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ISO 690 | Mombelli, M., Plüss-Suard, C., Niquille, A., Zanetti, G., Boillat-Blanco, N., Antimicrobial stewardship en pratique communautaire, Rev Med Suisse, 2016/514 (Vol.12), p. 744–748. DOI: 10.53738/REVMED.2016.12.514.0744 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2016/revue-medicale-suisse-514/antimicrobial-stewardship-en-pratique-communautaire |
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MLA | Mombelli, M., et al. Antimicrobial stewardship en pratique communautaire, Rev Med Suisse, Vol. 12, no. 514, 2016, pp. 744–748. |
APA | Mombelli, M., Plüss-Suard, C., Niquille, A., Zanetti, G., Boillat-Blanco, N. (2016), Antimicrobial stewardship en pratique communautaire, Rev Med Suisse, 12, no. 514, 744–748. https://doi.org/10.53738/REVMED.2016.12.514.0744 |
NLM | Mombelli, M., et al.Antimicrobial stewardship en pratique communautaire. Rev Med Suisse. 2016; 12 (514): 744–748. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2016.12.514.0744 |
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Antibiotic overuse in primary care setting is a major contributor to the development of resistant bacteria. Antibiotic consumption is low in Switzerland compared to neighbour countries, but improvement is possible and has to be pursued. Antibiotic stewardship helps physician to better recognize patients who need antibiotic (guidelines implementation, electronic decision support and laboratory testing) and educate patients about the uselessness of antibiotics in a given situation (delayed prescription and shared decision making). Clinical studies demonstrated the efficacy of these interventions in reducing antibiotic consumption, mainly in acute respiratory infections, without affecting patients’ clinical outcome.
La consommation d’antibiotiques en ambulatoire est l’une des causes majeures de l’émergence de bactéries résistantes. Bien qu’en Suisse cette consommation soit faible par rapport aux pays voisins, des améliorations sont possibles et doivent être poursuivies. Les interventions d’antibiotic stewardship aident le médecin à mieux reconnaître les malades ne nécessitant pas d’antibiotiques (recommandations pour la pratique clinique, algorithmes informatiques et tests de laboratoire) et éduquent le patient sur l’absence de bénéfice d’un traitement antibiotique dans une situation donnée (prescription retardée et facilitation de la décision partagée). Les études cliniques ont montré leur efficacité dans la réduction de la consommation d’antibiotiques, principalement dans le cadre d’infections respiratoires, sans affecter le devenir du patient.
La consommation d’antibiotiques est l’un des principaux facteurs liés à l’émergence de résistances bactériennes aux niveaux régional et individuel et constitue un problème majeur de santé publique qui peut compromettre le traitement des infections.1,2 La majorité des antibiotiques sont prescrits en milieu ambulatoire pour des infections respiratoires aiguës.3,4 Les facteurs contribuant à la surprescription d’antibiotiques incluent l’attente des patients, la difficulté à reconnaître les infections d’étiologie bactérienne et la méconnaissance de la part des patients et des médecins des problèmes liés à l’apparition de résistances.5,6
On appelle antimicrobial stewardship tout programme de gestion de l’utilisation des antimicrobiens visant à surveiller la consommation d’antibiotiques ainsi qu’à optimaliser leur utilisation dans le but de prévenir l’émergence de résistances sans compromettre la sécurité des patients.7
Dans cet article, nous présentons des données sur la consommation ambulatoire d’antibiotiques en Suisse et proposons un tour d’horizon des interventions visant à optimaliser leur prescription, en prêtant une attention particulière aux données suisses.
En Suisse, l’analyse de la consommation d’antibiotiques en milieu ambulatoire s’appuie sur deux types de données : A) les statistiques de vente des fabricants ou des grossistes et B) les données de remise dans les pharmacies d’officine (tableau 1).8,9 D’après les standards de l’OMS, la consommation d’antibiotiques en grammes est convertie en doses définies journalières (DDJ) qui reflètent une posologie quotidienne typique, et est exprimée en DDJ par 1000 habitants par jour (DDJ/1000H/J).10 Cette unité de mesure représente une approximation du nombre quotidien de traitements antibiotiques par 1000 habitants.
Les statistiques de vente des fabricants ont montré que la consommation d’antibiotiques en ambulatoire en Suisse était, en 2002, de 9 DDJ/1000H/J. Pour comparaison, la médiane était de 18,8 DDJ/1000H/J pour les pays européens ayant participé au projet ESAC (European Surveillance of Antimicrobial Consumption Network).8 Dans un programme d’envergure nationale, le Centre suisse pour le contrôle de l’antibiorésistance (anresis.ch) a mis en place, depuis 2013, une surveillance longitudinale de la consommation des antibiotiques en milieu ambulatoire, qui confirme une consommation d’antibiotiques plus faible que la médiane européenne (6 vs 21,5 DDJ/1000H/J en 2013).9
La majorité des interventions d’antimicrobial stewardship en ambulatoire cible les infections des voies respiratoires.11 Dans toutes les études citées, la stratégie de prescription d’antibiotiques n’a pas d’effet défavorable sur la sécurité des patients. Ci-dessous, quatre types d’intervention sont présentés et leur efficacité discutée en s’appuyant sur l’évidence scientifique et sur l’expérience suisse (tableau 2). Les résultats des méta-analyses doivent être interprétés avec prudence au vu de l’hétérogénéité des études analysées (design, population étudiée, type d’infection).
La distribution de recommandations pour la pratique clinique se fait par courrier, lors de formations continues ou au travers d’un site web. Elle est souvent associée à un retour aux médecins sur leur profil de prescription. Cette intervention a été évaluée dans six études pour différents types d’infection.11 Une diminution modérée de la prescription a été mise en évidence dans trois études qui ciblaient les sinusites, les infections dentaires ou les prescriptions d’antibiotiques en général, mais n’a pas été confirmée dans trois autres études concernant les infections urinaires, les infections sexuellement transmises ou les prescriptions en général.
Dans une étude suisse, la distribution de recommandations associée à un retour individuel régulier sur la prescription durant une période de deux ans n’a pas diminué la proportion de sinusites ou d’infections des voies respiratoires supérieures traitées par antibiotiques ; elle était cependant associée au choix d’antibiotiques à spectre d’activité plus étroit.4
L’aide informatique à la décision clinique intègre les caractéristiques des patients dans des algorithmes de prise en charge. Elle est intéressante au vu de l’utilisation de plus en plus répandue de dossiers médicaux électroniques. Une revue de littérature rapporte une diminution modérée de la prescription d’antibiotiques dans trois études sur sept. Cependant, les algorithmes ne sont utilisés par les médecins que dans la moitié des prises en charge.1 Ainsi, la mise en place de recommandations et d’algorithmes électroniques semble une stratégie peu efficace pour optimaliser la prescription d’antibiotiques.
Le but de cette intervention est d’améliorer l’ensemble des compétences et des outils communicationnels que le médecin utilise pour discuter avec le patient des options thérapeutiques (effet attendu et effets secondaires), tout en sollicitant de manière explicite ses attentes.
Une méta-analyse de dix études randomisées contrôlées montre une réduction de l’utilisation d’antibiotiques lors d’infections des voies respiratoires de 47 à 29 % (RR : 0,61 ; IC 95 % : 0,55-0,68) sans augmentation du taux de consultations ni diminution de la satisfaction du patient.13
En Suisse, une étude randomisée a comparé la fréquence de prescription d’antibiotiques lors d’infection aiguë des voies respiratoires entre des médecins qui recevaient des recommandations et des médecins qui recevaient des recommandations ainsi qu’une éducation sur les compétences communicationnelles. Elle n’a pas montré de différence (15,7 % vs 13,5 %), peut-être en raison de la faible quantité d’antibiotiques prescrits.14 Cette approche intègre l’éducation du patient avec l’avantage théorique de changer son comportement et d’avoir un effet prolongé dans le temps.13
La prescription retardée est une stratégie qui consiste à recommander au patient de n’avoir recours à l’antibiothérapie qu’en cas de persistance ou d’aggravation des symptômes.
Une revue systématique récente de dix études randomisées contrôlées (3157 adultes et enfants avec une infection respiratoire aiguë) rapporte une diminution de l’utilisation d’antibiotiques de 93 à 32 % grâce à une stratégie de prescription retardée. Toutefois, seulement trois études incluaient un bras « sans prescription » avec la consigne de consulter à nouveau en cas d’évolution défavorable. Ce bras avait la fréquence d’utilisation d’antibiotiques la plus basse (14 %).15 Deux études plus récentes montrent que les différentes modalités de prescription retardée (contact médical en cas de persistance des symptômes ; ordonnance postdatée, valable après 48 ou 72 heures ; retrait de l’ordonnance au cabinet ; instruction du patient à ne pas utiliser tout de suite l’ordonnance) sont équivalentes en termes de consommation d’antibiotiques.16,17 De manière intéressante, le type de stratégie utilisée n’affecte pas la satisfaction des patients et l’absence de prescription immédiate d’antibiotiques permet de réduire la croyance en leur efficacité (75 % vs 93 %).16
Cette stratégie a l’avantage de donner au médecin et au patient un sentiment de sécurité. De plus, elle a une composante éducationnelle, permettant au patient d’expérimenter la résolution spontanée de l’infection. Le désavantage majeur semble être la persistance d’une proportion non négligeable d’antibiotiques superflus prescrits.
Certains tests diagnostiques, appelés point of care tests (POCT), peuvent être réalisés au cabinet du praticien pendant la consultation. Le résultat est généralement disponible en une dizaine de minutes et peut être intégré dans la prise de décision clinique. Des POCT existent pour différents biomarqueurs (protéine C-réactive (CRP), procalcitonine (PCT)), pour l’analyse des urines ainsi que pour des tests microbiologiques (détection d’antigènes ou d’anticorps). Lors d’infection aiguë des voies respiratoires, les médecins généralistes suisses effectuent un test diagnostique dans 40 % des cas et il s’agit le plus souvent de la CRP.18
Les biomarqueurs sont des molécules libérées rapidement dans la circulation lors d’une inflammation systémique, comme par exemple lors d’une infection, d’un traumatisme ou d’une chirurgie. Bien que leur sensibilité et leur spécificité ne soient pas optimales, ils peuvent aider le clinicien à identifier les patients avec une faible probabilité d’infection bactérienne lorsqu’ils sont utilisés dans le contexte clinique approprié.
L’aide décisionnelle fournie par la mesure de la CRP en POCT a été évaluée dans une méta-analyse de six études incluant 3284 patients avec une infection aiguë des voies respiratoires. En comparaison avec une prise en charge basée sur l’appréciation clinique, l’utilisation de la CRP permet de réduire la prescription d’antibiotiques de 49 à 37 % (RR : 0,78 ; IC 95 % : 0,66-0,92).19 Cependant, au vu de l’hétérogénéité des études (design, critères d’inclusion, cut-offs et force de recommandation différents), il est difficile de soutenir l’usage de la CRP.
Une analyse rétrospective des données de remboursement de la plus grande assurance-maladie suisse montre que l’utilisation de POCT est associée à une consommation d’antibiotiques plus faible.20
La PCT a une cinétique d’augmentation plus rapide que la CRP et son pouvoir discriminatif entre infection bactérienne et virale semble meilleur.21 Deux études randomisées contrôlées ont étudié l’utilisation de la PCT lors d’infection aiguë des voies respiratoires chez les médecins généralistes. Dans une étude allemande (550 patients), la prescription d’antibiotiques a diminué de 36,7 %, lors d’une prise en charge habituelle, à 21,5 % avec l’utilisation de la PCT.2 Dans la deuxième étude, réalisée en Suisse, 53 médecins généralistes ont recruté 458 patients avec une infection des voies respiratoires nécessitant selon eux un traitement antibiotique. Lorsque la décision de prescrire un antibiotique était guidée par le taux de PCT, la fréquence de prescription était réduite de 97 à 25 %.23
Les tests microbiologiques rapides sont utilisés pour confirmer l’étiologie de l’infection. L’utilisation d’un test rapide pour le streptocoque du groupe A permet de diminuer la prescription.24–26 Dans une étude incluant des patients avec une pharyngite, l’utilisation d’un tel test permettait de réduire l’utilisation d’antibiotiques de 46 à 35 % comparée à la prescription retardée sans offrir d’avantage par rapport à un score clinique (37 %).26
Les technologies d’amplification d’acides nucléiques (PCR) permettent de détecter un large assortiment de virus dans des frottis nasopharyngés et de confirmer, le cas échéant, une infection virale. Ces techniques sont actuellement encore relativement chères (de CHF 180 à 720.– selon le nombre de virus détectés) et ne sont pas disponibles en tant que POCT au cabinet. Néanmoins, une étude suédoise a montré que des antibiotiques sont moins fréquemment prescrits (4,5 % vs 12,3 %) par les médecins ayant accès au résultat d’une PCR ciblant les germes respiratoires.27
L’utilisation de tests de laboratoire est donc efficace pour réduire les prescriptions d’antibiotiques. L’utilisation de biomarqueurs en POCT pour prendre en charge des patients avec suspicion d’infection semble prometteuse.
Depuis presque vingt ans, les cercles de qualité médecins-pharmaciens (CQMP) visent l’amélioration des prescriptions médicamenteuses en ambulatoire.28 Les CQMP permettent d’intégrer plusieurs des stratégies abordées (tableau 3). Dans un CQMP vaudois constitué en 2007 et comptant huit médecins, la fréquence de prescription d’antibiotiques (proportion des patients ayant reçu au moins un antibiotique parmi l’ensemble des patients ayant consulté au moins une fois au cours de l’année) baisse de manière continue, passant d’un patient sur quatre à un patient sur six, sans changement de la fréquence de prescription moyenne du groupe témoin (700 médecins installés dans un canton où existent des CQMP : VD, FR, GE, JU, NE, VS) sur la même période (figure 1). Même si les données d’un cercle unique sont limitées, cette diminution représente la dynamique initiée par la démarche des CQMP.
En Suisse, les médecins prescrivent moins d’antibiotiques que dans les autres pays européens. Malgré cela, en Suisse romande, un patient sur quatre dans la patientèle annuelle d’un médecin de premier recours va recevoir une antibiothérapie. Toutes les interventions de type antimicrobial stewardship sont associées à des changements favorables de la prescription d’antibiotiques au niveau communautaire sans affecter le devenir du patient. Les approches combinant les différentes stratégies sont probablement les plus appropriées. Les tests de laboratoire au cabinet semblent être un outil prometteur lorsqu’ils sont utilisés dans le bon contexte clinique. L’amélioration des techniques de communication permet aussi de diminuer les taux de prescription en offrant l’avantage d’éduquer le public sur les risques liés à la résistance aux antibiotiques. Nous avons besoin d’études qui évaluent la faisabilité à long terme et les possibilités de mise en œuvre à large échelle de ces stratégies.
Nous remercions les Prs T. Calandra et B. Genton ainsi que le Dr S. de Vallière pour leur relecture critique du manuscrit.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ En Suisse, les médecins prescrivent moins d’antibiotiques que leurs collègues européens
▪ En Suisse romande, un patient sur quatre dans la patientèle annuelle d’un médecin de premier recours reçoit des antibiotiques
▪ Les interventions de type antibiotic stewardship tendent à améliorer et diminuer la prescription d’antibiotiques
▪ L’éducation des patients par le biais d’une décision partagée entre médecin et patient semble une technique prometteuse pour diminuer les prescriptions d’antibiotiques avec un effet durable dans le temps
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