Sommaire du numéro
ISO 690 Kaya, G., Dermatoporose : un syndrome émergent, Rev Med Suisse, 2008/155 (Vol.4), p. 1078–1082. DOI: 10.53738/REVMED.2008.4.155.1078 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2008/revue-medicale-suisse-155/dermatoporose-un-syndrome-emergent
MLA Kaya, G. Dermatoporose : un syndrome émergent, Rev Med Suisse, Vol. 4, no. 155, 2008, pp. 1078–1082.
APA Kaya, G. (2008), Dermatoporose : un syndrome émergent, Rev Med Suisse, 4, no. 155, 1078–1082. https://doi.org/10.53738/REVMED.2008.4.155.1078
NLM Kaya, G.Dermatoporose : un syndrome émergent. Rev Med Suisse. 2008; 4 (155): 1078–1082.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2008.4.155.1078
Exporter la citation Zotero (.ris) EndNote (.enw)
Aréticles thématiques : dermatologie
30 avril 2008

Dermatoporose : un syndrome émergent

DOI: 10.53738/REVMED.2008.4.155.1078

Dermatoporosis : an emerging syndrome

With the increase in lifespan, we are now more often experiencing a further dimension of skin aging, which is no longer only cosmetic, but also functional, in the sense that the skin has lost its protective mechanical functions. We propose to group the different manifestations and implications of this chronic cutaneous insufficiency/fragility syndrome under the umbrella term of «dermatoporosis». Molecular mechanisms implying hyaluronate-CD44 pathways seem to play an important role in the pathogenesis. Dermatologists should be aware of this emerging syndrome and function as key players in its prevention and therapy. Randomized clinical trials should demonstrate which intervention may best prevent and/or reverse dermatoporosis.

Résumé

Avec l’augmentation de l’espérance de vie, nous sommes de plus en plus confrontés à une nouvelle dimension du vieillissement cutané, qui n’est plus seulement d’ordre cosmétique, mais aussi fonctionnel, dans le sens que la peau perd ses propriétés mécaniques protectrices. Nous proposons de grouper les différentes manifestations et implications de ce syndrome d’insuffisance/fragilité chronique cutanée sous le terme parapluie de «dermatoporose». Les mécanismes moléculaires impliquant la voie hyaluronate-CD44 semblent jouer un rôle important dans la pathogénie. Les dermatologues devraient être conscients de ce syndrome émergent et fonctionner comme les acteurs-clés de sa prévention et de son traitement. Des études cliniques randomisées devraient démontrer quelles interventions sont les plus aptes à prévenir et/ou traiter la dermatoporose.

Introduction

Le vieillissement de la peau est l’un des signes les plus visibles du processus d’involution humaine. Il a reçu un regain d’intérêt depuis que des traitements susceptibles de le prévenir ou de l’atténuer ont été identifiés.

Le concept d’«insuffisance» est bien accepté pour des organes tels que le rein, le foie, le cœur ou les poumons. En ce qui concerne la peau, les défaillances chroniques de ses fonctions essentielles répondent bien au concept d’«insuffisance», d’où le besoin d’une nouvelle terminologie décrivant ce type d’affection cutanée.

Une insuffisance aiguë de la peau, souvent fatale, est la perte brutale de ses fonctions vitales, telle qu’on l’observe chez les grands brûlés ou lors d’épidermolyse nécrotique toxique (syndrome de Lyell). Ceci est bien décrit et ne constitue pas une nouveauté.

Ce qui est nouveau, par contre, est un syndrome d’insuffisance cutanée chronique, associé à un âge avancé, à une importante dose cumulée de rayonnement solaire, ainsi qu’à une utilisation prolongée de corticostéroïdes topiques et/ou systémiques, qui devient, avec la prolongation de l’espérance de vie, un problème clinique émergent avec une morbidité importante qui résulte parfois d’une hospitalisation de longue durée. Avec l’âge, la disparition progressive de l’acide hyaluronique, qui stabilise les structures intercellulaires en réalisant un réseau visco-élastique avec les fibres de collagène et d’élastine, conduit à la dégénérescence de la matrice extracellulaire, puis à la perte des fonctions mécaniques protectrices de la peau, ainsi qu’à une grande fragilité. Cette dimension de la photosénescence n’a plus rien à voir avec la cosmétique ou des problèmes d’apparence, il s’agit bien d’une défaillance fonctionnelle d’un organe, autrement dit d’une affection médicale.1

JE M'ABONNE DÈS AUJOURD'HUI

et j'accède à plus de contenu

Abonnement

100%

Numérique à partir de

CHF 170.-

(pour les médecins)

Abonnement

100%

Numérique à partir de

EUR 150.-

(pour les médecins)

Le terme de «dermatoporose» a été récemment proposé pour couvrir l’ensemble des manifestations et implications de ce syndrome cutané chronique lié à une fragilité et une insuffisance cutanées.2,3 Ainsi, de même que pour l’«ostéoporose», la «dermatoporose» devrait être traitée afin d’éviter les complications qui en résultent.

Manifestations cliniques de la dermatoporose

Les manifestations cliniques de la dermatoporose (figure 1) comprennent des marqueurs morphologiques de fragilité (atrophie cutanée, purpura sénile, pseudo-cicatrices stellaires), ainsi que l’expression fonctionnelle de la fragilité cutanée (lacérations cutanées, mauvaise cicatrisation, hémorragies sous-cutanées). Les premiers signes apparaissent vers 60 ans, alors que la maladie proprement dite, avec les complications qui lui sont liées, sont observées entre 70 et 90 ans.

Figure 1

Aspects cliniques, échographiques et histologiques de la dermatoporose

Avant-bras (A), examens échographique (C) et histologique (E) d’un patient présentant une atrophie cutanée, un purpura sénile et des pseudo-cicatrices stellaires. Avant-bras (B), examens échographique (D) et histologique (F) d’un sujet sain.

Atrophie cutanée

L’atrophie cutanée est observée principalement dans les zones exposées au soleil, en particulier la partie postérieure des avant-bras et les zones prétibiales. La peau est très fine, translucide et ridée (figures 1A et 1E) ; on observe également une élastose dermique, du purpura sénile et des pseudo-cicatrices stellaires (voir ci-dessous). L’examen ultrasonographique montre une diminution de l’épaisseur de la peau d’environ 1,45 mm pour un sujet normal à environ 0,75 mm (figure 1C). Les principaux constituants de la matrice extracellulaire (collagène, fibres élastiques, mucine) sont moins abondants que dans la peau normale.

Purpura sénile

Le purpura sénile est localisé aux extrémités et résulte de traumatismes associés à des petites hémorragies au niveau du derme en l’absence de troubles de coagulation (figure 2). Il concerne environ 10% de la population âgée de 70 à 90 ans avec une prédominance chez les femmes, et est associé dans 90% des cas à des pseudo-cicatrices stellaires (voir ci-dessous). Ces plaques purpuriques laissent ensuite la place à des taches pigmentées brunâtres dues à l’hémosidérine. Une carence en vitamine C peut conduire à l’apparition d’hématomes dermiques, justifiant un traitement de substitution. Histologiquement, le purpura sénile est caractérisé par l’issue de globules rouges hors des vaisseaux (figure 2B).

Figure 2

Aspects clinique (A) et histologique (B) du purpura sénile

Pseudo-cicatrices stellaires

C’est ainsi que l’on appelle des lacérations dermiques spontanées (figure 3). On l’observe chez 20-40% de la population âgée de 70 à 90 ans, avec une prédominance chez les femmes. Ces lésions siègent principalement sur le dos des mains et les avant-bras, et s’accompagnent de purpura sénile chez 30-50% des patients. On distingue actuellement trois types de pseudo-cicatrices : 1) linéaires, 2), en forme d’étoiles et 3) en plaques.

Figure 3

Pseudo-cicatrices : linéaire (A), en forme d’étoile (B) ou en plaques (C)

Hématome cutané disséquant

Cette complication grave constitue une urgence médicale et résulte d’une fragilité mécanique de la peau âgée : au moindre choc, un saignement peut se produire, se loger entre le derme et l’hypoderme ou entre l’hypoderme et le fascia musculaire et, en disséquant ces deux plans, priver les zones concernées de leur vascularisation, provoquant une nécrose. Il faut alors évacuer immédiatement l’hématome et le tissu nécrotique afin d’éviter une extension des dommages cutanés. L’hématome disséquant cutané est localisé le plus souvent aux membres inférieurs des patients âgés (70-99 ans) souffrant de dermatoporose, avec une prédisposition féminine (rapport M/F : 1/5), ainsi que chez des patients sous anticoagulants ou corticothérapie et nécessite une hospitalisation de longue durée.4

Retard de cicatrisation

Les lésions chroniques post-traumatiques constituent un réel problème chez les personnes âgées et les mécanismes de leur guérison lente et retardée ne sont pas bien connus. Une diminution de la capacité proliférative des kératinocytes et des fibroblastes, ainsi que la production de métalloprotéinases et de diverses cytokines sont clairement impliquées dans ce processus.

Classification étiologique de la dermatoporose

Dermatoporose primaire

C’est la forme la plus courante de dermatoporose et résulte du vieillissement chronologique et d’une exposition chronique (et non protégée) au soleil. Par analogie avec l’ostéoporose, on imagine qu’une prédisposition génétique est souvent à l’origine de la dermatoporose primaire, et les gènes impliqués dans la régulation des constituants de la matrice extracellulaire sont de bons candidats.

Dermatoporose iatrogène secondaire

Cette forme est due au traitement à long terme de corticostéroïdes topiques et/ou systémiques, lesquels sont connus pour moduler l’expression des gènes des collagènes I, III, IV et V, de l’élastine, des métalloprotéinases 1, 2 et 3, de la ténascine, ainsi que des inhibiteurs de métalloprotéinases 1, 2 et 6.5 Il n’y a pas de différences cliniques significatives entre les deux types de dermatoporose, bien que l’examen ultrasonographique montre une peau plus fine (0,5-0,7 mm) dans la dermatoporose iatrogène secondaire. De plus, les patients susceptibles de développer une dermatoporose primaire développeront plus tôt et de manière plus aiguë une dermatoporose secondaire en cas de traitement chronique aux corticostéroïdes.2

Différents stades de la dermatoporose

En raison de la fréquence de cette affection dans la population âgée, il nous paraît important de distinguer divers stades de son évolution, en fonction de la gravité des symptômes et de leurs implications en clinique. Dans notre pratique quotidienne, nous distinguons les quatre stades suivants (figure 4) :3

Figure 4

Stades I (A), II (B), III (C) et IV (D) de la dermatoporose

Stade I. Ce stade est caractérisé par un fort amincissement de la peau avec purpura sénile et pseudo-cicatrices stellaires. L’évaluation clinique de la visco-élasticité de la peau est un bon paramètre de mesure.

Stade II. En plus des lésions observées dans le stade I, on observe de petites lacérations cutanées localisées, lesquelles résultent d’un clivage entre le derme et l’épiderme.

Stade III. Les lacérations cutanées sont plus nombreuses et plus grandes, et peuvent impliquer toute la surface des extrémités. Il y a clairement un retard de cicatrisation.

Stade IV. La progression de ces lésions conduit à l’apparition d’hématomes cutanés disséquants, constituant une urgence médicale et nécessitant une hospitalisation.

Mécanismes potentiels de la fragilité cutanée dans la dermatoporose

Effets photo-induits

Le mécanisme du vieillissement photo-induit (héliodermie) a été bien étudié. Comme on l’a vu plus haut, le stress oxydant peut être induit par les ultraviolets (UVA) et est impliqué dans les processus de vieillissement en général, et de la peau en particulier. Le stress oxydant se manifeste par la production de formes réactives de l’oxygène et de radicaux libres, lesquels provoquent entre autres des altérations de l’ADN nucléaire et mitochondrial et l’activation de diverses métalloprotéinases matricielles, avec les conséquences biologiques que cela implique. Ainsi les UV activent des récepteurs de facteurs de croissance situés à la surface des kératinocytes, et il en résulte un signal mettant en jeu l’activation de facteurs de transcription de la famille AP-1 dans le noyau,6,7 ce qui interfère avec la production de collagène, en se liant et séquestrant des facteurs nécessaires à la transcription des procollagènes de types I et III (TGFb).8-10 La signalisation dépendant de l’acide hyaluronique et du CD44 est également réprimée par les UV : chez la souris, les UVA et les UVB induisent une forte diminution de l’acide hyaluronique et du CD44 cutanés ; cet effet peut être prévenu par l’application topique de rétinoïdes.11 D’une manière générale, les altérations photo-induites de la matrice extracellulaire expliquent bien l’élastose observée dans le derme superficiel, telle qu’elle est observée chez les personnes présentant une héliodermie.

Altérations de la visco-élasticité cutanée

La matrice extracellulaire de la peau contient deux principaux glycosaminoglycanes, le dermatane-sulfate, étroitement lié aux fibres de collagène et l’acide hyaluronique qui occupe l’espace entre les fibres. Le collagène et les fibres élastiques sont responsables de l’élasticité de la peau, tandis que l’acide hyaluronique détermine sa viscosité. Ainsi la visco-élasticité de la peau permet d’absorber les contraintes mécaniques qu’elle subit en dissipant l’énergie absorbée tout en reprenant sa structure initiale. Les altérations de la matrice extracellulaire décrites ci-dessus provoquent des fractures des fibres de collagène et une diminution de l’acide hyaluronique, dont la principale conséquence est une perte progressive de cette propriété essentielle de la peau qu’est sa visco-élasticité.

Défauts de la signalisation acide hyaluronique/CD44

On a observé que l’acide hyaluronique, principal constituant de la matrice extracellulaire, diminue progressivement au cours du vieillissement. D’autre part, l’acide hyaluronique, en dehors de ses propriétés physiques participant à la visco-élasticité de la peau, est une molécule biologiquement active, induisant une signalisation intracellulaire suite à sa liaison avec un récepteur membranaire appelé CD44. Une étude chez la souris a montré que les deux principales réponses biologiques résultant de l’activation du CD44 sont la régulation de la prolifération kératinocytaire et le contrôle de l’homéostasie locale de l’acide hyaluronique.12 Chez les patients atteints de dermatoporose, nous avons observé une diminution des concentrations cutanées d’acide hyaluronique, de CD44, ainsi que des récepteurs erbB1 au facteur de croissance épidermique HB-EGF (Heparin-binding epidermal growth factor), résultant en une diminution de la prolifération kératinocytaire. Les rétinoïdes topiques induisent une hyperplasie épidermique en activant la voie de signalisation dépendante de l’HB-EGF.13,14Chez la souris, l’application topique de rétinaldéhyde augmente l’expression de CD44 et des enzymes synthétisant l’acide hyaluronique (acide hyaluronique synthétases).15,16

Ces études indiquent que la voie de signalisation dépendant de l’acide hyaluronique et du CD44 est affectée dans la dermatoporose et constitue une bonne cible pour le développement des nouvelles stratégies thérapeutiques pour ce syndrome émergent.

Auteurs

Gürkan Kaya

Service de dermatologie, Département de médecine, Hôpitaux universitaires de Genève
1211 Genève 14
gkaya@hug.ch

Service de pathologie clinique, Hôpitaux universitaires de Genève
1211 Genève 14
gkaya@hug.ch

Le produit a bien été ajouté au panier ! Vous pouvez continuer votre visite ou accéder au panier pour finaliser votre commande.

Voir le Panier

Mot de passe oublié

Veuillez entrer votre adresse email ci-dessous pour recevoir un lien de réinitialisation de mot de passe

Un e-mail a été envoyé à votre adresse email. Suivez les instructions fournies pour réinitialiser votre mot de passe

Aucun compte n'est associé à cette adresse e-mail.

Nouveau mot de passe

Vous pouvez créer votre nouveau mot de passe ici

Votre mot de passe a bien été modifié!

Cliquez ici pour vous connecter

Nous ne sommes pas en mesure de changer votre mot de passe.

Certains de ces cookies sont essentiels, tandis que d'autres nous aident à améliorer votre expérience en vous fournissant des informations sur la manière dont le site est utilisé.

Paramétrer les cookies
  • Les cookies nécessaires activent la fonctionnalité principale. Le site Web ne peut pas fonctionner correctement sans ces cookies et ne peut être désactivé qu'en modifiant les préférences de votre navigateur.

  • Ces cookies permettent d’obtenir des statistiques de fréquentation anonymes du site de la Revue Médicale Suisse afin d’optimiser son ergonomie, sa navigation et ses contenus. En désactivant ces cookies, nous ne pourrons pas analyser le trafic du site de la Revue Médicale Suisse

  • Ces cookies permettent à la Revue Médicale Suisse ou à ses partenaires de vous présenter les publicités les plus pertinentes et les plus adaptées à vos centres d’intérêt en fonction de votre navigation sur le site. En désactivant ces cookies, des publicités sans lien avec vos centres d’intérêt supposés vous seront proposées sur le site.

  • Ces cookies permettent d’interagir depuis le site de la Revue Médicale Suisse avec les modules sociaux et de partager les contenus du site avec d’autres personnes ou de les informer de votre consultation, lorsque vous cliquez sur les fonctionnalités de partage de Facebook et de Twitter, par exemple. En désactivant ces cookies, vous ne pourrez plus partager les articles de la Revue Médicale Suisse depuis le site de la Revue Médicale Suisse sur les réseaux sociaux.