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(2021). 'Ischémie, lésion et nécrose (Partie II)' in ECG Pratique.
Implications cliniques et corrélations ECG
Nous allons exposer divers aspects d’intérêt pratique dans cette section.
Ischémie persistante versus ischémie transitoire
Ischémie persistante
Au cours d’une crise d’ischémie persistante (SCA) pouvant aboutir à un infarctus du myocarde, les aspects ECG suivants peuvent être observés (Tableau 10.1: Figure 10.28):
sus-décalage du ST (parfois précédé d’une onde T pointue et haute) suivi d’une onde Q de nécrose et d’une onde T négative (infarctus Q) (Figure 11.1 B);
sous-décalage du ST en V1-3 (image en miroir d’une atteinte transmurale homogène postérieure) équivalent à un sus-décalage du ST;
sous-décalage du ST et/ou T négatif, en général dans les dérivations avec R dominante correspondant très souvent à un angor instable ou à un infarctus sans Q (Figures 11.12 A et B).
sous-décalage du ST dans plusieurs dérivations avec ou sans R haute (atteinte du tronc commun) (Figure 11.12 D);
onde T négative, en général profonde, de V1 à V3-4 pouvant déboucher sur un infarctus (Figure 10.10.A);
dans certains cas, l’ECG peut rester normal.
Ischémie transitoire
L’ischémie transitoire peut engendrer deux types d’altérations:
normalisation de l’onde T négative et/ou apparition d’une onde T haute et pointue, et/ou sus-décalage du ST transitoire. Ces images apparaissent sporadiquement en raison d’une occlusion totale d’une artère épicardique elle-même due à un spasme coronaire (phénomène de Prinzmetal) ou à des occlusions transitoires pendant un SCA avec ou sans spasme associé. La dyskinésie apicale transitoire doit certainement être incluse dans ce groupe. La myocardite ou la myopéricardite ainsi que d’autres processus (interaction médicamenteuse, hypothermie, embolie pulmonaire, etc.) peuvent engendrer des images ECG avec des sus-décalages transitoires impossibles à distinguer de celles résultant d’une cardiopathie ischémique aiguë (leçon 10);
sous-décalage du ST transitoire dans l’angor d’effort classique et pendant le test d’effort. S’il y a une importante ischémie préalable de prédominance sous-endocardique, un sous-décalage du ST transitoire peut être vu dans certains SCA (leçon 10).
Onde T négative: signification clinique
L’onde T négative est l’expression ECG d’une ischémie sous-épicardique qui correspond cliniquement parlant à une ischémie transmurale (leçon 10). En phase subaiguë d’un SCA avec sus-décalage du ST dû à une occlusion coronaire totale, elle apparaît quand le sus-décalage commence à baisser et peu après l’enregistrement d’une onde Q de nécrose (Figure 11.1 B). Cela représente une ischémie plus ou moins importante selon la profondeur de la négativité et le nombre de dérivations où elle est enregistrée. Parfois, dans le SCA avec sus-décalage du ST, le sus-décalage dure pendant plusieurs jours sans que l’onde T négative n’apparaisse. Il faut suspecter un risque de rupture cardiaque.
Dans les SCA avec occlusion subtotale, l’apparition subite d’ischémie clinique est mise en évidence par l’inversion de l’onde T ou par l’augmentation de sa négativité et non par les changements du ST. En général, l’onde T négative apparaît brusquement dans les dérivations avec R prédominante et elle exprime un angor instable ou un infarctus sans Q. Dans ces dérivations, l’infarctus sans Q est révélé plus souvent par un sous-décalage du ST que par une onde T négative (Figures 11.12 A et B). Si le sous-décalage du ST apparaît dans de nombreuses dérivations avec ou sans R dominante (> 8), il suggère une obstruction totale du tronc commun (Figure 11.12 D). En général, les SCA avec onde T négative ont un meilleur pronostic que ceux avec sous-décalage du ST.
Parfois, l’onde T est très négative et se présente dans les précordiales droites (dérivations sans R dominante). Cette morphologie est à mettre en relation avec une occlusion aiguë et subtotale de l’IVA. De plus, une coronarographie est indiquée d’urgence, car si l’artère n’est pas ouverte le plus rapidement possible, un infarctus important peut se produire.
Très fréquemment, l’onde T négative est chronique et particulièrement après un infarctus Q. Cela peut également arriver dans la cardiopathie ischémique chronique avec ou sans onde Q de nécrose. Lorsque l’ischémie est très légère, c’est un aplatissement de l’onde T qui la met en relief (leçon 10).
Altérations de la repolarisation primaire versus secondaire
Les altérations de la repolarisation de type onde T aplatie ou négative, ou le sus-décalage du ST peuvent s’expliquer par une altération primaire de la repolarisation (changement dans la durée et morphologie du PAT), en raison d’ischémie, inflammation, interactions médicamenteuse, etc. Elles peuvent aussi être dues à une altération de la dépolarisation, comme dans l’élargissement ventriculaire, les blocs de branche et le syndrome de WPW (altérations secondaires de la repolarisation).
Du point de vue électrocardiographique, les altérations primaires présentent des ondes T négatives et symétriques (Figures 10.4 B et C) et les secondaires sont plus asymétriques (Figure 4.14 A). Le sous-décalage du ST en cas d’altération primaire est généralement plus rectiligne que descendant. Dans certaines situations, chez les patients avec une pathologie générant une altération secondaire de la repolarisation (une sténose aortique par ex.), nous pouvons supposer qu’il existe une altération primaire associée (altération mixte) (Figure 11.20) si l’onde T négative est plus profonde que la normale et/ou que le ST sous-décalé est plus rectiligne et évident.
L’altération mixte de la repolarisation (C) est conséquent à l’image d’ischémie – altération primaire- (B) ajoutée à l’image causée par l’altération de la dépolarisation (par ex. dilatation ventriculaire gauche) – altération secondaire – (A).
Implications pronostiques
La présence d’une onde Q de nécrose est la clé de voute du diagnostic de l’infarctus du myocarde, même s’il faut garder à l’esprit qu’il existe de nombreux infarctus sans onde Q et des cas d’onde Q de nécrose sans infarctus (Tableau 11.4). Face à un ECG avec onde Q de nécrose, le diagnostic est orienté vers la cardiopathie ischémique, surtout si l’onde Q montre des irrégularités (encoches) et qu’elle est accompagnée d’altérations de la repolarisation de type ischémique.
Parfois, des individus avec un SCA et sus-décalage du ST (STEMI) présentent dès leur arrivée aux urgences l’onde Q de nécrose, parce que le processus est déjà avancé et il faut donc agir rapidement. Une réduction moindre du ST est vérifiée même ainsi, ce que reflète une perfusion réduite des myocytes (Wong, 2002).
Les altérations ECG représentant un mauvais pronostic après un infarctus Q sont: 1) la persistance du sous/sus-décalage du ST; 2) l’apparition d’un bloc de branche et d’arythmies ventriculaires; 3) l’existence d’une onde Q de nécrose dans de nombreuses dérivations; 4) la persistance de tachycardie sinusale. La diminution rapide du sus-décalage du ST après la thrombolyse est par contre un signe de bon pronostic.
La disparition de l’onde Q de nécrose après un infarctus Q est généralement un signe de bon pronostic quand elle se produit graduellement, puisque cela signifie une amélioration de la perméabilité de la zone infarcie (Figure 11.21 A). Toutefois, la disparition subite d’une Q de nécrose est en général due à l’apparition d’un trouble de conduction intraventriculaire ou d’un autre infarctus (Figure 11.21 B).
A) Normalisation de l’ECG avec la disparition de la Q et la positivisation de l’onde T chez un patient avec un infarctus antéro-septal de 18 mois d’évolution. B) Chez ce patient, la nécrose antéro-septale (A) est masquée par un infarctus postérieur qu’il a présenté quelques mois après (B).
Le pronostic des infarctus sans onde Q n’est pas nécessairement meilleur que celui des infarctus avec onde Q. Les infarctus sans Q sont souvent des infarctus incomplets dont l’évolution peut être plus complexe. De plus, ils comptent généralement avec une ischémie préalable plus importante et plus d’artères atteintes (Tableau 10.4). Leur pronostic dépend de l’intensité et de la durée du sous-décalage du ST ainsi que du nombre de dérivations où il apparaît. En outre, ceux qui ne présentent que des modifications de l’onde T (T négative) font l’objet d’un meilleur pronostic que ceux avec un sous-décalage du ST. Rappelons que si huit dérivations ou plus sont concernées par le sous-décalage du ST et qu’un sus-décalage est observé en VR (et parfois V1), le pronostic est mauvais, puisqu’il correspond à une atteinte importante du tronc commun. Il a récemment été démontré que la présence de changements ischémiques du ST (sous-décalage du ST) au cours d’un SCA avec sous-décalage du ST est un facteur de mauvais pronostic et suggère un thrombus intracoronaire ou une lésion complexe (Cohn, 2001). Cela confirme l’importance de l’enregistrement en continu de l’ECG lors des SCA, qui a déjà été démontrée par différents auteurs il y a plus de 15 ans.
En présence de QRS étroit, les SCA avec ECG normaux correspondent le plus souvent à des angors instables ou des petits infarctus (selon l’élévation des troponines). Ils sont fréquemment dus à l’occlusion de la Cx distale et ont un bon pronostic (Tableau 11.3; Figure 10.28). Cependant, les ECG non modifiés en présence de BBG avancé représentent un mauvais pronostic.
Corrélation ECG-techniques d’imagerie
Les diverses techniques d’imagerie (échographie, médecine nucléaire et résonnance magnétique) permettent de localiser les zones ischémiques, viables ou nécrosées (Wu, 2001). Ces techniques d’imagerie permettent d’évaluer la masse myocardique touchée en utilisant la division du cœur en quatre parois et 17 segments, comme il a été dit dans la leçon 10 et les Figures 10.2. L’ECG a une sensibilité réduite pour détecter les infarctus chroniques avec onde Q, mais sa spécificité est élevée (autour de 90%). Dans ce sens-là, la résonnance magnétique représente donc un grand intérêt pour confirmer la présence d’un infarctus même si l’ECG est presque normal (Figure 11.10).
Récemment, les sociétés américaines d’imagerie ont modifié la nomenclature des parois du cœur: la paroi que nous appelons inféro-postérieure et qui possède une partie inférieure (les zones moyenne et apicale – segments 10 et 15) et une autre postérieure (segment 4) ne devrait s’appeler que inférieure (Cerqueira, 2002). Selon Cerqueira et al., le segment 4 n’est pas postérieur mais inféro-basal, et nous ne pourrions donc plus parler d’infarctus postérieur/postéro-latéral en présence d’une R haute en V1-V2, mais d’infarctus inféro-basal.
Nous allons préciser pourquoi nous pensons que la décision des sociétés américaines d’imagerie est une erreur. Premièrement, elle n’est pas concordante avec la réalité puisque la partie la plus basale de la paroi inféro-postérieure est clairement postérieure (leçon 10). Deuxièmement, elle induit en erreur les cardiologues qui ont toujours appelé «infarctus inférieur» l’infarctus qui présente une onde R haute en V1-V2. En effet, dans les Figure 11.7, nous pouvons observer comment la morphologie RS en V1, sans q dans les dérivations inférieures, est expliquée par le fait que la partie nécrosée est la zone la plus postérieure/postéro-latéro-basale du ventricule gauche (atteinte transmurale et homogène du segment 4 et/ou partie du segment 5). Cette nécrose, fondamentalement postérieure/latéro-postérieure, engendre un vecteur de nécrose qui se dirige vers l’avant et légèrement vers la droite (Figure 11.7) et qui est enregistré comme positif en V1-2 (R ou RS), sans donner lieu à une q de nécrose en II, III et VF. Si la nécrose postérieure/postéro-latérale s’étend à la partie inférieure de la face inféro-postérieure, une R haute se verra en V1-2 et une q en II, III et VF. Il est ainsi nécessaire de parvenir à un accord pour que les utilisateurs de l’ECG et les spécialistes en imagerie cardiaque puissent utiliser la même nomenclature, en s’efforçant d’adapter la division du cœur en quatre parois (antérieure, inféro-postérieure, septale et latérale) et 17 segments aux connaissances que nous a fournit l’étude de l’ECG pendant de si nombreuses années (Bayés de Luna, 2004).
Pour certains types d’infarctus, spécialement ceux qui sont dus à l’occlusion de la Cx, l’atteinte déterminée par l’échocardiographie ou les isotopes ne correspond parfois pas exactement à la zone infarcie (détection d’onde Q par l’ECG), tout en étant parfois plus étendue que ce que suggère l’ECG (Matetzky, 1999) (leçon 10). Toutefois, l’échocardiographie surestime probablement la zone atteinte, car de nombreuses régions hypokinétiques sont encore viables.
Dans les cas de premier infarctus Q transmural, la corrélation de la zone nécrosée déterminée à l’ECG et celle déterminée par résonnance magnétique est bonne. Pour résumer, l’ECG sert à détecter correctement la zone nécrosée lorsqu’il s’agit d’un premier infarctus Q, mais que, dans les cas d’infarctus sans Q ou d’infarctus multiples, son utilité n’est pas bien définie.
Auteur | |
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Éditeur | RMS Editions |
ISBN | 9782880494841 |
Parution | 1 janv. 2012 |
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