Sommaire du numéro
ISO 690 Balavoine, M., Quand la génétique s’amuse de la fatalité: une conférence de Boris Cyrulnik, Rev Med Suisse, 2005/057 (Vol.2), p. 756–756. DOI: 10.53738/REVMED.2006.2.57.0756 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2006/revue-medicale-suisse-57/quand-la-genetique-s-amuse-de-la-fatalite-une-conference-de-boris-cyrulnik
MLA Balavoine, M. Quand la génétique s’amuse de la fatalité: une conférence de Boris Cyrulnik, Rev Med Suisse, Vol. 2, no. 057, 2005, pp. 756–756.
APA Balavoine, M. (2005), Quand la génétique s’amuse de la fatalité: une conférence de Boris Cyrulnik, Rev Med Suisse, 2, no. 057, 756–756. https://doi.org/10.53738/REVMED.2006.2.57.0756
NLM Balavoine, M.Quand la génétique s’amuse de la fatalité: une conférence de Boris Cyrulnik. Rev Med Suisse. 2005; 2 (057): 756–756.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2006.2.57.0756
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compte rendu
15 mars 2006

Quand la génétique s’amuse de la fatalité: une conférence de Boris Cyrulnik

DOI: 10.53738/REVMED.2006.2.57.0756

Quand on lit un livre, on émet des hypothèses au fil de notre lecture sur ce qui va se passer. Umberto Ecco appelle ce genre de procédure des scénarii de mondes possibles. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi en tout cas, quand je lis «Génétique et Fatalité», ça me glace le sang. Mon monde possible est le suivant: on va me parler de quelque chose enfoui dans mon corps contre lequel je ne peux rien faire et qui détermine ce que je suis. Bref, j’en ai fini avec mon libre arbitre et mes désirs de réalisations personnelles, je suis une machine. Il ne reste plus qu’à espérer que le hasard ait bien fait les choses et qu’il m’ait muni du chromosome de l’intelligence et pas de celui du simplet. Voilà ce que me dit mon monde possible: toute ma personnalité s’explique simplement par le couple une cause (un gène) - un effet. Et d’emblée, cette théorie semble se vérifier: si vous invitez une célébrité à un gala, vous déclencherez inévitablement passion et enthousiasme parmi vos convives. C’est sûrement de cette manière qu’un généticien aurait décrit le phénomène qui se déroule devant mes yeux ce jeudi 26 janvier au CMU dans le cadre de la 7e Conférence annuelle de la fondation Louis-Jeantet de médecine. Boris Cyrulnik, mégastar du monde scientifique hexagonal, est venu parler de génétique et de fatalité. Résultat: une foule hétéroclite rit et applaudit. Une cause, un effet. Eh bien pour Boris Cyrulnik justement, cette représentation de la réalité est fausse. Ouf. Toute cause ne provoque pas le même effet chez tout le monde. A qui la faute? A l’histoire personnelle de chaque individu et au contexte dans lequel il se trouve. N’en déplaise à ceux qui croient encore trouver un chromosome qui engendrerait forcément l’homosexualité, l’homme n’est pas un automate programmé par des gènes. A la place du postulat une cause-un effet cher aux généticiens, Cyrulnik propose de ne pas dissocier l’homme du contexte dans lequel il vit et dans lequel il a vécu. Pour comprendre un individu, il faut considérer la transaction entre ce qu’est l’homme et ce qui est autour de lui.

ET ÇA COMMENCE TÔT ÉVIDEMMENT

Me voilà tranquillisé: une vision humaine du développement personnel. Malheureusement, ma joie est de courte durée. Comme bien souvent lorsqu’on parle de construction d’identité, de traumatismes et autres cheminements obscurs qui mènent à ce que je suis moi maintenant, on en vient à parler de la petite enfance, ces temps immémoriaux mais décisifs où le hasard s’est joué de nous. A 10-12 mois déjà, la génétique n’est plus seule à bord. C’est à cet âge, paraît-il, que la figure d’attachement joue un rôle considérable dans le développement neurologique de l’enfant. Selon le type de relation que le bébé noue avec sa figure d’attachement, son développement sera plus ou moins empathique. En ce qui me concerne, je ne m’en souviens pas, mais pour ceux pour qui ça se passe bien, le développement neurologique sera qualifié de «normal». Sécurisés par une figure d’attachement qui joue son rôle, ces chanceux partiront avec succès à la découverte du monde qui les entoure. Pour les autres, le développement neurologique sera plus ou moins autocentré.

Que nous apprend donc cette histoire de figure d’attachement? Que le comportement des parents et l’environnement de l’enfant interviennent dans les modifications génétiques. Prenons deux jumelles et imaginons le comportement d’une mère. Cette mère décide que la première de ces deux jumelles, disons Louise, est une rigolote parce qu’elle lui a fait une drôle de mimique la première fois qu’elle l’a vue. Du tac au tac, elle se dit: «en voilà une qui n’aura aucun problème dans la vie, elle se débrouillera.» L’autre jumelle, Elisabeth, lui semble par contre être une «douce» parce qu’elle a pleuré la première fois qu’elle l’a vue. «Avec elle», se dit alors la mère, «il faudra être attentive». Et voilà à quoi peut tenir le développement de deux enfants génétiquement semblables. Car plus tard, quand Louise sera confrontée à un problème, la mère se dira: «elle se débrouillera». Par contre, si Elisabeth rencontre des difficultés, elle lui demandera ce qui ne va pas et tâchera de l’aider. De l’attitude de la mère découlera deux enveloppes sensorielles différentes qui généreront des comportements distincts.

HÉRITAGE TRANSGÉNÉRATIONNEL: PAROLE ET BIOLOGIE

Si un comportement peut modifier un parcours génétique, le contraire est aussi vrai. Notre biologie et nos émotions modifient notre manière d’être et surtout notre manière de parler. Selon notre développement et notre histoire personnelle, notre façon de nous exprimer est différente. Ce phénomène est particulièrement frappant dans la littérature autobiographique. Entre l’écriture de Georges Perec, née d’une expérience traumatisante, et celle d’Elias Canetti, il y a tout un monde. Chez Canetti, on a affaire à un discours organisé. Chez Perec par contre, la ponctuation se fait plus rare, le discours est moins construit. La parole devient le vecteur de l’expérience traumatisante. Et c’est là toute la force des mots: il y a le «su», ce qu’on trouve dans le dictionnaire, et l’«insu», ce qu’on dit sans le savoir nous-mêmes. Et c’est à travers cet «insu» de la parole que le vécu individuel se transmet à la génération suivante. Un homme a une histoire et un développement personnel qui modifient sa biologie. La biologie de cet individu modifie alors sa manière de parler. Et à travers cette manière de parler et tout l’«insu» qu’elle implique, le vécu d’une personne sera hérité par sa progéniture. La boucle est bouclée.

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Peut-on pour autant parler de fatalité des mots? Sûrement pas. Car tout dépend du contexte. Un enfant qui a «raté» l’épisode de l’attachement sera sans cesse à la recherche de sécurité. Quand viendra le temps d’une vie stable, il sera épanoui. Son manque devient une force. Il n’y a pas de fatalité, car tout dépend de ce qu’on est et de ce qui est.

Auteurs

Michael Balavoine

Directeur de Médecine et Hygiène

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