Le médecin de famille est souvent sollicité pour rédiger une dispense d’éducation physique pour un adolescent. La connaissance des objectifs et exigences de l’éducation physique pendant la scolarité obligatoire et postobligatoire est utile pour aider les praticiens à aborder ce sujet important pour la santé physique et psychique des jeunes patients. Le programme d’éducation physique individualisée (EPI) développé par l’enseignement supérieur à Genève peut être une ressource institutionnelle. Afin de discuter des raisons, puis des moyens de lutter contre la sédentarité à l’école et durant les loisirs, le praticien peut utiliser les outils de l’entretien motivationnel en s’aidant de la «pyramide de l’entretien motivationnel chez le jeune».
Il n’est pas rare pour le médecin de famille, interniste généraliste ou pédiatre, d’être confronté à une demande de «certificat pour la gym». Si une dispense de participation au cours d’activité physique est aisément remplie, il convient de s’interroger sur les éventuels effets délétères d’une telle prescription : l’absence d’activité physique n’est-elle pas défavorable à la santé du jeune ? L’alternative, fréquemment envisageable, consiste à prescrire une activité physique adaptée. Le défi pour le médecin est alors de s’assurer que cette prescription est une occasion d’informer et de motiver l’adolescent dans le cadre de la consultation. A travers deux vignettes, illustrant des situations-types rencontrées en médecine de famille, nous offrons quelques pistes pour aider les praticiens à proposer une prescription adaptée aux adolescents réticents envers l’activité physique.
Vous suivez Lucas (quatorze ans) depuis quelques années pour un asthme avec exacerbations saisonnières, pour lequel vous avez prescrit un traitement de réserve. Récemment, il a eu une mauvaise note de sport car il n’a pas pu réaliser correctement tous les exercices d’athlétisme. Il incrimine un asthme d’effort et vous demande un certificat médical afin d’être définitivement exempté de gymnastique durant cette année scolaire.
Lucas est de toute évidence démotivé par son manque de performances et la mauvaise note qui en découle. Plusieurs aspects peuvent être discutés dans cette situation : l’éducation physique à l’école, l’asthme et ses facteurs aggravants à l’adolescence et la gestion des certificats médicaux de dispense.
Dans tous les cantons de Suisse, l’éducation physique est obligatoire et fait intégralement partie du cursus scolaire. L’activité physique a également été valorisée dans le nouveau plan d’études romand et constitue une priorité de santé publique nationale et internationale.
Cette activité est évaluée de façon variable de canton en canton (par exemple : note à Genève, appréciation dans le canton de Vaud). Comme il s’agit d’une discipline scolaire à part entière, il est nécessaire de l’évaluer de façon à donner une information formative à l’élève et de s’assurer qu’il acquiert les compétences nécessaires.
Dans les cantons qui appliquent le Plan d’étude romand (PER), la note est divisée en trois parties, le savoir, le savoir-être et le savoir-faire. Cette démarche permet en principe à tout élève motivé d’avoir une note suffisante en éducation physique et, en même temps, elle donne la possibilité aux élèves particulièrement doués pour cette discipline de s’assurer une bonne moyenne.
La performance en éducation physique est, comme dans d’autres branches scolaires, fortement liée à certaines prédispositions et est aussi en lien avec un travail régulier (entraînement) fourni dans cette discipline. Il en découle qu’un élève avec une faible capacité d’endurance sera toujours moins performant, même s’il s’entraîne régulièrement. Cette iniquité liée à la prédisposition génétique n’est pas unique à l’activité physique : elle se retrouve également dans les autres disciplines scolaires. Cependant, un élève peu performant en endurance peut très bien obtenir la moyenne en s’engageant dans l’activité, en s’appliquant et en suivant régulièrement les cours. D’autre part, il pourra se racheter dans d’autres disciplines comme les disciplines de vitesse, de coordination ou les jeux d’équipes.
Les bénéfices aux niveaux de la santé, de la scolarité et du bien-être sont indéniables et ont été repris dans une multitude de publications.1,2 Actuellement, les recommandations pour les enfants et les jeunes sont une heure d’activité physique modérée par jour, si possible distribuée sur une variété d’activités sportives.3 Elle est de 150 minutes par semaine pour les adultes et moins si l’activité est plus intensive.4
Les études récentes montrent que l’inactivité physique ou une faible capacité d’endurance influencent les facteurs de risque cardio-vasculaires tels l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie et le surpoids. Par ailleurs, l’activité physique régulière permet de diminuer ou d’annihiler les comorbidités chez des personnes en surpoids.5 Cet article illustre le fait que de cesser d’être actif équivaut au risque d’être tabagique. Les bénéfices pour la santé d’une activité physique sont également d’ordres psychique et social avec une diminution du stress, une amélioration de l’image de soi et de l’intégration sociale.
Il découle de ces observations qu’il s’agit d’une priorité de maintenir, dans la mesure du possible, un enfant dans les cours d’éducation physique, tant pour des raisons d’équité scolaire que pour des raisons de santé.
Dans cette situation, Lucas présentait un asthme a priori bien contrôlé par la prise d’un bronchodilatateur juste avant les efforts. L’asthme d’effort équilibré par la prise d’un bêta2-agoniste n’est en principe pas une contre-indication à la pratique d’une activité sportive.6 Il est également à signaler que bon nombre d’athlètes de haut niveau, qui pratiquent du sport très intensif, présentent un asthme d’effort. Il serait donc peu raisonnable de dispenser Lucas de l’éducation physique sur la base de cette problématique, l’activité physique étant bénéfique pour le bon fonctionnement du système cardio-pulmonaire. Il est en revanche important de rechercher des facteurs ayant pu aggraver cet asthme. A cet âge, on pensera en premier lieu à une exposition nouvelle à la fumée active ou passive de tabac et/ou de cannabis.
Il est en principe de la responsabilité de l’élève de prendre son médicament ou de l’avoir à disposition pendant les cours d’éducation physique. Dans les écoles genevoises, nous disposons d’un projet d’accueil individualisé (PAI) faisant état des problèmes de santé dont pourrait souffrir un élève ainsi que la marche à suivre en cas de crise ou de problème.7 Le médicament est également à disposition à l’infirmerie en cas de nécessité.
Dans le cas présent, la problématique se situe autour de la demande du jeune et/ou de sa famille (et la mise en évidence d’un éventuel agenda caché), en rapport avec les exigences scolaires propres à chaque établissement. Il s’agit pour le médecin de trouver un levier qui permette de négocier une poursuite normale ou adaptée de l’activité physique à l’école. Il sera important de créer un dialogue entre le praticien, l’adolescent, ses parents et l’école afin que les enjeux et les bénéfices de cette prescription d’activité physique soient discutés et reconnus.
Mlle Fatima H., dix-neuf ans, d’origine africaine et habitant en Suisse depuis dix ans, a consulté plusieurs fois dans le passé pour des lombalgies communes. La jeune patiente évoquait sa mauvaise image d’elle-même à cause d’un léger surpoids (IMC à 26), raison de nombreux régimes restrictifs sans résultat. Elle a été acceptée pour une formation dans une haute école de travail social et annonce d’emblée qu’elle a «trop honte» de son corps et qu’elle ne pourra pas faire les cours de gym. Elle demande une dispense de gym pour toute l’année.
Cette vignette permet d’aborder la question du sport dans le postobligatoire et de souligner les informations que le médecin de famille peut mettre en avant pour motiver une jeune fille qui se plaint de problèmes de dos et de poids.
Une étude, faite dans les écoles postobligatoires du canton de Genève en 1995, a pu démontrer un nombre considérable de dispenses de sport à l’année, surtout chez les filles des écoles du secondaire supérieur. Ceci a débouché sur une modification des certificats médicaux et des règlements scolaires limitant la dispense à une période de trois mois.8
On note assez souvent chez les adolescentes une certaine appréhension à participer à l’éducation physique scolaire ou à faire de l’activité physique. Cette tendance augmente avec l’âge. Les premières études à montrer cette tendance à la diminution de l’activité physique avec l’âge datent des années soixante où l’on voit une diminution relativement importante de l’activité physique autour de l’adolescence et de façon plus marquée chez les filles que chez les garçons.9 Les raisons invoquées pour expliquer cette diminution sont multiples : le changement de pôles d’intérêts, la puberté, la prise de poids, l’hygiène (transpiration), l’environnement socio-scolaire et, dans une certaine mesure, l’évolution des êtres vivants qui ont une tendance naturelle à réduire leur activité physique lorsqu’ils arrivent à l’âge adulte.10,11
Certaines écoles du postobligatoire proposent des cours d’éducation physique individualisés (EPI). A Genève, ces cours d’EPI ont permis de réduire d’environ 50% le nombre de certificats médicaux présentés par les élèves et ont permis aux élèves blessés, ou souffrant de maladies complexes, de participer à une activité physique adaptée à leur problématique de santé.
Il s’agira donc de connaître cette possibilité, de proposer à l’élève de faire une éducation physique adaptée ou individualisée, et de noter ceci sur le certificat médical afin d’en informer l’enseignant.
Durant les consultations en médecine de premier recours, il reste important d’essayer d’encourager les jeunes à poursuivre leur activité physique pour les raisons déjà mentionnées dans la vignette précédente. Cet encouragement concerne tant l’activité sportive à l’école qu’en dehors des heures scolaires. Le praticien profitera de la discussion pour indiquer à l’adolescent qu’une activité physique n’est pas nécessairement une activité sportive structurée. Il peut explorer avec lui les possibilités d’effectuer des trajets à pied, en trottinette ou en vélo, car le bénéfice de ce genre d’activité (par tranches de dix minutes) est démontré.
Dans le cas de Fatima, le médecin de famille peut aussi mettre en avant d’autres avantages comme l’amélioration des lombalgies si la patiente muscle mieux son dos ainsi que les avantages de l’activité physique pour gérer le stress des études d’assistante sociale, etc.12
Ainsi, on voit que les arguments scientifiques ne manquent pas et sont autant de leviers sur lesquels le praticien peut s’appuyer pour motiver la jeune patiente. L’entretien motivationnel est un outil très utile dans ce type de discussion. Cette approche relationnelle a été adaptée au contexte particulier des entretiens avec les jeunes adultes.13,14 La figure 1 résume les principaux éléments de l’entretien motivationnel adapté aux discussions avec des jeunes adultes.
La pyramide représente très schématiquement les différents éléments (pas forcément chronologiques) d’un entretien autour de l’activité physique. Un esprit de collaboration et de partenariat sous-tend toutes les discussions et le praticien pourrait commencer par : «je ne suis pas là pour vous dire ce que vous devez faire comme sport, mais plutôt pour découvrir ce qui se passe dans votre vie et pour vous aider à faire les changements que vous déciderez de faire…»
Par la suite, le praticien peut guider le patient à travers son ambivalence (qui est normale !) en le laissant expliquer ses réticences à pratiquer une activité physique et en l’encourageant à choisir parmi des choix multiples une activité adaptée à sa situation. A tout moment de l’entretien, le médecin sera appelé à répondre à la résistance : il s’agit de faire un pas en arrière, «laisser couler» pour éviter une confrontation.
Quand le jeune patient commence à dire des phrases en faveur du changement, son médecin y sera attentif et les renforcera si possible. Si la discussion s’y prête, il est utile d’aborder un plan d’action très simple : vérifier les horaires de la piscine, réparer le pneu crevé du vélo, etc.
Cet article sur la prescription de l’activité physique aux adolescents et jeunes adultes a permis d’aborder la particularité de l’activité physique dans le cadre scolaire et parascolaire. Les bénéfices de l’activité physique à l’adolescence étant démontrés, l’accent est mis sur l’importance d’encourager le jeune à participer à l’activité sportive à l’école en pré et en postobligatoire même en cas de réticence physique ou psychologique. En effet, le médecin de famille joue un rôle central puisqu’il reçoit les demandes de dispense. Des programmes d’intégration des enfants et adolescents à la gymnastique scolaire sont une aide précieuse sur laquelle le praticien peut s’appuyer. Le médecin de famille peut faire appel à une approche motivationnelle pour définir un plan d’action adapté à chaque situation individuelle.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt en relation avec cet article.
> Etant donné les bénéfices démontrés d’une activité physique sur la santé, le bien-être et la scolarité, la rédaction d’une dispense d’éducation physique doit rester exceptionnelle
> Les recommandations actuelles pour les enfants et les jeunes sont une heure d’activité physique modérée par jour, si possible distribuée sur une variété d’activités sportives
> Un jeune en surpoids peut considérablement améliorer sa santé en faisant régulièrement une activité physique, même s’il ne perd pas de poids
> Une majorité des cas de dyspnée d’effort à l’école sont dus au manque d’entraînement. Un asthme contrôlé n’est pas une contre-indication à l’éducation physique
> Une alternative aux cours traditionnels (éducation physique individualisée), pour les patients malades chroniques ou blessés, permet de réduire les demandes de certificats médicaux et offre un levier au médecin pour motiver le jeune
> L’entretien motivationnel est un excellent outil pour entrer en discussion avec le jeune sur la thématique de l’activité physique
Family doctors often face requests to exempt adolescents from physical education classes. Knowledge of the goals of physical education in compulsory and post-compulsory education can help the practitioner discuss this important subject and its physical and mental health implications. In Geneva, an innovative programme called «EPI» (individualised physical activity at the secondary school level) has been developed and doctors can refer adolescents who otherwise would not be able to participate in conventional gym classes. Motivational interviewing techniques the «motivational interviewing pyramid for young people» are useful to help the practitioner during these consultations.