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ISO 690 Serra, A., Gunten, A., V., Mosimann, U., Favrat, B., Aptitude à la conduite, pathologies psychiatriques et psychotropes chez la personne âgée, Rev Med Suisse, 2014/428 (Vol.10), p. 981–985. DOI: 10.53738/REVMED.2014.10.428.0981 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2014/revue-medicale-suisse-428/aptitude-a-la-conduite-pathologies-psychiatriques-et-psychotropes-chez-la-personne-agee
MLA Serra, A., et al. Aptitude à la conduite, pathologies psychiatriques et psychotropes chez la personne âgée, Rev Med Suisse, Vol. 10, no. 428, 2014, pp. 981–985.
APA Serra, A., Gunten, A., V., Mosimann, U., Favrat, B. (2014), Aptitude à la conduite, pathologies psychiatriques et psychotropes chez la personne âgée, Rev Med Suisse, 10, no. 428, 981–985. https://doi.org/10.53738/REVMED.2014.10.428.0981
NLM Serra, A., et al.Aptitude à la conduite, pathologies psychiatriques et psychotropes chez la personne âgée. Rev Med Suisse. 2014; 10 (428): 981–985.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2014.10.428.0981
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synthèse
30 avril 2014

Aptitude à la conduite, pathologies psychiatriques et psychotropes chez la personne âgée

DOI: 10.53738/REVMED.2014.10.428.0981

Fitness to drive in elderly drivers is most commonly discussed with a focus on cognitive impairment. Therefore, this article is focussing on mental illness and the use of psychotropic drugs in elderly drivers, which can both interfere with fitness to drive. Based on a detailed literature review and on clinical judgement, we propose signposts and «red flags» to judge the individual risks. Health professionals dealing with elderly patients should in particular be aware of the dangers related to cumulative risks and need to inform the patients appropriately. For medico-legal reasons the information provided to patients must be written down in the medical record. Individual counselling is important as fitness to drive is a complex topic.

Résumé

L’aptitude à la conduite automobile chez les patients âgés et malades est une question régulièrement débattue en lien avec les troubles cognitifs. Toutefois, cet article se concentre sur les autres pathologies psychiatriques et les médicaments psychotropes qui sont moins souvent discutés bien qu’ils puissent aussi influer sur l’aptitude à la conduite. Sur la base d’une recherche de littérature et du jugement clinique, nous proposons une classification indicative des risques et quelques drapeaux rouges. Les professionnels qui s’occupent des patients âgés doivent être attentifs au cumul des facteurs de risques pour la conduite et bien informer leurs patients. Pour des raisons médico-légales, il est impératif de consigner dans le dossier médical l’information donnée. Le conseil individualisé reste nécessaire dans ce domaine complexe.

Introduction

Pour la personne âgée, continuer à conduire a plusieurs avantages, dont le maintien de son indépendance, une sensation de bien-être et de contrôle et la prévention de l’isolement. L’arrêt de la conduite peut avoir des conséquences néfastes sur l’état de santé et augmenter les symptômes dépressifs.1-3 Mais à quel prix la personne âgée malade peut-elle continuer à conduire ? Quand devrait-elle faire une pause et quand devrait-elle arrêter définitivement ?

Concernant les troubles psychiatriques, les médicaments psychotropes et la conduite, il y a de nombreuses études chez le sujet de moins de 65 ans, beaucoup moins chez le sujet plus âgé. En outre, il reste difficile d’évaluer la capacité réelle de conduite et le risque d’accident à partir des tests (neuropsychologiques, psychomoteurs, sur simulateur ou sur route). Concernant les médicaments, d’une part les études épidémiologiques prennent en compte des groupes de médicaments plutôt que des molécules spécifiques et la variabilité individuelle de la réponse du patient ne peut être mise en évidence. D’autre part, lorsque des études sont faites sur des volontaires sains – jeunes adultes en général – il faut être prudent quant à la généralisation des résultats aux patients âgés.

Un conseil individualisé est donc toujours nécessaire, tant par rapport aux pathologies qu’aux médicaments. A cela s’ajoute la nécessité médico-légale de consigner dans le dossier ce qui a été dit au patient des risques encourus.

Principales bases légales en Suisse

L’Annexe 1 de l’ordonnance réglant l’admission des personnes dans la circulation (OAC) définit les exigences médicales minimales pour la conduite (www.admin.ch/ch/f/rs/7/741.51.fr.pdf). Concernant les aspects psychiatriques, un conducteur ne doit pas présenter «de grave maladie des nerfs, de maladie mentale importante, d’oligophrénie, de psychopathie, ni de trouble ou perte de conscience périodique ni de trouble de l’équilibre». Dans une nouvelle version, qui est actuellement à l’état de projet, il est proposé qu’un conducteur ne doive pas présenter de «troubles psychiques avec effet important sur la perception de la réalité, l’acquisition et le traitement de l’information, la réactivité ou l’adaptation du comportement à la situation. Il ne devrait pas y avoir de troubles graves de la personnalité ou de troubles du comportement asociaux marqués».

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Par ailleurs, lorsque le médecin ne se trouve pas dans une situation d’expert, l’article 15d alinéa 1, let.e de la Loi sur la circulation routière (www.admin.ch/ch/f/rs/7/741.01.fr.pdf) dès le premier janvier 2013 précise que : «Si l’aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l’objet d’une enquête, notamment dans les cas suivants : [..] Communication d’un médecin selon laquelle une personne n’est pas apte, en raison d’une maladie physique ou mentale ou d’une infirmité, ou pour cause de dépendance, de conduire un véhicule automobile en toute sécurité.» Art 15d alinéa 3 : «Les médecins sont libérés du secret professionnel dans le cas des communications au sens de l’al. 1, let. e. : Ils peuvent notifier celles-ci directement à l’autorité cantonale responsable de la circulation routière ou à l’autorité de surveillance des médecins.». Dans un cas, où un patient diabétique de 82 ans présentant des problèmes visuels avait percuté mortellement une jeune cycliste, le tribunal fédéral a confirmé que les médecins (en l’occurence le médecin de famille et l’ophtalmologue) n’avaient aucune obligation de signaler l’inaptitude probable de leur patient.4

Par contre, toujours selon la jurisprudence actuelle, le médecin doit dans tous les cas pouvoir apporter la preuve du caractère suffisant de l’information qu’il a fournie. Le médecin a donc l’obligation d’informer le patient qui ne pourrait pas conduire en raison d’un problème médical ou médicamenteux et de le noter dans le dossier médical (Bases juridiques pour le quotidien du médecin, édité par l’Académie suisse des sciences médicales et la FMH 2013:39-43. www.fmh.ch/files/pdf11/SAMW-Rechtliche_Grundlagen_2012_FI1.pdf.

Troubles psychiatriques et conduite

On considère qu’un risque d’accident légèrement à modérément augmenté existe pour les maladies psychiatriques, comme pour les maladies cardio et cérébrovasculaires, musculosquelettiques, le diabète, l’épilepsie, la démence, l’apnée du sommeil et les troubles de la vision.5

Cela concerne la dépression, la schizophrénie, l’abus ou la dépendance à l’alcool,5 ainsi que les troubles anxieux et les troubles de personnalité.6 De façon générale, un niveau élevé d’anxiété est corrélé à une conduite dangereuse ainsi qu’au taux d’accidents et de conduite en état d’ébriété.7 Ces maladies psychiatriques peuvent être des signaux d’alarme généraux quant à une altération de l’aptitude à la conduite, mais bien des patients atteints sont encore aptes à conduire.5,6 Il faut noter toutefois que la majorité des patients avec dépression ou schizophrénie ont une altération modérée à sévère de leur aptitude à la conduite à la sortie de l’hôpital psychiatrique.8-10 De même en psychiatrie ambulatoire, la plupart de ces patients, dont des chauffeurs professionnels, conduisent quotidiennement.11

Dépression

Il y a des données contradictoires sur l’aptitude à la conduite des patients déprimés sous antidépresseurs. L’effet de la maladie et celui des psychotropes peuvent être difficilement dissociables. Le risque semble dépendre de plusieurs facteurs, incluant l’âge du patient, l’intensité des symptômes, le type d’antidépresseur, le dosage et la phase de traitement, et les autres psychotropes prescrits en même temps. Ainsi, le risque est plus élevé si le sujet est plus âgé, en début de traitement et lors d’augmentation de la dose, lors de titration rapide ou de dose élevée d’antidépresseur, avec une comédication de psychotrope, surtout de benzodiazépines, et en présence de symptômes dépressifs.12 Les autres facteurs susceptibles d’influer sur l’aptitude à la conduite sont les comorbidités (alcool, apnée du sommeil) et en particulier, chez le sujet âgé, les troubles cognitifs. Ces derniers sont fréquemment associés à la dépression, persistants même après la rémission des symptômes.13

Le risque d’accident est significativement augmenté pour les patients sous inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), même si l’antidépresseur en lui-même est considéré comme comportant peu de risques. Cela peut être en lien avec les comorbidités, la dépression elle-même, voire une intentionnalité suicidaire ou un manque de compliance.14 La prescription d’antidépresseurs de seconde génération (ISRS et autres nouveaux antidépresseurs) chez l’âgé est associée à une augmentation modeste du risque d’accident lorsqu’elle est combinée à des benzodiazépines ou des médicaments à effet anticholinergique.15 Une étude de population (18-69 ans) a montré une augmentation légère du risque d’accident après la prescription de n’importe lequel des seize antidépresseurs inclus (de types sédatif et non sédatif, anciens et nouveaux).16

Au sortir d’un séjour psychiatrique pour dépression, 16% des patients (de 20 à 78 ans) sont considérés inaptes à la conduite. Dans 60% des cas, l’aptitude semble discutable aux tests et un conseil individualisé tenant compte des facteurs compensatoires (longue expérience de conduite, préservation de la conscience morbide et absence de traits de personnalité défavorables) serait indiqué. Il y a un avantage pour les patients sous ISRS et encore plus sous mirtazapine, comparés aux patients sous tricycliques ou venlafaxine.9

Trouble bipolaire

Le trouble bipolaire est un facteur de risque pour la conduite sous influence (alcool ou drogue),17 mais cela n’est guère étudié chez le sujet âgé.

Schizophrénie

La schizophrénie augmente légèrement le risque d’accident.5 Selon Palmer,18 43% des patients schizophrènes d’âge moyen à avancé (43-84 ans) sont des conducteurs actifs, d’où l’importance d’être attentif à l’aptitude à la conduite de ces patients. Mais, sur ce sujet également, les études concernent surtout des patients de moins de 65 ans qui ne sont ni polymorbides ni polymédiqués, contrairement à bien des patients schizophrènes âgés.

Chez les schizophrènes, il peut être difficile de distinguer la dysfonction cognitive liée à la maladie de celle liée aux antipsychotiques. Toutefois, les études suggèrent que les neuroleptiques atypiques améliorent la cognition et la performance psychomotrice.

La majorité des patients schizophrènes, prêts à quitter l’hôpital, sont atteints dans leur fonction psychomotrice concernant l’aptitude à la conduite, dont 10-30% sévèrement.8,10

Conduite à risque et personnalité

Ce sujet a été beaucoup étudié chez le jeune adulte, mais les recherches sont limitées et contradictoires chez l’âgé. De même que chez les jeunes, le sujet âgé qui a une personnalité de type sensation-seeking et impulsive a tendance à avoir une conduite risquée. Un tempérament cherchant le risque est clairement lié au risque d’accident chez le jeune adulte, mais chez le sujet âgé il pourrait, au contraire, représenter des avantages (mieux s’élancer pour entrer sur l’autoroute, par exemple) qui compensent un ralentissement et une attitude hésitante. Il y aurait donc un lien inconstant au cours de la vie entre la personnalité et la conduite risquée.19

Médicaments psychotropes

Les médicaments associés aux accidents de voiture chez l’âgé sont les mêmes que chez le jeune, à savoir les benzodiazépines (surtout de longue demi-vie), les antidépresseurs cycliques et les opiacés.20 Une étude de population sur la relation entre psychotropes et blessures par accidents de voiture chez le sujet de plus de 65 ans a montré un risque accru d’accident sous traitement par antidépresseurs tricycliques (risque relatif de 2,3) ainsi qu’opiacés dans une moindre mesure. Par contre, elle n’a trouvé qu’une faible association sous traitement de benzodiazépines et antihistaminiques.21 Toutes les études épidémiologiques, en effet, ne concordent pas quant à l’augmentation du risque d’accident chez l’âgé sous benzodiazépines hypnotiques.22

Opiacés

Il est généralement admis que les patients qui initient un traitement ne doivent pas conduire, mais pour les traitements stables et chroniques, la situation est différente. Les auteurs d’une revue de littérature de 2003 considèrent que les patients sous opiacés peuvent conduire a priori. Mais il s’agit de leur conseiller individuellement de s’abstenir s’ils se sentent somnolents, de ne pas consommer en plus de l’alcool ou des antihistaminiques, et de s’abstenir de conduire pendant quatre à cinq jours en cas d’augmentation de la dose.23

Benzodiazépines

Toutes les benzodiazépines altèrent la capacité de conduite, mais d’une façon dépendante du dosage, de la demi-vie et du temps écoulé depuis la prise. La plupart des études expérimentales sont faites sur des jeunes en bonne santé. Or, l’effet résiduel des hypnotiques est en général plus prononcé chez les âgés ;22 les comorbidités ou la comédication peuvent contribuer à l’accumulation de la molécule. Il y a pour la plupart des benzodiazépines testées une corrélation quasi linéaire entre le taux sanguin et l’altération de la performance. L’altération de la conduite le lendemain de la prise d’une benzodiazépine comme somnifère est comparable à celle occasionnée par une alcoolémie de 0,5 à 1‰.20

Les benzodiazépines hypnotiques qui ont une longue demi-vie altèrent la capacité de conduite même l’après-midi suivant la prise du soir. Pour le zolpidem et le zaleplon, s’ils sont pris selon les recommandations (cave si prise en milieu de nuit !), on ne retrouve pas d’altération significative de la conduite le jour suivant. L’effet des benzodiazépines prises de jour comme anxiolytiques sur la conduite est plus marqué du fait de l’intervalle plus court entre la prise et le test.24 Une tolérance se développe, mais lentement, et l’effet néfaste sur la conduite peut donc durer des semaines après le début du traitement. Si le médicament est pris irrégulièrement, la tolérance se développe d’autant plus lentement.22 Même à un an, le risque d’accident est augmenté chez les patients consommant des benzodiazépines de longue demi-vie. Lors des sept premiers jours de traitement, ce risque augmente de près de 50%. Par contre, il n’est pas retrouvé d’augmentation du risque pour les benzodiazpines de courte demi-vie.25 Mais il y a d’importantes différences individuelles quant à l’altération de la capacité de conduite.

Antidépresseurs

Selon des études sur volontaires sains (la plupart pas âgés), les ISRS et les antidépresseurs non sédatifs ne sont pas associés à une altération significative de la conduite, sauf en cas de comédication de benzodiazépine.26 Les antidépresseurs sédatifs (tricycliques, miansérine, mirtazapine) ont un effet qui disparaît en une semaine sauf pour la miansérine dont l’effet perdure à deux semaines quand la prise est faite la journée.26 Les doses aiguës d’antidépresseurs sédatifs ont un effet comparable à celui d’une alcoolémie de 0,8‰, mais la prise nocturne n’a que très peu d’effets le lendemain, inférieur à une alcoolémie de 0,5‰. Prendre les antidépresseurs sédatifs le soir uniquement est donc une façon de minimiser les risques pour la conduite.24,26 La mirtazapine, bien que considérée comme sédative, semble augmenter la sécurité de conduite chez les patients adultes avec dépression majeure ; l’amélioration de l’architecture du sommeil peut en être une explication possible.27

Thymorégulateurs

Le lithium est associé à une altération de la mémoire et un ralentissement du temps de réaction.20 Il altère les performances psychomotrices même en l’absence d’effet sédatif, d’où l’importance d’en informer le patient.28 Chez le sujet âgé, il y a plus souvent une prise de lithium chez les gens accidentés par rapport à un groupe contrôle, selon une étude incluant plus de 5000 sujets de 67 à 84 ans.29 Mais globalement, le lithium et le valproate ne représentent guère un risque important pour le trafic dans la population de 18 à 69 ans. Il n’y a pas d’augmentation des accidents sous ces traitements, à part pour des jeunes femmes sous lithium. Cette absence d’augmentation peut être due à une absence d’effet du médicament sur la conduite ou au fait que ces patients se retiennent de conduire.30

Neuroleptiques

Comme mentionné plus haut, il peut être difficile de distinguer la dysfonction cognitive liée à la schizophrénie de celle liée aux antipsychotiques. Toutefois, les études suggèrent que les neuroleptiques atypiques améliorent la cognition et la performance psychomotrice. Ainsi, les patients sous neuroleptiques atypiques (amisulpride, quétiapine, clozapine) ont de meilleures performances, surtout pour la concentration et la vigilance, que ceux qui ont des neuroleptiques classiques (halopéridol et flupenthixol). La clozapine a un effet positif sur la réactivité et la tolérance au stress. Les patients sous flupenthixol sont meilleurs (surtout en attention divisée) que les patients prenant d’autres neuroleptiques typiques, mais moins bons que les patients sous neuroleptiques atypiques ou clozapine.8,10

Classification de l’ICADTS

L’International Council on Alcohol, Drugs and Traffic Safety (ICADTS) répartit les médicaments en trois catégories, en comparant leurs effets à celui de l’alcool. (www.icadts.nl/medicinal.html). Les médicaments de la catégorie I n’ont aucune influence significative sur la conduite (correspond à une alcoolémie inférieure à 0,5‰). On y retrouve, par exemple, les ISRS et la venlafaxine. Les médicaments de la catégorie II (alcoolémie 0,5-0,8‰) ont une légère influence, ce qui est le cas par exemple du lithium, de l’halopéridol, des neuroleptiques atypiques et du zolpidem. La catégorie III comprend les médicaments à risque élevé (alcoolémie > 0,8‰), dont les benzodiazépines. Ce type de classification a en outre été validé dans une grande étude épidémiologique en France.31

Classification indicative

Inspiré de cette classification, nous présentons ci-après un tableau proposant une classification des différents facteurs de risque psychiatriques pour la conduite, sur la base du jugement clinique, en trois niveaux de danger (tableau 1). Il ne s’agit que d’indications grossières, des recommandations précises n’étant pas possibles au vu de la grande complexité de ce domaine et de la variabilité individuelle importante face aux médicaments et au retentissement des pathologies psychiatriques. Le clinicien devrait cependant être alerté par certains facteurs de risques et surtout par le cumul des médicaments ou des maladies, et pouvoir en informer ses patients.

Tableau 1.

Niveaux de risque pour la conduite

ISRS : inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine ; qq : quelques.

Conclusion et drapeaux rouges

Chez les patients souffrant d’une pathologie psychiatrique ou prenant des psychotropes, l’évaluation de l’ensemble des facteurs interférant potentiellement avec la capacité de conduite est impérative. Tant la dépression que les psychoses peuvent augmenter le risque d’accident, que ce soit en raison des caractéristiques de la maladie ou des médicaments prescrits. Il s’agit d’être attentif à la phase de la maladie, le risque étant plus élevé lors d’une phase aiguë et d’adaptation thérapeutique que lors d’une stabilisation des symptômes et de la médication. Le conseil individualisé, toujours nécessaire, doit prendre en compte les comorbidités, la tolérance aux médicaments et la compliance à l’heure de prise prescrite. La personnalité, la conscience morbide et l’expérience de conduite doivent aussi être considérées. Il s’agit de plus de consigner dans le dossier les informations données sur les risques encourus.

En cas de nouveau diagnostic psychiatrique ou de nouvelle prescription de psychotrope, il est important de vérifier s’il y a d’autres problèmes associés (vue, champ visuel, cognition, mouvements de la tête), le cumul augmentant le risque d’accident. Tout traitement psychotrope devrait alerter le clinicien sur l’altération possible de la capacité de conduite. Quand le psychotrope est nouvellement prescrit ou lors d’une augmentation de dosage, la conduite devrait être déconseillée pendant une à deux semaines. Il s’agit d’informer sur les risques de la prise concomitante d’alcool et les comédications (antidépresseurs et benzodiazépines ou anticholinergiques). Le patient âgé qui prend des benzodiazépines la journée ne devrait plus conduire.32

Il n’y a malheureusement pas de test simple permettant de s’assurer à coup sûr de l’aptitude à la conduite. Une approche soigneuse et rigoureuse de l’évaluation des facteurs de risques est d’autant plus souhaitable. Le signalement à l’autorité compétente d’une inaptitude supposée à la conduite est en effet discutable sur le plan éthique si l’évaluation ne se fait pas sur des bases objectives.33

Chez le sujet âgé, généralement exposé à de nombreuses pertes, il reste très délicat de mettre en balance les risques liés à la poursuite de la conduite avec ceux, non négligeables en termes de qualité de vie, de l’arrêt de la conduite.

Stratégie de recherche

Les données à la base de cette synthèse ont été cherchées dans pubmed, en sélectionnant des articles publiés principalement depuis 2000, sur le sujet patient âgé, pathologie psychiatrique, psychotropes et aptitude à la conduite. La démence et l’alcoolisme ont été intentionnellement exclus de cette recherche. Des articles concernant des patients de moins de 65 ans ont été inclus également, quand leur contenu semblait pertinent. Les mots-clés principaux étaient elderly/old/geriatric, driving/fitness to drive/driving ability, psychiatric, psychotropic/drug. Plus spécifiquement y ont été ajoutés depression, anxiety, bipolar, personality.

Implications pratiques

> Toujours consigner dans le dossier l’information donnée sur les risques de la conduite

> En cas d’introduction d’un nouveau psychotrope ou d’augmentation de la dose, recommander une pause de une à deux semaines dans la conduite

> Déconseiller la conduite à un patient âgé qui prend des benzodiazépines la journée

> Etre attentif au cumul des risques et à la comédication

Auteurs

Anne-Laure Serra

Psychiatre-psychothérapeute FMH, médecin associée, Service universitaire de psychiatrie et psychothérapie de l’âge avancé, Centre hospitalier universitaire vaudois
,
Lausanne, Suisse

Urs Mosimann

Département de psychiatrie de l’âge avancé
Hôpital psychiatrique universitaire
Murtenstrasse 21, 3010 Bern
urs.mosimann@gef.be.ch

Bernard Favrat

(Professeur associé) Médecin interniste FMH, médecin adjoint, responsable du secteur d’expertise du Centre universitaire de médecine générale et santé publique (Unisanté), Lausanne
,
Suisse
,
professeur associé à l’Université de Lausanne
,
Suisse

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