JE M'ABONNE DÈS AUJOURD'HUI
et j'accède à plus de contenu
ISO 690 | Rodrigues, B., Anchisi, S., Petignat, P., Gobin, N., Néphrotoxicité des thérapies oncologiques, Rev Med Suisse, 2017/563 (Vol.13), p. 1055–1058. DOI: 10.53738/REVMED.2017.13.563.1055 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2017/revue-medicale-suisse-563/nephrotoxicite-des-therapies-oncologiques |
---|---|
MLA | Rodrigues, B., et al. Néphrotoxicité des thérapies oncologiques, Rev Med Suisse, Vol. 13, no. 563, 2017, pp. 1055–1058. |
APA | Rodrigues, B., Anchisi, S., Petignat, P., Gobin, N. (2017), Néphrotoxicité des thérapies oncologiques, Rev Med Suisse, 13, no. 563, 1055–1058. https://doi.org/10.53738/REVMED.2017.13.563.1055 |
NLM | Rodrigues, B., et al.Néphrotoxicité des thérapies oncologiques. Rev Med Suisse. 2017; 13 (563): 1055–1058. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2017.13.563.1055 |
Exporter la citation | Zotero (.ris) EndNote (.enw) |
Development of oncological treatments has progressively and significantly reduced both mortality and morbidity. Chemotherapy and more recently immunotherapy may have short- and long-term side effects among which, renal involvement is one of the most frequent complications, which may alter therapeutic options and quality of life. High cumulative doses of chemotherapy, concomitant administration of nephrotoxic treatment and pre-existing nephropathy are to be carefully considered. This article intends to review some practical considerations concerning therapies from a nephrological point of view.
Le développement de thérapies oncologiques spécifiques a permis de diminuer progressivement et significativement la mortalité ainsi que la morbidité globale. La chimiothérapie et plus récemment les traitements biologiques ciblés peuvent s’accompagner d’effets secondaires à court et long termes, et l’atteinte rénale est l’une des complications les plus fréquentes qui peut notamment limiter significativement les options thérapeutiques et la qualité de vie des patients. Les doses cumulées de ces traitements, l’administration simultanée de traitements néphrotoxiques et la présence de néphropathies concomitantes sont des éléments à prendre en considération. Cet article propose de revoir quelques aspects pratiques sur le plan néphrologique concernant certaines thérapies oncologiques.
La néphrotoxicité induite par les différentes thérapies oncologiques peut se manifester par une insuffisance rénale aiguë ou chronique, une dysfonction tubulaire, une protéinurie ou même une hypertension artérielle. Ainsi, le suivi rénal doit inclure une évaluation systématique du taux de filtration glomérulaire (GFR), de la fonction tubulaire (pH urinaire, protéinurie, électrolytes), de même qu’un suivi de la pression artérielle, en prenant garde notamment à l’effet « blouse blanche ».
Les principales toxicités rénales sont décrites et illustrées par les substances anticancéreuses les plus fréquemment incriminées (tableau 1). Quelques recommandations utiles dans la prévention et l’atténuation de ce type de complications sont émises (tableau 2). On peut ici rappeler que les traitements anticancéreux peuvent provoquer une insuffisance rénale fonctionnelle et des troubles électrolytiques en cas de vomissements ou de diarrhées, qui doivent donc être prévenus et traités. Les complications rénales liées au syndrome de lyse tumorale ou à l’hémolyse intravasculaire immuno-allergique ne seront pas abordées. Les facteurs de risque susceptibles de favoriser la toxicité rénale de ces traitements sont résumés dans le tableau 3.1
Certains agents chimiothérapeutiques, tels la gemcitabine et le bévacizumab, peuvent induire des lésions du réseau vasculaire rénal au sens large.
La gemcitabine (GEM) est un analogue de la pyrimidine qui est rapidement métabolisée par la cytidine désaminase dans le foie, les reins, le sang et d’autres tissus pour donner son métabolite principal, inactif, la 2ʹ-désoxy-2ʹ-2ʹ-difluorouridine (dFdU). L’élimination est essentiellement rénale (99 % de la dose administrée) sous forme de dFdU et pour moins de 10 % sous forme de gemcitabine inchangée.
Le plus fréquemment, l’atteinte rénale liée à ce traitement est une microangiopathie thrombotique (MAT). L’incidence de la MAT varie de 0,015 à 1,4 % avec plus des deux tiers des cas nécessitant un traitement empirique par échanges plasmatiques ou la perfusion de plasmas frais congelés.2,3 Les mécanismes impliqués ne sont pas clairement élucidés et incluraient notamment une toxicité endothéliale directe. Les patients traités par gemcitabine doivent être surveillés sur les plans hématologique ainsi que néphrologique pendant toute la durée du traitement et au minimum durant les trois mois suivant l’arrêt du traitement. Le diagnostic peut être difficile à établir et doit être évoqué en présence d’une anémie hémolytique avec un test de Coombs négatif, une thrombocytopénie, une insuffisance rénale aiguë et une hypertension artérielle nouvelle ou s’aggravant sous GEM. L’interruption du traitement est alors primordiale.
Il s’agit d’un anticorps monoclonal humanisé, dirigé contre le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF). Du point de vue rénal, le VEGF est exprimé sur les cellules glomérulaires, mésangiales et endothéliales péri-tubulaires.4 Le VEGF est impliqué dans le relargage de l’oxyde nitrique et son inhibition entraînerait notamment un déséquilibre vasoconstrictif conduisant à une hypertension artérielle.
Une étude comparant des patients recevant une chimiothérapie associée au bévacizumab (BEV) avec des patients recevant uniquement la chimiothérapie, montre une incidence d’hypertension artérielle de grade III de respectivement 11 et 2,3 %.5 Tout stade d’hypertension confondu, l’incidence est de 22,4 % chez les patients recevant le BEV. Cette hypertension peut être le plus souvent contrôlée par une monothérapie. Dans les différentes études, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) ainsi que les inhibiteurs des canaux calciques sont les plus prescrits. À noter que les IEC pourraient avoir une action anti-VEGF et entrer en compétition avec le BEV.6 De ce fait, en première intention, les inhibiteurs des canaux calciques sont proposés.
Le BEV peut aussi provoquer l’apparition d’une protéinurie d’origine glomérulaire, parfois d’ordre néphrotique. Dans les essais cliniques, une protéinurie est rapportée jusqu’à 54,7 % des patients traités.7 Les recommandations préconisent une surveillance du développement ou d’une augmentation d’une protéinurie existante. Une mise en pause du traitement en présence d’une protéinurie supérieure à 2 g / 24 heures est conseillée, de même que l’arrêt du traitement en cas de syndrome néphrotique.
Tous les médicaments (anticorps ou inhibiteurs de tyrosine-kinases) inhibant l’activité VEGF peuvent provoquer le même spectre d’effets secondaires.4 L’évolution de l’atteinte rénale induite par ces anti-angiogéniques est majoritairement favorable à leur arrêt, mais la récupération peut n’être que partielle.
Le cisplatine (CIS) et ses homologues, substances largement utilisées dans le traitement de plusieurs types de néoplasie, font partie des traitements les plus néphrotoxiques. Une méta-analyse d’études randomisées entre une chimiothérapie palliative de première ligne avec ou sans sels de platine portant sur 7633 patients rapporte deux fois plus de cas de néphrotoxicité dans le groupe sels de platine.8 Environ la moitié des patients sous CIS à hautes doses développent une toxicité rénale.9
Le CIS est fortement lié aux protéines, sa demi-durée de vie est de 60 minutes. L’élimination se fait par voie rénale à 90 %. L’atteinte rénale secondaire au CIS se présente comme une insuffisance rénale aiguë à diurèse conservée, habituellement réversible, touchant surtout le compartiment tubulo-interstitiel. Les tubules proximaux sont sélectivement lésés par le CIS qui induit une apoptose des cellules tubulaires, caractérisée par une fuite urinaire de magnésium. Une substitution orale en magnésium est dès lors recommandée chez ce type de patients en prévention primaire. Chez l’adulte, 300 mg / jour de magnésium sont proposés. On observe également une atteinte des corpuscules juxta-glomérulaires, responsables de la sécrétion d’érythropoïétine, participant à l’apparition d’une anémie.
L’atteinte rénale peut aussi être irréversible, même en l’absence d’une néphropathie préexistante et malgré une hydratation adéquate. L’utilisation optimale du CIS en cas d’insuffisance rénale reste encore mal établie. Certaines données empiriques suggèrent qu’il peut être administré chez des patients insuffisants rénaux, en adaptant la dose en fonction du taux de filtration glomérulaire (GFR).10,11 L’administration de cristalloïde reste le traitement préventif de choix afin de réduire les risques de néphrotoxicité.
Il s’agit d’un cytostatique alkylant comparable au cyclophosphamide. Son effet secondaire prédominant au niveau des voies urinaires est la cystite hémorragique. Un syndrome de sécrétion inapproprié d’hormone antidiurétique peut être mis en évidence. L’ifosfamide (IFO) entraîne aussi une dysfonction tubulaire proximale de type syndrome de Fanconi, caractérisée par l’excrétion urinaire disproportionnée de glucose, de phosphate, de bicarbonate et d’acides aminés. Cette complication reste rare chez les adultes et est fréquemment réversible.
Moins communément, une diminution du taux de filtration glomérulaire peut être attribuée à l’IFO. Tant le dysfonctionnement glomérulaire que la dysfonction tubulaire peuvent progresser après l’arrêt du traitement. Une dysfonction rénale préexistante est un facteur de risque pour développer une néphrotoxicité à l’IFO. Une adaptation de la dose est recommandée.12
Le cétuximab (CET) est un anticorps qui bloque le récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFR). La réabsorption du magnésium au niveau du tube contourné distal est en partie dépendante de l’activité du récepteur EGF sur la membrane baso-latérale4 par son effet sur le transient receptor potential melastatin 6 (TRPM6) qui appartient à la superfamille des canaux perméables aux cations. Par son mécanisme d’action, le CET provoque chez un tiers des patients une hypomagnésémie, dont 5 % sévères.13 L’expression clinique de l’hypomagnésémie isolée est peu fréquente. Les manifestations s’observent principalement lors d’association avec d’autres troubles électrolytiques comme l’hypokaliémie ou l’hypocalcémie. L’hypomagnésémie peut s’exprimer par une tétanie, des crampes musculaires, des fasciculations, des tremblements ou une faiblesse musculaire ; à l’extrême, en cas d’hypomagnésémie sévère, les complications neurologiques (convulsions, apathie, délire, coma) ou cardiaques (allongement de l’intervalle QT, troubles du rythme) peuvent engager le pronostic vital. Cette hypomagnésémie est réversible à l’arrêt du traitement, parfois très lentement. Il ne semble pas nécessaire d’ajuster la posologie de CET selon la fonction rénale.
Cette toxicité est également rencontrée avec le panitumumab, autre anticorps anti-EGFR. Elle est décrite dans des modèles murins pour les inhibiteurs de tyrosines kinases de l’EGFR mais non rapportée en clinique.4
Le méthotrexate (MTX) est un agent de la classe des antimétabolites, antagoniste de l’acide folique, qui inhibe la dihydrofolate réductase et de ce fait aussi la synthèse de l’ADN. Le méthotrexate est éliminé par filtration glomérulaire.14 De 50 à 90 % de la dose sont excrétés dans les urines sous forme inchangée et environ 10 % sous forme de 7-hydroxyméthotrexate, métabolite qui contribue à sa néphrotoxicité. Le MTX à doses < 0,5-1 g / m2 n’est habituellement pas associé à une toxicité rénale, hormis en cas de néphropathie préexistante. A l’inverse, de hautes doses de MTX (1 à 15 g / m2) peuvent conduire à une précipitation intratubulaire du catabolite. Ceci entraîne alors un syndrome obstructif avec nécrose tubulaire secondaire. La toxicité rénale peut prolonger l’exposition au méthotrexate et augmente significativement le risque de toxicité médullaire. Le maintien d’un état euvolémique ainsi que l’alcalinisation des urines diminuent le risque de développer une tubulopathie à cristaux.
Une diminution transitoire du débit de filtration glomérulaire peut aussi être imputée au MTX, avec récupération dans les six à huit heures après l’arrêt du traitement. Le processus inclut une vasoconstriction de l’artériole afférente et / ou une rétraction des cellules mésangiales, conduisant à une diminution de la surface totale des capillaires glomérulaires, une diminution de la perfusion glomérulaire ainsi qu’une diminution de la pression de filtration.
Chez les patients atteints d’insuffisance rénale, la dose doit être adaptée afin d’éviter une accumulation du MTX.15 En cas d’insuffisance rénale sévère, l’utilisation du MTX est contre-indiquée.
Le nivolumab (NIV) est un anticorps monoclonal bloquant le récepteur PD-1 (programmed death-1). Avec les anticorps anti-PD-L1 (ligand de PD-1) et anti CTLA-4 (human cytotoxic T lymphocyte-associated antigen 4), il appartient aux inhibiteurs des checkpoints immunologiques qui visent à restaurer une activité immunologique contre les cellules tumorales. Leurs effets secondaires sont liés à une activation du système immunitaire, non pas contre la tumeur mais contre des composantes du soi.
La toxicité rénale de type immune, rapportée initialement à 2-3 % d’incidence dans les études, semble moins fréquente par rapport aux autres toxicités médiées par cette auto-immunité, mais son incidence en clinique semble plus élevée (13-29 %).16 Elle se manifeste essentiellement sous forme d’une néphrite aiguë tubulo-interstitielle granulomateuse.16,17 Une détection précoce est importante en raison des lésions qui peuvent devenir irréversibles. Habituellement, la mise en pause du traitement et l’administration de corticostéroïdes (0,5-2 mg / kg PO ou IV) permettent l’amélioration de la fonction rénale. En cas d’évolution défavorable, ces toxicités immuno-médiées, encore mal caractérisées, nécessitent souvent la réalisation d’une ponction-biopsie rénale pour poser le diagnostic.
La prévention de la survenue d’une néphrotoxicité liée aux traitements oncologiques passe en premier lieu par l’estimation ou la mesure de la fonction de filtration glomérulaire, l’évaluation de la fonction tubulaire ainsi que par l’adaptation des dosages en fonction du taux de filtration glomérulaire. Des mesures spécifiques peuvent alors ensuite être proposées en fonction des différents choix thérapeutiques (tableau 2).
La fonction rénale doit ainsi être régulièrement surveillée durant les traitements et parfois plusieurs mois après leur interruption. Le taux de filtration glomérulaire, la fonction tubulaire, l’apparition d’une protéinurie ou d’une hypertension artérielle sont les éléments principaux à surveiller. De plus, les traitements concomitants potentiellement néphrotoxiques doivent être limités dans la mesure du possible.
Dans cet article, nous avons abordé les situations les plus fréquemment décrites, toutefois, face à la mise sur le marché régulière de nouveaux produits, il convient d’envisager, à chaque fois, la plausibilité d’un effet toxique médicamenteux lors d’une pathologie rénale.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ Les types de néphrotoxicité les plus fréquemment observés dans le contexte de thérapies oncologiques peuvent être répartis selon la structure rénale principalement touchée : vasculaire, glomérulaire, tubulaire, précipitation de cristaux et interstitielle
▪ Il est primordial de surveiller (avant, pendant et après une cure) le taux de filtration glomérulaire, la fonction tubulaire, la protéinurie et la pression artérielle
▪ Certaines interventions préventives ou traitements spécifiques peuvent être proposés selon les situations
Le produit a bien été ajouté au panier ! Vous pouvez continuer votre visite ou accéder au panier pour finaliser votre commande.
Veuillez entrer votre adresse email ci-dessous pour recevoir un lien de réinitialisation de mot de passe
Vous pouvez créer votre nouveau mot de passe ici
Certains de ces cookies sont essentiels, tandis que d'autres nous aident à améliorer votre expérience en vous fournissant des informations sur la manière dont le site est utilisé.
Les cookies nécessaires activent la fonctionnalité principale. Le site Web ne peut pas fonctionner correctement sans ces cookies et ne peut être désactivé qu'en modifiant les préférences de votre navigateur.
Ces cookies permettent d’obtenir des statistiques de fréquentation anonymes du site de la Revue Médicale Suisse afin d’optimiser son ergonomie, sa navigation et ses contenus. En désactivant ces cookies, nous ne pourrons pas analyser le trafic du site de la Revue Médicale Suisse
Ces cookies permettent à la Revue Médicale Suisse ou à ses partenaires de vous présenter les publicités les plus pertinentes et les plus adaptées à vos centres d’intérêt en fonction de votre navigation sur le site. En désactivant ces cookies, des publicités sans lien avec vos centres d’intérêt supposés vous seront proposées sur le site.
Ces cookies permettent d’interagir depuis le site de la Revue Médicale Suisse avec les modules sociaux et de partager les contenus du site avec d’autres personnes ou de les informer de votre consultation, lorsque vous cliquez sur les fonctionnalités de partage de Facebook et de Twitter, par exemple. En désactivant ces cookies, vous ne pourrez plus partager les articles de la Revue Médicale Suisse depuis le site de la Revue Médicale Suisse sur les réseaux sociaux.