La dermatotoxicologie s’intéresse aux interactions entre la peau et son environnement, sa réaction aux conditions extérieures et ses conséquences sur l’ensemble de l’organisme. Un groupe de dermatotoxicologie est en train de se développer au Centre médical universitaire de l’Université de Genève, dans le cadre du nouveau Centre suisse de toxicologie humaine appliquée (CSTHA/SCAHT). Ce centre réunit des groupes de recherche des Universités de Genève, Bâle et Lausanne qui contribueront à développer les bases scientifiques pour l’évaluation et la gestion des risques toxicologiques et la protection de la santé humaine. Il réalisera également des prestations à la demande et organisera des programmes de master (à Bâle, dès 2011) et de master of advanced studies (à Genève, dès 2010).
La peau est le plus grand organe du corps (environ 5 kg chez l’adulte) et aussi celui qui a la plus grande surface (environ 2 m2). Cette surface est en contact avec le milieu extérieur, et de ce fait la peau nous protège des agressions externes ; ce faisant, elle concentre les dommages primaires de ces agressions, conduisant à un stress nécessaire à sa récupération. Si le stress auquel elle est soumise se prolonge, la peau ne récupère pas, sa fonction protectrice diminue et l’ensemble de l’organisme subit les conséquences des stimuli physiques, biologiques ou chimiques de l’environnement. La dermatotoxicologie est une discipline à l’interface de la dermatologie et de la toxicologie ; elle étudie les interactions entre la peau et son environnement, la pénétration transcutanée des xénobiotiques, leur mécanisme d’action, leur métabolisme par la peau et la réaction de celle-ci à leur présence.
Dans le cadre de la contribution fédérale et conformément au mandat général formulé dans le rapport du Conseil fédéral du 2 mai 2007 sur la recherche toxicologique indépendante en Suisse, le Centre suisse de toxicologie humaine appliquée (CSTHA/SCAHT) a été créé sous l’égide de la Confédération, et inauguré le 19 novembre 2009 à Genève (www.scaht.net/). Ce centre réunit des scientifiques des Universités de Genève, Bâle et Lausanne qui auront pour mandat d’étudier les mécanismes d’action des toxiques et leur toxicocinétique, afin d’élaborer les bases scientifiques pour la gestion des risques toxicologiques et la protection de la santé de la population. Le SCAHT organisera un master en toxicologie à l’Université de Bâle, dès la rentrée 2011, et un master of advanced studies (MAS) à l’Université de Genève dès la rentrée 2010.
Dans le cadre de ce centre, deux groupes de recherche s’intéressent à la dermatotoxicologie : le groupe du Pr Andreas Bircher, à la Faculté de médecine de Bâle, qui étudie les réactions d’hypersensibilité des métaux et autres toxines, et le nôtre, dirigé par le Pr Jean-Hilaire Saurat et le Dr Olivier Sorg, au Centre médical universitaire de Genève, qui étudie les effets biologiques des substances de la famille des dioxines sur la peau (figure 1). Après avoir analysé en détail le cas de l’ancien président ukrainien Viktor Yushchenko, souffrant d’une intoxication aiguë à la 2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine (TCDD),1 nous analyserons les effets à long terme de l’exposition prolongée à de relativement faibles quantités de dioxines et composés apparentés.
En effet, si les cas d’intoxication aiguë à ces substances devraient rester épisodiques et concerner un nombre limité d’individus, le problème de santé publique posé par ces substances est plutôt leur exposition chronique à de petites quantités sur des populations vivant ou travaillant dans un environnement contaminé par des industries ou des usines d’incinération des ordures ménagères. Ces molécules de la famille des hydrocarbures aromatiques polycycliques, souvent polyhalogénés, sont générées lors de l’incinération de tout type de déchets, de même que lors de feux de forêt ; elles se lient au récepteur intracellulaire aryl hydrocarbon receptor (AhR) et modulent l’expression de nombreux gènes comme ceux des enzymes de détoxification,2-4 En raison de la très longue demi-vie biologique des dioxines telles que la TCDD (sept à dix ans), les petites doses reçues ne sont pas éliminées et s’accumulent au cours du temps si l’exposition se prolonge, jusqu’à atteindre des niveaux suffisants pour provoquer des effets biologiques. D’autres molécules polycycliques dont l’action biologique est complètement différente, telles que l’amineptine, un antidépresseur tricyclique retiré du commerce en raison de son addiction et de graves effets secondaires (rares et dose-dépendants), peuvent provoquer un syndrome cutané de type chloracné.5-7 On ne sait pas si ce mécanisme passe aussi par le récepteur AhR, ou si une voie biologique indépendante de celle des dioxines conduit au même syndrome.
Notre groupe de dermatotoxicologie a pour objectif l’étude de biomarqueurs précoces de l’exposition chronique à de faibles doses de dioxines, leurs effets sur l’organisme, ainsi que le développement de moyens thérapeutiques pour s’en protéger. Nous avons vu qu’en cas d’intoxication aiguë à la TCDD, le syndrome mal nommé chloracné consiste dans le développement d’hamartomes dermiques inflammatoires en lieu et place du renouvellement des glandes sébacées, lesquelles sont atrophiées puis disparaissent (raison pour laquelle ce n’est pas une forme d’acné, laquelle résulte de l’hypertrophie des glandes sébacées). On ne connaît pas pour l’instant les effets biologiques d’intoxications chroniques dues à de faibles doses de dioxines, pour lesquelles les concentrations sériques en équivalents TCDD seraient marginalement augmentées (soit 50-200 pg/g de lipides sériques, en comparaison de valeurs supérieures à 10 000 pg/g de lipides sériques observées lors d’intoxications aiguës avec signes de chloracné). On sait en revanche que des patients pour lesquels les concentrations sériques d’équivalents TCDD sont normales, soit de l’ordre de 5-20 pg/g de lipides sériques, peuvent présenter tous les signes cliniques de chloracné.8,9 Il est donc important de disposer d’un test permettant d’évaluer précocement le degré d’exposition chronique aux dioxines avant l’apparition de syndromes défigurants et persistants.
La dermatotoxicologie s’intéresse aux interactions entre la peau et son environnement, sa réaction aux conditions extérieures et ses conséquences sur l’ensemble de l’organisme. Un groupe de dermatotoxicologie est en train de se développer au Centre médical universitaire de l’Université de Genève, dans le cadre du nouveau Centre suisse de toxicologie humaine appliquée (CSTHA/SCAHT). Ce centre réunit des groupes de recherche des Universités de Genève, Bâle et Lausanne qui contribueront à développer les bases scientifiques pour l’évaluation et la gestion des risques toxicologiques et la protection de la santé humaine. Il réalisera également des prestations à la demande et organisera des programmes de master (à Bâle, dès 2011) et de master of advanced studies (à Genève, dès 2010).