L’évaluation de l’extension locale d’un cancer du sein nouvellement diagnostiqué détermine le type de prise en charge chirurgicale. Le bilan recommandé consiste en une mammographie et une échographie, mais l’IRM mammaire a une meilleure performance pour la détermination de la taille tumorale et la détection de foci tumoraux à distance de la tumeur initiale. Sa réalisation amène à des résections de plus grande taille ou des mastectomies. Cependant, le bénéfice escompté sur le taux de reprises chirurgicales, de récidives ou sur la survie reste à démontrer. De plus la valeur prédictive positive basse justifie la réalisation systématique d’une biopsie de confirmation sous échographie. Le bilan d’extension par PET-CT a une meilleure sensibilité que le bilan radiologique habituel mais ne se justifie que chez des patientes à haut risque de maladie disséminée.
Le bilan radiologique du cancer du sein nouvellement diagnostiqué a une importance toute particulière puisqu’il a un impact pronostique et détermine le plan de traitement futur. Si la présence de multiples métastases implique une approche palliative, une maladie locorégionale ou une atteinte oligométastatique permet une approche curative. Celle-ci, bien que de meilleur pronostic pour la patiente, implique des traitements conséquents et grevés de complications non anodines. Afin de ne pas infliger des traitements inutiles à ces patientes, il convient d’effectuer un bilan qui permette une détection précoce des métastases. Cependant, il importe également de ne pas les priver de la possibilité d’un traitement curatif nécessitant une bonne discrimination des lésions mises en évidence. De plus, une bonne évaluation de l’étendue locorégionale de la tumeur primaire est nécessaire à la détermination du type de chirurgie. Dans cet article, nous allons revoir les examens radiologiques proposés actuellement dans le bilan initial du cancer du sein et l’apport pour le praticien oncologue et le chirurgien sénologue des nouvelles technologies d’imagerie médicale telles que l’IRM mammaire et le PET-CT.
Actuellement, les recommandations américaines du National comprehensive cancer network (NCCN) proposent une mammographie bilatérale complétée par une échographie mammaire pour l’évaluation de l’extension locale de la maladie.1 La sensibilité de la mammographie est influencée par la densité mammaire, passant de 100% pour une densité mammaire graisseuse (densité ACR 1) (tableau 1) à moins de 75% pour une densité ACR entre 2 et 4 (figure 1). L’ajout de l’échographie permet d’améliorer la sensibilité jusqu’à 97%.2,3 Selon ces mêmes recommandations, l’IRM mammaire peut être utile pour préciser l’extension locale de la maladie, particulièrement en cas de densité mammaire élevée, ou pour l’évaluation du sein controlatéral (catégorie 2B) (tableau 2).
American college of radiology, 4e édition.
L’évaluation de la taille de la tumeur est importante dans la planification du type de résection par le chirurgien sénologue. L’IRM est l’examen qui permet la meilleure appréciation de la taille tumorale et de l’extension tumorale intraductale (carcinome in situ) qui est fréquemment retrouvée en périphérie de la composante invasive.4 Une étude, portant sur 167 patientes avec des carcinomes in situ uniquement, a montré une sensibilité significativement plus élevée de l’IRM par rapport à la mammographie pour les carcinomes in situ de grade intermédiaire et de haut grade (figure 2).5 Cependant, une surestimation de l’extension de la composante in situ est parfois retrouvée lorsque les résultats de l’IRM sont confrontés à l’analyse pathologique.6 En pratique, le résultat de l’IRM mammaire peut modifier le type de chirurgie mais une biopsie de confirmation est nécessaire au vu de la faible valeur prédictive positive de l’examen. Par ailleurs, l’influence de l’IRM sur le taux de marges positives ou de reprises chirurgicales n’est pas connue.
Lors d’analyse histologique de matériel de mastectomie, des foci tumoraux additionnels invasifs ou in situ sont retrouvés à distance de la tumeur mammaire primaire dans 20 à 60% des cas.7,8 Leur détection détermine le caractère multifocal (lésions tumorales dans le même quadrant) ou multicentrique (lésions tumorales dans plusieurs quadrants) de la tumeur, et est cruciale puisqu’elle influence le type de chirurgie (conservatrice vs radicale). L’IRM semble apporter un bénéfice pour la détection de foci tumoraux additionnels par rapport à la mammographie et l’échographie, avec une sensibilité de l’ordre de 90-95% (figure 3). Mais elle se fait au détriment de la spécificité, estimée à 70%.9 Une récente analyse systématique de dix-neuf études a évalué le taux de foci supplémentaires diagnostiqués par l’IRM à une moyenne de 16%, dont les deux tiers seulement étaient positifs à l’histologie.10 Les résultats ont eu une influence sur le type de chirurgie avec conversion d’une résection simple vers une résection plus large ou une mastectomie pour 11,3% des patientes. Cependant, 5,5% des patientes subissaient à tort une chirurgie plus importante en raison de faux-positifs détectés à l’IRM.
Ces constatations justifient la réalisation d’une IRM mammaire dans le bilan préopératoire, par exemple dans des situations où la mammographie et l’échographie ne permettent pas une analyse précise de l’ensemble de la glande mammaire. L’utilité de l’IRM est notamment pressentie en cas de densité mammaire élevée ou de carcinome lobulaire,11 bien qu’aucune littérature ne permette actuellement de déterminer précisément quel sous-groupe de patientes en bénéficie le plus. La réalisation d’une biopsie de confirmation sous échographie ou IRM en l’absence de visualisation des lésions à l’échographie de second look devrait être systématique en cas de découverte d’anomalie nouvelle à l’IRM avant de modifier l’approche chirurgicale.
Les études montrant l’équivalence de survie entre une mastectomie et un traitement chirurgical conservateur avec traitement adjuvant de radiothérapie sont multiples et ne comprennent pas d’IRM dans le bilan préopératoire. L’incidence cumulative de récidive à vingt ans dans le sein ipsilatéral est estimée entre 10 et 15%.12,13 L’IRM permet certes de détecter des lésions tumorales à distance, cependant le bénéfice sur le taux de récidives locale ou à distance d’une chirurgie plus large, emportant les foci tumoraux additionnels, n’est pas clairement établi par rapport à un traitement adjuvant de radiothérapie. Une étude rétrospective évaluant 756 patientes avec un cancer du sein nouvellement diagnostiqué, ayant subi une chirurgie conservatrice puis une radiothérapie, n’a pas montré de différence entre les taux de récidives ou de survie selon la réalisation ou non d’une IRM mammaire préopératoire.14 Cependant, au vu du faible taux de récidives, la cohorte évaluée est certainement trop petite pour mettre en évidence une différence significative. De plus, le devenir des patientes pour qui l’IRM a conduit à une conversion en mastectomie n’est pas pris en compte. L’étude anglaise COMICE, actuellement en cours, compare de façon prospective le devenir de patientes ayant bénéficié ou non de la réalisation d’une IRM mammaire en préopératoire. Les résultats préliminaires intermédiaires à deux ans ne montrent pas de différence significative entre les deux cohortes. Cependant, un suivi si court ne permet pas de tirer de conclusion en raison du délai parfois important entre le diagnostic initial et la récidive dans les cancers mammaires.
Les patientes avec un diagnostic de cancer du sein ont un risque augmenté d’atteinte controlatérale. L’examen clinique et la mammographie détectent entre 2 et 3% de lésions controlatérales au diagnostic initial 3 et la sensibilité de l’IRM permet d’augmenter ce taux d’environ 3% supplémentaires. Une étude américaine a évalué de façon prospective la réalisation d’une IRM du sein controlatéral chez 969 femmes avec un cancer du sein nouvellement diagnostiqué sans lésion controlatérale sur l’évaluation par mammographie.15 L’IRM a permis le diagnostic de carcinomes invasifs ou in situ controlatéraux chez 3,1% des patientes. La découverte d’anomalie à l’IRM a motivé la réalisation d’une biopsie chez 13,9% des patientes, dont 24,8% ont conduit à un diagnostic de carcinome (valeur prédictive positive de 21%). La valeur prédictive négative élevée à 99% est par ailleurs une information importante en cas de discussion sur l’opportunité d’une mastectomie controlatérale prophylactique.
La détection de métastases à distance au moment du diagnostic est déterminante puisqu’elle écarte dans la majorité des cas une approche curative. Cependant, cette situation clinique reste rare. Une étude rétrospective italienne a évalué la prévalence de maladie métastatique chez 516 patientes avec un cancer du sein nouvellement diagnostiqué chez qui on réalisait une scintigraphie osseuse, un ultrason abdominal et une radiographie du thorax dans le cadre du bilan initial de la maladie.16 Les patientes avec des signes ou symptômes évocateurs étaient exclues de l’analyse. La prévalence de maladie métastatique détectée par la scintigraphie osseuse, l’ultrason abdominal et la radiographie du thorax était respectivement de 6,31, 0,72 et 0,93%. Au contraire des métastases osseuses, la totalité des métastases hépatiques et pulmonaires ont été diagnostiquées chez des patientes avec un cancer de stade avancé. D’autres études de plus grande taille ont confirmé les faibles taux de détection de maladie métastatique rapportés par cette étude.17 Conformément à ces constatations, les recommandations de l’European society of medical oncology (ESMO)18 et du NCCN1 préconisent un bilan par radiographie du thorax, ultrason hépatique et scintigraphie osseuse dans le cadre d’une maladie cliniquement avancée (taille et atteinte ganglionnaire), en présence de symptômes ou de signes cliniques ou biologiques évocateurs d’atteinte métastatique et en cas de traitement néoadjuvant. La réalisation d’un PET-CT peut être proposée dans certaines situations particulières (catégorie 2B).
Les données de la littérature évaluant l’apport du PET-CT dans le bilan initial du cancer du sein sont relativement ténues. La plupart des études ont évalué le PET sans CT-scan associé et ne sont donc pas représentatives du type d’imagerie pratiquée actuellement. Une étude prospective, incluant des patientes avec un cancer mammaire nouvellement diagnostiqué dont la taille tumorale était supérieure à 3 cm, a évalué l’efficacité du PET-CT sans injection de produit de contraste par rapport au bilan comprenant une scintigraphie osseuse, un CT-scan thoracique et un ultrason du foie.19 Chaque suspicion de métastase devait être confirmée par la biopsie d’au moins un site. La sensibilité du PET-CT pour les métastases à distance est évaluée à 100% et la spécificité à 98% par rapport à respectivement 60 et 83% pour l’imagerie conventionnelle dans cette étude. A notre connaissance, il n’existe pas d’étude portant sur le devenir à long terme de patientes ayant subi ou non un PET-CT dans le cadre du bilan d’extension, et la signification pronostique de lésions métastatiques hypermétaboliques sans corrélation au CT-scan reste à déterminer.
L’IRM mammaire permet une meilleure évaluation de la taille tumorale et de la multifocalité/multicentricité de la tumeur mammaire et peut donc, dans certaines situations, apporter un bénéfice dans le bilan préopératoire, notamment en cas de densité mammaire élevée ou de carcinome lobulaire. Cependant, chaque nouvelle lésion détectée par l’IRM doit être confirmée par une biopsie sous échographie ou IRM avant toute modification du type de chirurgie, ce qui amène à une augmentation des gestes diagnostiques et du délai préopératoire. Par ailleurs, la réalisation d’une IRM mammaire augmente le taux de mastectomies, et le bénéfice sur le taux de reprises chirurgicales, sur le taux de récidives ou sur la survie n’est pas connu.
Le PET-CT permet une meilleure détection des métastases à distance. Mais au vu du faible taux de maladies métastatiques au moment du diagnostic, son utilisation doit être réservée à certaines patientes à haut risque de maladie disséminée. De plus, l’influence des micrométastases détectées au PET-CT sur le taux de récidives et la survie après un traitement adjuvant à but curatif n’est pas connue. Ceci doit donc être pris en considération lors de la décision du plan de traitement.
> L’IRM mammaire préopératoire permet une meilleure évaluation de l’étendue de la maladie tumorale par rapport à la mammographie et l’échographie mammaire
> Une biopsie de confirmation doit cependant être réalisée avant de modifier l’approche thérapeutique
> L’influence de la réalisation d’une IRM mammaire sur le taux de récidives ou la survie n’est pas connue
> La fréquence de maladie métastatique lors du diagnostic d’un cancer mammaire dépend de la taille et de l’atteinte ganglionnaire
> Le PET-CT n’est pas recommandé de routine dans le bilan d’extension du cancer du sein
The preoperative staging of breast carcinoma determines the type of surgery. Mammography and echography are considered standard. Even though, breast MRI shows better performance for evaluation of the size of the tumor and for detection of additional foci of the tumor. Breast MRI appears to lead to more extensive surgery or increased numbers of mastectomy. But it remains unclear whether breast MRI contributes to reduce positive surgical margins, local recurrences and whether it increases survival. Because of the low predictive positive value, every MRI finding should be confirmed by core needle biopsy. PET-CT has the best sensibility for the detection of distant metastasis but should only be used in very high risk patients.