JE M'ABONNE DÈS AUJOURD'HUI
et j'accède à plus de contenu
ISO 690 | Nau, J., « Réduction des risques » versus « principe de précaution », Rev Med Suisse, 2019/671 (Vol.15), p. 2116–2117. DOI: 10.53738/REVMED.2019.15.671.2116_1 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2019/revue-medicale-suisse-671/reduction-des-risques-versus-principe-de-precaution |
---|---|
MLA | Nau, J. « Réduction des risques » versus « principe de précaution », Rev Med Suisse, Vol. 15, no. 671, 2019, pp. 2116–2117. |
APA | Nau, J. (2019), « Réduction des risques » versus « principe de précaution », Rev Med Suisse, 15, no. 671, 2116–2117. https://doi.org/10.53738/REVMED.2019.15.671.2116_1 |
NLM | Nau, J.« Réduction des risques » versus « principe de précaution ». Rev Med Suisse. 2019; 15 (671): 2116–2117. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2019.15.671.2116_1 |
Exporter la citation | Zotero (.ris) EndNote (.enw) |
Voici qu’apparaît, dans le champ de la santé publique, un affrontement majeur entre deux concepts. Le conflit est tout particulièrement explicite dans la lutte contre le tabagisme, comme vient de l’exposer à Paris, lors du « 3e sommet de la Vape »,1 le Pr Benoît Vallet, ancien médecin hospitalo-universitaire (anesthésie-réanimation), devenu grand commis de l’Etat français ; d’abord comme Directeur général de la Santé, aujourd’hui dans la fonction de Conseiller Maître à la Cour des Comptes. Il pose aujourd’hui un regard documenté sur les blocages-résistances qui interdisent un plein développement, en France, des mécanismes de la réduction des risques. Dans le même temps il fournit une proposition d’action politique, un appel direct lancé aux pouvoirs publics au sein et en dehors de l’Hexagone.
Résumons le contexte. La consommation de tabac demeure la première cause de mortalité prématurée évitable – une personne sur huit (75 000 décès annuels) en France et huit millions de personnes chaque année dans le monde selon l’OMS. Ajoutons que près de 80 % du milliard de fumeurs dans le monde vivent dans des pays à revenu faible/intermédiaire dans lesquels les géants de Big Tobacco prospèrent. Où l’on voit que Robert Proctor dans son Golden Holocaust2 avait raison quand il osait avancer que la cigarette est « l’invention la plus meurtrière de toute l’histoire de l’humanité ».
Dans le même temps, on dispose, depuis moins d’une décennie, d’un nouvel outil, majeur, de réduction des risques (la cigarette électronique) – et l’on observe, corollaire, un nouveau phénomène parfois résumé sous l’appellation « Révolution des volutes ». Pour autant, on voit dans de nombreux pays (à quelques exceptions près, comme le Royaume-Uni) une résistance massive et durable des décideurs sanitaires et politiques à ce moyen de réduction des risques. Pourquoi ? Le Pr Vallet l’explique de différentes manières. Résumons ici son propos.
Il observe tout d’abord qu’en France le cadre législatif « n’encourage pas les décideurs ». Une directive européenne a certes permis d’implémenter le programme national français de réduction du tabagisme (PNRT) dans une loi dite « de modernisation du système de santé (janvier 2016). Loi qui a permis la mise en place du « paquet neutre », l’extension du forfait pour les substituts nicotiniques (devenu depuis prise en charge de droit commun par l’assurance maladie), autorisé l’extension à plusieurs professions de santé de la prescription des substituts nicotiniques, imposé l’obligation légale de transparence des acteurs de la vie publique vis-à-vis de l’industrie du tabac et la codétermination des prix du tabac par les ministères de la Santé et des Finances.
Cette politique « volontariste » (associée au lancement de l’opération « Mois Sans Tabac ») a contribué à obtenir une baisse d’un million du nombre de fumeurs quotidiens entre 2016 et 2017. En complément, l’augmentation des prix de 2017 a coïncidé avec une nouvelle baisse de 600 000 fumeurs, soit, au total, une chute de 1,6 million de fumeurs entre 2016 et 2018. Cette baisse de la prévalence du tabagisme l’amène aujourd’hui à 25,4 % de la population française.
On voit dans de nombreux pays une résistance massive et durable des décideurs sanitaires et politiques à ce moyen de réduction des risques
Si des distinctions ont bien été apportées entre « tabagisme » et « vapotage » (sur les lieux publics de consommation par exemple) il n’en va pas de même pour d’autres sujets, comme celui de la publicité et de la propagande. Et la mise en place de la législation française actuelle aura servi de contexte favorable à la réalisation d’une politique publique tournée vers le recours au « vapotage pour le sevrage » – et non du « vapotage substitut à la consommation de tabac ».
Les autorités de santé publique indiquent que le vapotage n’offre aujourd’hui qu’un recul de seulement dix ans depuis son apparition quant à la possibilité d’observer ses conséquences sur le plan sanitaire, et que le « principe de précaution » s’impose donc. « De fait la surveillance sanitaire s’impose à tout produit de consommation courante, observe le Pr Vallet. Il en va des produits du vapotage comme du lait en poudre. La recherche et son financement doivent favoriser les études de cohorte chez l’humain. Mais force est bien de reconnaître que les e-liquides ne contiennent pas les “plus de 4000 substances chimiques du tabac fumé, parmi lesquelles des irritants, des produits toxiques (goudrons, monoxyde de carbone…) et plus de 50 substances qui peuvent provoquer ou favoriser l’apparition de cancer” tel que le rapporte l’OMS. »
D’autre part, rien ne confirme à ce jour que les produits du vapotage peuvent servir, chez les jeunes, de passerelle vers le tabagisme ou faciliter la renormalisation du tabagisme en société comme le craint le dernier rapport de l’OMS. Quant à « l’absence de publications », est-elle si « criante » ? Manque-t-on totalement de données ? « Beaucoup de résultats de travaux sont aujourd’hui disponibles, observe l’ancien Directeur général français de la Santé. Cependant, toujours plus de recherche est nécessaire. La recherche de maintenant c’est la santé de demain. Le financement de la recherche dans le domaine du vapotage constitue donc un enjeu considérable tant sont cruciales les questions relatives à l’observation de l’amélioration de la santé des vapoteurs anciens fumeurs, aux effets du vapotage au long cours, aux sujets relatifs aux sciences humaines et sociales permettant d’approfondir ce qui s’apparente à un nouveau comportement de vie. »
Pour le Pr Vallet, nous sommes bien ici confrontés au paradoxe d’un principe de précaution qui s’oppose à une méthode de réduction des risque. « Si nous assistons bien à une intégration de la cigarette électronique dans les programmes de lutte contre le tabagisme, résume-t-il, les pouvoirs publics la reconnaissent-ils ? La position de précaution à l’égard du vapotage persistante est à double tranchant : d’un côté, elle évite aux pouvoirs publics d’être un jour accusés d’avoir promu une consommation dangereuse pour la santé (si des effets nocifs du vapotage devaient in fine être mis en évidence) ; de l’autre, elle expose ces mêmes pouvoirs publics à l’accusation de n’avoir pas favorisé le vapotage comme une solution de substitution au tabagisme permettant d’éviter des millions de morts et de maladies. »
On peut le dire autrement : en France, l’utilisation du vapotage est très discrètement encouragée, sous le tapis, par les pouvoirs publics (de manière indirecte par le dialogue avec les agences publiques par exemple) mais sans faire l’objet d’une véritable déclaration officielle. Hypocrisie aux antipodes de la situation britannique qui voit le vapotage promu et encadré. « En effet, la stratégie suivie par la Grande-Bretagne (ainsi que celles du Canada et de la Nouvelle-Zélande) est pro-vape et les “stop smoking services” placent la “e-cigarette” (une terminologie que le NHS britannique souhaite abandonner) comme l’outil le plus utilisé pour engager le sevrage, explique encore le Pr Vallet. Le NHS indique que le vapotage doit être proposé par les professionnels de santé. De même, l’interdiction d’être qualifié de produit destiné au sevrage tabagique ne pèse pas sur la cigarette électronique britannique alors qu’elle s’applique à son homologue française… »
Résumons le résumé : le vapotage se présente aujourd’hui comme un outil efficace de réduction des risques, adopté par des consommateurs responsables et désireux d’éviter les pratiques nocives pour leur santé. Son utilité devrait être confortée par une décision publique, claire et ferme, d’encourager son usage en tant qu’outil reconnu de sevrage tabagique. Cela aurait un nom : le courage sanitaire et politique.
Le produit a bien été ajouté au panier ! Vous pouvez continuer votre visite ou accéder au panier pour finaliser votre commande.
Veuillez entrer votre adresse email ci-dessous pour recevoir un lien de réinitialisation de mot de passe
Vous pouvez créer votre nouveau mot de passe ici
Certains de ces cookies sont essentiels, tandis que d'autres nous aident à améliorer votre expérience en vous fournissant des informations sur la manière dont le site est utilisé.
Les cookies nécessaires activent la fonctionnalité principale. Le site Web ne peut pas fonctionner correctement sans ces cookies et ne peut être désactivé qu'en modifiant les préférences de votre navigateur.
Ces cookies permettent d’obtenir des statistiques de fréquentation anonymes du site de la Revue Médicale Suisse afin d’optimiser son ergonomie, sa navigation et ses contenus. En désactivant ces cookies, nous ne pourrons pas analyser le trafic du site de la Revue Médicale Suisse
Ces cookies permettent à la Revue Médicale Suisse ou à ses partenaires de vous présenter les publicités les plus pertinentes et les plus adaptées à vos centres d’intérêt en fonction de votre navigation sur le site. En désactivant ces cookies, des publicités sans lien avec vos centres d’intérêt supposés vous seront proposées sur le site.
Ces cookies permettent d’interagir depuis le site de la Revue Médicale Suisse avec les modules sociaux et de partager les contenus du site avec d’autres personnes ou de les informer de votre consultation, lorsque vous cliquez sur les fonctionnalités de partage de Facebook et de Twitter, par exemple. En désactivant ces cookies, vous ne pourrez plus partager les articles de la Revue Médicale Suisse depuis le site de la Revue Médicale Suisse sur les réseaux sociaux.