La Suisse est l’un des pays les moins restrictifs d’Europe en matière de publicité pour le tabac. Une étude réalisée entre 2013 et 2014 a permis de documenter toutes les formes de publicité en faveur du tabac, de promotion et de parrainage présentes en Suisse romande. Une première partie de l’article illustre les résultats concernant les observations effectuées dans les points de vente, les événements privés parrainés par l’industrie du tabac et lors d’itinéraires quotidiens de jeunes. Les résultats montrent que la publicité en faveur du tabac, la promotion et le parrainage sont omniprésents et visent principalement les jeunes. La deuxième partie de l’article présente les résultats concernant la publicité et la promotion des cigarettes électroniques, à partir de l’observation des points de vente et des sites de vente en ligne.
La publicité et la promotion pour les produits du tabac, ainsi que le parrainage d’événements de la part de l’industrie du tabac sont monnaie courante en Suisse et s’avèrent efficaces. Comme le démontrent de nombreuses études scientifiques, ces techniques marketing influencent la consommation des produits du tabac.1,2 Elles attirent de nouveaux consommateurs, en particulier des jeunes,3,4 maintiennent et/ou augmentent la consommation de tabac des fumeurs,5 démotivent ceux qui souhaitent arrêter6 et encouragent les anciens fumeurs à recommencer.7 C’est pourquoi, l’OMS préconise, dans la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT),8 une interdiction globale de toute forme de publicité, promotion et parrainage pour les produits du tabac.
Contrairement à la plupart des pays européens, les stratégies marketing en faveur du tabac sont encore largement répandues en Suisse. Les techniques employées ne se limitent pas aux formes classiques de publicité (comme l’affichage public ou la publicité dans la presse), mais sont extrêmement inventives et sophistiquées. Ces publicités restent toutefois relativement invisibles du grand public car elles se déploient de manière subtile pour atteindre leur public cible : les jeunes et les fumeurs.
Face à cette omniprésence publicitaire, les tenants de la prévention du tabagisme se doivent de documenter de manière systématique les phénomènes publicitaires pour les produits du tabac sur le terrain. Une telle pratique apparaît d’autant plus importante dans le contexte de l’élaboration de la nouvelle Loi sur les produits du tabac (LPTab), qui sera débattue au Parlement en 2016 : la question de la régulation des publicités en faveur du tabac constitue un des enjeux majeurs de cette loi.9
Pour rappel, le tabac est la première cause évitable de mortalité en Suisse, avec 9000 décès par année dus au tabagisme.
L’Observatoire des stratégies marketing pour les produits du tabac en Suisse romande a été mis en œuvre, entre 2013 et 2014, afin de décrire et d’analyser toutes les formes de publicité en faveur du tabac, de promotion et de parrainage présentes sur le territoire romand.10 Il visait notamment à répondre aux questions suivantes : quels sont les espaces investis ? Quelles techniques sont utilisées ? Quels messages sont véhiculés ? L’objectif était de mieux connaître cette réalité afin de sensibiliser le grand public et de mettre à disposition des acteurs de la prévention de la santé et du tabagisme une documentation analysée et synthétisée des stratégies marketing pour les produits du tabac présentes en Suisse. Cette étude a été réalisée grâce à une collaboration entre le CIPRET-Vaud, Addiction Suisse et le CIPRET Fribourg et a été financée par le Fonds de prévention du tabagisme.
Afin de cerner au mieux la réalité de la publicité en faveur du tabac, de la promotion et du parrainage, dix modules de recherche ont été conduits. Ils concernaient : 1) les points de vente ; 2) les automates à cigarettes ; 3) les bars, cafés et boîtes de nuit ; 4) les événements culturels et sportifs ; 5) les événements privés ; 6) les sites internet ; 7) les réseaux sociaux ; 8) les itinéraires du quotidien ; 9) la presse imprimée, les cinémas et l’affichage public et 10) les cigarettes électroniques. Des méthodologies qualitatives et quantitatives ont été employées en fonction du type de module et des données à collecter.
Dans cette première partie de l’article, les résultats relatifs aux points de vente, aux événements privés parrainés ou organisés par l’industrie du tabac et aux itinéraires du quotidien seront présentés. La deuxième partie sera consacrée aux techniques marketing utilisées pour promouvoir les cigarettes électroniques.
Des observations ont été réalisées dans 397 points de vente distribuant des produits du tabac (212 magasins d’alimentation, 141 kiosques et 44 stations-service), choisis de manière aléatoire dans toute la Suisse romande. 96 entretiens semi-directifs ont également été réalisés avec des gérants des points de vente.
L’industrie du tabac organise des événements privés (soirées, séjours, etc.) soit dans des lieux lui appartenant, soit dans des endroits publics rendus privés pour cette occasion (bars, salles de concert, etc.). Elle peut également parrainer des événements privés organisés par des individus ou par d’autres structures. Vingt événements privés organisés ou parrainés par l’industrie du tabac ayant eu lieu entre juillet 2006 et février 2014 dans toute la Suisse ont été répertoriés et documentés. Des entretiens ont été réalisés avec huit personnes ayant participé à un de ces événements. De plus, des observations de terrain ont été réalisées lors de sept manifestations.
Afin de décompter et décrire l’ensemble des stimuli liés au tabac auxquels les jeunes sont exposés au quotidien, des itinéraires types de personnes âgées entre 18 et 24 ans ont été documentés. Quatre parcours ont été identifiés : itinéraire d’un étudiant d’une journée en semaine ; d’un actif (apprenti) d’une journée en semaine ; d’une journée en week-end et un itinéraire de soirée. Au total, vingt itinéraires types ont été documentés entre fin 2013 et début 2014 dans les six capitales romandes (Delémont, Genève, Lausanne, Fribourg, Neuchâtel et Sion).
A titre d’exemple, un itinéraire type «jeune actif» se composait de six sections d’observation couvrant les parcours et activités suivants : déplacement du domicile au lieu de travail ; pause du matin à proximité du lieu de travail ; pause de midi avec déplacement, pause de l’après-midi ; déplacement en fin de journée pour participer à une activité de loisir (natation, fitness, etc.) et retour au domicile.
Plus de la moitié des points de vente observés (n = 207) exposaient des publicités pour les produits du tabac (figure 1). Les publicités étaient présentes dans 89% des stations-service et 78% des kiosques. Parmi les cantons, il y avait davantage de publicités dans les cantons urbains comme Vaud ou Genève, ainsi que dans le Jura bernois.
Dans 44,3% des points de vente, des produits du tabac étaient placés près des bonbons, chewing-gums ou friandises. Les publicités pour le tabac étaient situées dans 24,6% des points de vente près des bonbons, chewing-gums ou friandises (figure 2) et dans 35% des cas au niveau ou en dessous des yeux d’un enfant. Ces chiffres sont plus élevés dans les kiosques et les stations-service que dans les magasins d’alimentation.
Les entretiens avec les gérants des points de vente ont donné des indications sur les liens qui les unissent à l’industrie du tabac. 59% des points de vente reçoivent la visite de représentants de l’industrie du tabac. Par rapport au type de point de vente, les kiosques (88%) et les stations-service (71%) sont plus nombreux à recevoir ces visites que les magasins d’alimentation (23%). Ces rencontres permettent aux représentants de placer les produits et les publicités aux endroits les plus stratégiques du point de vente, en échange d’incitatifs financiers ou sous forme de cadeaux donnés aux gérants.
Les événements privés organisés ou parrainés par l’industrie du tabac ont la particularité de s’adresser à un public jeune tant par leur gratuité que par l’accent mis sur la fête. Neuf manifestations répertoriées correspondaient à des événements organisés par l’industrie du tabac dans lesquels les participants ne se connaissaient pas entre eux. Dans quatre cas, l’industrie du tabac parrainait ceux auxquels participait une personne avec son cercle d’amis (par exemple, House of Friends, voir ci-après). Quatre autres ont été organisés par des lieux partenaires (boîtes de nuit principalement) et, dans trois cas, il s’agissait de shows (de mode ou de musique) parrainés par l’industrie du tabac. Des moyens très importants sont investis dans ces événements privés, dont l’objectif est de faire vivre à un groupe restreint de personnes une expérience exceptionnelle et unique (participer à un défilé de mode, à une croisière de luxe, à un concert exclusif, etc.). Le but étant d’associer ces manifestations aux marques de cigarettes et d’inciter la consommation.
Voici un exemple d’événement privé organisé par une marque de cigarettes : la «House of Friends» (figure 3). Durant l’année 2013, L&M (Philip Morris) proposait un concours permettant de gagner une soirée dans un loft situé à Lausanne et entièrement paré du logo de la marque de cigarettes. Le gagnant pouvait inviter 25 amis et la soirée comprenait un repas abondant, des boissons (alcoolisées ou non) à discrétion, diverses animations (DJ, jacuzzi, flipper, jeux vidéo, etc.), ainsi que la possibilité de disposer gratuitement des cigarettes de la marque. Ces soirées avaient lieu trois fois par semaine et un bus était mis à disposition pour le transport des gagnants provenant de la Suisse allemande ou italienne.
Au total, 630 éléments, ayant un lien plus ou moins direct avec les produits du tabac ou à leur consommation, ont été observés sur l’ensemble des vingt itinéraires documentés (figure 4). A ces 630 stimuli s’ajoutent tous les contacts avec des personnes en train de fumer ou avec du littering du tabac (mégots, paquets, etc.), éléments qui n’ont pas été quantifiés en détail. Par rapport au contenu des stimuli, 84% étaient catégorisés comme étant des stimuli protabac.
Trois cent vingt-deux stimuli (51%) étaient identifiés comme appartenant à proprement parler à des éléments marketing (environ 16 par itinéraire en moyenne), 86 (14%) comme étant associés à l’exposition de produits du tabac (soit un peu plus de 4 par itinéraire en moyenne), 16 (2%) comme tenant à des formes de détournement visuela et 108 (17%) étaient d’autres éléments protabac. En contraste, seulement 98 stimuli, représentant 16% de l’ensemble des éléments documentés, avaient une dimension «antitabac» (campagne de prévention, affichages en lien aux interdictions de fumer ou à d’autres bases légales liées à la consommation de tabac).
Les stimuli clairement identifiés, comme étant de type protabac, n’étaient pas distribués de manière égale entre les types d’itinéraires. Alors que, pour les itinéraires dits de «week-end», une exposition moyenne de 41 stimuli protabac a été enregistrée, ce nombre n’était que de 15 pour les itinéraires «étudiant» et de 24 pour les itinéraires «actif». En moyenne, 27 stimuli protabac ont été observés dans les itinéraires de «sortie», soulignant la concentration d’éléments promotionnels dans ces itinéraires, qui se caractérisaient pourtant par un nombre moindre de déplacements et d’activités.
Ainsi, sur la base des observations faites, un jeune est exposé en moyenne à 68 stimuli protabac, dont 44 d’ordre marketing, sur une journée de week-end combinant des activités usuelles et une sortie nocturne.
Les résultats de l’Observatoire des stratégies marketing pour les produits du tabac, présentés ici de manière partielle et succincte, permettent une mise en évidence de la stratégie globale de l’industrie du tabac. Celle-ci se déploie de manière massive dans une multitude de lieux (points de vente, bars, cafés, boîtes de nuit, presse écrite, voie publique, cinémas, événements culturels et sportifs, événements privés, sites internet, réseaux sociaux, etc.), jouant ainsi sur la répétitivité. Habilement orchestrée, cette stratégie joue souvent avec les limites des lois en vigueur. A titre d’exemple, dans le canton de Vaud, malgré une loi interdisant la publicité pour le tabac dans le domaine public et sur le domaine privé, visible du domaine public, 29% des points de vente observés avaient des publicités visibles depuis l’extérieur du point de vente.
Dans les points de vente, la proximité des produits et/ou des publicités pour les produits du tabac avec les sucreries attire le regard des enfants et des adolescents et suggère que le tabac est un produit inoffensif, lié au plaisir. Il s’agit d’une technique marketing utilisée par l’industrie du tabac et largement documentée dans d’autres pays,11 démontrant une volonté de cibler les enfants et les adolescents.
De plus, les observations réalisées montrent que les lieux dans lesquels les publicités ou les activités promotionnelles sont présentes (festivals de musique, boîtes de nuit, kiosques, etc.), le langage utilisé, le graphisme, ou encore le type d’image employé, ne sont pas dus au hasard mais résultent d’un calcul minutieux visant à toucher le plus de jeunes possible (en allant là où les jeunes se trouvent), à associer la cigarette à des référentiels valorisés par les jeunes (fête, prise de risques, vacances, drague, liberté, succès, etc.), tout en leur offrant la possibilité de gagner des cadeaux ou de vivre des expériences convoitées par ce groupe d’âge.
Les jeunes sont ciblés par ces stratégies publicitaires pour une raison simple et précise. Pour garantir ses ventes, l’industrie du tabac a constamment besoin de renouveler sa clientèle en raison des fumeurs qui arrêtent de fumer ou qui décèdent. Sachant que 85% des fumeurs ont commencé à fumer avant l’âge de 21 ans,12 il apparaît que l’industrie du tabac a tout intérêt à renouveler son «parc de consommateurs» en ciblant les jeunes.
Au final, les marques de cigarettes semblent opter pour une stratégie de communication visant la proximité avec les jeunes, fumeurs ou fumeurs potentiels, en jouant la carte d’une relation «copain-copain». En ajoutant à cela le fait que les jeunes sont les plus réceptifs aux communications publicitaires,13 l’industrie du tabac dispose ici d’un moyen redoutable de séduire et fidéliser son public cible.
Face à une exposition publicitaire massive, répétitive, finement élaborée et ciblant principalement les jeunes, l’interdiction de toute publicité en faveur du tabac représente un moyen efficace pour réduire la consommation de tabac. Une interdiction complète permet, dans les pays à revenu élevé, de diminuer en moyenne de 7% la prévalence de la consommation de tabac.14,15 En effet, les interdictions publicitaires dans le domaine du tabac sont efficaces, à condition qu’elles soient globales. Celles partielles, au contraire, sont peu efficaces car l’argent qui ne peut plus être investi dans un secteur déterminé est directement réalloué là où la publicité est toujours autorisée.16
En comparaison internationale, la Suisse se démarque par sa législation très peu restrictive en matière de publicité pour les produits du tabac. La publicité dans le domaine public est interdite dans tous les pays d’Europe à l’exception de la Suisse, l’Allemagne et la Bulgarie. La Suisse est le seul pays européen où la publicité pour les produits du tabac dans la presse est autorisée et, avec la Biélorussie, c’est également le seul pays où il n’existe pas de limitation concernant le parrainage d’événements culturels et sportifs.
Avec la nouvelle Loi sur les produits du tabac (LPTab), la Suisse dispose d’une occasion inédite de renforcer les mesures structurelles permettant de lutter efficacement contre le tabagisme, dont l’interdiction des publicités en faveur du tabac constitue un des éléments essentiels. S’il paraît évident que les intérêts de santé publique sont prépondérants par rapport aux intérêts économiques, il est intéressant de souligner, qu’en Suisse, les publicités pour le tabac ne représentent que 0,4% de l’ensemble des dépenses publicitaires :17 leur interdiction aurait ainsi un impact minime sur la branche publicitaire.
Les cigarettes électroniques ont acquis beaucoup de visibilité ces dernières années en Suisse romande. Avec l’essor de ce nouveau produit, des stratégies marketing se sont développées, en particulier dans les points de vente et sur internet.
Alors que la commercialisation des cigarettes électroniques avec nicotine est interdite en Suisse, celles sans nicotine ont le statut juridique de «produits usuels» et sont soumises à la Loi sur les denrées alimentaires (LDAI).18 Les publicités sont ainsi autorisées et seule la tromperie concernant la présentation et l’emballage du produit est interdite (Art. 18.2). L’avant-projet de Loi sur les produits du tabac (LPTab) propose d’assimiler la cigarette électronique contenant de la nicotine aux produits du tabac.9 Les publicités pour les cigarettes électroniques avec nicotine seraient ainsi soumises aux mêmes interdictions prévues pour les cigarettes classiques. Aucune mesure n’est pour l’instant envisagée pour réglementer les cigarettes électroniques sans nicotine.
Le statut ambigu actuel des cigarettes électroniques rend l’étude de leur promotion particulièrement intéressante. C’est en effet une opportunité d’étudier la manière dont les industries productrices de cigarettes électroniques présentent leurs produits vis-à-vis des consommateurs et des décideurs politiques.
Dans le cadre de l’Observatoire des stratégies marketing pour les produits du tabac, la publicité et la promotion des cigarettes électroniques ont été étudiées de manière exploratoire afin de documenter les stratégies marketing utilisées pour promouvoir de tels produits dans un marché en développement. L’objectif était également d’étudier les similitudes et les différences entre la publicité pour les cigarettes électroniques et celle pour les produits du tabac.
En avril 2014, 48 points de vente de cigarettes électroniques ont été observés dans le centre-ville de Lausanne (20 kiosques, 18 pharmacies, 4 magasins spécialisés dans les cigarettes électroniques, 2 dans les produits du tabac et 4 autres types de magasin). De plus, à partir d’une recherche par mot-clé «cigarette électronique suisse» sur le moteur de recherche google.ch, les premiers vingt sites internet de vente de cigarettes électroniques ont été observés et analysés.
Les types de points de vente observés donnent une indication sur la manière dont ce produit est présenté et rendu disponible aux potentiels consommateurs. Parmi les 48 points de vente visités, vingt étaient des kiosques, dans lesquels les cigarettes électroniques sont souvent exposées près des cigarettes classiques, et dix-huit des pharmacies, dans lesquelles elles sont au contraire plutôt présentées comme des produits pharmaceutiques (figure 5).
Au niveau des éléments publicitaires, ils étaient présents à l’intérieur et/ou à l’extérieur de dix-huit points de vente (37,5%), pour un total de 44 éléments publicitaires documentés. Ils étaient présents dans trois points de vente sur quatre spécialisés dans la cigarette électronique, dans la moitié des kiosques observés (n = 10) et dans seulement deux pharmacies. Les supports publicitaires étaient principalement des affiches, des présentoirs ou des autocollants.
Les messages publicitaires autour de la cigarette électronique étaient véhiculés au travers des supports publicitaires, ainsi qu’au travers du packaging des cigarettes électroniques et du nom du produit lui-même. Une image de cigarette électronique illustrait près d’un tiers des éléments publicitaires et promotionnels observés (29,5% ; n = 13). Certains slogans publicitaires ou noms de marques de cigarettes électroniques mettaient en avant des avantages, parfois présumés, de la cigarette électronique par rapport à la cigarette classique. Le fait de pouvoir vapoter partout était notamment mis en avant, par exemple avec le slogan «Anywhere, anytime». Certains slogans évoquaient également les potentielles économies faites en utilisant la cigarette électronique par rapport à la consommation des cigarettes classiques. D’autre part, la thématique de la santé était utilisée comme argument de vente. Certains noms de marques faisaient référence à la sûreté du produit, comme «Playsure» (jouer sûr) ou encore «smoke quality». D’autres marques présentaient la cigarette électronique comme un moyen d’arrêter de fumer, comme «Break-cig» ou «no smokin» par exemple. Certains messages publicitaires mettaient en avant la cigarette électronique comme un objet «glamour». Enfin, les observations ont montré que certains packagings imitaient les paquets de cigarettes classiques.
Sur les vingt sites de vente en ligne observés (dont dixneuf avaient un nom de domaine en .ch), sept proposaient directement l’achat de liquides avec nicotine (procédé légal à condition que le siège de l’entreprise ne soit pas basé en Suisse).
Différents arguments de vente étaient avancés sur les sites de vente en ligne. Les avantages de la cigarette électronique par rapport à la cigarette classique étaient surtout mis en avant (absence de fumée passive, possibilité de consommer partout, etc.) (n = 15). Certains sites internet exposaient également la qualité du produit (n = 4) et faisaient référence à des études ou avis d’experts sur la cigarette électronique (n = 4). Par ailleurs, les observations ont montré que certains sites internet utilisaient les logos ou référentiels associés aux grandes marques de tabac pour faire la promotion de leurs produits.
Le contenu des publicités pour les cigarettes électroniques observées joue avec les différences et les similitudes par rapport à la cigarette classique. Si, d’une part, les avantages présumés de la cigarette électronique par rapport à la cigarette classique sont soulignés (toxicité moindre, possibilité de fumer dans les endroits où la cigarette classique est interdite, plus large variété d’arômes et coûts inférieurs), les publicités pour les cigarettes électroniques s’appuient également, et paradoxalement, sur les références propres à la cigarette classique. Parmi les arômes de cigarettes électroniques les plus appréciés, se trouve par exemple celui au goût «tabac». De plus, l’apparence des cigarettes électroniques et le packaging sont parfois quasiment identiques à ceux de la cigarette classique. La publicité pour les cigarettes électroniques vient en outre défier les règles de protection contre le tabagisme passif en vigueur.
En l’absence de réglementation spécifique, les cigarettes électroniques et leur publicité se trouvent ainsi dans les endroits où la vente et/ou la promotion des cigarettes classiques sont interdites. C’est le cas de la vente en pharmacie ou de la présence de publicités sur le domaine public (interdite pour les cigarettes classiques sur le terrain d’observation de notre étude).
Si les stratégies de promotion des cigarettes électroniques restent très hétérogènes, on constate, comme pour la publicité pour les produits du tabac, que ces procédés s’adressent généralement à un public cible double : les fumeurs et les jeunes.19 D’une part, en mettant en avant les avantages à consommer les cigarettes électroniques par rapport aux cigarettes classiques, le public visé par les publicités semble être les fumeurs. D’autre part, le développement d’un marketing transformant ce produit en un «gadget» à la mode vise inévitablement à attirer les jeunes vers ce nouveau produit.19 Cette volonté de cibler les jeunes se trouve également dans le fait de placer les cigarettes électroniques près des friandises, ce qui a été constaté dans une majorité des kiosques (n = 12 ; 60%) (figure 6). Cette technique, utilisée largement pour les cigarettes classiques,10 vise à banaliser le produit et à attirer l’attention des enfants et des adolescents.
Les publicités pour les cigarettes électroniques ne sont pas présentes de manière massive aujourd’hui en Suisse romande et ne relèvent pas d’une stratégie marketing uniforme. Les éléments publicitaires documentés présentaient généralement le produit à la fois comme un dispositif pour fumer à moindre risque, un objet «glamour», un gadget «hightech» ou comme une denrée alimentaire aux arômes variés. La nouveauté du phénomène et le flou juridique relatif au statut des cigarettes électroniques peuvent expliquer cette diversité des messages publicitaires. L’arrivée de l’industrie du tabac dans ce marché, ainsi que les changements de législation, pourraient amener à une évolution importante des procédés marketing en lien avec les cigarettes électroniques.20 A ce stade et dans une optique de protection de la jeunesse, une régulation du marketing des cigarettes électroniques semble nécessaire.
Plusieurs questions restent toutefois ouvertes. Parce que certaines publicités pour les cigarettes électroniques jouent avec les similitudes par rapport à la cigarette classique, ne contribuent-elles pas à la promotion de cette dernière ?21 N’y aurait-il pas là un risque, relevé par des experts,22 de renormaliser la consommation de tabac ?
Les auteurs remercient Agathe Azzola, Federico Ebneter, Mélanie Hindi et Héloïse Perrin, ainsi que les auxiliaires de recherche, pour leur contribution à la récolte et à l’analyse des données.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter le site bilingue français/allemand de l’Observatoire : www.observatoire-marketing-tabac.ch; www.beobachtung-marketing-tabak.ch. Vous y trouverez une brochure et une vidéo présentant les résultats de l’étude.
> Les publicités en faveur du tabac, la promotion et le parrainage influencent la consommation de tabac
> En Suisse, le marketing pour les produits du tabac est omniprésent et vise principalement les jeunes
> L’interdiction globale de toute publicité en faveur du tabac est préconisée par l’OMS et permet de diminuer de 7% la prévalence de la consommation de tabac
Switzerland is one of the least restrictive countries in Europe in terms of tobacco advertising. A study conducted between 2013 and 2014 documented the presence of tobacco advertising, promotion and sponsorship in western Switzerland. The first part of this article presents the results of the observations realized in points of sale, in private events sponsored by the tobacco industry and during daily itineraries of young people. The results show that tobacco advertising, promotion and sponsorship are omnipresent and mainly target young people. The second part of the article analyses the presence of electronic cigarette advertising and promotion, observed in points of sale and on online stores.