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ISO 690 Major, K., Rochat, S., Büla, C., Clerc, O., Cavassini, M., Infection VIH et personnes âgées, Rev Med Suisse, 2011/316 (Vol.7), p. 2170–2175. DOI: 10.53738/REVMED.2011.7.316.2170 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2011/revue-medicale-suisse-316/infection-vih-et-personnes-agees
MLA Major, K., et al. Infection VIH et personnes âgées, Rev Med Suisse, Vol. 7, no. 316, 2011, pp. 2170–2175.
APA Major, K., Rochat, S., Büla, C., Clerc, O., Cavassini, M. (2011), Infection VIH et personnes âgées, Rev Med Suisse, 7, no. 316, 2170–2175. https://doi.org/10.53738/REVMED.2011.7.316.2170
NLM Major, K., et al.Infection VIH et personnes âgées. Rev Med Suisse. 2011; 7 (316): 2170–2175.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2011.7.316.2170
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Articles thématiques : gérontologie
9 novembre 2011

Infection VIH et personnes âgées

DOI: 10.53738/REVMED.2011.7.316.2170

HIV infection and the elderly

HIV infection is becoming a chronic disease, due to decreased mortality induced by the introduction of combined antiviral treatments. The HIV positive population is aging progressively. HIV infection in the elderly has certain specificities, including a late initial diagnosis, a less marked immune response to treatment and the potential association of multiple comorbidities associated with HIV infection and aging. These factors may affect the quality of life of elderly patients and ultimately lead to increased functional dependence. Screening and specific treatment of comorbidities associated with HIV and aging are particularly recommended.

Résumé

L’infection VIH est en voie de devenir une maladie chronique, suite à la baisse de la mortalité induite par l’introduction des traitements antiviraux combinés. On assiste à un vieillissement de la population séropositive. L’infection VIH chez les personnes âgées a certaines particularités, dont un diagnostic initial tardif, une réponse immunitaire moins marquée aux traitements et l’association potentielle de multiples comorbidités liées à l’infection VIH et au vieillissement. Ces facteurs peuvent altérer la qualité de vie des patients âgés et mener à terme à une dépendance fonctionnelle accrue. Un dépistage et une prise en charge spécifique des comorbidités liées au VIH et au vieillissement sont donc particulièrement recommandés.

Introduction

La baisse de la mortalité liée à l’infection VIH, depuis l’introduction des thérapies antirétrovirales combinées, se traduit par une augmentation de l’espérance de vie et un vieillissement de la population séropositive. Ces patients présentent, de manière précoce, des comorbidités et des complications que l’on rencontre habituellement chez des patients plus âgés, traduisant le concept de vieillissement prématuré fréquemment évoqué.1 Cet article aborde quelques spécificités de l’infection VIH chez les personnes âgées.

Epidémiologie

En 2010, dans la cohorte VIH suisse, 31% des patients étaient âgés de plus de 50 ans (figure 1). Ces personnes sont surreprésentées en ce qui concerne les cas de sida déclarés (figures 2 et 3). Cette proportion de patients âgés augmente chaque année en raison, comme déjà mentionné, de l’effet combiné d’une baisse de mortalité et d’une augmentation de nouveaux cas âgés. Cette évolution devrait encore s’accélérer dans les prochaines années.

Figure 1

Age des patients suivis dans la SHCS (Swiss HIV Cohort Study), 1986-2010

Adaptation de la figure de la SHCS, 05/2011 (www.shcs.ch/33-graph-shcs).

Figure 2

Nouveaux cas d’infection VIH en Suisse

Figure 3

Nouveaux cas de sida en Suisse

Quelques problèmes spécifiques liés à l’infection VIH chez les patients âgés

Retard diagnostique

Le diagnostic d’une infection VIH se fait plus tardivement chez les patients plus âgés.2 Si l’infection VIH est insuffisamment évoquée et recherchée chez les adultes jeunes, la situation est encore moins bonne chez les âgés, souvent considérés comme n’étant plus à risque. Pourtant, 71% des hommes et 51% des femmes de plus de 60 ans rapportent avoir encore des rapports sexuels réguliers dans certaines études.3 Ces personnes sont moins bien informées sur les risques de transmission du virus et intègrent moins les messages de prévention, qui ne les ciblent d’ailleurs pas. Les personnes âgées, elles-mêmes, ne se considèrent pas à risque et le préservatif est moins utilisé, car souvent perçu comme un simple moyen de contraception. Des signes cliniques évocateurs (signes de primo-infection, cachexie, encéphalopathie, démence) sont souvent attribués à d’autres maladies plus fréquentes dans cette classe d’âges. Il en résulte que les patients âgés sont souvent dépistés à un stade plus avancé de la maladie.

L’OFSP (Office fédéral de la santé publique) a édité des recommandations en 2010 concernant le dépistage du VIH chez les patients adultes,4 mais ces recommandations n’ont pas encore été adaptées spécifiquement aux personnes âgées.

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Evolution

Avant l’apparition des traitements antirétroviraux, les personnes âgées VIH+ évoluaient en général vers un stade sida plus rapidement que les jeunes adultes, avec une chute plus marquée des taux de CD4 et une mortalité accrue. Actuellement, lorsqu’un traitement antirétroviral efficace est débuté, la réponse virologique est en général meilleure que chez les jeunes, la virémie devenant même indétectable plus rapidement, le plus probablement en raison d’une meilleure adhérence au traitement. Malgré cette évolution initialement favorable, la réponse immunitaire reste tout de même de moins bonne qualité. La reconstitution immunitaire est retardée et les taux de CD4 remontent plus lentement avec des valeurs maximales moins élevées.5 Un diagnostic précoce, avant la survenue d’une immunosuppression importante, est donc particulièrement capital dans cette catégorie d’âges.

Difficultés de traitement

Il n’y a pas actuellement de recommandations spécifiques pour les traitements antirétroviraux chez les patients âgés, aucun n’ayant été testé spécifiquement dans cette population. Cependant, certaines recommandations internationales récentes 6 proposent d’introduire un traitement pour tout patient infecté de plus de 60 ans, indépendamment du taux de CD4. A cet âge, le rapport bénéfice-risque d’un traitement précoce semble rester favorable, même si les personnes âgées étaient peu représentées dans les études de ces médicaments.

D’autres difficultés résultent des altérations pharmacodynamiques et – cinétiques, entraînant des risques accrus d’accumulation et de toxicité. En particulier, les traitements doivent être adaptés en cas d’altération des fonctions hépatiques et rénales, idéalement à l’aide du dosage sérique des antirétroviraux lorsqu’il est possible.

Finalement, le problème de polymédication est, comme chez beaucoup d’autres patients âgés, source d’erreur de prise, de mauvaise adhérence et d’interactions potentielles. Si la prise d’un traitement antirétroviral s’est nettement simplifiée avec la mise à disposition d’un comprimé unique pris une fois par jour (emtricitabine/ténofovir/efavirenz, Atripla), il s’agit toujours d’un traitement à base de trois molécules différentes comportant des risques d’interactions importants.7 Avant l’introduction de toute nouvelle médication, il faut s’assurer de l’absence d’interaction significative avec la trithérapie, en se référant au médecin infectiologue qui suit le patient ou à l’aide d’un logiciel de contrôle des interactions (par exemple : www.hiv-druginteractions.org, disponible librement).

Comorbidités

Les personnes âgées séropositives présentent globalement plus de comorbidités que celles du même âge séronégatives. Certaines pathologies habituellement associées à l’âge apparaissent ainsi plus précocement chez les séropositifs (concept de vieillissement prématuré).1 Chez les adultes séropositifs, on observe une prévalence plus élevée de maladies cardiovasculaires dont l’origine est multifactorielle, liées probablement à l’effet athérogène du VIH non traité (considéré comme aussi important que celui du diabète ou du tabac),8 aux effets secondaires de certains antirétroviraux, ainsi qu’à certains facteurs de risque traditionnels (en particulier tabac) plus prévalents dans cette population. Par ailleurs, si les cas de cancer directement liés au VIH (sarcome de Kaposi, lymphome cérébral, lymphome malin non Hodgkinien, cancer du col de l’utérus) sont en baisse depuis l’introduction des traitements combinés,9 certains cancers a priori non liés au sida (poumon et anal notamment) restent par contre plus fréquents chez les séropositifs.10

L’infection VIH peut aussi avoir un impact direct sur certains problèmes typiquement rencontrés chez les patients âgés. Troubles cognitifs, de l’humeur, ostéoporose, dénutrition et dépendance fonctionnelle devraient en particulier être dépistés systématiquement et pris en charge spécifiquement chez tout patient âgé séropositif.

Troubles cognitifs

Chez les patients âgés séropositifs, le VIH peut provoquer un large spectre d’atteintes cognitives, y compris précoces, même chez des patients efficacement traités.

Une étude réalisée dans l’arc lémanique chez des patients VIH+ adultes (âge moyen 47,5 ans) avec virémie indétectable, a estimé la prévalence de plaintes cognitives à 27% et parmi ceux-ci, 60% avaient des troubles cognitifs modérés ou une démence liés au VIH.11 Les atteintes neuropsychologiques rencontrées sont diverses, allant d’un simple ralentissement à des atteintes plus diffuses attentionnelles, dysexécutives et mnésiques. En fonction de la sévérité de ces atteintes et de leurs répercussions dans les activités habituelles de la vie quotidienne,12 on distingue le déficit neurocognitif asymptomatique, le trouble neurocognitif mineur et la démence associée au VIH.

Le dépistage par Minimal mental statement (MMS) est relativement peu utile pour les troubles cognitifs des patients VIH+ car il est peu sensible aux atteintes dysexécutives. L’outil de dépistage recommandé est le HIV Dementia Scale.13 Un examen neuropsychologique et un diagnostic pluridisciplinaire, comme proposé par la nouvelle plateforme Neuro-VIH au CHUV, s’avère très utile pour préciser le diagnostic et la proposition thérapeutique.

La présence de troubles cognitifs peut avoir un impact négatif sur l’adhésion médicamenteuse, nécessitant la mise en place d’une supervision de la prise des médicaments par les proches ou les professionnels des soins à domicile.

Etant donné le rôle déterminant de l’âge dans la survenue des démences et le vieillissement de la population des séropositifs, on peut s’attendre à une augmentation importante dans le futur des cas de démence chez ces patients.

Rappelons enfin que les dernières recommandations de l’OFSP en termes de dépistage VIH 4 recommandent d’effectuer ce test en cas de démence. Le consensus sur le diagnostic et la prise en charge des démences14 formule que ce test peut être effectué en cas de démence. Chez le patient en âge gériatrique (> 75 ans), le sujet du dépistage systématique a fait l’objet d’un vif débat entre les auteurs du présent article. Alors que les infectiologues préconisent de réaliser un dépistage VIH systématique, même à un âge avancé, les gériatres retiennent une indication en fonction des facteurs de risque individuels et de la présentation de la démence.

Troubles de l’humeur

Comparés aux séronégatifs, les patients adultes séropositifs ont un risque environ cinq fois plus élevé de présenter des troubles dépressifs. Chez les patients VIH+, les troubles dépressifs ont été associés à un risque accru d’isolement social, de déclin cognitif et fonctionnel, ainsi que de suicide. Les personnes séropositives âgées semblent tout particulièrement à risque, devant faire face à la fois aux problèmes spécifiques liés au VIH (traitement, parfois rejet social), ainsi qu’aux difficultés associées habituellement au vieillissement.15 Les troubles dépressifs semblent également affecter directement la progression de l’infection VIH (diminution des taux de CD4, augmentation de la charge virale et mortalité accrue), principalement en raison d’un impact défavorable sur l’adhérence au traitement.

Ostéoporose

Comparés aux séronégatifs d’âge similaire, les patients séropositifs traités présentent une baisse de leur densité osseuse et un risque fracturaire augmenté.16 Cette baisse de la densité osseuse, encore mal comprise, est multifactorielle, liée à l’infection elle-même et à certains facteurs de risque plus fréquents chez les séropositifs (sédentarité, hypogonadisme, carence en vitamine D, abus de tabac et d’alcool notamment).17 L’impact des antirétroviraux est aussi probablement défavorable, en particulier initialement. En complément du dépistage et du traitement systématiques de l’ostéoporose chez les patients âgés séropositifs, il faut également associer des interventions précoces de prévention des chutes, pour avoir un effet global sur le risque de fracture.

Nutrition

De multiples facteurs expliquent un risque accru de dénutrition chez les personnes âgées (baisse de l’appétit, apports caloriques insuffisants, comorbidités somatiques et psychiatriques). Dans le contexte de l’infection VIH, il est particulièrement important de reconnaître et prendre en charge les problèmes nutritionnels. La dénutrition entraîne en effet, une diminution de l’efficacité du système immunitaire qui vient s’ajouter à l’immunodéficience provoquée par le VIH. Dans ce contexte, la perte de poids est associée à un risque accru de mortalité (jusqu’à 2,5 fois pour une perte de poids de 5% du poids de forme chez les adultes VIH+).18

Dépendance fonctionnelle et isolement social

Le VIH et les comorbidités qui y sont liées mettent les patients âgés séropositifs à risque accru de dépendance fonctionnelle. Des interventions permettant de prévenir ou de ralentir le déclin fonctionnel (activité physique, interventions de réadaptation), devraient être proposées aux patients les plus fragiles. De plus, en raison de préjugés toujours existants dans la société, les séropositifs se retrouvent souvent isolés socialement, avec un accès limité au soutien par les proches. Ils sont donc susceptibles de devoir recourir précocement à l’aide des soins à domicile ou de devoir aller vivre en institutions de long séjour. Ainsi, une formation spécifique concernant le VIH est désormais disponible aux collaborateurs des EMS vaudois (mise en place par la consultation de Médecine 2 du CHUV et l’Association lausannoise pour la santé et le maintien à domicile) afin de les familiariser avec les principes de prise en charge des patients séropositifs.

Conclusion

L’infection VIH a évolué d’une maladie uniformément fatale vers une maladie chronique, l’espérance de vie des patients s’approchant de la norme. La qualité de vie des patients dépend d’un diagnostic précoce, d’un traitement bien conduit et de la prise en charge adéquate des comorbidités. A l’avenir, les patients âgés VIH+ seront de plus en plus nombreux et nécessiteront une prise en charge adaptée et multidisciplinaire qui devrait idéalement associer médecin de premier recours, infectiologue et gériatre.

Implications pratiques

> L’infection VIH est insuffisamment évoquée et recherchée chez les personnes âgées

> Les risques de polymédications, d’interactions médicamenteuses et d’effets secondaires des traitements antirétroviraux combinés restent importants malgré la simplification de ces traitements

> L’infection VIH a un impact direct sur certains problèmes typiquement rencontrés chez les patients âgés (troubles cognitifs, de l’humeur, ostéoporose, dénutrition, et dépendance fonctionnelle)

> L’association de l’infection VIH, du vieillissement et des comorbidités qui en découlent peut altérer la qualité de vie des patients âgés et mener à une dépendance fonctionnelle accrue

Auteurs

Kristof Major

Service de gériatrie et réadaptation gériatrique, Centre hospitalier universitaire vaudois
1011 Lausanne
kristof.major@chuv.ch

Stéphane Rochat

Service de gériatrie et réadaptation gériatrique Département de médecine
CHUV, 1011 Lausanne
stephane.rochat@chuv.ch

Christophe Büla

Gériatre FMH, chef du Service de gériatrie et réa-daptation gériatrique, Centre hospitalier universitaire vaudois, Lausanne, Suisse, professeur de gériatrie à l’Université de Lausanne
,
Suisse

Olivier Clerc

Service de médecine interne, Réseau hospitalier neuchâtelois
2000 Neuchâtel
olivier.clerc@rhne.ch

Service des maladies infectieuses, Réseau hospitalier neuchâtelois
2000 Neuchâtel
olivier.clerc@rhne.ch

Matthias Cavassini

Service des maladies infectieuses, Centre hospitalier universitaire vaudois
1011 Lausanne
matthias.cavassini@chuv.ch

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