Sommaire du numéro
ISO 690 Rothuizen, L., E., Livio, F., Buclin, T., Traitements aggravant une infection par le COVID-19 : vraiment ?, Rev Med Suisse, 2020/6912 (Vol.16), p. 852–854. DOI: 10.53738/REVMED.2020.16.691.0852 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2020/revue-medicale-suisse-691-2/traitements-aggravant-une-infection-par-le-covid-19-vraiment
MLA Rothuizen, L., E., et al. Traitements aggravant une infection par le COVID-19 : vraiment ?, Rev Med Suisse, Vol. 16, no. 6912, 2020, pp. 852–854.
APA Rothuizen, L., E., Livio, F., Buclin, T. (2020), Traitements aggravant une infection par le COVID-19 : vraiment ?, Rev Med Suisse, 16, no. 6912, 852–854. https://doi.org/10.53738/REVMED.2020.16.691.0852
NLM Rothuizen, L., E., et al.Traitements aggravant une infection par le COVID-19 : vraiment ?. Rev Med Suisse. 2020; 16 (6912): 852–854.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2020.16.691.0852
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covid-19
29 avril 2020

Traitements aggravant une infection par le COVID-19 : vraiment ?

DOI: 10.53738/REVMED.2020.16.691.0852

The safety of NSAIDs, corticosteroids and renin-angiotensin inhibitors in COVID-19 is challenged. NSAIDs may interfere with the defense process against viral infection and are best avoided. Systemic corticosteroids have not shown benefit in viral infection, including other coronavirus; thus they should be avoided, unless prescribed for another indication. The benefit-risk ratio is however clearly in favor of continuing inhaled corticosteroids in patients with asthma or COPD. ACE inhibitors and sartans upregulate the expression of angiotensin-converting enzyme 2 (ACE2), the pulmonary receptor for SARS-CoV-2. Any possible clinical impact of these treatments on COVID-19 infection remains to be clarified; in the meantime, they should be continued.

Résumé

La sécurité des AINS, corticoïdes et antihypertenseurs agissant sur le système rénine-angiotensine lors d’infection à COVID-19 est mise en question. Les AINS pourraient interférer avec le processus de défense face à une infection virale ; ils sont donc plutôt à éviter. Les corticoïdes systémiques n’ont pas montré de bénéfice lors d’infections virales, y compris à d’autres coronavirus ; ils sont à éviter, sauf si prescrits pour une autre indication. Le rapport bénéfice/risque est en revanche clairement en faveur de la poursuite des corticostéroïdes inhalés chez les asthmatiques ou BPCO. Les IEC et les sartans modulent l’expression de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2), récepteur pulmonaire du SARS-CoV-2. L’impact clinique de ces traitements sur l’infection à COVID-19 reste à préciser ; en attendant, ils sont à poursuivre.

Introduction

À l’heure où l’efficacité des traitements expérimentaux du COVID-19, abordés ailleurs dans ce numéro spécial, reste à étayer, d’autres médicaments fréquemment prescrits sont pointés du doigt comme pouvant aggraver le cours de la maladie virale. Trois classes thérapeutiques sont principalement concernées par ces controverses et sont discutées ici.

Ains et covid-19

Des mises en garde ont été émises ces dernières années envers l’utilisation d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dans les affections fébriles aiguës, notamment respiratoires. Ils augmenteraient en effet le risque d’infections bactériennes, de complications pleuropulmonaires (empyèmes), de dissémination de l’infection et de prolongation de la maladie chez les enfants et les adultes.1-3 Les évidences scientifiques restent peu robustes, surtout basées sur des études cas-contrôles ou observationnelles, n’excluant pas qu’une atteinte initialement plus sévère ait motivé la prise d’AINS (biais d’indication). La majorité des études portaient sur des pneumonies communautaires, plus rarement des infections virales. Un mécanisme par lequel les AINS exerceraient un potentiel délétère sur le cours d’une infection découle indirectement de leur action inhibitrice sur les cyclooxygénases (COX1 et COX2), limitant la formation de leucotriènes et de prostaglandines qui stimulent la phagocytose des granulocytes neutrophiles par les macrophages et la résolution de l’infection.2 Les AINS pourraient aussi masquer des signes de gravité d’une infection et retarder la prescription d’antibiotiques. Dans l’infection COVID-19, dont la complication sévère est une pneumonie virale, les facteurs favorisant des complications infectieuses, notamment pleuropulmonaires, sont particulièrement redoutés. Il n’existe cependant à ce jour aucune étude montrant une association entre prise d’AINS et accroissement du risque de contracter ou d’aggraver une infection par coronavirus (SARS-CoV-2, MERS-CoV, etc.). D’autres aspects doivent être intégrés dans l’évaluation du bénéfice/risque des AINS, notamment le risque d’aggraver des facteurs de susceptibilité au COVID-19, comme des accidents cardiovasculaires4 ou une péjoration de la fonction rénale. Le pragmatisme dicte des recommandations basées sur le principe de prudence :5 le recours à des AINS (ibuprofène, kétoprofène, naproxène, diclofénac, étodolac, métamizole, célécoxib, etc.) pour les symptômes liés au COVID-19 est déconseillé en première intention. Si le paracétamol est contre-indiqué au plan individuel ou insuffisamment efficace, un AINS reste envisageable. Un traitement par AINS au long cours pour une autre indication, par exemple rhumatologique, ne doit en principe pas être interrompu, sous réserve d’une réévaluation par le prescripteur. L’acide acétylsalicylique (Aspirine) à dose antiagrégante (100 mg/j) doit être poursuivi.

Corticostéroïdes, immunosuppresseurs et infection à covid-19

Les recommandations actuelles concernant les corticostéroïdes systémiques (CSS) et inhalés (CSI) dans le contexte de la pandémie à COVID-19 (SARS-CoV-2) sont essentiellement des opinions d’experts, basées sur l’expérience acquise dans d’autres infections virales, faute de données spécifiques relatives au COVID-19.

Corticostéroïdes systémiques

L’Organisation Mondiale de la Santé recommande de ne pas administrer de CSS lors de pneumonie virale à COVID-19 en dehors d’essais cliniques.6 En effet, des études portant sur d’autres coronavirus (SARS-CoV, MERS-CoV) n’ont pas montré de bénéfice des CSS sur la survie alors que des effets indésirables graves et une clairance retardée du virus ont été plus fréquemment observés. Une méta-analyse a montré que les CSS étaient associés à une augmentation de la mortalité sur pneumonie à Influenza.7,8

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Ainsi, en dehors d’essais cliniques, les patients infectés par le COVID-19 ne devraient pas recevoir de CSS, sauf si ces derniers sont prescrits pour une autre indication. En cas de survenue d’une infection à COVID-19 chez des patients traités par CSS, la décision de poursuivre ou non le traitement doit être prise sur une base individuelle et dépend essentiellement de l’indication, de la dose et de la durée d’exposition. La prescription de CSS pour une exacerbation aiguë de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est limitée à quelques jours, les CSS peuvent donc être sevrés rapidement. À l’opposé, un traitement chronique de CSS pour une maladie auto-immune sérieuse ne devrait pas être arrêté.

Par principe de précaution, une nouvelle prescription de CSS devrait être très soigneusement évaluée dans le contexte de la pandémie à COVID-19. S’ils sont clairement indiqués, les CSS doivent être prescrits à la dose minimale efficace et pour la durée strictement nécessaire. Leur prescription place les patients dans la catégorie à risque accru de complications du COVID-19. Par analogie, il en va de même pour d’autres traitements immunosuppresseurs (méthotrexate, rituximab, tacrolimus, mycophénolate, azathioprine, etc.), sans qu’on ne sache estimer à ce jour l’importance réelle de cet accroissement de risque.

Corticostéroïdes inhalés

Il n’y a pas de données portant sur les CSI et le COVID-19, en particulier sur le risque de contracter l’infection ou de développer des complications. Une méta-analyse de 17 études randomisées contrôlées chez des patients asthmatiques a mis en évidence une légère augmentation du risque global d’infection des voies respiratoires supérieures lors de traitement par CSI (Odds Ratio : 1,24 ; IC 95% : 1.08-1,42), y compris à des posologies basses.9 L’utilisation de doses élevées de CSI chez les patients asthmatiques pourrait être associée à une légère augmentation du risque de pneumonie.10 Ce risque infectieux est mieux documenté chez les patients avec BPCO traités par CSI au long cours.11

Il reste que les CSI (fluticasone, béclométasone, budésonide, ciclésonide) sont la pierre angulaire du traitement de l’asthme et que leur interruption est associée à un doublement du risque de décompensation d’un asthme préalablement bien contrôlé.12 De surcroît, les infections respiratoires, notamment virale comme le COVID-19, sont des déclencheurs de crises d’asthme. Ainsi, il est clairement recomman dé que les patients asthmatiques n’interrompent pas leur traitement de CSI durant la pandémie, y compris au moment où une infection à COVID-19 est diagnostiquée.13 Ces recommandations s’appliquent également aux patients avec BPCO qui bénéficient des CSI.14

Antihypertenseurs et covid-19

La question d’une interaction possible entre anti-hypertenseurs et COVID-19 suscite d’ardentes discussions. Le SARS-CoV-2 se lie à une protéine spécifique sur les principales cellules cibles de son attaque, les pneumocytes de type II (assurant le remplacement de l’épithélium alvéolaire et la production de surfactant).15 Ce récepteur viral est l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2), une enzyme membranaire impliquée dans la dégradation de l’angiotensine 2, peptide vasoconstricteur produit à partir d’angiotensine 1 par l’enzyme de conversion de l’angiotensine 1 (ACE1). Les inhibiteurs d’ACE1 tels que le captopril ou l’énalapril abaissent la tension artérielle en inhibant l’activation de l’angiotensine 1, alors que le losartan et les autres « sartans » bloquent l’action de l’angiotensine 2 sur son récepteur. Ces deux classes de médicaments induisent une surproduction compensatoire d’angiotensine 1, que seuls les « sartans » laissent se transformer en angiotensine 2. Cette surproduction induit à son tour une surexpression d’ACE2, qui dégrade les angiotensines en peptides vasodilatateurs.16 Des auteurs en déduisent la crainte d’une susceptibilité accrue à l’infection COVID-19, qui trouverait davantage de récepteurs viraux où se fixer, expliquant une maladie plus sévère trouvée chez les hypertendus.17 D’autres pensent en revanche que l’inactivation d’ACE2 par le virus aggraverait l’atteinte pulmonaire, myocardique et rénale : sa surexpression serait donc protectrice.18 On se doute aussi que la surproduction pharmaco-induite d’angiotensine rende l’ACE2 soluble ou occupée, moins apte à fixer le virus. Ces points de vue opposés indiquent surtout la difficulté à tirer des conclusions médicales à partir d’élaborations biologiques : seules les observations clinico-épidémiologiques, qui manquent complètement aujourd’hui, permettront de trancher. Les sociétés spécialisées ont simplement émis des recommandations de bon sens :16,19,20 l’épidémie de COVID-19 ne devrait pas faire modifier un traitement efficace et bien toléré d’une insuffisance cardiaque ou d’une hypertension ; pour un début de traitement antihypertenseur, les anticalciques sont moins concernés par ces questions.

Pour rester à jour

Les recommandations sont basées sur les données actuelles. Nos connaissances au sujet du COVID-19 sont cependant quotidiennement alimentées pas de nouvelles données. Certains sites faisant l’objet de mises à jour régulières méritent le détour ; trois d’entre-eux sont proposés dans l’encadré 1.

Conflit d’intérêts :

 Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Encadré 1

La sécurité des traitements médicamenteux dans l’infection COVID-19 est un sujet dynamique. Il est utile de consulter des sites régulièrement mis à jour :

Implications pratiques

▪ Les symptômes liés au COVID-19 ne nécessitent de loin pas toujours un traitement. Si la fièvre est mal tolérée, en l’absence de contre-indication, le paracétamol est recommandé en première intention

▪ Un traitement par AINS au long cours pour une indication importante, par exemple rhumatologique, ne doit en principe pas être interrompu

▪ L’acide acétylsalicylique (Aspirine) à dose antiagrégante (100 mg/j) doit être poursuivi

▪ Les patients asthmatiques ou avec bronchopneumopathie chronique obstructive ne doivent pas interrompre leur traitement habituel de corticostéroïdes inhalés en cas d’infection à COVID-19

▪ En dehors des essais cliniques, les patients infectés par le COVID-19 ne devraient pas recevoir de corticostéroïdes systémiques

▪ Les corticoïdes systémiques et d’autres immunosuppresseurs prescrits pour des indications sérieuses ne doivent pas être sevrés, même s’ils placent les patients dans une catégorie à risque accru de complications du COVID-19

▪ Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes de l’angiotensine sont à poursuivre sans autre durant la pandémie ou en cas d’infection COVID-19

Auteurs

Laura E. Rothuizen

Service de pharmacologie clinique, Département de médecine de laboratoire et de pathologie, Centre hospitalier universitaire vaudois
1011 Lausanne
laura.rothuizen@chuv.ch

Françoise Livio

Service de pharmacologie clinique, Département des laboratoires, Centre hospitalier universitaire vaudois
1011 Lausanne
francoise.livio@chuv.ch

Thierry Buclin

Professeur honoraire Service de pharmacologie clinique Centre hospitalier universitaire vaudois Lausanne

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