L’hépatite E (due au virus de l’hépatite, E VHE) est à transmission entérique. Dans les pays à faible niveau sanitaire, le VHE est endémique, et responsable d’épidémies majeures. Dans les pays à haut niveau sanitaire, le VHE est une zoonose sporadique, ou se voit chez les voyageurs revenant de zone d’endémie. L’expression clinique est identique à celle des autres hépatites virales aiguës. Les formes fulminantes représentent 1 à 4% des cas. La mortalité chez la femme enceinte est très élevée. Le diagnostic repose sur la sérologie, éventuellement la PCR. Des formes chroniques peuvent se voir chez les immunodéprimés. Il n’y a pas de traitement spécifique. La prévention pour le voyageur en zone endémique repose sur l’application des précautions générales relatives à la qualité des eaux ingérées. Il n’y a actuellement pas de vaccin disponible.
Le virus de l’hépatite E (VHE) représente un véritable problème de santé publique dans les pays à faible niveau sanitaire où il est installé en situation endémique ou hyperendémique, et provoque des épidémies majeures. Dans les pays à haut niveau sanitaire, son épidémiologie est soit une zoonose sporadique autochtone, soit se rencontre chez le voyageur revenant de zone d’endémie.
Les connaissances des aspects cliniques, de la gravité, de l’évolution et de l’épidémiologie des infections à VHE ont considérablement évolué ces dernières années.
Le VHE est un virus à transmission féco-orale. Les particules virales sont relativement stables dans l’environnement, permettant une transmission tant directe de personne à personne, qu’indirecte par l’eau et certains aliments contaminés.
La transmissibilité est élevée, comme en témoignent les très vastes épidémies rapportées, et les taux de séroprévalence élevés dans les zones du monde où le VHE est endémo-épidémique.
L’épidémiologie des infections par le VHE est très contrastée selon les régions du monde, pour des raisons de niveau d’hygiène et peut-être de tropisme viral.1
Dans les pays à faible niveau sanitaire d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud, le VHE est hyperendémique. Le réservoir est humain. La transmission est assurée par les eaux contaminées ou par les selles des patients. Les génotypes des virus circulants sont les génotypes 1 principalement, ou 2. Ces génotypes sont quasi exclusivement humains.
Le VHE est dans ces régions la cause de plus du quart des hépatites aiguës autres que A ou B. Les études de séroprévalence pour le VHE rapportent des taux variant de 20 à 60% dans la population générale. Contrastant avec l’épidémiologie locale de l’hépatite A (90% des infections surviennent avant l’âge de cinq ans), le pic d’incidence de l’hépatite E se situe entre 15 et 35 ans. La circulation virale est donc très élevée dans ces régions.
Des épidémies de plusieurs dizaines de milliers de cas sont rapportées séquentiellement dans ces zones.
Dans les pays à haut niveau sanitaire, l’hépatite E est une zoonose sporadique. Le réservoir est animal, en particulier porcin. L’infection humaine se fait par consommation de viande infectée insuffisamment cuite. De petites épidémies d’origine alimentaire ont été rapportées. Quelques épidémies intrafamiliales ont également été rapportées, par transmission directe interhumaine. La séroprévalence humaine est faible, entre 1 et 4% selon les études. Les infections sont majoritairement attribuées au génotype 3, pour lequel la transmissibilité interespèce a été démontrée.
Les voyageurs sont donc exposés dans les régions hyperendémiques pour le VHE, comme le montre une étude italienne récente.2 109 (81,3%) de 134 patients ayant présenté une hépatite E aiguë avaient acquis leur infection au cours d’un voyage dans une région hyperendémique, très majoritairement en Inde, au Pakistan et au Bengladesh.
Le VHE est le seul membre du genre Hepevirus. Quatre génotypes sont connus. Le génotype 1, qui semble strictement humain, est la cause principale des hépatites dans la situation endémo-épidémique d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud. Le génotype 2 a été identifié dans les mêmes régions, mais a une diffusion plus limitée.3
Les génotypes 3 et 4 sont retrouvés chez les cas survenant dans les régions à haut niveau sanitaire. Le génotype 3 est également très largement répandu dans le monde animal, les porcs en particulier.3
L’expression clinique de l’hépatite E aiguë ne diffère pas des autres hépatites virales aiguës (figure 1).4
L’incubation dure de trois à cinq semaines. Le spectre clinique va des formes asymptomatiques aux défaillances hépatiques fulminantes, en passant par les formes modérées. La forme habituelle clinique modérée associe syndrome pseudo-grippal, anorexie et douleurs abdominales. Un ictère est présent dans 75% des cas d’une série anglaise.
La durée des symptômes cliniques est de trois à cinq semaines. La cytolyse hépatique est concomitante de la symptomatologie clinique. Les chiffres de transaminase sont élevés, au-delà de 1000 UI/l, et culminent à la sixième semaine après l’infestation. La décroissance est lente.
Les formes graves ne sont pas exceptionnelles. Leur fréquence varie de 1 à 4% des cas selon les séries.4 Certaines situations sont à risque plus élevé de faire des formes graves. La grossesse est un facteur de risque majeur d’hépatite fulminante.5 Le risque pour une femme enceinte présentant une hépatite E aiguë d’évoluer vers une forme fulminante est extraordinairement élevé. Les taux de mortalité pour les femmes enceintes présentant une hépatite E sont de 30 à 40% selon les séries.
Les patients ayant une hépatopathie chronique sont aussi beaucoup plus à risque de faire des hépatites graves avec un taux de mortalité immédiat ou dans l’année très important, atteignant 70% dans une série indienne.6,7
Le diagnostic repose sur la biologie : sérologie et détection virale par biologie moléculaire.4
La cinétique de réponse des anticorps suit une courbe conventionnelle, avec la présence d’IgM dès le début des symptômes. Les IgG apparaissent rapidement, atteignent en quelques jours le pic, et persistent plusieurs années. La sensibilité de la sérologie est élevée, rapportée entre 87 et 95% selon les séries et les techniques. Les faux négatifs existent, en particulier au cours des formes fulminantes.
Le virus peut être détecté dans le sang et les selles par technique PCR (polymerase chain reaction) conventionnelle. La virémie précède de quelques jours l’apparition des signes cliniques. La fenêtre de détectabilité dans le sang et les selles est relativement courte, de l’ordre de 15 à 50 jours. La recherche du VHE par PCR est surtout pertinente dans la situation d’hépatite grave, au cours de laquelle les anticorps peuvent manquer au début, du fait d’une apparition tardive.
La découverte de formes chroniques d’infection par le VHE est récente. Elles sont actuellement retrouvées uniquement chez les immunodéprimés. Les transplantés d’organes solides sont particulièrement à risque d’évolution vers la chronicité après une hépatite E aiguë.8 Un récent travail rapporte une évolution vers la chronicité de 56 (60%) de 85 receveurs d’organes solides ayant été infectés par le VHE.9 Des cas d’infection chronique par le VHE ont également été rapportés chez des patients ayant des hémopathies malignes, ou des infections par le VIH avec immunodépression sévère.10 L’évolution peut se faire vers la fibrose progressive et la constitution d’une cirrhose.
L’infection par le VHE fait partie, pour ce qui concerne les voyages dans les pays à faibles ressources, des risques liés à l’eau. La protection des voyageurs rejoint donc l’application des précautions générales relatives à la qualité sanitaire des aliments et boissons ingérés.
Nous ne disposons pas actuellement de vaccin. Cependant, deux candidats vaccins ont été évalués par deux larges études, effectuées dans des zones endémo-épidémiques, le Népal et la Chine. Les résultats montrent qu’ils sont sûrs et efficaces.11,12 D’assez nombreuses questions persistent. Leur efficacité sur tous les génotypes de VHE peut être espérée, mais ce point n’a pas été évalué. Les essais n’ont pas inclus d’enfants ni de femmes enceintes, particulièrement vulnérables.
> L’hépatite E est hyperendémique dans la plupart des régions du monde à faible niveau sanitaire
> La transmission du virus de l’hépatite E (VHE) est orale, par l’intermédiaire de l’eau contaminée dans ces régions
> Le VHE est un risque lié à l’eau pour le voyageur
> Les formes fulminantes ne sont pas rares (1 à 4% des cas). Les femmes enceintes sont particulièrement à risque de formes graves, ainsi que les personnes ayant une hépatopathie chronique
> L’évolution vers la chronicité est rencontrée chez l’immunodéprimé
Hepatitis E is caused by the Hepatitis E Virus (HEV), entericaly transmitted. In areas with poor sanitation, HEV is responsible for high endemicity and major outbreaks. In countries with high sanitary conditions, HEV is a zoonosis responsible for sporadic cases, and is encountered in travellers returning from endemic areas. The clinical manifestations are not distinguishable from that caused by other causes of acute viral hepatitis. Fulminant hepatitis are encountered in 1 to 4% of acute hepatitis E. Remarquably, mortality among pregnant women is very high. Diagnosis can be made by serological testing and eventually viral detection by PCR. HEV can cause chronic infection in immunocompromised patients. There is no specific therapy. There is no vaccine currently available.