JE M'ABONNE DÈS AUJOURD'HUI
et j'accède à plus de contenu
ISO 690 | Ortigue, S., Bianchi-Demicheli, F., Approche sociocognitive du désir sexuel, Rev Med Suisse, 2008/150 (Vol.4), p. 768–771. DOI: 10.53738/REVMED.2008.4.150.0768 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2008/revue-medicale-suisse-150/approche-sociocognitive-du-desir-sexuel |
---|---|
MLA | Ortigue, S., et al. Approche sociocognitive du désir sexuel, Rev Med Suisse, Vol. 4, no. 150, 2008, pp. 768–771. |
APA | Ortigue, S., Bianchi-Demicheli, F. (2008), Approche sociocognitive du désir sexuel, Rev Med Suisse, 4, no. 150, 768–771. https://doi.org/10.53738/REVMED.2008.4.150.0768 |
NLM | Ortigue, S., et al.Approche sociocognitive du désir sexuel. Rev Med Suisse. 2008; 4 (150): 768–771. |
DOI | https://doi.org/10.53738/REVMED.2008.4.150.0768 |
Exporter la citation | Zotero (.ris) EndNote (.enw) |
The ability to direct motivational feelings towards another person, and develop an intimate partner-relationship is important for social interaction, notably for sexual desire (SD). The recent discovery of a brain network for SD recruiting higher-order cognitive brain areas (angular gyrus), in addition to emotional limbic brain regions, suggests that SD is sustained by cognitive mechanisms, rather than by instinct only. Critically recent studies in social cognitive neuroscience support the interaction between SD and a self expansion model. The findings we report here are important theoretically and practically.
La capacité de manifester des sentiments envers autrui, et, en retour, de comprendre leurs désirs et intentions, est importante dans de nombreuses interactions sociales. Dans le cadre du désir sexuel, état motivationnel caractérisé, selon certains modèles, par une intention d’intégrer l’autre dans sa propre sphère, cette habilité sociale est cruciale. La récente découverte, en neurosciences, d’un système cérébral impliqué dans la compréhension des intentions sociales en lien avec la représentation des expériences personnelles passées ouvre de nouvelles frontières quant à la compréhension des mécanismes de désir dans son cadre quotidien ainsi que clinique.
L’être humain est par nature désir... désir de vie et de continuer à vivre.1 Le désir contient un dynamisme de vie et une énergie qui mettent le sujet désirant en mouvement vers l’extérieur de lui-même. D’ailleurs le sens étymologique du désir montre bien la mise en mouvement de l’être désirant (desiderare: de cesser ; siderare : sidérer ; ce qui signifie «cesser d’être figé et se mettre en marche»). Parmi les différents désirs humains, le désir sexuel (DS) constitue un des principaux mécanismes de vie. Le DS est un processus interpersonnel ayant des sources internes et externes qui sont régies par différents facteurs motivationnels qui, à leur tour, peuvent influencer le désir sur le plan personnel (éducation, culture, âge) et relationnel (relation conjugale).1-3 Nombreux suggèrent que le DS a joué un rôle phylogénétique crucial dans l’évolution de l’espèce humaine, notamment à travers l’évolution des relations intimes.1,4 En tant que comportement dirigé vers un but précis, le DS fait appel à certains mécanismes importants pour les relations sociales, comme la reproduction, la sélection de partenaire et la séduction. Le DS est un élan intérieur subjectif qui pousse une personne à amorcer ou à répondre à une expérience, une stimulation sexuelle dans le but de satisfaire un plaisir sexuel potentiel qui est sur le moment inatteignable.2,3 Qu’il soit spontané ou évoqué, le DS correspond à une augmentation de la fréquence et de l’intensité des pensées/fantasmes sexuels et du désir de l’acte sexuel, désir d’interagir avec l’autre.2-6 Le DS se caractérise et se singularise par de nombreuses et diverses manifestations (hétérosexualité, homosexualité, fétichisme, exhibitionnisme, sadisme, masochisme et bien d’autres formes). Cette diversité d’abord étonne, puis suscite l’intérêt de comprendre la source et l’explication de ces différentes tendances. Une approche phénoménologique du DS consiste alors en une tentative de décrire le désir tel qu’il apparaît en cherchant le sens plutôt que les causes. Cependant, le DS est phénoménologiquement difficile à mesurer de manière objective du fait de son caractère subjectif.2
Au cours des dernières années, l’intérêt grandissant pour les désordres sexuels humains et leurs traitements a créé un besoin en modèles animaux fiables de la sexualité humaine.5,7-10 La prévalence des troubles du DS serait de 10-51% dans de nombreux pays, et d’environ 40% à Genève selon les statistiques recensées sur la base des consultations enregistrées aux Hôpitaux universitaires en 2006. C’est donc une question à ne pas négliger. Cependant, la complexité du comportement sexuel humain, et notamment du DS,2,8 fait qu’il est conseillé de ne pas se restreindre au modèle réflexe animal. Pour comprendre le DS humain, ses déviances et troubles, l’attention doit s’éloigner de plus en plus des éléments réflexes de la réponse sexuelle pour s’intéresser à ses formes cognitives plus évoluées. Bien que le DS partage des mécanismes communs avec les mécanismes instinctifs d’excitation sexuelle, il s’en dissocie par sa complexité cognitive.2 Par exemple, le DS se caractérise par l’interaction entre trois composantes principales : 1) la pulsion instinctuelle ; 2) des croyances et attentes et 3) des motivations.
La pulsion instinctuelle se rapproche du comportement appétitif animal et de l’excitation, mais les deux autres composantes font appel à des mécanismes de haut niveau cognitif. La seconde composante reflète les attentes des individus en tant qu’objet désirant. La troisième composante correspond aux motivations psychologiques et cognitives qui peuvent engendrer des comportements et stratégies variés afin d’atteindre le but spécifique fixé. Le DS n’est donc pas seulement un mécanisme faisant uniquement appel à des pulsions instinctuelles, dites parfois réflexes, mais il est également un état sociocognitif motivationnel complexe.2 Afin de mieux appréhender le DS, ses déviances et ses troubles, une connaissance des mécanismes cognitifs auxquels le DS fait appel semble donc nécessaire.
Platon, Sartre et d’autres décrivaient l’être humain comme un être manquant de soi, qui cherche dans le désir de l’autre une façon de se compléter.11 Cette hypothèse est en ligne avec les modèles psychologiques actuels d’expansion du soi suggérant que toutes les étapes intenses de la vie sociale se font par des mécanismes motivationnels d’expansion du soi.12 L’image de soi est un concept complexe que beaucoup ont tenté de définir. Par exemple, William James (1890) définit le soi comme étant «la somme d’un tout incluant non seulement l’apparence physique (soi corporel) ou psychique (soi subjectif) mais aussi par exemple ses habits, sa maison (soi matériel), sa femme et ses enfants, ses ancêtres, et ses amis (soi social)».13 Selon les modèles d’expansion du soi, ce dernier serait un état en constante recherche d’expansion qui peut se faire grâce à l’intégration de l’autre, de ses qualités, de ses caractéristiques dans sa propre sphère personnelle.12,13 Selon ce modèle d’expansion du soi, le DS peut être déterminé par deux facteurs principaux : le degré d’expansion potentielle du soi et aussi la probabilité de réussite de l’expansion, cette dernière étant souvent reliée à la réussite d’engager une relation intime à long terme. Ces deux facteurs, appelés désidérabilité et probabilité,12 sont des composantes essentielles d’une relation intime comme le démontrent de nombreuses études en sociopsychologie. Par exemple, Byrne et coll. (1971) ont montré une tendance linéaire significative entre la ressemblance entre deux individus et leur attraction réciproque. Cependant, d’autres études ont également montré que les opposés s’attirent tant ils peuvent se compléter.13 Comme mentionné ci-dessus, les deux facteurs influençant l’attraction sont la désidérabilité, qui peut s’accroître avec la similarité comme avec la dissimilarité ; et la probabilité, qui s’accroît avec la similarité et se caractérise par un souhait de développer une relation intime durable.
Lors d’une relation intime, le modèle d’expansion du soi suggère que le soi et les autres se chevauchent cognitivement :14 en d’autres termes qui se ressemble en partie s’assemble. Selon le modèle d’expansion du soi, «les gens cherchent à étendre leur image de soi, pas seulement d’un point de vue physique et matériel (à travers la territorialité, les possessions), mais également en termes de complexité cognitive (connaissance) et d’identités corporelle et sociale».12 La question qui reste à résoudre est néanmoins la suivante : l’être humain désire-t-il pour étendre son image de soi ? Ou bien étend-il son image de soi parce qu’il désire ? Et dans ce cas, l’amour, autre source potentielle d’expansion de soi, est-il ou non positivement corrélé au désir ?
La signature neurobiologique du désir se caractérise par un jeu complexe entre différentes hormones sexuelles et aussi différents neurotransmetteurs connus pour être impliqués dans le système des émotions de base, du plaisir, de motivation et d’anticipation de la récompense.2,15 Etant donné que de nombreuses revues ont été écrites sur le sujet, nous ne les détaillerons pas ici.15 En ce qui concerne les réseaux cérébraux du DS, les études récentes en neuroimagerie faites chez des participants sans trouble du désir sexuel, montre que le DS recrute un réseau limbique (amygdale et hippocampe) comme nombre de comportements sexuels instinctuels, mais aussi un réseau plus cortical (pariétal, occipital, préfrontal médial, ventral et dorsolatéral, gyrus précentral, temporal inférieur, gyrus fusiforme).2 La diversité fonctionnelle de ce réseau cortical renforce le modèle poliphasique du DS en combinant des aspects autonomiques, émotionnels, motivationnels et cognitifs.2 Le désir cognitif peut être perçu comme un mécanisme indépendant des comportements appétitifs instinctuels, bien qu’ils partagent certaines ressources neuronales et notamment dopaminergiques. La coactivation d’aires cérébrales impliquées dans les mécanismes de récompense (médial orbitofrontal, insula, nucleus accumbens) avec des aires cérébrales impliquées dans la prise de décision sentimentale et la représentation mentale du soi (médial préfrontal, cortex ; par exemple : être honnête) renforce cette hypothèse.2 La phase cognitive du DS est donc elle-même composée de différents aspects allant de l’évaluation sexuelle des stimuli présentés à l’imagerie mentale de l’acte sexuel, des fonctions sociales comme la distinction entre le soi et autrui en passant par des mécanismes attentionnels. Cette conjecture est renforcée par de récents travaux en neuroimagerie qui ont montré une corrélation positive significative entre le DS et l’intensité de la passion pour un partenaire : plus les participantes sont passionnément amoureuses de leur partenaire, plus elles ont de DS pour cette même personne (coefficient de Pearson : r = 0,48 ; p = 0,008). De manière intéressante, plus les participants éprouvent du DS pour le partenaire, plus une activation cérébrale spécifique est observée au niveau du gyrus angulaire gauche (figure 1), une aire cérébrale impliquée dans les représentations abstraites comme la représentation du soi, ainsi que dans l’intensité de la passion amoureuse.
Ces résultats vont dans le sens du modèle d’expansion du soi qui suppose également que les lois de l’attraction sont toujours guidées par les renforcements positifs (sentiments amoureux) que l’on peut recevoir d’autrui. Bien que l’amour passionné ne soit pas un prérequis au désir, leur interaction est à prendre en considération pour des futures études cliniques. Cette hypothèse est en accord avec les travaux de Laumann et Johnson démontrant que les similarités s’attirent dans une relation intime. Par exemple, il a été demontré que l’être humain tend à s’engager dans une relation intime à long terme avec des personnes qui lui sont similaires en âge, sur un plan économique, social, politique et religieux ainsi que sur des traits de personnalité (corrélations de 0,30 à 0,80 selon le trait en question). Dans l’ensemble, ces résultats confirment que la représentation du DS fait appel à des mécanismes cognitifs complexes et pas seulement à des mécanismes purement instinctifs.13
Le développement grandissant des neurosciences socio-cognitives permet de considérer les comportements sexuels humains, et notamment le DS, non pas seulement comme un élément instinctif de la vie émotionnelle humaine et animale mais également comme un mécanisme cognitif qui serait lié, selon certains modèles, à l’extension de soi. Le DS dépend de plusieurs facteurs dont l’excitation instinctive, la motivation et des mécanismes cognitifs comme l’estime de soi, la représentation mentale de soi et l’habilité à intégrer l’autre en soi. Au niveau cérébral, ces mécanismes recrutent le système limbique mais aussi des aires cérébrales de plus haut niveau cognitif comme notamment le lobe préfrontal médian et le lobe pariétal inférieur. L’approfondissement des connaissances des fonctions cognitives associées au DS en termes d’extension de son identité cognitive, et notamment du rôle des expériences personnelles passées et présentes qui sont à la base de la représentation cognitive du soi, pourrait permettre de développer de nouvelles méthodes thérapeutiques intégrant à la fois les modèles de la fonction sexuelle et les modèles neurocomportementaux.
> Le développement d’une approche préclinique sociocognitive du désir sexuel permet de mieux appréhender le désir sexuel dans sa fonction, mais aussi dans ses troubles et déviances
> Le rôle crucial de la représentation cognitive du soi dans la réponse sexuelle permet de mieux comprendre la complexité du désir sexuel
> L’intégration de l’approche neuroscientifique dans la pratique clinique permet de concevoir les troubles du désir sexuel non plus seulement comme pouvant être dus à des facteurs psychologiques, socioculturels, hormonaux, mais aussi à des facteurs neuropsychologiques
Le produit a bien été ajouté au panier ! Vous pouvez continuer votre visite ou accéder au panier pour finaliser votre commande.
Veuillez entrer votre adresse email ci-dessous pour recevoir un lien de réinitialisation de mot de passe
Vous pouvez créer votre nouveau mot de passe ici
Certains de ces cookies sont essentiels, tandis que d'autres nous aident à améliorer votre expérience en vous fournissant des informations sur la manière dont le site est utilisé.
Les cookies nécessaires activent la fonctionnalité principale. Le site Web ne peut pas fonctionner correctement sans ces cookies et ne peut être désactivé qu'en modifiant les préférences de votre navigateur.
Ces cookies permettent d’obtenir des statistiques de fréquentation anonymes du site de la Revue Médicale Suisse afin d’optimiser son ergonomie, sa navigation et ses contenus. En désactivant ces cookies, nous ne pourrons pas analyser le trafic du site de la Revue Médicale Suisse
Ces cookies permettent à la Revue Médicale Suisse ou à ses partenaires de vous présenter les publicités les plus pertinentes et les plus adaptées à vos centres d’intérêt en fonction de votre navigation sur le site. En désactivant ces cookies, des publicités sans lien avec vos centres d’intérêt supposés vous seront proposées sur le site.
Ces cookies permettent d’interagir depuis le site de la Revue Médicale Suisse avec les modules sociaux et de partager les contenus du site avec d’autres personnes ou de les informer de votre consultation, lorsque vous cliquez sur les fonctionnalités de partage de Facebook et de Twitter, par exemple. En désactivant ces cookies, vous ne pourrez plus partager les articles de la Revue Médicale Suisse depuis le site de la Revue Médicale Suisse sur les réseaux sociaux.