Le trouble bipolaire (TB) est une affection récidivante avec une prévalence d’environ 2 % si l’on considère les troubles bipolaires I (phases maniaques et dépressives) et II (phases hypomaniaques et dépressives) réunis.1 Le premier épisode survient généralement vers la fin de l’adolescence ou l’âge adulte jeune. Dans la moitié des cas environ, le trouble bipolaire commence par un épisode dépressif. Il sera alors considéré comme unipolaire jusqu’à l’apparition d’un épisode hypomane ou maniaque, parfois plusieurs années après l’épisode dépressif inaugural. Les comorbidités psychiatriques et somatiques sont fréquentes. On retrouve très souvent un trouble anxieux, une problématique d’abus de substances et / ou un trouble de personnalité associé au trouble bipolaire. Les comorbidités somatiques augmentent avec l’âge et compliquent le diagnostic et le traitement. Elles ont un impact négatif sur l’évolution à long terme et la qualité de vie. Les plus fréquentes sont les maladies cardiovasculaires, les migraines et le diabète de type 2. Le choix du traitement pharmacologique devra tenir compte des bénéfices / risques pour le patient et de ses comorbidités.
La dépression est la phase la plus invalidante et la plus dangereuse du TB, la grande majorité des gestes suicidaires survenant lors de dépression. Pour environ deux tiers des personnes avec un TB, la dépression survient juste après un épisode hypomaniaque ou maniaque. Elle peut également être suivie par un épisode de hausse de l’humeur à la sortie de la phase dépressive. Dans le TB II, la récurrence des épisodes est à dominante dépressive et avec une fréquence plus élevée que dans la dépression récurrente unipolaire.
Le tableau clinique d’une dépression unipolaire et bipolaire est superposable, sans éléments pathognomoniques qui permettent de clairement les différencier. Certains éléments orientent toutefois le diagnostic vers une dépression bipolaire, comme l’installation rapide des symptômes ou la présence de symptômes psychotiques, plus fréquents lors de dépression bipolaire. La durée des épisodes dépressifs bipolaires est en moyenne plus courte que celle des épisodes unipolaires. Les symptômes atypiques (hypersomnie, prise de poids) sont également plus fréquents lors de dépression bipolaire.
L’utilisation des antidépresseurs (AD) pour le traitement d’une dépression dans un contexte de TB est très fréquente en pratique clinique. Cependant, le rôle et l’efficacité des AD dans cette indication restent controversés.1,2 Une anamnèse de résistance / mauvaises réponses aux AD lors de dépression a été suggérée comme étant un bon prédicteur de TB.
Le risque d’induction de virage hypomaniaque/maniaque par les AD est encore un sujet de discussion parmi les experts. Ce risque semble être surtout associé à des antécédents de virage hypomaniaque ou maniaque sous AD. Il semble également être plus élevé pour les AD tricycliques et les AD à double action de types inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN) comme la venlafaxine que pour les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS).1 Selon certaines études, les AD pourraient induire une évolution vers des cycles rapides et augmenter la sévérité des épisodes thymiques.
Actuellement, il est recommandé d’éviter les AD lors de TB de type I, sauf si une prescription antérieure a été efficace et n’a pas engendré de virage hypomane/maniaque ou d’état mixte, ou si l’humeur est devenue à nouveau dépressive lors de l’arrêt de l’antidépresseur.2 Lorsqu’un AD est prescrit, ce n’est jamais en monothérapie mais en plus du stabilisateur de l’humeur. En présence d’un état mixte, il faut stopper sans attendre l’antidépresseur car il pourrait entretenir ou même péjorer la symptomatologie mixte.
Pour le TB type II, les AD semblent avoir un rôle à jouer, ce trouble étant plus proche de la dépression unipolaire que le TB type I.
Parmi les traitements pharmacologiques, les directives récentes proposent la quétiapine, le lithium ou la lamotrigine comme premier choix en monothérapie.3,4 D’autres options en monothérapie ou combinaisons de traitement sont proposées. Les traitements psychothérapeutiques disponibles pour le traitement de la dépression bipolaire seront également évoqués et discutés lors du séminaire.
Malgré les différentes molécules pharmacologiques et options psychothérapeutiques disponibles, la dépression bipolaire reste un défi majeur pour les cliniciens. Une meilleure compréhension des causes neurobiologiques du TB devrait permettre à l’avenir de développer de nouvelles approches plus efficaces.