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ISO 690 | Nau, J., Comment parler de la dépendance ?, Med Hyg, 2003/2444 (Vol.61), p. 1422–1422. DOI: 10.53738/REVMED.2003.61.2444.1422 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2003/revue-medicale-suisse-2444/comment-parler-de-la-dependance |
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MLA | Nau, J. Comment parler de la dépendance ?, Med Hyg, Vol. 61, no. 2444, 2003, pp. 1422–1422. |
APA | Nau, J. (2003), Comment parler de la dépendance ?, Med Hyg, 61, no. 2444, 1422–1422. https://doi.org/10.53738/REVMED.2003.61.2444.1422 |
NLM | Nau, J.Comment parler de la dépendance ?. Med Hyg. 2003; 61 (2444): 1422–1422. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2003.61.2444.1422 |
Exporter la citation | Zotero (.ris) EndNote (.enw) |
Jim Harrison ? Rien à dire à son endroit. Tous ceux qui connaissent de longue date cet ange littérateur du Midwest ont un jour compris que l’homme goûtait à être regardé comme un monstre; une monstruosité qui puise ses racines dans – encore elle – la «dépendance». Pour ceux qui n’ont pas encore eu la chance de croiser sa piste, nous conseillerons, par pur souci d’économie, la seule lecture – en urgence et en français ou en anglais – de «Dalva». Harrison peut être présenté comme le pendant de ce que peut être Patricia Highsmith (côté américain), Georges Simenon et Frédéric Dard (côté européen) dans les champs mêlés de la création littéraire qui revendique, de manière généralement explicite, le recours alimentaire à une forme ou une autre de la déclinaison de la molécule alcool.
Il nous autorise à aller plus loin aujourd’hui dans la compréhension de la place que peut, pour un écrivain du moins, occuper l’alcool. Ce n’est certes pas un traité d’addictologie mais c’est un texte à bien des égards fondamental pour tous ceux qui s’intéressent à la création littéraire et à la prise en charge de la dépendance. Grimpant d’un degré encore dans l’échelle de la provocation, Jim Harrison nous livre aujourd’hui «En marge»;1 des «Mémoires» centrées sur les sept «obsessions» qui sous-tendent la vie de l’auteur de Dalva. L’«alcool» vient en première ligne, suivi du «strip-tease», de «la chasse et la pêche», de la «religion», de la «France», de la «route» et de «notre place dans le monde naturel».
Osons la prescription, au risque d’être accusé à notre tour de faire de la provocation : les vingt pages que Harrison consacre à son obsession pour les boissons alcoolisées doivent être lues, analysées et commentées par tous ceux qui, de manière directe ou non, sont intéressés ou confrontés à ce problème. Tout y est, depuis la généalogie personnelle et familiale, la première ivresse (à treize ans, en l’espèce), la description documentée des répulsions définitives et des attirances massives, le mensonge systématique lors de l’interrogatoire; et l’immanquable anti-sermon. Harrison: «Tout ce que je dis sur l’alcool est profondément suspect et, je l’espère, tout aussi mordant. Soudain, le monde s’est mis à grouiller de pères la morale et de béni-oui-oui qui envisagent la vie comme un problème à résoudre. Je crois que c’est Christopher Hitchens qui a fait remarquer que l’hystérie antitabac a commencé à l’époque du déclin du communisme. En attendant, nous devons pren dre garde à la flopée de thérapeutes amateurs qui semblent depuis peu envahir le marché. Qu’il s’agisse de votre gnôle, de vos clopes ou de votre pitance, ils vont essayer de pisser dessus.»
Reste, au-delà de la bravade, le «tableau noir intime», les «circonvolutions cérébrales». Et le constat clinique sans doute mieux connu encore des buveurs que des praticiens. Harrison : «La boisson pousse à la boisson. L’abus de boisson pousse à l’abus de l’abus de boisson. Boire un peu pousse à boire un peu. La capacité à se refréner au fil du temps a fait l’objet de longues discussions parmi les sages, depuis les anciens maîtres Ch’an chinois jusqu’à Ouspensky. Cela suppose le désir de rester conscient. On se modère afin de ne pas avoir à arrêter net et de perdre ainsi un plaisir qui nous a accompagnés toute notre vie. La mesure est tout. Un petit verre offre tout le plaisir d’un grand verre. Pour n’importe quel sédatif, il existe un fossé assez large entre la sédation et l’autodestruction. Il n’y a pas d’autodestruction sans destruction d’autrui. Nous ne sommes pas seuls.»
«Il est difficile de déterminer une quelconque pathologie dans une société où tout est pathologique» ajoute l’auteur qui dit consulter depuis plus de vingt ans un «thérapeute». Le plus original, le plus fort sans aucun doute dans ce texte tient à la description de la méthode personnelle à laquelle Jim Harrison a eu recours pour rester dans les eaux calmes de la sédation sans se laisser broyer dans les rapides de l’autodestruction. Il lui fallut pour cela quitter les alcools de grains industriels américains et commencer à goûter et comprendre les vins français ; il lui aura fallu saisir que le whisky canadien était synonyme de «mort lente» et que le salut, s’il existe un salut, imposait un nouvel apprentissage gustatif autorisant la mémoire de ses ivresses. Il y a là, au milieu du torrent de mots et d’images évocatrices qui caractérise l’œuvre de Jim Harrison, quelques fragments salvateurs de toute beauté. «La vie est si brève qu’on désire se souvenir de tout, du bon comme du mauvais. Elle se déplace si vite qu’on oublie trop facilement qu’elle ne pardonne rien. Auriez-vous vraiment envie de conduire une voiture sans freins ?»
(Fin)
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