Sommaire du numéro
ISO 690 Sarasin, F., Chevalley, T., Difficulté de la prise en charge des patients âgés aux urgences, Med Hyg, 2003/2456 (Vol.61), p. 2088–2090. DOI: 10.53738/REVMED.2003.61.2456.2088 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2003/revue-medicale-suisse-2456/difficulte-de-la-prise-en-charge-des-patients-ages-aux-urgences
MLA Sarasin, F., et al. Difficulté de la prise en charge des patients âgés aux urgences, Med Hyg, Vol. 61, no. 2456, 2003, pp. 2088–2090.
APA Sarasin, F., Chevalley, T. (2003), Difficulté de la prise en charge des patients âgés aux urgences, Med Hyg, 61, no. 2456, 2088–2090. https://doi.org/10.53738/REVMED.2003.61.2456.2088
NLM Sarasin, F., et al.Difficulté de la prise en charge des patients âgés aux urgences. Med Hyg. 2003; 61 (2456): 2088–2090.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2003.61.2456.2088
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Articles: raisonnement médical
29 octobre 2003

Difficulté de la prise en charge des patients âgés aux urgences

DOI: 10.53738/REVMED.2003.61.2456.2088

Problem in emergency care of geriatric patients

The current model of emergency care based on acute care, efficiency and speed is not designed for a medically complicated slow-moving, functionally impaired geriatric patient. A comprehensive geriatric assessment allows to identify older patients at risk of negative outcomes such as functional impairment, readmission in the hospital and death. To date, interventions designed to improve clinical and/or functional outcomes have provided inconclusive results.

Résumé

La démarche traditionnelle dans les services d’urgence basée sur le tri, la recherche de l’efficience, la vitesse et le pragmatisme est mal adaptée à la prise en charge des patients âgés de plus en plus nombreux qui consultent pour des problèmes médicaux complexes associés à des difficultés psychologiques et sociales. Une évaluation gériatrique pluridimensionnelle dès l’admission aux urgences permet de détecter les patients qui présentent un risque accru de complications à court terme (perte d’autonomie, hospitalisations à répétition, retour aux urgences, décès). Toutefois, l’efficacité d’interventions pluridisciplinaires susceptibles d’améliorer le pronostic fonctionnel ou vital de ces patients à risque est encore incertaine.

Données du problème

Le vieillissement de la population est un fait bien connu de tous. Le nombre des sujets de plus de 75 ans sera multiplié par 1,6 d’ici 2025 et celui des plus de 90 ans par 1,9 dans la même période.1 Malgré la création de structures de type réadaptation, ou le renforcement des services de soins à domicile, les services d’urgence restent pour de nombreux patients âgés la plaque tournante où sont prises les décisions d’orientation.2,3 En 2002 à Genève, 23% des patients ayant consulté aux urgences étaient âgés de plus de 65 ans et 15% étaient âgés de plus de 75 ans. La réalité permet de distinguer deux profils de patients gériatriques : 1) le sujet âgé qui présente une monopathologie principale et dont la prise en charge ne diffère pas ou peu des adultes présentant la même pathologie et 2) le sujet âgé qui présente plusieurs pathologies simultanées (ou comorbidités), associées à des difficultés psychologiques et sociales. Ce dernier groupe de patients, qui se rencontrent surtout après 75 ans, pose des difficultés d’évaluation et de prise en charge aux urgences.4

Particularités des patients âgés aux urgences

Chez les patients âgés, le recours aux services d’urgence est le plus souvent l’aboutissement de situations bien distinctes comprenant soit :

  • la survenue d’une pathologie aiguë (par exemple : syndrome coronarien aigu, pneumonie, AVC), rendue plus grave en raison de comorbidités, et plus difficile à diagnostiquer en raison d’une plus forte prévalence de symptômes atypiques. La dyspnée avec ou sans douleur rétrosternale (environ 10% des consultations), les douleurs abdominales (environ 5% des consultations), ainsi que la survenue d’un déficit neurologique aigu constituent les motifs d’admission les plus fréquents ;
  • les conséquences du vieillissement normal. L’exemple le plus caractéristique est la survenue d’un symptôme «sentinelle» d’apparence anodin comme une chute à domicile, un malaise avec ou sans perte de connaissance, ou une baisse de l’état général. Ces symptômes peuvent avoir une origine organique, d’ailleurs souvent multifactorielle, mais sont surtout l’expression d’un problème aux dimensions fonctionnelles (troubles de la vision, de l’audition, faiblesse musculaire, dénutrition, iatrogénicité) et leur prise en charge est complexe ;
  • l’aggravation progressive d’une pathologie chronique connue et traitée. L’exemple typique de ce type de problème est l’insuffisance cardiaque congestive ;
  • l’épuisement de l’environnement qu’il soit familial ou professionnel. L’exemple le plus typique est constitué par la maladie d’Alzheimer qui touche un des membres d’un couple et qui, sans s’aggraver vraiment, engendre l’épuisement progressif du conjoint non malade qui, un jour, pour un motif qui peut paraître futile, décide qu’il ne peut plus assumer.

Par rapport à des adultes plus jeunes et selon la littérature anglo-saxonne, cette population gériatrique fragilisée se caractérise par un taux d’hospitalisations plus important (40 à 50% vs 10%), des retours aux urgences fréquents (20 à 30% à 30 jours, et 40% à 6 mois), une plus grande consommation de ressources (examens radiologiques, laboratoire), ainsi qu’une durée de séjours aux urgences plus longue.5,6,7 Malgré cela, un diagnostic de sortie est moins souvent établi que dans une population plus jeune.

Mauvaise adaptation des urgences aux patients âgés fragilisés

La démarche traditionnelle aux urgences, principalement centrée sur la rapidité du diagnostic et l’évaluation de la gravité d’une pathologie aiguë, en général unique, ainsi que l’orientation des patients, n’est pas adaptée aux patients gériatriques. Le fonctionnement selon une médecine d’organe conduit les équipes à se désintéresser de données fondamentales telles que l’autonomie physique ou psychique. L’hôpital devient ainsi, inconsciemment, une machine à aggraver la dépendance. Les patients très âgés ont en effet besoin d’une approche adaptée à leurs pathologies multiples, complexes, et intriquées, pour lesquelles il est souvent difficile de faire la part entre l’aigu et le chronique, le physique et le psychique, les facteurs intrinsèques et les facteurs extrinsèques (environnementaux), les effets de la maladie et ceux du traitement. La prise en charge des patients âgés aux urgences doit comprendre une approche fonctionnelle pluridimensionnelle centrée sur le patient prenant en compte ses capacités physiques et ses difficultés psychologiques et sociales. Mais le fonctionnement même des services d’urgence (recherche de l’efficience, vitesse, pragmatisme), conditionné par le flux continu de patients, rend difficile ce type de prise en charge. Il en résulte une réponse souvent inadéquate par rapport aux besoins des patients, et une certaine frustration pour le personnel médical qui ne dispose pas du temps nécessaire à cette prise en charge globale.

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Quelles interventions aux urgences et quelle efficacité ?

La visite aux urgences d’un patient âgé constitue souvent le signe précurseur et/ou le facteur déclenchant d’une cascade d’événements indésirables dans les mois qui suivent : déclin fonctionnel et perte d’autonomie, hospitalisations à répétition, retours aux urgences, décès. L’évaluation gériatrique globale est une approche multidimensionnelle et souvent multidisciplinaire qui met en évidence les problèmes médicaux, et permet également d’évaluer les problèmes fonctionnels physiques, affectifs, cognitifs, et sociaux.8 Cette approche structurée repose sur l’utilisation de questionnaires d’évaluation standardisés, spécifiques de la personne âgée, et permet de recueillir une information structurée sur des éléments comme le degré de dépendance fonctionnelle et l’existence de problèmes cognitifs, psychoaffectifs et/ou sociaux. Dans le contexte des urgences, le but d’une telle évaluation est : 1) d’identifier les patients ne nécessitant pas une admission à l’hôpital aigu, mais plutôt vers une structure gériatrique de réadaptation, et 2) d’identifier les patients les plus à risque d’événements indésirables (perte d’autonomie, réadmission…) dans les mois qui suivent.9,10

L’efficacité d’une évaluation gériatrique aux urgences est-elle démontrée ? Plusieurs études cliniques ont démontré la faisabilité et l’efficacité en termes diagnostiques d’une évaluation gériatrique fonctionnelle et pluridimensionnelle effectuée à l’admission aux urgences.7,11,12 Ainsi, l’application systématique de questionnaires validés permet d’améliorer le rendement diagnostique pour des pathologies parfois sous-diagnostiquées dans le contexte des urgences, comme la dépression, les troubles des fonctions supérieures et les problèmes de dépendance à l’alcool, et de mesurer plus objectivement le degré d’autonomie physique et psychique.

Si la détection de facteurs prédictifs d’événements indésirables chez les patients âgés est réalisable, leur prise en charge par une approche pluridisciplinaire est-elle susceptible de modifier le pronostic fonctionnel ou vital de ces patients ? La littérature semble démontrer qu’une évaluation gériatrique associée à une prise en charge des problèmes identifiés permet de ralentir le déclin fonctionnel et de prolonger le maintien à domicile.13 Toutefois, deux études récentes méritent d’être citées. Un groupe canadien a testé l’efficacité d’une évaluation gériatrique fonctionnelle, en appliquant dès l’admission aux urgences un score de risque pour identifier les patients âgés fragilisés (tableau 1), suivi d’une intervention pluridisciplinaire, médicale et infirmière visant à corriger ces facteurs de risque.14 Chez les patients à risque (score ≥ 2), l’intervention a montré une diminution du degré de dépendance fonctionnelle mesurée par une échelle de mesure de l’activité quotidienne, en revanche, aucune efficacité n’a pu être démontrée quant à la qualité de vie, les symptômes dépressifs et la satisfaction des patients. Dans une autre étude, Shaw et coll. ont testé prospectivement l’effet positif d’une intervention multidisciplinaire (physiothérapie, contrôle des médicaments, soins à domicile) pour prévenir les chutes à domicile dans une population de patients âgés avec une démence modérée. Malgré les moyens déployés, cette intervention s’est avérée inefficace sur la récidive de chutes.15

Tableau 1.

Questionnaire de dépistage des patients âgés à risque d'événements indésirables.

Ces résultats sont un peu contradictoires. Il faut néanmoins relever la difficulté de réaliser des études cliniques montrant les bénéfices d’une intervention pluridisciplinaire sur des unités de mesure comme le degré de dépendance.

Quel modèle de fonctionnement ?

Idéalement, le médecin traitant devrait avoir la possibilité d’orienter son patient vers un service d’hospitalisation compétent en gériatrie sans passer par les urgences. Il est en effet impératif d’éviter les hospitalisations en «catastrophe» et les ruptures brutales de prise en charge qui sont préjudiciables aux patients gériatriques. Si, en raison d’un défaut de structure, ce premier scénario n’est pas envisageable, la prise en charge devrait comprendre dès les urgences une évaluation pluridisciplinaire visant à identifier ce qui constitue des facteurs de risque de retour précoce et de mauvais pronostic dans le but de mettre en place une intervention qui permette de ralentir le déclin fonctionnel ou de prolonger le maintien à domicile.

Davantage de preuves quant à l’efficacité de ces interventions sont nécessaires car la réalisation de tels objectifs nécessiterait une modification profonde du mode de fonctionnement des services d’urgence (allongement du temps de séjour), un plus grand nombre de lits d’observation de courte durée, ainsi qu’une augmentation des ressources en personnel médical, paramédical et social.16

Implications pratiques

  • Aux urgences, le nombre de sujets âgés qui consultent pour des problèmes médicaux complexes associés à des difficultés psychologiques et sociales est en constante augmentation
  • La prise en charge des patients âgés doit comprendre une approche fonctionnelle pluridimensionnelle pour laquelle les services d’urgence sont mal adaptés
  • L’utilisation de questionnaires de dépistage pour identifier les patients pouvant bénéficier d’une approche pluridisciplinaire est faisable, mais l’efficacité des interventions susceptibles d’améliorer le pronostic fonctionnel ou vital est encore douteuse

Auteurs

François Sarasin

Service des urgences, Département de médecine aiguë, Hôpitaux universitaires de Genève

Thierry Chevalley

Service des maladies osseuses, Département de médecine, Hôpitaux universitaires de Genève, 1211 Genève 14
thierry.chevalley@unige.ch

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