Bien que le SARS-CoV-2 infecte des individus de tout âge, les enfants montrent des symptômes moins sévères. Les cas de Covid-19 graves sont exceptionnels en pédiatrie mais nécessitent néanmoins toute notre attention. De nombreuses études ont été menées et sont encore en cours à la recherche de traitements efficaces. Sur le plan antiviral, aucune molécule n’a fait ses preuves à l’heure actuelle. Les résultats de plusieurs travaux sur le bénéfice des anticorps monoclonaux et du plasma convalescent sont attendus avec impatience. Du côté des immunomodulateurs, le bénéfice des stéroïdes a pu être démontré chez les patients présentant une infection pulmonaire sévère. D’autres molécules sont à l’étude. Cependant, toutes ces études s’intéressent aux adultes et les données pédiatriques sont quasiment inexistantes.
L’évolution clinique de l’infection à SARS-CoV-2 peut être divisée en plusieurs phases déterminant différentes stratégies thérapeutiques. Après des manifestations liées à la réplication virale et à la réponse inflammatoire locale, certains patients présentent une réponse inflammatoire systémique au décours de l’infection aiguë (tempête cytokinique).1 Dans de rares cas et essentiellement en pédiatrie, on décrit également un syndrome inflammatoire multisystémique (Multisystem Inflammatory Syndrome in Children (MIS-C)) survenant quelques semaines après le début de l’infection et dont la nature semble postinfectieuse.2,3 Nous n’aborderons pas cette entité, un article lui étant déjà dédié dans ce numéro de la revue. L’infection à SARS-CoV-2 touche les enfants de tout âge avec cependant une susceptibilité à l’infection qui semble moins importante chez ceux d’âge plus jeune.4,5 Les enfants semblent également moins sévèrement atteints.6 Néanmoins, plusieurs cas sévères pédiatriques, MIS-C non inclus, sont décrits à travers le monde.4 Les stratégies thérapeutiques sont issues principalement des données publiées sur la population adulte. Cet article a pour but de présenter les principaux traitements étudiés contre le SARS-CoV-2 (listés dans le tableau 1) et les données actuelles (novembre 2020) en pédiatrie.
Si le remdésivir a suscité beaucoup d’espoir dans la prise en charge des adultes, son bénéfice n’a pas été clairement démontré.
Dans une étude clinique randomisée, le remdésivir a montré diminuer le temps médian d’amélioration clinique (n = 538), sans impact sur la mortalité,7 uniquement chez les patients oxygénodépendants mais non intubés. Cet avantage n’a pas été confirmé dans d’autres essais cliniques,8,9 ni par SOLIDARITY, une étude randomisée et contrôlée de grande envergure, conduite par l’OMS (11 266 patients dont 2750 sous remdésivir).10 Aucune diminution significative de la mortalité, du besoin de ventilation ni de la durée de l’hospitalisation n’a pu être démontrée. Par ailleurs, les charges virales au niveau des voies respiratoires supérieures ne semblent pas être modifiées par l’administration de remdésivir.8
En Suisse, Swissmedic autorise l’utilisation du remdésivir pour les patients atteints du Covid-19 dès l’âge de 12 ans s’ils répondent à certains critères (tableau 2).
En pédiatrie, les connaissances sont limitées. Les données proviennent essentiellement de son utilisation pour traiter la maladie à virus Ebola. Une étude randomisée et contrôlée a ainsi inclus 41 patients pédiatriques. Les détails concernant la tolérance chez les enfants ne sont pas disponibles.11 Quelques rapports de cas décrivent l’utilisation du remdésivir en pédiatrie dans le cadre d’un Covid-19 sévère, y compris chez un nouveau-né.12-14
La combinaison lopinavir/ritonavir jouit d’une bonne expérience en pédiatrie dans le contexte du traitement du VIH. Cependant, il n’existe aucune preuve de son efficacité dans le traitement des patients infectés par SARS-CoV-2. Les grands essais cliniques RECOVERY, SOLIDARITY et DisCoVery ont stoppé les inclusions dans ce groupe thérapeutique en raison de l’absence de bénéfice dans les résultats préliminaires et d’une augmentation des valeurs de créatinine.10,15,16 Son utilisation n’est donc pas préconisée dans le traitement d’un Covid-19.
Malgré des données in vitro suggérant un effet de l’hydroxychloroquine contre le SARS-CoV-2, les essais cliniques RECOVERY et SOLIDARITY n’ont pas confirmé son efficacité, ni sur la mortalité, ni sur la durée d’hospitalisation.10,16 Son utilisation n’est donc pas recommandée, ni en traitement ni en prophylaxie, d’autant qu’il existe un risque de toxicité, en particulier cardiaque.
Les anticorps monoclonaux se fixent à un antigène du virus pour le neutraliser. Plusieurs anticorps monoclonaux ciblant la protéine S (Spike) de SARS-CoV-2 ont été développés. Des essais cliniques sont actuellement en cours sur les indications thérapeutiques et prophylactiques.
Il s’agit d’un cocktail d’anticorps monoclonaux (REGN10933 et REGN10987) ciblant la protéine S du virus, produit par la firme Regeneron. Des résultats prometteurs sur la réplication virale et l’atteinte pulmonaire chez des modèles animaux ont été publiés.17
Plusieurs essais cliniques sont actuellement en cours. Des communiqués de presse du fabricant rapportent une baisse significative de charge virale sous traitement. Notons cependant que Regeneron a stoppé fin octobre le recrutement des patients hospitalisés nécessitant un haut débit d’oxygène en raison d’un risque sur la sécurité et d’un rapport risque-bénéfice défavorable.
Il s’agit de 2 anticorps monoclonaux ciblant également la protéine S. Des essais cliniques sont en cours pour les 2 molécules.
Pour LY-CoV555, des résultats préliminaires concernant des patients suivis en ambulatoire pour des Covid-19 légers à modérés montrent une réduction de la charge virale et une légère diminution de la sévérité des symptômes et de la nécessité d’hospitalisation.18 En revanche, un essai clinique évaluant le LY-CoV555 chez les patients hospitalisés a été suspendu précocement fin octobre 2020 en raison de l’absence de bénéfice. À notre connaissance, il n’existe aucune donnée pédiatrique concernant ces 2 traitements.
Les données sont hétérogènes et limitées, et les différents essais randomisés et contrôlés, qui manquent parfois de puissance, montrent des résultats discordants.19-21 Ce traitement pourrait cependant avoir un impact sur l’évolution clinique et la charge virale chez les patients traités très précocement. Par ailleurs, une grande série a confirmé la sûreté de leur utilisation.22
En pédiatrie, un rapport de cas décrit son utilisation chez un nouveau-né, avec une bonne évolution.23
Le bénéfice de la corticothérapie systémique a été récemment démontré chez les adultes oxygénodépendants (Covid-19 sévère ou critique) à travers une méta-analyse de 7 essais randomisés incluant l’étude RECOVERY. Dans cette méta-analyse de 1703 patients, les corticostéroïdes ont réduit la mortalité toutes causes confondues à 28 jours sans augmentation des effets indésirables graves.24 Ces études n’ont pas inclus d’enfants et les données pédiatriques manquent à ce jour. La décision de débuter un traitement de corticostéroïdes chez un enfant présentant une infection sévère doit donc se faire de manière individuelle et idéalement rentrer dans le cadre d’un essai clinique.
L’acalabrutinib est un inhibiteur de la tyrosine kinase de Bruton (BTK) utilisé dans certains cancers hématologiques. Il fait l’objet d’études chez les patients atteints de Covid-19 car il pourrait moduler la signalisation qui favorise la réponse inflammatoire. Les évidences se limitent à des données observationnelles chez l’adulte.25 Il n’y a pas de données pédiatriques.
Les interférons sont une famille de cytokines possédant des propriétés antivirales. L’interféron-bêta a été étudié dans la prise en charge des patients atteints de Covid-19. Une étude randomisée iranienne a montré une diminution de la mortalité à 28 jours, mais celle-ci présente des limitations méthodologiques importantes.26 Cependant, les résultats intermédiaires de l’étude multicentrique randomisée et contrôlée SOLIDARITY ne montrent pas de bénéfice de l’interféron-bêta sur la mortalité à 28 jours.10 Il n’y a pas de données pédiatriques.
L’inflammation systémique liée au Covid-19 peut être associée à une libération accrue de cytokines pro-inflammatoires, notamment d’IL-1 ou d’IL-6.1
Le tocilizumab est un anticorps monoclonal antirécepteur de l’IL-6. Les études randomisées, dont les résultats ont été publiés, ne montrent pas d’effet ni sur la mortalité ni sur l’évolution clinique. Seul un communiqué de presse du fabricant témoigne d’un bénéfice sur la mortalité et sur l’évolution vers la ventilation mécanique.27,28 Ce traitement n’est actuellement pas recommandé pour le traitement des patients atteints de Covid-19 et son utilisation sera à rediscuter au vu du bénéfice des corticostéroïdes chez les patients atteints de pathologie sévère et critique.
En pédiatrie, son utilisation est surtout rapportée dans la prise en charge du MIS-C.3
La vitamine D peut moduler les réponses immunitaires en se fixant sur les lymphocytes et les cellules présentatrices d’antigène. Son effet protecteur dans la prévention des infections respiratoires aiguës a été démontré dans une méta-analyse de 2017.29 Le rôle de la vitamine D dans la prévention et le traitement de l’infection à SARS-CoV-2 n’est pas suffisamment connu à ce jour. Une seule étude randomisée pilote ouverte a montré un potentiel bénéfice chez les adultes de la supplémentation en calcidiol sur l’admission aux soins intensifs, avec cependant des limitations par rapport au faible nombre de patients inclus et à l’hétérogénéité des facteurs de risque entre les deux groupes.30 Ce bénéfice doit donc encore être vérifié. Plusieurs études randomisées et contrôlées sont en cours. Aucune étude pédiatrique n’est disponible.
La vitamine C est une vitamine hydrosoluble connue pour ses propriétés anti-inflammatoires. Des études animales ont suggéré un rôle de la vitamine C pour réduire l’incidence et la sévérité d’infections bactériennes et virales.31 Une seule étude randomisée en lien avec le Covid-19 a été publiée à ce jour et montre un bénéfice sur la mortalité aux soins intensifs chez les patients dont le score SOFA initial est ≥ 3 (ce score permet d’évaluer le degré de dysfonction des organes).32 Cependant, les données actuelles ne permettent pas de conclure sur un bénéfice de la vitamine C.
En mars 2020, une alerte, controversée par la suite, a été émise en France concernant une possible augmentation de sévérité de l’infection à SARS-CoV-2 liée à l’utilisation des AINS. Cette information a motivé la conduite de plusieurs études :
Si aucun enfant n’a été inclus dans ces études, signalons que plusieurs essais pédiatriques ont mis en évidence une augmentation du risque de complications à type d’empyème, d’abcès pulmonaire et d’épanchement pleural chez des enfants atteints d’une pneumonie communautaire37-41 ou d’une infection virale aiguë,39 traités par AINS.
Les données concernant ce sujet sont donc pauvres, discordantes et ne permettent pas de conclure quant à l’utilisation des AINS en contexte d’infection à SARS-CoV-2 chez l’adulte et par continuum chez l’enfant. C’est dans ce contexte, en l’absence d’évidence scientifique, que plusieurs instances étatiques et internationales (Société suisse de pédiatrie, American Association of Pediatrics, Société canadienne de pédiatrie, OMS) n’ont pas modifié leurs recommandations concernant l’usage des AINS chez les enfants. L’utilisation du paracétamol comme antalgique et antipyrétique est cependant privilégiée.
À l’heure actuelle, excepté les corticostéroïdes, aucun traitement de l’arsenal thérapeutique étudié n’a fait ses preuves contre le SARS-CoV-2 chez l’adulte. Pour certains d’entre eux, l’absence de bénéfice est maintenant clairement démontrée (hydroxychloroquine, association lopinavir/ritonavir). Pour d’autres, les résultats d’études en cours sont attendus.
La présentation clinique du Covid-19 chez les enfants est habituellement bénigne et l’indication à un traitement exceptionnelle. Néanmoins, si les études adultes devaient démontrer l’avantage d’un traitement, il sera essentiel de pouvoir inclure rapidement des enfants afin que les cas pédiatriques sévères bénéficient des meilleurs traitements.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
• Malgré leur rareté, les cas de Covid-19 sévère en pédiatrie doivent bénéficier de la meilleure prise en charge possible
• De multiples pistes sont investiguées mais les données en pédiatrie sont très pauvres et les traitements doivent être discutés au cas par cas, à la lumière des résultats des études conduites chez les adultes
Le groupe « guidelines COVID » des HUG a élaboré des fiches d’attitude concernant, entre autres, les traitements. Ces documents, régulièrement mis à jour, font le point sur les données de la littérature. Elles ont servi de support à la rédaction de cet article et sont disponibles sur : www.intrahug.ch/groupes/coronavirus-de-la-maladie-covid-19/pages/recommandations-institutionnelles-hug-covid-19
Although SARS-CoV-2 infects individuals of all ages, children show less severe symptoms. Nevertheless, the very rare COVID-19 severe cases in paediatrics require our full attention. Much research has been conducted and is still ongoing on effective treatments. On the antiviral front, no molecule has been proven effective yet and the results of several studies on the benefit of monoclonal antibodies and convalescent plasma are pending. On the side of immunomodulators, the benefit of steroids has been demonstrated for patients severely ill. Other molecules are being investigated. However, all these studies focused on adults and paediatric data are warranted.