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ISO 690 | Kiefer, B., Caisse CPT/KPT : une hallucinante histoire d’enrichissement, Rev Med Suisse, 2010/259 (Vol.6), p. 1568–1568. DOI: 10.53738/REVMED.2010.6.259.1568 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2010/revue-medicale-suisse-259/caisse-cpt-kpt-une-hallucinante-histoire-d-enrichissement |
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MLA | Kiefer, B. Caisse CPT/KPT : une hallucinante histoire d’enrichissement, Rev Med Suisse, Vol. 6, no. 259, 2010, pp. 1568–1568. |
APA | Kiefer, B. (2010), Caisse CPT/KPT : une hallucinante histoire d’enrichissement, Rev Med Suisse, 6, no. 259, 1568–1568. https://doi.org/10.53738/REVMED.2010.6.259.1568 |
NLM | Kiefer, B.Caisse CPT/KPT : une hallucinante histoire d’enrichissement. Rev Med Suisse. 2010; 6 (259): 1568–1568. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2010.6.259.1568 |
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Quel univers de scoops il y aurait pour les médias, s’ils s’intéressaient vraiment aux caisses-maladie. De petites enquêtes suffiraient à donner de grands effets. Au lieu de quoi, même en période d’augmentation des primes – cette dramaturgie rituelle qui saisit chaque année la Suisse – c’est zéro curiosité et mise en boucle de l’interview du responsable de Comparis.
Ce fond de mollesse médiatique permet à Pierre-Yves Maillard de jouer à bon compte le rôle de chevalier blanc et de captiver la population par une simple investigation low-cost (mais il possède, reconnaissons-le, une remarquable intelligence et une réelle vision du système de santé). La semaine dernière, il montrait que les dépenses par assuré à la charge de l’assurance de base sont, dans le canton de Vaud, moins élevées que ce qu’affirme l’OFSP. Et que, en conséquence, les Vaudois paient des primes trop élevées. L’origine du problème en dit long sur la faiblesse de l’OFSP : l’office ne considérait que les chiffres de santésuisse, «oubliant» de tenir compte de ceux d’Assura.
Un autre qui profite de la torpeur médiatique ambiante, c’est Mauro Poggia. Rien à voir, bien sûr, avec Maillard : le personnage utilise sa renommée pour dorer son blason aux couleurs de la droite populiste tendance xénophobe. N’empêche : estimant que la hausse des primes de 2007 n’était pas justifiée, il a eu le culot de s’en prendre à la comptabilité du Groupe Mutuel. Et de ne pas lâcher. A chaque étape, la caisse a porté l’affaire jusqu’au Tribunal fédéral. Poggia vient de gagner une nouvelle manche : des experts comptables vont avoir accès aux comptes du Groupe Mutuel. A tous les comptes ? Là reste la vraie question. On verra le résultat.
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Mais venons-en à autre chose. Une très, très grosse affaire, une histoire absolument inouïe de caisse-maladie, de jeu de passe-passe avec l’argent des assurés et de possible délit d’initié.1 Elle n’a fait du bruit qu’en Suisse allemande. Et encore : bien peu. Résumons. Mi-mai, deux caisses-maladie – Sanitas et CPT/KPT décident de fusionner. Fondées l’une par des paysans, l’autre par des cheminots, ces deux caisses aux origines mutualistes vont enfin entrer dans la cour des grands. Avec 900 000 assurés dans la base, leur fusion créera la troisième caisse de Suisse. Jusque-là, rien à signaler. Mais voilà que le Blick met son nez dans cette fusion2 et découvre que, en 2006, les dirigeants de la caisse CPT/KPT ont vendu à des employés de la société – et ont surtout eux-mêmes acheté – des actions de la caisse à des prix se situant entre 28 et 40 francs. Et que, maintenant, en vue de la fusion, la même caisse leur propose 600 francs pour chacune de ces actions. Quelle merveille, autrement dit : en quatre ans, les membres de la direction et du conseil d’administration (dont deux conseillers nationaux) ont multiplié leur investissement d’un facteur de 15 à 20 et gagné en moyenne un million de francs. Quant aux 347 employés de la caisse CPT/KPT ayant acheté quelques actions, ils réalisent un gain d’environ 100 000 francs chacun.
Quel est le mérite professionnel de ces personnes ? Aucun, semble-t-il. En raison de quel phénomène, dès lors, des directeurs et administrateurs sont-ils devenus millionnaires ? Appartiendraient-ils à la même catégorie semi-divine que les banquiers, financiers et CEO qui, partout dans le monde, accumulent des fortunes en quelques claquements de doigts ? En tout cas, la plus-value qu’ils ont réalisée dans le cadre d’une caisse-maladie sans but lucratif force l’admiration. 2000% en quatre ans : c’est du rarement vu en finance et probablement jamais dans le domaine des assurances.
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Le grave, c’est qu’il n’est pas impossible que tout cela soit légal. Une banque indépendante a évalué la valeur de la coopérative CPT/KPT. Cette valeur est liée au bilan de la société qui est en grande partie constitué par les réserves liées à l’assurance obligatoire. Une autre partie, certainement bien moindre, vient de l’activité de la caisse dans le domaine privé. Mais puisque les comptes publics et privés sont inséparables, puisque nul ne sait ce qui appartient à quoi, et surtout puisque tout le monde s’en fiche, on fait comme si l’argent qui se déverse miraculeusement sur les actionnaires venait d’ailleurs que des cotisations des assurés.
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Comprenons bien le mécanisme. La LAMal ayant obligé les caisses à faire des réserves, celles-ci se sont prestement exécutées : elles ont demandé à leurs assurés de payer plus que ce qu’ils coûtaient. Lesquels, naïvement, pensaient que cet argent, à la fin, leur serait restitué d’une façon ou d’une autre. Erreur : ce que révèle cette affaire, c’est que les réserves appartiennent aux actionnaires des caisses. Un détail (quelques milliards à l’échelle Suisse) qui ne semble pas avoir préoccupé le législateur.
La LAMal, c’est vrai, précise que dans son activité d’assurance obligatoire de soins, une caisse n’a pas le droit de poursuivre un but lucratif. Mais elle n’interdit pas aux caisses d’appartenir à des actionnaires, ni à ceux-ci de s’enrichir au moment de la vente (par exemple lors d’une fusion) de la caisse. Et elle se garde bien de stipuler que les gigantesques réserves des caisses suisses sont la propriété des assurés qui les ont constituées par obligation légale.
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Au-delà du scandale – et de l’urgence de réformer la loi – il y a quand même, dans cette histoire, matière à enquête. Il est bien probable que la plus-value qui a rendu des directeurs et administrateurs millionnaires ait été organisée. En 2006, ils ne pouvaient pas ne pas savoir que c’était bien en-dessous de leur valeur qu’ils se vendaient ces actions à eux-mêmes. Mais cette enquête, qui la fera ?
Poussons le raisonnement et le questionnement encore plus loin. Qui, en plus des dirigeants, administrateurs et collaborateurs, possède des actions CPT/KPT ? Et quelles sont les chances que cette pratique consitue la pointe d’un iceberg ?
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On sait que les grandes caisses, plutôt que de se développer sous forme d’une unique entité, organisent de vastes et obscurs montages de sous-caisses. On a longtemps dit (et on s’est plaint) que cette stratégie vise à écrémer le marché, en captant les assurés jeunes dans des caisses bon marché créées à cet effet. Il apparaît maintenant qu’elle pourrait cacher une pratique plus trouble encore : créer des caisses, puis les faire disparaître – par exemple par fusion – dans le but d’en valoriser les actions.
Il va de toute façon falloir empoigner ce problème. Car si l’une des deux initiatives qui seront lancées cet automne (celle des médecins, demandant la séparation de l’assurance publique et privée, ou celle du parti socialiste proposant une caisse unique) était acceptée par la population, le risque serait grand qu’au moment de la séparation – de la dissolution ou de la fusion des caisses actuelles – les milliards accumulés en réserve passent dans les poches de leurs actionnaires. Ce qui constituerait le plus extraordinaire captage d’argent public jamais vu dans l’histoire suisse.
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Petit rebondissement : début juillet, la caisse CPT/KPT annonçait suspendre momentanément le rachat d’action en attendant le résultat d’une expertise. Certains de ses dirigeants ont même annoncé qu’ils pourraient renoncer à «une partie» de leur gain (sans aucun engagement précis, cependant). Mais cela ne suffit pas. Le moment est venu de crever l’abcès. Ce qui manque, dans cette affaire qui fait penser au scandale Bettencourt en France, en particulier par le silence politique qui l’enveloppe, c’est des médias qui ne lâchent pas le morceau. Que font ceux de Suisse romande ?
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