Sommaire du numéro
ISO 690 Kiefer, B., Petite Suisse, Rev Med Suisse, 2008/142 (Vol.4), p. 320–320. DOI: 10.53738/REVMED.2008.4.142.0320 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2008/revue-medicale-suisse-142/petite-suisse
MLA Kiefer, B. Petite Suisse, Rev Med Suisse, Vol. 4, no. 142, 2008, pp. 320–320.
APA Kiefer, B. (2008), Petite Suisse, Rev Med Suisse, 4, no. 142, 320–320. https://doi.org/10.53738/REVMED.2008.4.142.0320
NLM Kiefer, B.Petite Suisse. Rev Med Suisse. 2008; 4 (142): 320–320.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2008.4.142.0320
Exporter la citation Zotero (.ris) EndNote (.enw)
Bloc-notes
30 janvier 2008

Petite Suisse

DOI: 10.53738/REVMED.2008.4.142.0320

Certains vous diront que c’est une chance, d’autres y verront un problème. Ce qui est sûr, c’est que, comparée à celle des autres pays développés du globe, la taille de la Suisse est minuscule. Et en médecine, c’est plutôt un problème. Dans toutes les tâches qui doivent s’organiser au niveau du pays, les forces matérielles et humaines manquent. C’est le cas pour adapter notre législation aux questions nouvelles. Pour récolter et comparer des données de santé. Pour organiser le système hospitalier. Pour réformer l’administration et lui permettre d’exercer son rôle. Pour analyser des dossiers d’enregistrement de nouveaux médicaments (Swissmedic travaille dans son petit coin alors que même les grands pays européens se sont regroupés). Ou encore, pour mener une réflexion éthique nationale qui tienne la comparaison (des instances comme la Commission nationale d’éthique sont ridiculement peu dotées). Dans tous ces domaines, notre pays est en sous-développement intellectuel et pratique. Lui font défaut l’argent et surtout un nombre suffisant de personnes compétentes. Sans compter que – pour ne rien arranger à sa petitesse – la Suisse est émiettée en ces micronations que sont les cantons, qu’il faut traduire le moindre document en trois langues et qu’on ne se comprend pas toujours d’un bout à l’autre de son territoire-confetti.

On pourrait ne voir là qu’inconvénients mineurs. Il n’en est rien. Le principal problème est que, profitant de cette pauvreté nationale de moyens, les groupes d’intérêt les mieux organisés prospèrent. Dans le domaine de la santé, les industries du tabac, de l’alcool et de l’alimentation se comportent en Suisse comme dans aucun des autres pays développés. Les lois interdisant la fumée sont en retard (même les libéraux aux Etats-Unis font bien mieux), le contrôle de la publicité impliquant des enjeux de santé publique est le plus léger qui se voie dans l’OCDE, l’affichage sur les produits alimentaires des ingrédients fortement impliqués dans la santé, comme la teneur en sel ou le type de graisse, reste étrangement facultatif.

Pour obliger ces industries à s’intéresser à autre chose qu’à leur profit, il faudrait l’autorité d’un dispositif juridique et institutionnel sophistiqué. Il faudrait donc que l’administration empoigne elle-même ces dossiers, et avec vigueur (la population est pour le moment sous le charme de la publicité : difficile de compter sur elle). Mais non. La Suisse continue de mouliner les vieux principes gentillets de l’autorégulation et de la liberté du commerce. C’est comme si elle était trop petite pour imposer le souci de ses habitants à des entreprises multinationales.

Prenez – autre exemple – l’aventure Tarmed. Trop peu nombreux, les médecins qui ont élaboré le projet s’y sont épuisés. Ils auraient dû être cinq à dix fois plus, avec des ressources en conséquence. Mais le pays n’est pas assez grand pour cela. Du coup, à cause de leur sous-nombre, ils ont accouché d’un tarif semi-raté souffrant d’injustices, de bugs, de lenteurs, d’absurdité. Plus ennuyeux encore : absorbés par les aspects techniques, les développeurs-médecins de Tarmed n’ont pas réussi à en gérer la finalité. Le projet leur a échappé. N’ayant, eux, pas de problème de taille critique, les assureurs en ont profité. Ils en ont fait un instrument à leur service.

JE M'ABONNE DÈS AUJOURD'HUI

et j'accède à plus de contenu

Abonnement

100%

Numérique à partir de

CHF 170.-

(pour les médecins)

Abonnement

100%

Numérique à partir de

EUR 150.-

(pour les médecins)

Première priorité, dès lors, pour les médecins: viser le rassemblement. Réunir au moins ce qui peut l’être. C’est l’esprit de l’article qui, dans ce numéro,1 lance un appel en faveur d’une fusion des sociétés suisses de médecine générale et de médecine interne en une nouvelle société commune. Cosigné par l’ensemble des cinq patrons universitaires romands de médecine interne et générale (des hôpitaux et policliniques), cet article s’appuie sur une argumentation d’une rare intelligence. Et manifeste un inhabituel courage.

Sachant que la SSMI est passablement contre, la SSMG résolument pour et que la FMH se tâte en un silence anxieux, pour quelle raison s’avancent-ils en faveur de la fusion jusqu’à l’endroit où ils risquent de prendre des coups? Pourquoi ce culot des professeurs romands?

Parce que, d’abord, il y a péril symbolique. Le généraliste, comme l’interniste ou le pédiatre, est un préposé aux choses vagues de la santé. Il n’est pas, la plupart du temps, le médiateur du progrès – comme l’est le médecin spécialiste d’un domaine – mais l’accompagnateur de malades dans des trajectoires de soins souvent longues, scientifiquement incertaines, humainement complexes. Cette démarche garantit l’unité de l’ensemble de la médecine. Mais son caractère vague en fait une proie facile pour tous ceux qui s’intéressent au pouvoir.

Parce que, ensuite, il y a péril démographique. Les médecins de premier recours sont en diminution. Leur moyenne d’âge est plus élevée que celle des autres médecins. L’attrait des étudiants pour cette filière diminue. Si l’on veut augmenter l’impact symbolique de cette spécialisation, et donc attirer les jeunes, il n’est plus possible, argumentent les patrons romands, d’accepter que la médecine de premier recours reste éclatée.

Et puis, comme le démontre très bien leur article, les deux sociétés ont des objectifs mal définis et peu priorisés. Les deux doivent donc urgemment redéfinir « des objectifs de formation de qualité élevée ». Or là encore, à cause de la taille de la Suisse, seule une société réunissant les deux actuelles aurait l’expertise et la force de travail nécessaires à une telle tâche. Même chose pour la recherche. Fusionner celle qui se déroule au cabinet du praticien et celle qui concerne la médecine interne hospitalière devient une évidence. Prenez les outils: ils « sont spécifiques au type de recherche et non au fait d’être généraliste ou interniste. » Prenez les questions posées: elles dépendent de « l’étape à laquelle le patient se trouve dans le parcours de soins » plus que de « l’étiquette professionnelle du chercheur ».

Mais le principal argument en faveur de la réunion est que la médecine générale se trouve menacée dans ses fondements. Et partout. Jusqu’au cœur même de la politique et de la culture du moment. Les grandes paroles des politiciens qui affirment y voir un modèle à favoriser par tous les moyens ne changent rien au fait que c’est une médecine mal rémunérée et peu valorisée. Unanimement vantée, l’approche globale a de moins en moins d’appuis réels, parce que le pouvoir est dans la technique, non dans la pensée. La modernité ne cesse de faire les yeux doux aux artisans du global, mais dans les faits elle ne croit qu’à l’artifice et à la gestion.

S’ils veulent que continue de vivre le « généralisme » – un « état d’esprit », dit l’article – les médecins devront non seulement créer une nouvelle société professionnelle mais aussi l’organiser comme une ONG : avec des intentions multiples de collaboration, certes, mais en sachant qu’il lui faudra fondamentalement se comporter comme un contre-pouvoir. Sa mission : agir par tous les moyens, y compris ceux qui s’adressent directement à l’opinion publique, pour défendre l’approche globale du sujet humain dans la communauté.

« Sujet humain », « communauté »: ces mots (qui recouvrent des valeurs) font déjà drôle, maintenant que dominent les « clients », « assurés » et « fournisseurs de prestations ». La mère des batailles, pour le généralisme, est philosophique. Ça ne sera pas facile.

Auteurs

Bertrand Kiefer

Médecine et Hygiène Chemin de la Gravière 16
1225 Chêne-Bourg
bertrand.kiefer@medhyg.ch

Le produit a bien été ajouté au panier ! Vous pouvez continuer votre visite ou accéder au panier pour finaliser votre commande.

Voir le Panier

Mot de passe oublié

Veuillez entrer votre adresse email ci-dessous pour recevoir un lien de réinitialisation de mot de passe

Un e-mail a été envoyé à votre adresse email. Suivez les instructions fournies pour réinitialiser votre mot de passe

Aucun compte n'est associé à cette adresse e-mail.

Nouveau mot de passe

Vous pouvez créer votre nouveau mot de passe ici

Votre mot de passe a bien été modifié!

Cliquez ici pour vous connecter

Nous ne sommes pas en mesure de changer votre mot de passe.

Certains de ces cookies sont essentiels, tandis que d'autres nous aident à améliorer votre expérience en vous fournissant des informations sur la manière dont le site est utilisé.

Paramétrer les cookies
  • Les cookies nécessaires activent la fonctionnalité principale. Le site Web ne peut pas fonctionner correctement sans ces cookies et ne peut être désactivé qu'en modifiant les préférences de votre navigateur.

  • Ces cookies permettent d’obtenir des statistiques de fréquentation anonymes du site de la Revue Médicale Suisse afin d’optimiser son ergonomie, sa navigation et ses contenus. En désactivant ces cookies, nous ne pourrons pas analyser le trafic du site de la Revue Médicale Suisse

  • Ces cookies permettent à la Revue Médicale Suisse ou à ses partenaires de vous présenter les publicités les plus pertinentes et les plus adaptées à vos centres d’intérêt en fonction de votre navigation sur le site. En désactivant ces cookies, des publicités sans lien avec vos centres d’intérêt supposés vous seront proposées sur le site.

  • Ces cookies permettent d’interagir depuis le site de la Revue Médicale Suisse avec les modules sociaux et de partager les contenus du site avec d’autres personnes ou de les informer de votre consultation, lorsque vous cliquez sur les fonctionnalités de partage de Facebook et de Twitter, par exemple. En désactivant ces cookies, vous ne pourrez plus partager les articles de la Revue Médicale Suisse depuis le site de la Revue Médicale Suisse sur les réseaux sociaux.