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ISO 690 Nau, J., Naître à la télévision, Rev Med Suisse, 2005/038 (Vol.1), p. 2491–2491. DOI: 10.53738/REVMED.2005.1.38.2491 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2005/revue-medicale-suisse-38/naitre-a-la-television
MLA Nau, J. Naître à la télévision, Rev Med Suisse, Vol. 1, no. 038, 2005, pp. 2491–2491.
APA Nau, J. (2005), Naître à la télévision, Rev Med Suisse, 1, no. 038, 2491–2491. https://doi.org/10.53738/REVMED.2005.1.38.2491
NLM Nau, J.Naître à la télévision. Rev Med Suisse. 2005; 1 (038): 2491–2491.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2005.1.38.2491
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EN MARGE
26 octobre 2005

Naître à la télévision

DOI: 10.53738/REVMED.2005.1.38.2491

Discrète mais bien présente, une nouvelle fois, la nausée. Comment ne pas évoquer cette insurmontable sensation de dégoût face à ce qu’il est convenu de dénommer une «première» dans cemonde qui s’est baptisé celui de la «téléréalité» sans doute parce qu’il se situe, précisément, aux antipodes de la réalité ? Et comment, dans le même temps, ne pas tenter de comprendre les raisons et les conséquences de cette monstruosité, emblème desmutations régressives de notre époque ?

Le mot obscène est issu du latin obscenus qui ne signifie rien d’autre que «de mauvais augure»

«C’est une première dans l’histoire toute récente de la téléréalité : une concurrente de la version néerlandaise du concept "Big Brother" a donné naissance mardi (18 octobre) à une petite fille, nous apprend le correspondant de l’agence Reuters à Amsterdam. Joscelyn Savanna est née dans la matinée. C’est un petit gabarit de 2,98 kg pour 47 centimètres. Sa mère, Tanja, vit sous l’oeil des caméras depuis le début de la nouvelle saison de l’émission. La chaîne de télévision Talpa, créée en août par le producteur John De Mol, créateur de "Big Brother", a mis en ligne sur son site internet des photos de la mère et de son enfant agrémentées de commentaires des autres concurrents ayant assisté à la naissance.»

Reuters, toujours: «Les premiers enregistrements vidéo devaient être diffusés dans la soirée, lors d’une émission spéciale. En intégrant dans son casting une jeune femme de 27 ans enceinte de sept mois, la chaîne de De Mol a tenté de relancer l’intérêt du public pour un concept un peu vieillissant – le premier Big Brother a été lancé en 1999 aux Pays-Bas. Il a été adapté depuis dans des dizaines de pays, assurant la fortune de son créateur.»

Tout est dit et tout est presque trop beau. L’affaire pouvait-elle exister ailleurs que sur le sol des Pays-Bas, cette grande nation marchande devenue terreau d’expérimentation des nouvelles pratiques sociales qu’il s’agisse de la modification acceptée des états de conscience via la consommation de produits végétaux ailleurs prohibés ou de la dépénalisation de pratiques médicales concernant les personnes «en fin de vie» ? M. De Mol pouvait-il trouver un autre titre que celui du concept développé par George Orwell dans son «1984» ? Même aux Pays-Bas le sujet a choqué, suscité la polémique. Les chrétiens démocrates, actuellement au pouvoir, ont dénoncé cette naissance en studio. Ils ont dit leur émotion devant cette mise en scène d’un ventre de femme donnant la vie ; un ventre ouvert devant les yeux mécaniques des caméras et ceux, obscènes, des téléspectateurs.

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On les imagine dire qu’il ne fallait pas autoriser cette transgression, qu’avec cette nouvelle négation de l’intime sinon du sacré on touchait à la dignité humaine et à la démocratie. Cette révolte n’a pas été sans effet : le ministère néerlandais du travail a contraint la production à ne filmer l’enfant que deux heures par jour et ce pas plus de huit jours. D’autre part, à la différence des autres concurrents, dont le destin est inscrit dans les votes des téléspectateurs, la jeune mère et sa fille pourront quitter à volonté le «loft», où elles disposent d’une pièce joliment qualifiée d’«aveugle».

D’autres dépêches d’agence nous apportent d’autres détails.Montrant l’arrivée d’une équipe médicale et d’une sagefemme massant le dos douloureux de la future mère, Talpa expliquait sur internet : «L’agitation était plus grande que d’ordinaire à cette heure dans la villa Big Brother. Et pour cause ! Quelque chose de passionnant et de beau se prépare». On y montrait aussi la jeune femme, souffrante, au terme de sa grossesse, déclarant : «Joscelyn, sois gentille pour ta maman !». La naissance a eu lieu le mardi 19 octobre à 11 heures et 14 minutes. La chaîne commerciale Talpa a aussitôt fait entendre la première réaction de lamère: «Qu’elle est calme !» a-t-elle déclaré en parlant de sa fille. Talpa a aussitôt publié une photo du bébé et une autre de sa grand-mère Geesje, appelée sur le plateau comme nounou et qui a, quant à elle, déclaré non sans une certaine originalité : «C’est le plus beau bébé que j’ai jamais vu». Une flûte de champagne a alors été servie aux autres concurrents de l’émission pour célébrer cet événement. «La jeune femme a accouché derrière des paravents, assistée d’une équipe médicale. Un luxe de précaution dans un pays où la plupart des femmes accouchent à domicile, avec une sage-femme» croit bon d’ajouter l’Agence France-Presse.

AndyWarhol (né àMcKeesport, Pennsylvanie en 1928 et mort à New York en 1987) dont les images sont devenues emblématiques d’une histoire culturelle américaine, caractérisée par l’avènement du marketing de masse, de la télévision, de la communication électronique et de la commercialisation avait expliqué en substance que la télévision offrait à chacun la possibilité d’acquérir un instant une célébrité planétaire. En 1963, ce fabricant d’images déclarait : «Il est trop difficile de peindre. Les choses que je veux montrer sont mécaniques. Les machines ont moins de problèmes. J’aimerais être une machine, pas vous ?» Nous sommes en 2005.

Bienvenue dans la jungle des images et desmachines Joscelyn Savanna. Bienvenue aussi dans notre «1984» démocratique où le dictateur absolu et l’URSS (les deux hantises de George Orwell) ont disparu. Bienvenue dans cette «novlangue» véhiculée par les entreprises télévisuelles de spectacle et de «communication», support de la consommation de masse. «L’ignorance, c’est la force!» scandaient les foules fanatisées de «1984».En 2005, la «téléréalité» assure l’ignorance des foules tout en distillant l’obscénité. Lemot obscène est entré dans la langue française il y aura bientôt cinq siècles. Il est issu du latin obscenus qui ne signifie rien d’autre que «de mauvais augure».

Jean-Yves Nau

Auteurs

Jean-Yves Nau

jeanyves.nau@gmail.com

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