De nombreuses pathologies du mouvement telles que la maladie de Parkinson (MP), le tremblement essentiel (TE) et les dystonies peuvent bénéficier d’un traitement par stimulation cérébrale profonde (SCP). Ce traitement n’est envisagé qu’en cas de symptômes invalidants malgré une pharmacothérapie optimisée. Il est contre-indiqué en cas de démence, de pathologie psychiatrique non contrôlée et/ou d’affection concomitante à potentiel évolutif à moyen terme. Les principales cibles sont le noyau sous-thalamique pour la MP, le noyau intermédiaire du thalamus pour le TE et le pallidum interne pour les dystonies. La SCP est remarquablement efficace sur les symptômes. Le bon positionnement des électrodes limite le risque de survenue d’effets indésirables qui peuvent être généralement évités par l’ajustement des paramètres de stimulation.
La stimulation cérébrale profonde (SCP) à haute fréquence est une thérapeutique efficace pour le traitement symptomatique de nombreuses pathologies du mouvement telles que la maladie de Parkinson (MP), le tremblement essentiel (TE) et les dystonies. La SCP n’étant pas une procédure à risque nul, ce traitement n’est envisagé qu’en cas de symptômes invalidants malgré une pharmacothérapie optimisée. L’avantage de la SCP est d’être continue, réversible et adaptable du fait de la possibilité de faire varier les paramètres de la stimulation. Dans cet article, nous aborderons essentiellement la SCP du noyau sous-thalamique (NST) pour le traitement de la MP. Les autres cibles et pathologies seront brièvement traitées.
Seuls 5 à 10% des patients parkinsoniens seraient candidats à la SCP.
La SCP s’adresse aux patients :1
Pour être candidats à la SCP, les patients ne doivent pas présenter :1
Les contre-indications relatives sont :
Une fois l’ensemble de ces critères mesurés, l’indication opératoire est retenue après une appréciation du rapport bénéfice-risque pour chaque patient. La décision chirurgicale est prise en concertation multidisciplinaire (neurologue, neurochirurgien, psychiatre et neuropsychologue).
Trois cibles différentes peuvent être proposées :
Le choix se porte habituellement sur le NST. Cette approche est remarquablement efficace sur les signes cardinaux de la MP et permet de réduire de 50% les doses en dopamine, diminuant ainsi indirectement les dyskinésies.3 Il s’agit de l’intervention la plus délicate (petites dimensions de la cible) et qui nécessite un suivi neurologique postopératoire rapproché (ajustement fin des paramètres de stimulation et du traitement médicamenteux). La stimulation du GPi est efficace sur les symptômes moteurs mais ne permet pas de baisser la dose de traitement dopaminergique.4,5 Elle peut être préférée en cas de suivi neurologique postopératoire réduit. La stimulation du Vim permet l’amélioration du tremblement mais pas de l’akinésie et de la rigidité.6 Ce type de chirurgie est par contre bien toléré. Ainsi, cette cible peut être indiquée chez les patients âgés présentant une MP dont le tremblement est le principal facteur invalidant.
Le succès d’un traitement par SCP dépend de trois facteurs :
La stimulation du NST reproduit les effets de la dopathérapie et élimine les fluctuations propres à ce traitement quand il est administré au long cours. Le patient pourra donc se retrouver de façon permanente en période ON sans dyskinésie. Après un an de SCP du NST, les activités de la vie quotidienne et les symptômes moteurs sont améliorés de 60% comparés à l’état préchirurgical sans médicament. La stimulation permet d’améliorer en moyenne de 80% le tremblement, 67% la rigidité, 56% l’akinésie, 55% la marche et 73% la durée des blocages journaliers. La dopathérapie est diminuée d’environ 50%3 avec amélioration, voire disparition des dyskinésies et des phénomènes dystoniques. La SCP améliore aussi la douleur, les fluctuations psychiques, les symptômes dysautonomiques,7 la qualité du sommeil ainsi que les troubles du contrôle des impulsions grâce à la diminution du traitement dopaminergique. L’amélioration des scores de qualité de vie est de 13 à 24% lorsque des échelles incluent les aspects psychologiques, sociaux et moteurs de la vie quotidienne. Des mauvais scores de qualité de vie sont associés à une humeur dépressive et à une apathie. La réduction des traitements, l’efficacité motrice de la SCP et les altérations de la fluence verbale secondaire à la SCP n’ont pas d’impact sur la qualité de vie.8
L’amélioration motrice globale se maintient à 54% à cinq ans (75% pour le tremblement, 71% pour la rigidité, 48% pour l’akinésie, 52% pour la marche) et 36% à onze ans (69% pour le tremblement, 44% pour la rigidité, 28% pour l’akinésie, 30% pour la marche).9 En revanche, la SCP ne permet pas de stopper l’évolution naturelle de la maladie et l’apparition des signes dopa- et SCP-résistants tels que les signes axiaux (dysarthrie, dysphagie, instabilité posturale, troubles de la marche) et les troubles cognitifs. Ainsi, les signes cardinaux de la maladie et les fluctuations motrices restent bien contrôlés, mais la qualité de vie des patients se dégrade progressivement par l’apparition de chutes, de dysphagie, d’incontinence urinaire et de démence.
Les risques de l’intervention chirurgicale (confusion mentale, hémorragie cérébrale et infection principalement) et ceux liés au matériel implanté (infection, mauvais fonctionnement, fracture ou migration d’électrode, érosion cutanée, par exemple) sont abordés dans un autre article de ce numéro. Seules les complications liées à la stimulation seront traitées dans ce chapitre. Le bon positionnement des électrodes limite le risque de survenue d’effets indésirables. Ceux provoqués par la SCP sont réversibles à son arrêt et peuvent être généralement évités par l’ajustement des paramètres de stimulation.
La survenue de dyskinésies lors de l’augmentation de l’intensité de stimulation du NST n’est pas rare (2,6%) en période postopératoire immédiate. C’est le signe d’un positionnement optimal des électrodes. Les dyskinésies s’estompent au fil des semaines, et avec la réduction du traitement médicamenteux. La survenue de dyskinésies implique une augmentation prudente des paramètres de stimulation et un ajustement rapide du traitement dopaminergique.
Les troubles de la marche et de l’équilibre dopasensibles sont améliorés par la SCP, mais cet effet bénéfique s’estompe avec le temps en raison de l’évolution naturelle de la maladie et du développement des lésions non dopaminergiques. Les troubles de la marche sont parfois directement induits par la SCP et seraient dus à la diffusion du courant aux fibres pallidothalamiques, à l’effet négatif de la stimulation à haute fréquence ou à l’effet suboptimal de la SCP augmentant l’asymétrie de l’akinésie aux jambes.
Bien que l’hypophonie et la dysarthrie puissent être améliorées par la stimulation du NST, l’aggravation de ces troubles est un effet indésirable fréquent (9%). Ce phénomène est multifactoriel, probablement lié à la diffusion du courant aux faisceaux corticobulbaire ou cérébellothalamique, et/ou à l’évolution de la maladie. La dysarthrie exige un compromis entre l’effet optimal sur les symptômes moteurs cardinaux et l’effet délétère minimal sur la dysarthrie. Lorsqu’elle est due à la SCP, elle s’améliore par la réduction de l’amplitude de stimulation ou par le recours à une stimulation plus focale.
Un SJSR peut apparaître après la chirurgie, en particulier après la réduction rapide et importante de la dose du traitement dopaminergique en période postopératoire. Ce phénomène nécessite une réintroduction de la médication dopaminergique vespérale. Une légère augmentation de la SCP peut être tentée, car ce syndrome réagit parfois à la stimulation du NST.
La prise de poids est une complication fréquente (8,4%). Elle est généralement comprise entre 4 et 10 kg. Elle s’établit dans les six premiers mois après l’intervention. La physiopathologie est débattue et impliquerait la réduction des dyskinésies et de la rigidité, l’augmentation des apports alimentaires liée à une plus grande facilité à s’alimenter et parfois au développement de tendance boulimique ou à des modifications du métabolisme liées à l’influence de la SCP sur l’hypothalamus. En pratique, il faut prévenir les patients et donner des conseils diététiques afin d’éviter des prises de poids excessives.
La SCP du NST ne module pas uniquement les circuits cortico-sous-corticaux moteurs mais aussi les circuits limbiques et ainsi provoque des troubles neuropsychiatriques.
Une euphorie, voire un état maniaque, peut être observée après SCP du NST. A l’inverse, une dépression survient dans 6% des cas après six mois, le plus souvent de manière différée après l’intervention (dans les trois à six mois). Ces effets opposés s’expliquent par les différences de localisation des électrodes, de dénervation mésolimbique et de prise en charge médicamenteuse. La dépression est favorisée par les antécédents dépressifs, la baisse du traitement dopaminergique postopératoire et les difficultés sociales et psychologiques à s’adapter aux modifications rapides induites par la chirurgie. Elle est en général transitoire et traitable après augmentation du traitement dopaminergique ou la mise en place d’un traitement antidépresseur. Des cas de dépression grave avec risque, voire passage à l’acte suicidaire, sont rapportés mais apparaissent rarement (0,9% de tentatives de suicide et 0,45% de suicides réussis). Ils doivent néanmoins être activement détectés, représentant une des principales causes de mortalité en relation avec l’intervention.
L’apathie ou manque de motivation et d’initiative est fréquemment rencontrée dans la MP. Après SCP du NST, elle peut apparaître ou s’aggraver dans 12 à 24% des cas. Elle résulterait non seulement de la réduction postopératoire des traitements dopaminergiques mais serait aussi en lien avec un profil dégénératif dopaminergique prédominant à l’aire tegmentale ventrale, induisant une plus grande déplétion dopaminergique mésocorticolimbique chez certains patients. La réintroduction ou l’augmentation d’un traitement par agoniste dopaminergique permet d’améliorer l’apathie. Ainsi, l’attitude générale actuelle est de ne pas complètement supprimer les traitements dopaminergiques après la chirurgie.10
La SCP du NST peut entraîner une réduction de la fluence verbale et une augmentation de l’impulsivité. Un déclin de la mémoire de travail et du fonctionnement cognitif global peut être observé. Il n’est cependant pas lié à la SCP du NST mais à la lésion de la tête du noyau caudé lors de la chirurgie. Une trajectoire via le noyau caudé doit donc être évitée.11
Les indications et les contre-indications sont résumées dans le tableau 1. La cible la plus utilisée est le Vim.12
L’efficacité de la SCP du Vim a été clairement démontrée dans des études à court et long termes. Le tremblement des mains est amélioré de 50 à 90%, celui de la tête et de la voix de 15 à 100% et les activités de la vie quotidienne de 36-70% selon les équipes. Ainsi, l’attentisme encore largement répandu dans le monde médical face au TE invalidant est à corriger.
Les principales complications, les plus fréquentes lors de stimulation bilatérale, sont résumées dans le tableau 2.13 Elles s’améliorent généralement par la modification des paramètres de stimulation.
Les dystonies comprennent un ensemble hétérogène de pathologies, ayant en commun une symptomatologie de contractions musculaires soutenues, entraînant des postures anormales et/ou des mouvements répétitifs de torsion. La dystonie peut être focale ou généralisée, et être primaire, secondaire ou hérédo-dégénérative.
La SCP doit être envisagée en cas de dystonie invalidante (du fait du trouble moteur ou de la douleur), retentissant sur les activités de la vie quotidienne, malgré un traitement médicamenteux bien conduit (essai d’un anticholinergique, d’une benzodiazépine, et/ou d’injections de toxine botulique en cas de dystonie focale). Elle doit être proposée avant l’apparition de déformation fixée ou de myélopathie cervicale car ces complications sont associées à de moins bons résultats. La SCP permet une amélioration motrice et des douleurs. La décision chirurgicale sera prise après discussion multidisciplinaire. La cible la plus utilisée est le GPi (partie postéroventrale), sauf pour la crampe de l’écrivain où la stimulation du complexe thalamique ventro-oral peut être proposée. Les indications et les résultats de la SCP sont résumés dans le tableau 3.14,15 Les contre-indications sont essentiellement une démence ou une maladie psychiatrique non contrôlée.
La SCP du GPi a peu d’impact sur le comportement et les fonctions cognitives. De rares cas de suicides ont été décrits chez des patients qui avaient des antécédents dépressifs préopératoires. La SCP peut être par ailleurs responsable de dysarthrie, de syndrome parkinsonien et de troubles de la marche à type d’akinésie et de freezing de la marche.
Le Pr Pierre Pollak a reçu des remboursements de voyage et des honoraires d’orateur de Medtronic et Boston Scientific, et des honoraires de consultant d’Aleva. Les autres auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
> La stimulation cérébrale profonde (SCP) est indiquée chez les patients parkinsoniens présentant des fluctuations motrices, et/ou des dyskinésies, compromettant les activités de la vie quotidienne
> Une excellente dopa-sensibilité prédit la qualité du résultat obtenu après l’intervention
> Dans la maladie de Parkinson, vu l’amélioration de la qualité de vie par la SCP comparée aux ajustements médicamenteux, et la stabilité à long terme de ses effets, l’épuisement de toutes les possibilités médicamenteuses avant d’envisager une opération est à proscrire
> La SCP est remarquablement efficace pour le traitement symptomatique de la maladie de Parkinson mais elle ne permet pas d’en modifier l’évolution naturelle
> La SCP apporte un contrôle du tremblement essentiel supérieur au traitement médicamenteux mais n’est envisagée qu’en cas de symptômes invalidants du fait du risque de la procédure opératoire
Movement disorders such as Parkinson’s disease (PD), essential tremor (ET) and dystonia can benefit from deep brain stimulation (DBS). DBS is considered when symptoms are disabling despite optimal medical therapy. Contraindications include dementia, uncontrolled psychiatric disease and/or comorbid conditions with potential for evolution. Targets are the subthalamic nucleus for PD, the ventral intermediate nucleus for ET and the globus pallidus internus for dystonia. The beneficial effet of DBS has been well documented for symptom control. Optimal target localization of the electrodes reduces the occurrence of side-effects. Stimulation-induced adverse effects can usually be abolished by turning the stimulation off, changing the active contact or other stimulation parameters.