacer la morphologie et la clinique

> Le grade histologique est le facteur prédictif le plus important (avec le type histologique) de la survenue de métastases

> Certains types de sarcome comportent des anomalies génomiques qui leur sont spécifiques et peuvent donc être utilisés pour le diagnostic

> Certaines anomalies moléculaires ont un impact pronostique important et/ou jouent un rôle dans la surveillance des patients et/ou l’établissement du traitement (par exemple, administration des inhibiteurs des tyrosines kinases dans les GIST)

Auteurs

Carole Gengler

Service de pathologie clinique, Département médecine de laboratoire et pathologie, Centre hospitalier universitaire vaudois
1011 Lausanne
carole.gengler@chuv.ch

Louis Guillou

Institut universitaire de pathologie
CHUV, 1011 Lausanne
carole.gengler@chuv.ch
louis.guillou@chuv.ch

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