L'amplification des acides nucléiques est une méthode largement utilisée pour le diagnostic et la prise en charge des maladies infectieuses. L'interprétation des résultats de Polymerase Chain Reaction (PCR) varie en fonction des pathogènes détectés, du site d'infection et de la présentation clinique. Pour certaines infections, les tests PCR sont maintenant considérés comme une méthode de référence alors que pour d'autres, ils sont seulement une aide au diagnostic. Avec le développement des traitements antiviraux, les PCR quantitatives sont devenues indispensables pour l'évaluation de l'efficacité thérapeutique. Un contact avec le laboratoire effectuant l'analyse est important afin d'interpréter les résultats PCR correctement.
Depuis quelques années, l'amplification des acides nucléiques par les techniques de Polymerase Chain Reaction (PCR) ou de RT-PCR (transcription inverse-PCR, sur ARN) est la technique de référence pour le diagnostic et la prise en charge thérapeutique de nombreuses infections virales mais aussi bactériennes. La détection directe des acides nucléiques par PCR de ces agents pathogènes a permis de diminuer le délai conduisant au diagnostic, en particulier en référence aux techniques basées sur les cultures ou la détection d'anticorps spécifiques. Un autre avantage des techniques PCR réside dans leur grande sensibilité, donc leur capacité de détecter un faible nombre de pathogènes, et surtout dans leur spécificité analytique inégalée.
Nous présentons ici une revue de l'utilité des techniques PCR pour identifier les pathogènes les plus courants ainsi que des commentaires permettant de guider l'interprétation de ces résultats dans un contexte clinique. Ces données ainsi que les références les plus relevantes sont présentées par site d'infection dans les tableaux.
Dans le contexte du diagnostic des infections du système nerveux central, deux catégories peuvent être envisagées : les méningites et encéphalites aiguës chez les individus immunocompétents et les infections opportunistes chez les individus immunosupprimés. Dans ces deux situations, le diagnostic par PCR est devenu un outil de choix. La cause la plus fréquente des méningites aiguës est les infections à entérovirus. L'encéphalite à herpès simplex virus (HSV) quant à elle se présente sous forme de cas sporadiques mais reste une maladie prioritaire à diagnostiquer en raison de sa gravité et de la disponibilité d'un traitement spécifique. La détection de l'ADN HSV-1 dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) est un des exemples le plus convaincant de l'utilité du diagnostic moléculaire. Cette méthode permet de poser un diagnostic de certitude qui était auparavant basé sur la biopsie cérébrale. La PCR HSV est positive dans la quasi-totalité des cas. Très rarement, elle peut être négative lorsqu'elle est effectuée pendant les trois premiers jours suivant le début des symptômes et elle peut devenir négative après 5-7 jours de traitement antiviral. Les tests de PCR quantitative pour HSV peuvent être utiles dans la prédiction de la sévérité de la maladie et dans le suivi thérapeutique, cependant des études utilisant des techniques standardisées sont encore nécessaires. Bien que les entérovirus (EV) soient fréquemment isolés par culture du LCR, les tests PCR ont augmenté de façon très significative le taux de détection de ces infections. L'utilité majeure du diagnostic par PCR en cas de méningite à EV est sa rapidité permettant grâce au diagnostic positif d'éviter des investigations supplémentaires, de réduire les prescriptions d'antibiotiques et le temps d'hospitalisation.
Les tests PCR sont recommandés pour le diagnostic dans le LCR des infections aux virus varicelle zona (VZV) et cytomégalovirus (CMV). La spécificité clinique des tests PCR pour le diagnostic des infections associées au virus Epstein-Barr (EBV), aux virus herpès humains 6 (HHV-6), HHV-7 et HHV-8 n'est bonne que dans les rares cas de primo-infection avec complications neurologiques. Ces infections étant chroniques et lymphotropiques, la PCR peut être de temps à autre positive dans le LCR (virus latent) s'il existe une réaction lymphocytaire dans le LCR.
Dans le contexte des infections opportunistes du SNC associées au virus d'immunodéficience humaine (VIH), la détection par PCR d'EBV (lymphome primaire du SNC), du Toxoplasma gondii, du virus JC responsable de la leuco-encéphalopathie multifocale progressive et de VIH dans le LCR se montre très utile en complément de l'imagerie et permet d'aboutir à un diagnostic de haute probabilité sans recourir à la biopsie cérébrale. La détection d'EBV est un élément clé dans le diagnostic différentiel des masses cérébrales chez les patients VIH, dont le diagnostic différentiel se pose essentiellement entre la toxoplasmose et le lymphome cérébral primaire. Une PCR EBV positive permet d'orienter le diagnostic vers un lymphome, c'est une des rares situations où la chimiothérapie peut dépendre de cet examen uniquement, en l'absence de biopsie avec preuve d'histologie tumorale. De façon générale, les tests PCR pour Toxoplasma gondii souffrent d'une faible sensibilité, d'un manque de standardisation et les performances sont très variables.
Comme pour les virus, les méthodes de PCR spécifiques aux pathogènes bactériens du SNC sont plus sensibles que la microscopie ou que la culture. Dans notre expérience, deux PCR, l'une spécifique à Neisseria meningitidis et l'autre à Streptococcus pneumoniae ont montré une sensibilité permettant de détecter 10 2 bactéries/ml dans le LCR et 10 3 bactéries/ml dans le sang. Ces PCR permettent donc d'augmenter de manière significative le nombre de cas confirmés de méningococcémies et méningites comme en Angleterre où le nombre de cas confirmés par les laboratoires a doublé avec l'introduction des techniques d'amplification. Toutefois, des différences importantes en sensibilité peuvent exister entre les laboratoires, car celle-ci dépend de nombreux facteurs techniques tels que le choix des amorces en particulier lors d'une coamplification de plusieurs pathogènes dans un même tube. Pour les infections à Listeria, la PCR est utile seulement si une antibiothérapie initiale a été instaurée car les résultats de culture du LCR et du sang suffisent en général à poser le diagnostic. L'amplification suivie du séquençage du gène de l'ARNr 16S, présent chez toutes les bactéries, est théoriquement une méthode très attractive pour détecter toute espèce bactérienne mais elle est techniquement délicate. Toute contamination par de l'ADN bactérien lors de la ponction ou dans les réactifs utilisés (souvent les enzymes mais aussi les amorces ou les tampons...) peut entraîner des réactions faussement positives. La plus grande prudence est de rigueur lorsque le clinicien reçoit le résultat d'un germe inhabituel dans le LCR et des études supplémentaires sont nécessaires avant d'utiliser cette méthode de routine. Cette approche est néanmoins utile quand la ponction lombaire est faite après l'initiation de l'antibiothérapie ou quand les cultures restent négatives malgré une forte suspicion de méningite bactérienne. Cette méthode est actuellement en développement par une firme commerciale pour détecter directement les bactéries dans le sang avec une garantie dans la fabrication de leurs réactifs.
Ces dix dernières années, le diagnostic des infections respiratoires bactériennes a bénéficié des techniques PCR, en particulier pour les pneumonies atypiques car les cultures sont longues, difficiles, voire impossibles. Il n'est donc plus nécessaire de compter sur la sérologie uniquement, celle-ci reste cependant la preuve définitive d'une infection ayant causé une réponse immune et est donc toujours considérée par certains comme un test de référence. L'utilisation de ces techniques très sensibles permet de détecter des cas où il est difficile de faire un lien avec les symptômes cliniques. Mais en présence de symptômes aigus, une PCR positive pour Mycoplasma pneumoniae ou Chlamydophila pneumoniae justifie certainement un traitement. Il est à noter que, contrairement aux autres méthodes, le diagnostic d'infections à C. pneumoniae et M. pneumoniae par PCR peut se faire sur des échantillons faciles à réaliser et peu invasifs pour le patient comme le frottis de gorge. Pour les infections à Legionella pneumophila, la PCR semble plus sensible que la culture mais là aussi sans comparaison chiffrée. La détection d'antigène urinaire est actuellement la méthode la plus utilisée car plus simple que l'amplification d'ADN. La tuberculose est une infection respiratoire où la PCR joue un rôle très important car elle permet d'obtenir un résultat en une journée au lieu de 3-4 semaines en moyenne pour une culture positive. Il faut noter qu'actuellement un résultat de PCR positif sur un échantillon clinique ne permet pas d'identifier l'espèce au sein du complexe tuberculosis (tuberculosis, bovis, africanum, canettii ou microti) mais ceci n'est en général que d'une importance secondaire pour la thérapie initiale. Comme la sensibilité est seulement de 50% sur les échantillons microscopiquement négatifs à l'examen de Ziehl, elle ne peut pas être utilisée pour exclure une tuberculose. Par contre, lorsqu'un résultat PCR est négatif avec une microscopie positive, le clinicien peut pratiquement être sûr que les mycobactéries présentes sont des mycobactéries atypiques et donc instaurer le traitement adapté. Les méthodes qualitatives ne sont en général pas utiles pour le suivi des infections bactériennes, en particulier pour la tuberculose, car l'ADN persiste plusieurs semaines malgré la lyse des germes. Dans ce contexte, les PCR quantitatives doivent être encore validées pour suivre l'efficacité d'un traitement antibiotique.
Il existe plus d'une douzaine de virus différents conduisant à des infections respiratoires. Cette grande variété de virus et le fait que les syndromes cliniques soient souvent similaires sont un obstacle et ne facilitent pas la démarche diagnostique. Les techniques de routine les plus utilisées actuellement pour la détection des infections respiratoires virales sont la détection d'antigènes et la culture. Les tests de détection des antigènes, par des tests rapides applicables au lit du malade ou par l'utilisation d'anticorps spécifiques au laboratoire sont disponibles pour les virus respiratoires syncytial (VRS), parainfluenza, influenza et adénovirus, mais pas pour les rhinovirus, coronavirus et le métapneumovirus humain. Les méthodes de culture sont disponibles pour tous ces virus exceptés les coronavirus et le métapneumovirus, par ailleurs les rhinovirus sont eux difficiles à cultiver. Les techniques de RT-PCR récemment développées sur des lavages broncho-alvéolaires ont montré une sensibilité nettement supérieure à celle de la culture. Seuls 30% des échantillons respiratoires positifs par RT-PCR sont positifs en culture. L'utilisation systématique de ces techniques fait découvrir au clinicien que ces infections virales sont très fréquentes même chez les patients hospitalisés.
Les PCR ont d'une façon générale peu d'intérêt pour détecter ces infections car les cultures sont faciles pour les bactéries (Salmonella spp, Shigella spp, Campylobacter spp) et les tests d'agglutination sont suffisamment sensibles pour les virus comme les rotavirus ou les adénovirus. Chez l'adulte, la première cause de gastroentérite virale est le norovirus (Norwalk-like, Calicivirus) qui n'est détectable que par RT-PCR. Cette technique est donc utile pour déterminer l'origine d'une épidémie et identifier la source et l'agent étiologique. La microscopie reste la technique de choix pour rechercher et identifier les parasites. Les tests d'amplification peuvent être intéressants dans un contexte particulier pour détecter des toxines spécifiques de E. coli entéro-hémorragiques (EHEC ou VTEC) conduisant à des maladies graves (syndrome hémolytique et urémique). Mais cette pathologie reste marginale en Suisse car une étude entre 1996 et 1998 avait montré sur 3041 patients testés seulement 0,5% porteurs de E. coli produisant des toxines.15 La grande majorité de ces cas (11/16) l'était chez des enfants de moins de six ans et c'est donc seulement dans ce groupe que l'indication pourrait se justifier.
Les techniques d'amplification sont très utiles pour les infections génitales car les germes responsables des maladies sexuellement transmissibles sont difficiles à cultiver : Chlamydia trachomatis pousse uniquement sur culture cellulaire et Neisseria gonorrhoeae sur des milieux spécifiques. Les PCR permettent de détecter en parallèle sur un même prélèvement les deux pathogènes ce qui simplifie la récolte d'échantillons d'autant que l'urine du premier jet montre une bonne sensibilité chez les hommes comme chez les femmes. Les seules limites à ces méthodes sont un manque de spécificité pour Neisseria gonorrhoeae, surtout sur des prélèvements de la marge anale ou des frottis de gorge, et l'impossibilité de détecter les résistances. La détection de Mycoplasma genitalium, responsable d'uréthrite non gonococcique, ne peut être détectée que par amplification du génome. Chez la femme enceinte proche du terme ou au cours de l'accouchement, la détection de streptocoque b-hémolytique du groupe B est plus sensible par PCR que par culture et ceci en 40 minutes environ permettant l'introduction d'une prophylaxie rapidement.
La détection de papillomavirus humain (HPV) peut être réalisée en parallèle avec C. trachomatis et N. gonorrhoeae sur les frottis d'endocol. L'infection par certains types de HPV augmente le risque de cancer cervical. De larges études ont montré qu'il est possible de combiner la détection de l'ADN HPV avec l'examen cytologique en particulier chez des femmes âgées de plus de 30 ans afin de mieux identifier les personnes à risque de néoplasie. La concentration de l'ADN HPV 16 est associée au risque de développer un cancer cervical.
Dans le contexte du diagnostic des hépatites aiguës, les tests PCR ne sont utiles que pour l'hépatite C (VHC) vu le délai important précédant l'apparition des anticorps spécifiques. Les marqueurs sérologiques (IgM ou antigènes) sont en général suffisants pour le diagnostic des hépatites B (VHB) et A (VHA). Lors de l'infection VIH aiguë, l'ARN viral plasmatique peut être détecté environ quatre jours avant l'antigène p24 mais rares sont les situations cliniques où un test de dépistage de 4 e génération est négatif en présence d'une virémie positive. La détection par PCR de l'ADN EBV est utile pour le diagnostic et le suivi thérapeutique des maladies lymphoprolifératives après transplantation, ainsi que celui du carcinome nasopharyngé. La concentration d'EBV dans le sang est corrélée à la sévérité de l'atteinte tumorale. La détection par PCR de l'ADN HHV-8 présente un intérêt pour le diagnostic du sarcome de Kaposi, de la maladie de Castleman et du lymphome des cavités chez les patients VIH ou transplantés. Sa concentration dans le sang est associée au risque de développement du sarcome de Kaposi (patients VIH). L'indication principale des tests PCR pour Toxoplasma gondii est la mise en évidence d'une infection ftale en cas d'infection aiguë maternelle.
L'utilité de la quantification des acides nucléiques par PCR s'est développée en parallèle avec l'essor des antiviraux et immunomodulateurs. Ces techniques sont devenues indispensables tant dans le contexte de la prise en charge que du suivi thérapeutique des maladies telles que VIH, VHC, VHB et CMV. La concentration de l'ARN VIH plasmatique (virémie) est un facteur prédictif de la progression clinique et est utilisée aujourd'hui dans les critères justifiant l'initiation thérapeutique. La concentration de l'ADN VHB permet de définir si l'infection est chronique. Le développement de traitements antiviraux plus efficaces va de pair avec le développement de techniques quantitatives plus sensibles. La définition de la réponse virologique associée à une réponse clinique est complexe, car elle est souvent dépendante de l'efficacité des médicaments disponibles. De façon générale, une réponse virologique devrait toujours être objectivée par des tests PCR quantitatifs et sensibles. Le suivi des réactivations à CMV après transplantation est un exemple convaincant où la PCR a supplanté des techniques éprouvées mais moins sensibles. Il s'agit aussi d'un exemple où les PCR quantitatives se sont montrées indispensables. En effet, elles permettent de suivre la cinétique de la charge virale (dans le sérum ou plasma par exemple) et de décider d'une intervention thérapeutique en fonction de cette cinétique ou d'une valeur absolue (seuil critique justifiant un traitement).
La sensibilité est un facteur essentiel dans le diagnostic. Il est important pour un clinicien de connaître les spécifications des méthodes PCR utilisées par le laboratoire effectuant l'analyse et/ou de disposer d'un résultat accompagné d'un commentaire précis afin d'interpréter correctement les résultats. Les facteurs les plus importants influençant la sensibilité des méthodes PCR sont le choix des amorces, la qualité et la quantité de l'échantillon. Les délais et les conditions de transport entre la prise de l'échantillon et la réception au laboratoire ont une influence sur la fiabilité des résultats. Les techniques commercialisées permettent quand elles existent une standardisation de ces résultats et une comparaison facile d'un laboratoire à l'autre. Dans tous les autres cas, les techniques développées doivent être validées avec une sensibilité maximale. Des contrôles adéquats de contamination et d'inhibition doivent être inclus. La participation à des contrôles de qualité externe est aussi indispensable.
En règle générale, un résultat PCR positif assure la présence du pathogène recherché, alors que dans certains cas un résultat négatif peut être lié à des problèmes de sensibilité. Lors d'une forte suspicion clinique, une répétition de l'examen à quelques jours est souvent utile.
Dans le cadre de certaines infections chroniques (EBV, CMV,...), une PCR positive n'est pas synonyme de maladie, le développement et la standardisation des PCR quantitatives permettront de définir des seuils ou d'observer des cinétiques associées à une pathologie.
Les techniques PCR se sont imposées ces dernières années comme les techniques de référence pour le diagnostic en virologie d'abord, puis pour de nombreuses bactéries en particulier dans les infections respiratoires et du tractus génital. Elles se sont également imposées comme les techniques de choix dans la prise en charge et le suivi thérapeutique des infections virales chroniques.