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ISO 690 | Kiefer, B., Le mythe des crèmes solaires, Rev Med Suisse, 2018/607 (Vol.14), p. 1056–1056. DOI: 10.53738/REVMED.2018.14.607.1056 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2018/revue-medicale-suisse-607/le-mythe-des-cremes-solaires |
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MLA | Kiefer, B. Le mythe des crèmes solaires, Rev Med Suisse, Vol. 14, no. 607, 2018, pp. 1056–1056. |
APA | Kiefer, B. (2018), Le mythe des crèmes solaires, Rev Med Suisse, 14, no. 607, 1056–1056. https://doi.org/10.53738/REVMED.2018.14.607.1056 |
NLM | Kiefer, B.Le mythe des crèmes solaires. Rev Med Suisse. 2018; 14 (607): 1056–1056. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2018.14.607.1056 |
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Sur la santé, quantité de mythes traînent, plus ou moins déjantés, envoûtants ou dangereux. Mais là, ce qui frappe, c’est à quel point le mythe est supporté par des instances sérieuses, les organisations scientifiques et souvent les médecins eux-mêmes. Chaque année, au moment où les jours s’allongent et les corps se découvrent, bourgeonnent les mêmes messages de prévention. Quelques gestes simples permettent de réduire les risques de mélanome, rappelle par exemple la Ligue suisse contre le cancer : rester à l’ombre entre 11h et 15h, porter des vêtements appropriés, chapeau et lunettes de soleil, appliquer régulièrement de la crème solaire. Vieille batterie de conseils, donc, dont les gens, pour la plupart, n’appliquent que celui qui les gêne le moins : la crème.
Car enfin, de cet ensemble, seule la crème permet de vivre « librement », pour reprendre le message central du marketing de l’industrie cosmétique. L’art de ce marketing est de susciter le désir du soleil en laissant croire – sans jamais l’affirmer : pour cela elle laisse faire les médecins – que les produits qu’elle vend sont certifiés anti-mélanomes. Partout s’affichent des pubs pour écrans anti-UV en gel, crèmes, liquides, sprays, sur fond de familles souriantes, bambins enjoués et jeunes femmes exhibant une peau dorée. Et la magie opère. Quoi de plus contemporain, en effet, que de s’occuper de son corps, ou de celui des autres, en l’enduisant, en une sorte de rite d’onction, d’un produit parfumé, permettant de bronzer (quel fascinant phénomène, ce changement de couleur dont la nuance est propre à chacun) et de se soumettre à la caresse des rayons solaires en ne pensant plus au mélanome, ce gâche-loisirs ?
Que les gens les aiment, ces produits magiques dont en plus l’indice de protection dûment étalonné semble garantir l’efficacité scientifique, on les comprend. La liste de leurs ingrédients est longue comme le bras : ça rassure. Ridiculement hauts, leurs prix suggèrent qu’il s’agit de médicaments. La santé apparaît en jeu. Et quand il s’agit de cancer, on ne mégote pas.
Mais voilà le hic : l’affirmation sur laquelle ce commerce se fonde, sans cesse répétée par les médias, certains médecins et les ligues de santé – celle que la crème solaire diminue le risque de mélanome - ne repose sur rien de sérieux. Quelques données contradictoires, tout au plus. Mais alors, pourquoi ce soutien ? L’envie, peut-être, de proposer quelque chose plutôt que rien, qui n’ait surtout pas l’air moralisateur. La soumission docile, surtout, à l’influence de l’industrie qui, ici comme ailleurs, manipule la production et la diffusion du savoir. Quant à eux, les faits sont assez simples à résumer.
Le seul essai contrôlé randomisé supportant l’utilisation de la crème solaire en prévention du mélanome, le Nambour Trial, a été conçu pour évaluer les carcinomes basocellulaires et spinocellulaires. Le mélanome n’était qu’un paramètre secondaire, ce qui affaiblit notablement les conclusions le concernant. Quoi qu’il en soit, dans cette étude l’effet protecteur de la crème appliquée très régulièrement n’était pas statistiquement significatif pour l’ensemble des mélanomes. En isolant les mélanomes invasifs, un effet significatif est apparu, mais sur un très petit nombre de mélanomes observés. Elargissant le regard, une récente méta-analyse vient d’évaluer l’association entre le risque de cancer de la peau et l’utilisation de la crème solaire. A partir de l’ensemble de la littérature, 29 études ont été incluses (25 cas-témoins, deux de cohortes, une contrôlée) impliquant 313 717 participants. Résultat : ni les mélanomes ni les autres cancers de la peau n’ont été associés, de manière positive ou négative, à l’utilisation de crème solaire. Traiter en prévention des centaines de millions de personnes sur cette base branlante, ce n’est pas sérieux. C’est pourtant l’actuelle pratique. Si l’industrie pensait que de meilleures preuves peuvent être obtenues, soyons sûrs qu’elle aurait financé des études solides. Mais les résultats actuels l’en dissuadent certainement. La réalité épidémiologique tout autant : dans le monde entier, c’est en suivant un strict parallélisme qu’augmentent l’utilisation de filtres solaires et l’incidence des mélanomes.
Autres problèmes. Outre qu’elles sont inefficaces contre le mélanome et poussent à davantage s’exposer aux rayons en protégeant des coups de soleils, les crèmes solaires contiennent des produits souvent non testés, parfois non signalés. Peu d’études ont porté sur les effets systémiques des filtres UV, bien qu’ils soient rapidement absorbés par la peau. L’un d’eux, BP-3, a été trouvé dans 96 % des échantillons d’urine aux Etats-Unis et plusieurs filtres UV dans 85 % des échantillons de lait maternel de femmes suisses. De nombreuses crèmes contiennent des nanoparticules et, plus préoccupant encore, des substances ayant un effet de perturbateur endocrinien prouvé.
Enfin, comme le signale par exemple la FDA, on ne sait rien des risques associés à l’inhalation des ingrédients actifs et des agents propulseurs de sprays d’écrans solaires (sauf que les poumons sont un lieu d’absorption bien meilleur que la peau). Seule mesure actuelle : l’étiquetage de ces sprays recommande d’éviter leur utilisation sur des enfants et sur le visage. Qui s’en préoccupe ?
Revenons au mythe, à l’à-peu-près devenu credo. Il ne s’arrête pas à l’efficacité des écrans solaires. Le rapport entre rayons solaires et mélanomes n’est lui-même pas prouvé, alors qu’il l’est pour les autres cancers cutanés (basaux et spinocellulaires), six fois plus fréquents mais rarement mortels. Ces cancers se développent sur la peau exposée au soleil et sont étroitement liés au degré d’exposition. Rien de cela ne s’observe avec les mélanomes, dont 75 % apparaissent sur de la peau pas ou peu exposée au soleil. Expérimentalement, il n’existe pas, entre rayons solaires et mélanomes, de relation dose-risque comme pour la plupart des cancérogènes. Une méta-analyse suggère même que l’exposition professionnelle au soleil, si elle augmente les autres cancers cutanés, pourrait être associée à un risque plus faible de mélanome (peut-être par production accrue de vitamine D, connue pour être protectrice). Quelques études tendent à montrer que les bains de soleil et les coups de soleil – surtout dans l’enfance – sont associés à un risque plus élevé de mélanome. Mais cette relation reste mal établie. Et la protection contre les coups de soleil par les filtres semble inutile. En les empêchant, les filtres pourraient plutôt priver le corps d’un système d’alerte nature.
Une association existe, et elle est bien prouvée, entre mélanome et nombre de naevi. Or, les naevi augmentent après l’exposition au soleil. Mais l’explication probable est que la stimulation de la croissance des naevi par le soleil augmente simplement leur nombre visible (et donc dénombrable).
Bref, les seuls messages à donner pour la prévention des mélanomes : éviter les coups de soleils, protéger les enfants du soleil par des moyens naturels.
Et surtout, faire contrôler par un spécialiste les tâches cutanées suspectes. Apprendre aux gens les critères de suspicion. Utiliser la photographie et les logiciels de surveillance pour les personnes à risque.
Pour le reste, concernant les mélanomes, avouons notre ignorance. Ne soutenons pas l’inutile, quelle que soit la pression de l’industrie ou de la population. La réalité est complexe ? Investiguons encore. Primum non nocere.
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