Sommaire du numéro
ISO 690 Gloor, R., Homosexualité : expériences de psychiatre installé, Med Hyg, 2002/2385 (Vol.-2), p. 653–654. DOI: 10.53738/REVMED.2002.-2.2385.0653 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2002/revue-medicale-suisse-2385/homosexualite-experiences-de-psychiatre-installe
MLA Gloor, R. Homosexualité : expériences de psychiatre installé, Med Hyg, Vol. -2, no. 2385, 2002, pp. 653–654.
APA Gloor, R. (2002), Homosexualité : expériences de psychiatre installé, Med Hyg, -2, no. 2385, 653–654. https://doi.org/10.53738/REVMED.2002.-2.2385.0653
NLM Gloor, R.Homosexualité : expériences de psychiatre installé. Med Hyg. 2002; -2 (2385): 653–654.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2002.-2.2385.0653
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Articles : genre et médecine
27 mars 2002

Homosexualité : expériences de psychiatre installé

DOI: 10.53738/REVMED.2002.-2.2385.0653

Il est étonnant qu’encore à l’heure actuelle les interactions entre les nombreux collègues en médecine, psychothérapie, travail social et pastoral et les patients(es) gays, lesbiennes, bisexuels et «transgenre» ne soient pas basées sur la pensée scientifique courante. Ces professionnels ne semblent pas conscients des dommages terribles et des atteintes à la personne qu’ils infligent à leurs patients par leurs commentaires homophobes.

Des témoignages alarmants

Dans le cadre de mon activité pour MediGay (association des soignants gays et lesbiennes) où je fonctionne comme intermédiaire pour les gays et lesbiennes qui cherchent des médecins emphatiques à l’égard des homosexuels (en allemand avancé «gayaffirmativ»), j’entends souvent des récits à peine croyables. Il n’est évidemment pas question d’exiger plus de détails de ces personnes qui ne demandent qu’une orientation rapide vers un nouveau médecin, lors de l’entretien téléphonique d’information.

Ces récits me rappellent des histoires vécues au temps de ma formation en chirurgie dans un hôpital connu, situé à proximité de la plus grande ville de Suisse – hôpital dont le médecin chef était réputé «ouvert d’esprit». Je garde le souvenir précis de situations dont la gravité m’a finalement encouragé à changer de spécialité. Par exemple, l’histoire d’un homme d’environ 25 ans, adressé par son médecin de famille afin d’être réopéré d’une récidive d’hémorroïdes, dont on savait, de la première hospitalisation, qu’il vivait ouvertement son homosexualité. Le chef de clinique avait alors suggéré, sans réaction du «patron»: «on n’a qu’à le lui suturer (en parlant de l’anus), comme ça on sera enfin tranquille !».

Les psychologues consultants des associations homosexuelles de Zurich et de Berne connaissent eux aussi des histoires du même type relatées par les personnes qui s’adressent à eux. Andreas Dick, psychologue FSP à l’Homosexuelle Arbeitsgruppe de Berne m’a rapporté le cas suivant :

«Monsieur K. est né à Bâle en 1955. Dès l’enfance, il s’est senti attiré par les garçons et a expérimenté quelques jeux érotiques avec ceux du voisinage et de l’école. Ils ont été découverts par l’institutrice et punis. Par la suite, Monsieur K. a constamment essayé de cacher son orientation sexuelle. A 20 ans environ, il a tout de même risqué un «coming-out» auprès de ses parents, qui l’ont immédiatement envoyé chez un psychiatre. Celui-ci l’a accueilli avec bienveillance. Il n’a pas tenté de changer son orientation sexuelle et s’est contenté de lui souhaiter une bonne continuation. Suite à cela, les parents de Monsieur K. l’ont laissé tranquille et ce sujet n’a plus jamais été évoqué. Monsieur K. a alors vécu une vie sexuelle assez active, sans pour autant s’engager dans une relation suivie. Il n’a par ailleurs jamais dit à qui que ce soit qu’il était homosexuel, si ce n’est à un autre psychiatre consulté plus tard (vers 35 ans) pour traiter sa phobie sociale et son manque de confiance en soi. Avec ce psychiatre, il s’est engagé dans une relation thérapeutique de huit ans, comprenant une thérapie de groupe. Sans rejeter explicitement l’homosexualité de Monsieur K., ce médecin l’a invité à plusieurs reprises à s’engager dans une relation avec une femme, lui disant qu’il devait apprendre à connaître les deux bords, s’il voulait se décider pour l’un ou pour l’autre. De guerre lasse Monsieur K. a consulté notre association il y a six mois et y suit une thérapie de groupe».

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La ténacité des pathologisations

Une publication récente de Nicole Kaempfer et Peter Fluri intitulée «Unbeachtet mittendrin» rapporte les résultats d’enquêtes sur la discrimination à l’endroit des homosexuels en pratique ambulatoire.1 Pour les auteurs cette discrimination prend différentes formes : pathologisation, tabouisation, stigmatisation, marginalisation, réduction, homophobie, hétérosexisme et manque d’empathie. Ils affirment qu’aussi bien dans le domaine médical que dans celui du travail social, les pathologisations sont loin d’avoir disparu puisque la référence théorique principale est la psychanalyse. Ils renvoient à ce propos à des références2 qui soulignent le rôle particulièrement pathologisant d’écoles comme la psychologie individuelle d’Adler, l’analyse de destins de Szondi et l’analyse existentielle de Boss.

Je clorerai cette contribution par la citation abrégée d’un bref extrait du livre de Kaempfer et Fluri, ce dernier m’y ayant gracieusement autorisé. «Les théories psychologiques et médicales servent en effet fréquemment de base pour les consultations et les thérapies de clients homosexuels. Dans le travail social, qui emprunte souvent ses concepts à d’autres disciplines, le discours conçoit également l’homosexualité comme un trouble du développement et cela influence sensiblement le climat de la consultation». Les résultats d’une enquête (onze personnes interviewées d’un groupe de vingt intéressés), donnent des indications précises sur des situations vécues en consultation. Les récits donnent à penser que les «counselors» véhiculent des concepts stigmatisants : «Ils ne m’ont pas prise pour une personne à part entière» ; «Un jour, une ancienne camarade d’école devenue psychologue renommée m’a dit: Aujourd’hui, ton histoire de changement de sexe, c’est plus un problème, ça se guérit avec un peu de thérapie» ; «ils pensaient toujours que c’était quelque chose qu’on pouvait guérir rapidement» ; «on m’a faussement attribué des symptômes borderline et on m’a fait entrer dans une case». Les gens concernés sont marqués de l’étiquette «psychiquement malade», de déviants et sont ainsi immédiatement marginalisés. Cela peut être compris comme une sanction de la part de la majorité qui édicte et fixe des normes et qui se répercute dans la relation soignant-soigné. Pour Adams, cité par Wiesendanger2 par exemple, les gays et les lesbiennes sont des malades psychiques «qui n’ont pas maîtrisé leurs problèmes et qui utilisent leur identité comme écran pour détourner l’attention du reste de leurs comportements déviants». Dans cette optique, ces comportements «déviants» sont alors à sanctionner par un diagnostic psychiatrique, névrose ou schizophrénie.

Les «counselors», généralement représentants d’instances officielles et véhiculant les normes sociales dominantes, recourent souvent à des traitements dont le but est la guérison de la «maladie homosexualité» et l’avènement d’une identité hétérosexuelle «mature». Bien qu’il ait été prouvé que l’homosexualité ne pouvait être transformée et qu’en cas de «succès» c’est au mieux le comportement et non pas le ressenti des clients qui s’est adapté à la norme hétérosexuelle, il semble qu’il y ait encore des thérapeutes qui persévèrent dans leurs projets de changer leurs clients. La littérature traitant du sujet montre régulièrement que ce genre de tentatives expose les patients à des pressions énormes et qu’ils en souffrent. «Depuis plus de 100 ans, l’orientation pathogénétique avec ses tentatives thérapeutiques douteuses, a vraisemblablement produit plus de souffrance qu’elle n’en a prévenue».3

Certaines formes de pathologisation sont plus sournoises que d’autres. Les témoignages montrent aussi que l’on cherche trop souvent à établir les causes de l’orientation homosexuelle, ce qui fait perdre du temps et empêche d’appréhender l’homosexualité, la bisexualité ou la transsexualité dans leur réalité de choix existentiel. «(…) Là, j’avais l’impression qu’elle était en train de me mettre dans le moule d’une de ces théories, d’un de ces concepts qui explique pourquoi quelqu’un devient lesbienne».

Les conséquences pour ces personnes qui voient, même quand elles consultent, qu’une partie de leur identité est attribuée à un comportement déviant, sont variées: les homophobies internalisées sont renforcées, des étapes essentielles pour la découverte de soi sont entravées et, dans des cas extrêmes, le «coming out» est rendu impossible. Composante importante d’une identité positive, le développement d’une appartenance sociale et culturelle à un groupe ne peut se faire qu’au prix de grands efforts de la part des clients. Dans ces blocages thérapeutiques, les concernés se voient privés du soutien indispensable auquel ils aspiraient.

En conclusion, j’espère avoir réussi à vous ôter la conviction que «de nos jours, tout est bien moins grave» et vous avoir donné envie de lire les travaux mentionnés dans la bibliographie, ainsi que – bien évidemment – les autres articles de ce numéro. Une version intégrale allemande de ce texte et une bibliographie plus complète se trouvent sur le site internet www.medigay.ch.

Auteurs

Ruedi Gloor

Rathausgasse 17 5000 Aarau

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