L’insuffisance veineuse superficielle des membres inférieurs est une pathologie fréquente, définie par un reflux et la dilatation de veines superficielles. Ses manifestations sont classifiées selon les stades CEAP résumés dans le tableau 1, comprenant également la prévalence de chaque stade.1 Un bilan écho-Doppler par un angiologue est une étape-clé, obligatoire pour déterminer l’extension de l’insuffisance veineuse et choisir le meilleur traitement adapté à chaque patient.2 Outre les traitements conservateurs (hygiène de vie, bas de contention, médicaments veinotoniques) et la chirurgie classique, les nouveaux traitements endoveineux ont fait leur preuve dans l’amélioration des symptômes et vraisemblablement pour limiter le risque d’évolution vers des stades d’insuffisance veineuse avancée.
Le traitement interventionnel des veines superficielles peut être classifié selon le mode d’ablation : thermique, chimique ou mécanique (chirurgical). Récemment, les techniques endoveineuses, et notamment le laser endoveineux ou la radio-fréquence, ont pris le pas sur les techniques chirurgicales classiques, comme recommandé dans les dernières guidelines internationales (tableau 2).3 Le but de cet article est de résumer les différentes techniques actuellement utilisées et leurs indications respectives.
L’ablation thermique consiste à léser par la chaleur l’endothélium et la media de la paroi veineuse, ce qui a pour conséquence une rétraction du collagène et une réduction du diamètre de la veine pour aboutir à une occlusion, puis à une fibrose de cette dernière. Elle regroupe le laser endoveineux, la radio-fréquence et l’ablation par vapeur à haute température. Cette dernière technique ne s’est pas développée à grande échelle et ne sera pas abordée.
On utilise l’ablation thermique pour traiter les troncs saphéniens. En effet, la rigidité de la fibre limite son utilisation à des segments veineux rectilignes avec un trajet de préférence intrafascial, mais elle permet également de traiter les perforantes incontinentes. Il s’agit d’une technique ambulatoire, réalisée en anesthésie locale, qui peut parfaitement être utilisée en cabinet privé, à condition de respecter des règles d’asepsie strictes.4 Après introduction de la fibre dans le segment à traiter par un cathéter, on procède à une anesthésie par tumescence (injection sous contrôle échographique d’une solution refroidie de Ringer-lactate, lidocaïne 1 % / adrénaline et bicarbonate électivement autours de la veine à traiter).5 Cette procédure permet d’obtenir une anesthésie efficace et de séparer la veine des tissus avoisinants (nerfs, muscles, etc.) afin d’éviter de les brûler. Ce type d’anesthésie augmente le succès de l’intervention en réduisant le diamètre de la veine, permettant à la fibre d’être en contact direct avec la paroi.
Les seules limitations de cette technique sont un trajet très superficiel de la veine, en raison du risque de brûlure cutanée et de persistance d’un cordon induré palpable postopératoire, et des tortuosités majeures qui peuvent compromettre le passage de la fibre. Le diamètre n’est pas limitant. A noter qu’en Suisse les techniques par ablation thermique sont prises en charge par l’assurance-maladie de base depuis le 1er janvier 2016.
Cette technique, décrite pour la première fois en 1999 par Boné, consiste en l’application d’une énergie délivrée par une fibre laser dans la paroi des veines. Différentes longueurs d’onde ont été testées pour finalement arriver au développement d’une fibre radiale à 1470 nm qui est actuellement la plus fréquemment utilisée. Elle a l’avantage de ne pas provoquer de perforations de la paroi veineuse comme c’était le cas avec les premières générations de fibres et de longueur d’onde.6 De ce fait, les douleurs postopératoires, l’inflammation périveineuse et les hématomes ont pu être fortement réduits, ce qui a permis de supprimer la prise systématique d’antalgiques dans les suites postopératoires.
Lors de l’ablation thermique par laser, l’énergie délivrée se détermine en fonction du diamètre de la veine, de la présence ou non de structures neurologiques adjacentes et peut être individuellement adaptée par l’opérateur. Les risques sont faibles. Lorsqu’un thrombus se forme dans la partie proximale de la grande veine saphène (GVS), on parle d’endovenous heat induced thrombosis (EHIT) qui est classifiée en différents stades (1 à 4) selon l’extension et le volume du thrombus (figure 1). La prévalence de cette complication est décrite entre 1,5 et 5 % dans la littérature.7 En l’absence d’extension dans la veine fémorale commune (EHIT stade 1), un suivi échographique rapproché est proposé, sans anticoagulation. Les EHIT de stades 4 sont traités par anticoagulation curative. Un certain degré d’incertitude existe pour les stades intermédiaires qui sont traités au cas par cas. Les lésions neurologiques (paresthésies, hypoesthésies) sont rares sous anesthésie par tumescence avec une prévalence de l’ordre de 1 %. Ce risque augmente significativement lorsque l’ablation thermique est effectuée sous anesthésie générale (11,8 vs 2,2 %).8 Les infections cutanées sont également rares (< 1 %), de même que les brûlures (< 0,1 %).
Cette technique démontre des résultats au moins comparables à la chirurgie en termes d’efficacité, avec un succès complet estimé à 82,3 vs 78 % et un taux d’échecs de 6,4 et 8,1 % pour les traitements, respectivement par laser et chirurgie dans l’étude de Brittenden, 9 et permet d’éviter les risques liés à une anesthésie générale ou péridurale. L’étude de Van der Velden et coll., publiée en 2015, démontre également une diminution de la néovascularisation à 5 ans par rapport à une prise en charge par chirurgie classique.10 Un retour au travail plus rapide est un autre avantage de cette technique.11
Cette technique, utilisée depuis le début des années 2000, consiste en une ablation thermique de la varice par un cathéter endoluminal dont l’extrémité est chauffée par le passage d’un courant radioélectrique de haute fréquence. L’énergie transmise engendre une température atteignant les 120 °C et permet une destruction de l’intima aboutissant à une destruction fibreuse de la veine. Le retrait de la sonde de radiofréquence se fait par segments (par exemple, de 7 cm, pour le système ClosureFast).12 L’efficacité et le taux de complications sont similaires au laser et à la chirurgie.11
L’ablation chimique des varices comprend 2 types de technique : l’injection d’un produit sclérosant dans la veine (avec ou sans irritation mécanique par cathéter) ou l’injection d’une colle, engendrant une occlusion du segment veineux traité. Ces techniques ne nécessitent pas d’anesthésie par tumescence.
La sclérothérapie échoguidée à la mousse (SEM) consiste en l’injection d’un produit sclérosant dans la varice sous guidage ultrasonographique. La sclérothérapie des varices développée au début du xxe siècle a connu une renaissance dans les années 90 avec l’injection du produit sclérosant sous forme de mousse et sous contrôle ultrasonographique. Ceci a permis d’améliorer l’efficacité du traitement tout en réduisant les complications, notamment le risque d’injection intra-artérielle. Différents produits sclérosants peuvent être utilisés, mais le polidocanol (Aethoxysklérol, Kreussler Pharma, Allemagne) est le plus utilisé en Suisse. Cette molécule, initialement développée comme anesthésique local, agit comme un détergent qui induit une lésion endothéliale, avec formation d’un sclérothrombus et développement d’une fibrose aboutissant en la transformation de la varice en cordon fibreux.
Cette technique a de nombreux avantages : elle peut être réalisée en ambulatoire, elle est économique, ne nécessite pas d’anesthésie et peut s’effectuer même en présence d’une anticoagulation à dose thérapeutique, également chez des patients fragiles ou lors d’atteintes cutanées avancées.12
Les indications à la SEM sont larges puisqu’elle permet de traiter les troncs saphéniens, les tributaires, les perforantes et les récidives, parfois difficiles, voire impossibles à traiter par laser ou chirurgie, ainsi que les varices péri-ulcéreuses. Son efficacité est inversement proportionnelle au diamètre de la veine à traiter : plus le diamètre est élevé, moins bonne est l’efficacité. On obtient des taux d’occlusions estimés entre 80 et 95 % selon les études pour des varices de 5 à 7 mm.13 On observe un taux de recanalisations nettement supérieur à 5 ans par rapport aux traitements par ablation thermique ou mécanique, mais les études démontrent un niveau de satisfaction comparable à la chirurgie et au laser après traitement par SEM, même en cas de recanalisation ultrasonographique de la veine traitée.14
Les risques de cette technique sont faibles et le plus souvent bénins (tableau 3). Cette technique, présentant une grande simplicité d’exécution et un faible coût, peut être facilement répétée, permettant de contrôler la maladie variqueuse au fur et à mesure de son évolution.
En raison du taux de recanalisations élevé après SEM, une nouvelle technique endoveineuse combinant l’effet du médicament sclérosant avec une irritation mécanique de la veine, l’ablation pharmaco-mécanique (Clarivein), a récemment été introduite.15 Un cathéter avec un bout oscillant est introduit sous contrôle échographique dans la veine à traiter, engendrant une lésion de l’endothélium et un vasospasme, avec injection dans le même temps d’un produit sclérosant conduisant à une sclérose plus efficace de la veine.
Une autre technique d’ablation chimique a été introduite par injection de colle médicale (cyanoacrylate) dans la varice à traiter (VenaSeal). Cette technique démontre une non-infériorité par rapport au traitement par radiofréquence dans les études, avec moins de douleurs et d’hématomes postopératoires.16
La chirurgie des varices est une technique décrite en 1903 par Babcock et qui reste encore fréquemment utilisée en pratique courante. Cependant, les indications de la chirurgie classique s’amenuisent en faveur des techniques endoveineuses moins invasives et comprennent actuellement toutes les situations dans lesquelles une approche endoveineuse est rendue impossible pour des raisons techniques : par exemple, en cas de tortuosité majeure de la veine à traiter ou en cas d’antécédent de thrombose veineuse superficielle avec occlusions segmentaires des troncs saphéniens.
La technique classique pour le traitement des troncs saphéniens consiste en une ligature de la crosse associée à un stripping de la veine à traiter et peut également être réalisée en ambulatoire.17 Une technique alternative consistant à un stripping de la GVS sans ligature de la jonction saphéno-fémorale permet de préserver la crosse et démontre une diminution du taux de récidives à 8 ans.18 L’efficacité est comparable par rapport au traitement par laser mais le coût d’une intervention chirurgicale dépasse celui d’une prise en charge endoveineuse.11 Les complications sont résumées dans le tableau 4.
Les varices superficielles extrafasciales sont préférentiellement traitées par phlébectomies ambulatoires. On réalise l’ablation de ces varices à l’aide d’un crochet à travers une mini-incision, sous anesthésie locale par tumescence. En général, cette technique est préférée à l’ablation chimique par SEM qui présente un risque accru de réaction inflammatoire et de pigmentation secondaire. Cette prise en charge peut être réalisée conjointement avec un traitement par ablation thermique ou chimique des varices intrafasciales.
Les récidives de varices sont fréquentes puisqu’on observe 20 à 70 % de récidives à 10 ans. La prise en charge des récidives est techniquement plus complexe avec une morbidité augmentée. En effet, contrairement au tronc saphène qui est en principe rectiligne dans son trajet intrafascial, les récidives se présentent sous forme de varices tortueuses aussi bien dans leur trajet intrafascial qu’extrafascial. Elles peuvent alors souvent n’être retirées que partiellement, résultant en un risque plus élevé de récidives ultérieures et un taux de satisfaction moindre des patients.19
On peut diviser les récidives de varices en 2 sous-groupes : les recanalisations et les néovascularisations. Les premières sont plus fréquentes après traitement par laser ou SEM et les secondes après traitement chirurgical. Il s’agit néanmoins de souligner que la cause la plus fréquente de récidive est la progression de la maladie veineuse sous-jacente.
Le choix de la prise en charge interventionnelle des récidives dépend du type de récidive, de sa localisation et de l’anatomie des varices, raison pour laquelle l’examen écho-Doppler est obligatoire. En fonction du type de récidive, chaque technique est théoriquement possible. Dans la pratique, sous réserve d’un diamètre important supérieur à 6 mm, la prise en charge ambulatoire par SEM, parfois associée à des phlébectomies étagées, est la technique la plus fréquemment utilisée.
La prise en charge interventionnelle des ulcères par procédures endoveineuses permet d’obtenir une fermeture précoce des plaies et de diminuer le risque de récidive.20 Dans ce groupe de patients souvent âgés, la SEM est fréquemment utilisée. En effet, l’atteinte cutanée contre-indique souvent la réalisation de techniques plus invasives comme la phlébectomie en raison du risque de non-guérison des incisions cutanées.
La prise en charge de l’insuffisance veineuse par procédures endoveineuses (ablation thermique, SEM) représente actuellement le traitement de choix en raison d’une efficacité comparable à la chirurgie avec moins de complications, une durée d’arrêt de travail moindre et pour des raisons économiques. Elles ont l’avantage de pouvoir être réalisées en ambulatoire, sous anesthésie locale, également chez des patients fragiles, âgés, sans forcément devoir mettre en suspens un éventuel traitement anticoagulant. Si nécessaire, elles peuvent être complétées par des phlébectomies étagées sous anesthésie locale, soit effectuées dans le même temps opératoire ou dans un deuxième temps. Elles sont validées par de nombreuses études et occupent la place de référence dans les nouvelles recommandations de l’European Society for Vascular Surgery (tableau 2).3 La chirurgie classique garde sa place dans certaines indications en fonction de l’anatomie de la varice et des préférences du patient. Un bilan angiologique détaillé est une étape-clé pour confirmer l’indication et définir le type de traitement dans la prise en charge du patient avec insuffisance veineuse, dont l’exemple du CHUV est illustré dans la figure 2.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ Le traitement endoveineux thermique des varices a pris le pas sur les traitements chirurgicaux dans les dernières guidelines publiées
▪ L’abation thermique des troncs saphéniens est réalisée en anesthésie locale, en ambulatoire, voire même en cabinet médical
▪ La sclérothérapie échoguidée à la mousse ne nécessite pas d’anesthésie, est économique et permet de traiter des patients fragiles, sans mise en suspens d’une anticoagulation, également en cas de troubles trophiques avancés
▪ La sclérothérapie échoguidée à la mousse est très fréquemment utilisée dans les situations particulières que sont les récidives de varices et le traitement des ulcères variqueux