Sommaire du numéro
ISO 690 Zisimopoulou, S., Pechère-Bertschi, A., Burnier, M., Potassium et pression artérielle, une vieille histoire revisitée, Rev Med Suisse, 2016/530 (Vol.12), p. 1502–1506. DOI: 10.53738/REVMED.2016.12.530.1502 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2016/revue-medicale-suisse-530/potassium-et-pression-arterielle-une-vieille-histoire-revisitee
MLA Zisimopoulou, S., et al. Potassium et pression artérielle, une vieille histoire revisitée, Rev Med Suisse, Vol. 12, no. 530, 2016, pp. 1502–1506.
APA Zisimopoulou, S., Pechère-Bertschi, A., Burnier, M. (2016), Potassium et pression artérielle, une vieille histoire revisitée, Rev Med Suisse, 12, no. 530, 1502–1506. https://doi.org/10.53738/REVMED.2016.12.530.1502
NLM Zisimopoulou, S., et al.Potassium et pression artérielle, une vieille histoire revisitée. Rev Med Suisse. 2016; 12 (530): 1502–1506.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2016.12.530.1502
Exporter la citation Zotero (.ris) EndNote (.enw)
hypertension
14 septembre 2016

Potassium et pression artérielle, une vieille histoire revisitée

DOI: 10.53738/REVMED.2016.12.530.1502

Food in industrialized countries is rich in processed products with a high sodium and low potassium content. There is abundant evidence in the literature depicting the relationship between a high daily sodium/potassium intake ratio and the high prevalence of arterial hypertension in modern societies. There is also increasing evidence suggesting a blood pressure lowering effect of potassium, especially in cases of high sodium intake or in patients with increased salt sensibility. Our dietary advice for the prevention and treatment of hypertension should follow a thorough evaluation of our patients’ daily nutritional habits and should not only focus on sodium intake but also aim for a balanced sodium/potassium uptake.

Résumé

L’alimentation dans les pays industrialisés est riche en aliments transformés, processus qui augmente leur contenu en sodium et diminue celui en potassium. Les données de la littérature mettent en évidence un lien entre le rapport sodium/potassium élevé dans les apports journaliers et la forte prévalence de l’hypertension artérielle dans nos sociétés. En outre, de plus en plus d’études suggèrent un effet hypotenseur du potassium, notamment en cas d’apports sodiques excessifs et chez les patients qui présentent une sensibilité accrue au sel. Nos conseils diététiques pour la prévention et le traitement de l’hypertension artérielle doivent inclure une évaluation méticuleuse des habitudes alimentaires des patients et ne devraient pas se focaliser uniquement sur les apports en sodium mais plutôt viser un équilibre entre les apports sodiques et potassiques.

Introduction

Traditionnellement, c’est le chlorure de sodium, ou sel de cuisine, que l’on traque dans les aliments tout préparés, car il y figure en large quantité comme exhausteur de goût et garant d’une plus longue conservation. Cependant, nous devrions nous intéresser de plus près au compagnonnage qu’il forme avec le potassium. En effet, le potassium semble protéger de l’hypertension artérielle (HTA), et même récemment il est apparu que c’est le rapport entre ces deux ions qui influence la pression artérielle (PA) et le risque de complications cardiovasculaires.

Les premiers articles mettant en exergue un rôle du potassium remontent aux années 1950, avec les premières études montrant l’effet protecteur du potassium face à l’effet néfaste du sodium sur la PA.1 Malgré des données solides concernant le rôle du potassium dans la survenue et la prévention de l’HTA et de l’accident vasculaire cérébral, dans notre pratique clinique, et dans les croyances des gens, on a tendance à l’oublier et à restreindre nos conseils diététiques à uniquement « mangez moins de sel ».

Données épidémiologiques

En 1988, l’International Study of Salt and Blood Pressure (INTERSALT), incluant 10 079 participants de 32 pays différents, a montré une relation positive significative entre le ratio sodium/potassium urinaire et la PA. Lors de cette étude, l’excrétion médiane urinaire de sodium était d’environ 170 mmol/j, reflétant une consommation journalière de NaCl d’environ 10 g/j, bien loin des recommandations des sociétés savantes (< 5 g/j).2 La consommation de sel est tout aussi élevée en Suisse : selon la Swiss Salt Survey, seuls 14 % de la population suisse consomme moins de 5 g de sel par jour et la consommation de potassium est de l’ordre de 2,5 g/j.3

La National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) a analysé les données de 10 563 participants entre 2005 et 2010. Les apports journaliers moyens en sodium et potassium étaient de 3,5 g/j et 2,7 g/j respectivement, et le ratio moyen sodium/potassium à 1,4. Chaque gramme supplémentaire dans les apports sodiques et potassiques journaliers résultait en une augmentation de 1,04 mmHg (sodium) (IC 95 % : 0,27-1,82) et une baisse de 1,24 mmHg (potassium) (IC 95 % : 0,31-2,70) de la PA systolique respectivement. L’effet hypotenseur du potassium était maximal dans le sous-groupe des personnes âgées. L’augmentation de 0,5 unité du ratio Na+/K+ était liée à une augmentation de 1,05 mmHg (IC 95 % : 0,12-1,98) de la PA systolique.4

JE M'ABONNE DÈS AUJOURD'HUI

et j'accède à plus de contenu

Abonnement

100%

Numérique à partir de

CHF 170.-

(pour les médecins)

Abonnement

100%

Numérique à partir de

EUR 150.-

(pour les médecins)

L’étude PURE (Prospective Urban Rural Epidemiology) a étudié le lien entre l’excrétion urinaire de sodium et potassium et la PA chez 102 216 adultes provenant de 18 pays différents. On constate un lien positif entre l’excrétion de sodium et la PA systolique et diastolique. Cette association apparaît plus prononcée chez ceux qui présentent une excrétion de sodium > 5 g/j (reflétant des apports en sodium élevés), chez les patients hypertendus et chez les personnes âgées. On constate une association inverse entre l’excrétion de potassium et la PA, plus prononcée chez les hypertendus et les personnes âgées (figure 1).5

Fig 1

Étude PURE

Le lien positif entre l’excrétion urinaire du sodium (qui reflète les apports en sodium) et les PA systolique et diastolique est plus prononcé quand l’excrétion urinaire de potassium (reflétant les apports en potassium) est faible.

Le suivi sur 4,5 ans des 28 879 participants à risque cardiovasculaire élevé des études ONTARGET et TRANSCEND a montré une association inverse significative entre l’excrétion urinaire journalière (estimée) de potassium et le déclin de la fonction rénale.6

Études interventionnelles

Une première méta-analyse d’études randomisées contrôlées, publiée en 1997, a évalué l’effet de la substitution en potassium sur la PA et a montré que la supplémentation en potassium est associée à une réduction des PA systolique et diastolique en moyenne de 3,11 mmHg (IC 95 % : 1,91-4,31) et 1,97 mmHg (IC 95 % : 0,52-3,42) respectivement. L’effet est maximal dans le sous-groupe de personnes hypertendues, ou qui ont des apports en sodium augmentés, ainsi que chez les personnes d’origine africaine ou afro-américaine. Les auteurs concluent que l’augmentation des apports en potassium devrait faire partie des recommandations pour la prévention et le traitement de l’HTA, surtout chez les personnes qui n’arrivent pas à diminuer significativement leurs apports en sodium.7

Une autre méta-analyse publiée en 2015 met l’accent sur le fait que les principaux bénéficiaires d’une augmentation des apports en potassium sont les hypertendus non traités et que l’effet est maximal quand cette diminution est associée à une baisse des apports en sodium (diminution du ratio sodium /potassium).8

L’augmentation des apports en potassium à 90-120 mmol/j (> 3,5 g/j) est aussi liée à une diminution des accidents vasculaires cérébraux, surtout chez les patients qui présentent des apports en sodium élevés.9

La supplémentation en bicarbonate de potassium a diminué la sensibilité au sel (traduite par l’augmentation de la PA après la prise de sel) chez des sujets d’origine africaine ou afro-américaine (qui présentent une sensibilité au sel plus importante que les Caucasiens) dans une étude incluant 38 sujets normotendus. Cette constatation explique éventuellement l’effet plus prononcé du potassium dans ce sous-groupe de patients constaté dans les diverses études, ainsi que chez les personnes âgées, qui sont aussi connues pour présenter une sensibilité accrue au sel.10

De façon intéressante, le potassium semble donc être plus efficace pour réduire la PA à des niveaux élevés d’apport de sodium,7,9 et une diète riche en potassium émousse l’effet hypertenseur du sodium.11

Concernant la forme de sel de potassium, selon une étude publiée en 2005, il n’existe pas de différence significative entre l’utilisation de chlorure de potassium et celle de citrate de potassium, forme retrouvée dans les fruits et les légumes.12 Les deux diminuent significativement la PA.

Pathophysiologie

Les mécanismes par lesquels le sodium et le potassium influencent la PA sont multiples. Le rein humain est philogénétiquement prédisposé à retenir le sodium et excréter le potassium, ce qui avait un effet protecteur sur l’homéostasie sodique et la volémie de l’homme préhistorique, qui mangeait des aliments pauvres en sodium et riches en potassium. Par contre, sous un régime riche en sodium et pauvre en potassium (comme celui du monde industrialisé), ce trait physiologique acquis par pression de sélection prédispose à une surcharge sodée et à une déplétion potassique. Dans le cas de l’hypertension essentielle, un excès relatif en aldostérone stimule plusieurs transporteurs de sodium : l’échangeur Na+/H+ au niveau du tubule proximal et, au niveau du tubule collecteur rénal, les canaux de sodium (ENaC) et la pompe à sodium (Na+/K+ – ATPase). Le résultat de cette stimulation est une rétention de sodium et des pertes potassiques supplémentaires.13

Au niveau des vaisseaux, une diète riche en sodium peut induire une hypertension via un effet direct du sodium sur la paroi musculaire des artères qui se traduit par une augmentation des résistances périphériques.14 En réponse aux apports augmentés en sodium, le cerveau et les glandes surrénales sécrètent le digitalis-like factor, qui augmente le calcium intracellulaire des muscles lisses et entraîne une vasoconstriction. La rétention de sodium provoque aussi la diminution de la sécrétion de NO. La vasoconstriction périphérique qui en résulte contribue à la genèse de l’HTA. La surcharge hydrosodée initiale est contrebalancée par la diurèse et la natriurèse de pression. Au niveau cérébral, l’augmentation du sodium dans le liquide céphalorachidien entraîne aussi une élévation de la PA.13

Dans le cas de l’hypertension essentielle, à cause de l’augmentation de l’activité de la pompe à sodium, un régime riche en sodium augmente la kaliurèse (par échange de cations de sodium et potassium) au niveau du canal collecteur rénal. La déplétion potassique augmente à son tour la rétention sodique par stimulation de l’échangeur Na+/H+ (via l’acidose intracellulaire et la stimulation du système nerveux sympathique et du système rénine-angiotensine) ce qui construit un cercle vicieux.13

Dans le sens inverse, un régime riche en potassium chez les patients hypertendus entraînera une natriurèse, avec comme conséquence une baisse de la PA, qui est le plus vraisemblablement expliquée par une désactivation du cotransporteur Na+/Cl du tubule distal (aldostérone-indépendant),15 une diminution du calcium intracellulaire et une vasodilatation (mécanismes qui expliqueraient l’action antihypertensive des diurétiques thiazidiques).13

Toutes les observations suggèrent que le sodium et le potassium jouent des rôles opposés quant au contrôle de la PA et à la protection cardiovasculaire.

Conséquences pour la pratique

L’étude Dietary Approaches to Stop Hypertension (DASH) a montré une baisse significative de la PA avec la réduction des apports sodiques.16 Parallèlement, on a démontré qu’une alimentation riche en fruits et légumes, donc riche en potassium, diminue la PA malgré des apports sodiques stables. L’Organisation mondiale de la santé recommande la prise minimale de 3,5 g de potassium par jour et un ratio sodium/potassium proche de l’unité.17

Basée sur ce rapport cible, l’importance d’une approche individualisée et de conseils diététiques personnalisés apparaît évidente. Le spot urinaire souvent réalisé dans le bilan de base d’un patient hypertendu nous donnera des informations précieuses sur la composition de l’alimentation de nos patients. Prendre le temps nécessaire pour discuter avec eux de leurs habitudes culinaires complétera le tableau. Chez les patients qui ont un régime particulièrement riche en sodium, l’objectif initial sera de diminuer leurs apports de sodium. Par contre, devant une alimentation pauvre en potassium, l’augmentation de ce dernier sera l’objectif principal (figure 2). Chez la grande majorité des patients, les conseils diététiques les orienteront vers une diminution des apports en sodium et une augmentation des apports en potassium. Les aliments riches en potassium sont les fruits, les légumes, les noix, le chocolat noir (tableau 1).

Fig 2

Recommandations alimentaires pour le contrôle de la PA

Adaptées au profil diététique du patient.

Tableau 1

Exemples d’aliments riches en potassium

La discussion sur le lien du potassium avec la tension artérielle est d’autant plus d’actualité après la publication de deux études qui mettent l’accent sur le rôle des diurétiques d’épargne potassique dans la prise en charge de l’HTA. L’étude PATHWAY 2 montre en effet que la spironolactone est plus efficace qu’un bêtabloquant ou un alphabloquant dans l’HTA résistante, comme traitement de première intention après la trithérapie combinant un inhibiteur du système rénine-angiotensine, un anticalcique et un thiazidique.18 L’étude PATHWAY 3 s’est intéressée à l’utilisation des diurétiques chez les patients avec une HTA essentielle et un deuxième composant du syndrome métabolique autre que l’HTA, et a comparé l’hydrochlorothiazide à l’amiloride en termes d’efficacité antihypertensive et d’effet métabolique (tolérance au glucose). L’étude conclut que l’effet antihypertenseur des deux substances est similaire, mais que celui de leur combinaison est meilleur tant sur le plan tensionnel que métabolique. Avec la combinaison, un meilleur contrôle de la PA est obtenu et l’on diminue le risque de développer un diabète chez les patients à risque (induit par la déplétion potassique qui accompagne la prise de thiazidiques).19

Une alimentation riche en potassium et un traitement à épargne potassique semblent donc être des outils intéressants dans la prise en charge de l’HTA, mais il faut rester attentif à la survenue d’une hyperkaliémie qui survient essentiellement chez des patients avec une fonction rénale très réduite, dont la clairance est en général < 30 ml/min.

Conclusion

La connaissance des habitudes alimentaires d’un patient permet de lui offrir des conseils diététiques pertinents pour la prévention de l’HTA, mais aussi pour son meilleur contrôle une fois la maladie installée. Des conseils personnalisés, ciblant un meilleur équilibre entre les apports en sodium et potassium, seront le fruit d’une évaluation méticuleuse de l’alimentation journalière et de la discussion avec le patient au sujet des changements qu’il est prêt à faire afin d’améliorer son profil tensionnel. La promesse d’une diminution du nombre de médicaments antihypertenseurs nécessaires après l’augmentation des apports en potassium par rapport aux apports en sodium, pourrait renforcer et maintenir sa motivation.20

Conflits d’intérêts :

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Implications Pratiques

▪ Il existe une relation positive entre le ratio des apports journaliers en sodium/potassium et la pression artérielle

▪ L’augmentation des apports en potassium peut produire une baisse de la pression artérielle, surtout chez les personnes hypertendues, ceux consommant de grandes quantités de sel, les personnes âgées et les personnes d’origine africaine ou afro-américaine

▪ Les conseils diététiques pour la prévention et le contrôle de l’hypertension devraient viser un équilibre entre les apports en potassium et sodium (rapport proche de l’unité)

▪ Les sources alimentaires principales de potassium sont les fruits, les légumes et les noix

Auteurs

Sofia Zisimopoulou

Service de médecine de premier recours, Hôpitaux universitaires de Genève
1211 Genève 14
sofia.zisimopoulou@hcuge.ch

Antoinette Pechere-Bertschi

Faculté de Médecine, Université de Genève, 1211 Genève 4
antoinette.pechere@hcuge.ch

Michel Burnier

Policlinique médicale universitaire
Rue César Roux 19 1005 Lausanne

Le produit a bien été ajouté au panier ! Vous pouvez continuer votre visite ou accéder au panier pour finaliser votre commande.

Voir le Panier

Mot de passe oublié

Veuillez entrer votre adresse email ci-dessous pour recevoir un lien de réinitialisation de mot de passe

Un e-mail a été envoyé à votre adresse email. Suivez les instructions fournies pour réinitialiser votre mot de passe

Aucun compte n'est associé à cette adresse e-mail.

Nouveau mot de passe

Vous pouvez créer votre nouveau mot de passe ici

Votre mot de passe a bien été modifié!

Cliquez ici pour vous connecter

Nous ne sommes pas en mesure de changer votre mot de passe.

Certains de ces cookies sont essentiels, tandis que d'autres nous aident à améliorer votre expérience en vous fournissant des informations sur la manière dont le site est utilisé.

Paramétrer les cookies
  • Les cookies nécessaires activent la fonctionnalité principale. Le site Web ne peut pas fonctionner correctement sans ces cookies et ne peut être désactivé qu'en modifiant les préférences de votre navigateur.

  • Ces cookies permettent d’obtenir des statistiques de fréquentation anonymes du site de la Revue Médicale Suisse afin d’optimiser son ergonomie, sa navigation et ses contenus. En désactivant ces cookies, nous ne pourrons pas analyser le trafic du site de la Revue Médicale Suisse

  • Ces cookies permettent à la Revue Médicale Suisse ou à ses partenaires de vous présenter les publicités les plus pertinentes et les plus adaptées à vos centres d’intérêt en fonction de votre navigation sur le site. En désactivant ces cookies, des publicités sans lien avec vos centres d’intérêt supposés vous seront proposées sur le site.

  • Ces cookies permettent d’interagir depuis le site de la Revue Médicale Suisse avec les modules sociaux et de partager les contenus du site avec d’autres personnes ou de les informer de votre consultation, lorsque vous cliquez sur les fonctionnalités de partage de Facebook et de Twitter, par exemple. En désactivant ces cookies, vous ne pourrez plus partager les articles de la Revue Médicale Suisse depuis le site de la Revue Médicale Suisse sur les réseaux sociaux.